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Réalisme/Historique
dowvid : Les avions [concours]
 Publié le 20/03/14  -  9 commentaires  -  11229 caractères  -  66 lectures    Autres textes du même auteur

La guerre, c'est toujours ailleurs.


Les avions [concours]


Ce texte est une participation au concours n°17 : On connait la chanson ! (informations sur ce concours).




Trop de bruit ! Il y a toujours trop de bruit quand les avions survolent sa bourgade. Il a beau se boucher les oreilles, fermer les yeux, arrêter de respirer, rien n'y fait. Le petit Akim n'y peut rien. Il est trop petit, trop insignifiant. On ne prête pas attention à ses cris, à ses supplications. Il y a des hommes là-bas qui l'ignorent.

Il y a trop de métal brûlant qui tombe de ces avions, trop de débris dans les rues. Trop d'odeurs aussi, après. Des odeurs de peur, des odeurs de merde, des odeurs de mort. Akim se bouche le nez, il essaie de ne pas voir les traces rouges qui tournent vite au brun sale, les cicatrices sur les murs des maisons encore debout, les autres comme lui qui errent dans les rues explosées en cherchant leurs parents, ou un enfant, ou une tante.

Il doit trouver un abri. Parce que sa maison a été détruite pendant cette attaque. Ils doivent se loger quelque part, lui, sa mère et ses sœurs. Son père, il y a longtemps qu'il est parti. Plus aucune nouvelle de lui, les communications ne sont pas très faciles dans son pays de désert et de rocs.

Un refuge, il en trouvera un, c'est certain. Beaucoup de gens sont morts depuis les dernières attaques. Il suffira de trouver une maison encore debout mais abandonnée. Et la vider de ses cadavres, peut-être. À cause de l'odeur. C'est sa tâche à lui de trouver un logis. À neuf ans seulement, il connaît déjà ses responsabilités. Sa mère et ses jeunes sœurs sont à la recherche de ce qu'il faut pour préparer les repas. Pas toujours facile, certains marchands ont explosé avec leurs marchandises. Mais il y a toujours quelqu'un pour prendre le relais. Elles trouveront, il en est convaincu.

Il arpente son quartier en ruines, évitant ici et là un cadavre oublié, un amas de gravats provenant d'un mur n'ayant pu supporter la solitude, un cratère béant provoqué par une bombe imprécise. Il croise des amis tout aussi ahuris que lui, des vieillards qui pleurent, des gens qui vocifèrent. D'autres courbent le dos et vont çà et là à travers les débris, récupérant ce qui peut l'être.

Il marche longtemps. Il connaît bien le chemin principal, bien que sa petite ville soit en constant changement depuis que ces avions-jouets ont largué leurs feux d'artifice mortels. La première fois qu'ils sont apparus, tout le monde regardait ces drôles de petits machins sans pilote qui planaient au-dessus des rues et des maisons. C'était tellement incroyable à voir, on aurait dit des jouets merveilleux inventés par un lutin farceur et ingénieux. Aux premières rafales, les gens étaient d'abord restés estomaqués, puis s'étaient enfuis à toutes jambes. Du moins ceux qui le pouvaient encore. Puis les gros avions étaient passés, une fois, deux fois.

Devant lui un édifice cubique dresse ses trois étages de briques et de terre séchée. Il semble en bon état malgré quelques impacts de mitrailles sur la façade. Par les ouvertures béantes, Akim peut voir qu'il est occupé par plusieurs familles regroupées. Il veut quand même vérifier s'il ne resterait pas une place libre, quelques mètres carrés pour la sienne. Il pénètre dans la cour intérieure. Quelques vêtements sèchent sur des filins accrochés un peu n'importe comment. Il entend des bébés qui pleurent. Un grand escalier de pierre donne accès aux étages. Akim le prend et voit bien vite que tous les logements sont occupés. Au dernier étage, une vieille femme à la bouche édentée lui sourit et l'invite à entrer. Elle est assise en tailleur sur un vieux tapis rouge délavé et poussiéreux. Son logis est petit, mais suffisamment grand pour sa famille. Elle est seule et vieille. Elle mange à même une écuelle de métal une espèce de pâte de riz assaisonnée. Il sourit à son tour et s'installe face à la vieille. Sa peau toute ridée, tannée par le soleil dur, est parsemée de cicatrices fraîches. Elle lui fait signe de manger avec elle. Il plonge avec bonheur sa main dans la pâte savoureuse qu'il avale en se délectant. Il en prend quelques bouchées puis remercie la vieille avec maints sourires et hochements de tête. Il a enfin trouvé un abri. La vieille femme a besoin de compagnie. Ses jambes peinent à monter les étages avec un chargement d'eau, de fruits, de noix. Il pourra faire les commissions pour elle.

Il monte sur le toit pour bien s'orienter. Il peut voir au loin la route qui mène à l'arche d'entrée de la ville, serpentant parmi les rochers. Il aperçoit plusieurs autres maisons encore debout et solides, avec des gens autour. Son bâtiment est le plus haut de la place avec ses trois étages. Il lui permet d'avoir une bonne vue panoramique. Mais la journée avance et il doit aller retrouver ses sœurs et sa mère pour les conduire au nouvel abri.

*******

Albert est assis devant la télé. À peine dix ans, et il est bombardé depuis son jeune âge de publicités ravageuses, d'émissions débilitantes et d'informations criblées au filtre de la pensée dominante. Maman est à la cuisine. Elle réchauffe un repas surgelé, le temps que papa rentre de l'usine. Sur l'écran, des images musclées défilent devant les yeux du gamin : Irak, Afghanistan, Birmanie, Palestine, Somalie, Mali. C'est le temps de la leçon sur les affaires étrangères. Petit cours de géographie : dans quelle région du pays se situe le village qui vient d'être rasé par les Forces Unies Intercontinentales ? Petit cours de démographie : combien y avait-il d'habitants avant les attaques massives qui y ont eu lieu ? Petit cours d'histoire et d'économie : pourquoi son pays y intervient-il ? Quels sont les enjeux ? L'image s'attarde sur des soldats qui envahissent un bourg isolé dont les maisons ressemblent à des cubes de terre cuite. Albert regarde.

*******

Le soleil est généreux dans son coin de pays. Les nuits peuvent être fraîches, mais les journées sont souvent torrides. La poussière de la route et des ruelles se mêle à celle des gravats et envahit les maisons, les boutiques, les cheveux. Les gens la balaient inlassablement, ça fait partie de la vie, comme la recherche de nourriture et l'approvisionnement en eau tirée du puits. Plusieurs jours qu'aucun avion n'est venu assombrir la vie des habitants. Là où c'est possible, des murs ont été redressés, des boutiques ont rouvert leurs portes, les détritus ont été empilés dans un coin. La vie reprend ses droits. Pas tellement le choix dans ce pays ravagé. La vie et la mort y sont intimement liées, comme des jumelles siamoises.

Dans les cours et dans les rues, des enfants jouent. D'autres travaillent. Des femmes cuisinent, lavent ou flânent en jacassant entre elles. Il ne reste que quelques hommes, les plus âgés et les impotents, ceux qui ont perdu un bras, une jambe ou d'autres parts d'eux-mêmes en marchant inconsidérément sur une mine antipersonnel. On en trouve surtout dans les prés qui ceinturent la ville, là où autrefois on battait le blé. Maintenant le fer bat les hommes. Ceux qui sont encore valides ont rejoint la grande ville pour y travailler, ou pour s'engager dans la guérilla ou dans la milice.

Akim est assis sur le toit de sa nouvelle demeure. Il y passe tout le temps qu'il peut. C'est son endroit préféré. Le coup d'œil sur les environs y est magnifique. Le ciel bleu, les nuages vaporeux, la lumière du jour, les montagnes au loin, les taches de vert et de jaune des prés tout proches, tout lui semble irréel. Comme si le temps s'offrait une pause magique entre deux orages. Comme si les avions n'étaient jamais passés au-dessus de chez lui.

Là-bas au loin, un nuage de poussière avance. Comme une tempête se faufilant entre les rochers disséminés dans le désert, un brouillard mordoré approche. Au travers, des éclats brillants comme des explosions de lumière. Akim l'observe. Du métal, des pare-brise qui reflètent le soleil. Un grondement sourd et confus d'abord, puis une plainte lancinante de caoutchouc torturé par la chaleur. Le vrombissement de moteurs lancés à vive allure. Il distingue mal à cause de cette poussière. Il plisse les yeux. Ça s'avance, ça vient vers sa ville. Akim ouvre grand les yeux puis descend l'escalier en courant et en criant.

L'attente est longue. Tout le monde s'est réfugié à l'intérieur des maisons. Certains se sont cachés dans des trous aménagés dans le sol. Le silence est pesant. Et tout à coup, le bruit devient encore plus lourd.

Le crachotement des fusils, des mitrailleuses, des calibres de toutes sortes. Des bruits d'explosion, secs, condensés. Akim entend la différence. Les bombes des avions font un vacarme gigantesque, assourdissant, fracassant. Celui-ci est léger. Il se bouche les oreilles et ça devient presque tolérable. Les cris des gens le sont moins. De grands cris affolés, ou alors des chants de supplication, des pleurs d'enfants, des ordres rauques dans une langue étrangère. Sa mère pleure. Ses sœurs pleurent, accrochées à leur mère. Lui, il pleure aussi mais seul dans un coin sombre, hors de vue. La vieille est assise sur son tapis et semble indifférente à ce qui l'entoure.

Le vacarme approche. Arrêtera-t-il un jour ? La vieille femme chante une mélopée plaintive, une prière.

Des bruits dans la cour. Des bottes qui frappent le sol comme sa mère battait la récolte quand il était tout jeune, avant que les troubles n'atteignent son coin de pays. Des cris, des sons mats quand les balles lacèrent la peau humaine, déchirent les tissus et les murs. Des pleurs, des plaintes. Des femmes crient, des hommes rient. La lumière de l'entrée est assombrie par une ombre massive, puis deux, puis trois. On s'empare de sa mère. Ses sœurs s'y accrochent. On déchire les vêtements. On frappe les petites. Sa mère devient un butin de guerre que se partagent trois hommes bestiaux. Puis on lui loge une balle dans la tête. Comme à ses sœurs. Lui, il est invisible. Les hommes ressortent du logement. La vieille femme chante encore. Les bruits s'éloignent. Akim ne voit plus, n'entend plus, ne sent plus. Il erre dans sa tête.

Les clameurs s'en sont allées, accompagnées du nuage ocre et des odeurs de caoutchouc chauffé. Dans la petite bourgade, la poussière est grise et sent le soufre, le métal, le sang. Akim se relève. La vieille pleure. Le bâtiment a survécu. L'abri est encore solide. Il faudra nettoyer, débarrasser les corps morts, aller puiser de l'eau. Sa mère, ses sœurs, comme des pantins désarticulés.

Akim relève la tête. Ses yeux rougis par la poussière, par la peur, par les larmes, deviendront bientôt couleur kaki. Comme les habits qu'il endossera.

********

– Dis donc chéri, tu crois pas qu'Albert est un peu jeune pour voir toutes ces images de guerre ? Il me semble que les informations sont un peu trop spectaculaires pour lui, non ? Les enfants sont fragiles, pas besoin de leur apprendre comment on tue les gens là-bas, il me semble.

– Tu t'en fais trop, Michou. De toutes façons, il l'apprendra bien assez vite. Allez, remets les infos. Je ne veux pas rater les nouvelles du sport.



Auteur-compositeur : Sarclo. CD : « Des tendresses et des cochoncetés ».


 
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   costic   
6/3/2014
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J’ai bien aimé la construction de la nouvelle qui comme dans Manhattan-Kaboul de Renaud, met deux mondes en parallèle. Ces tranches de vie quotidienne soulignent parfaitement l’immense fossé qui les sépare. L’écriture me semble assez descriptive mais traduit bien la violence des faits, sans pathos. Un petit bémol pour : « Ses yeux rougis par la poussière, par la peur, par les larmes, deviendront bientôt couleur kaki. Comme les habits qu'il endossera. » L’évocation de la couleur des yeux pour traduire l’effet de cette guerre qui entraine une vengeance inéluctable et éternelle me parait un peu « fabriqué » un peu stratagème littéraire qui enlève de la crédibilité et du naturel à l’ensemble.

   Palimpseste   
9/3/2014
 a aimé ce texte 
Un peu
Je n'ai pas reconnu de chanson, mais je n'en connais pas beaucoup.

Côté écriture, pas grand chose à dire: c'est net et précis, bien qu'assez convenu.

Sur l'histoire, c'est complètement caricatural, mais je suppose que ça suis le cours de la chanson. Il manque une histoire :-(

   Bidis   
20/3/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Je trouve excellente l'idée de mettre en parallèle deux enfants dont l'un subit la guerre et l'autre la regarde à la télévision en toute inconscience de la réalité.
Dommage que l’écriture, bien imagée pourtant, ne soit pas plus travaillée. Je ne donne que quelques exemples où il suffisait de très peu de choses pour rendre le texte encore plus vivant.
- « Il y a trop de métal brûlant qui tombe » : Le faible « il y a » pourrait être facilement évité.
- « Akim ouvre grand les yeux puis descend l'escalier en courant et en criant. » : Ce serait peut-être plus fort d’écrire : « Akim ouvre grand les yeux puis dévale l'escalier. Il court, il crie… »
- « Le crachotement des fusils, des mitrailleuses, des calibres de toutes sortes. Des bruits d'explosion, secs, condensés. » : Les articles déforcent l’image. (« Crachotement des fusils, mitrailleuses, calibres de toutes sortes. Bruits d'explosion, secs, condensés. »)
Je n'ai aucune idée de ce que peut être la chanson et je serais curieuse de la connaître.

   senglar   
22/3/2014
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonsoir Dowvid,


J'aurais écrit :"La guerre c'est toujours !" en incipit tant il est vrai qu'une guerre naît tandis qu'une autre meurt.

J'ai l'impression que vous décrivez la guerre qui se déroule en Syrie dans cette nouvelle. Je n'avais pas conscience de l'utilisation de drones.

Le pays d'Albert est-il le Canada, échantillon d'Occident ?

Le texte est terrible, extrême. Les tueurs n'y sont pas seulement des tueurs aveugles, ce sont des rebuts de l'humanité.

Je n'ai pas reconnu la chanson. Il y a ici de l'Apocalypse (now ?) sans napalm, la terre de ce pays est déjà brûlée. On est dans le chant de guerre ou la mélopée religieuse. "Celui qui n'a jamais connu la guerre n'a pas connu Dieu."(Je reprends ça à un bouquin de Tim Willocks.) J'espère enfin que vous n'avez pas convoqué le pacifique Prévert...

Comment noter un texte pareil ? Je dois prendre sur moi.


brabant

   Pepito   
21/3/2014
Bonjour Dowvid,

Forme : attention au "trop" de mots, expl :
"À neuf ans seulement, il connaît déjà ses responsabilités." le "seulement" diminue l'effet de la phrase plutôt que de le renforcer.
"jumelles siamoises" pourquoi pas plutôt "une paire de deux jumelles siamoises" ;=)
"Il erre dans sa tête." oups
"d'informations criblées au filtre de la pensée dominante." celle là fait un peu pamphlet LCR, rien contre le fond mais la forme, hummm.

"Plusieurs jours qu'aucun avion n'est venu assombrir la vie des habitants." jolie image dans le contexte.
...

Fond : il est évidemment louable, attention à ne pas trop faire dans la surabondance de détails scabreux. Cela décourage le quidam.

"Petit cours d'histoire et d'économie : pourquoi son pays y intervient-il ? Quels sont les enjeux ? " à la télévision ? Là il faut arrêter l'herbe qui fait rire, c'est pas demain la veille que l'on va voir passer une telle émission ;=)

"Je ne veux pas rater les nouvelles du sport." haaa, enfin, voilà une télé réaliste. ;=(

Merci, Dovwid, pour la piqûre de rappel.

Pepito

   jaimme   
22/3/2014
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonjour Dowvid,
Je comprends tout à fait que tu sois sensible à la distance incroyable qui existe entre la vie de ceux qui subissent la guerre et celle de ceux qui, comme nous, la regardent aux informations. J'y suis aussi très sensible. Donc bravo pour le thème retenu. J'aime particulièrement cette dénonciation, jamais assez répétée, de la forme choisie par les media pour nous informer de tout ça, entre pub de parfum et infos du sport. J'aime aussi qu'on relève cette difficulté que nous avons à construire l'information auprès de nos enfants entre désir de les éloigner des horreurs et nécessité de prise de conscience.
Donc le thème oui. La mise en parallèle est une excellente idée.
Pour la forme je suis un peu plus réservé, sans pour autant la rejeter. Je pense seulement qu'elle mériterait un peu plus d'originalité et du travail de peaufinage. Ainsi l'abus de "il" dans la première partie m'a gêné dans ma lecture. Et, vue la longueur du texte, je trouve que la description de son quotidien prend trop de place et tombe dans l'anecdotique. Je pense qu'il aurait fallu quelque chose de plus marquant que ses rapports avec la vieille femme.
Plus loin j'ai relevé l'expression "pensée dominante": même si je suis d'accord j'ai trouvé son introduction trop abrupte, j'aurais mieux aimé quelque chose de plus subtil, là on assène plutôt qu'on fait découvrir.
Le temps de la leçon, pour le second enfant: qui fait cette leçon, je ne comprends pas bien. La télé, un prof?
Vers la fin, la mère se plaint que les infos sont trop "spectaculaires". Même si c'est parfaitement vrai, les infos sont de plus en plus spectacle, ne veut-elle pas dire ici trop "violentes"?
Voila quelques pistes qui, j'espère, pourront t'être utiles.
Merci pour cette lecture!

Jaimme

   fergas   
30/3/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Dowvid,

La guerre est là depuis que le monde est monde. Elle n’est pas prête à nous foutre la paix.

Les deux enfants de votre récit la subissent chacun à leur façon, Akim ans la réalité de la mitraille, et Albert dans la virtualité de la télévision. Comme nous, ils sont tous deux les jouets des évènements : on pourrait aisément remplacer Akim par Albert et vice-versa. Il suffirait de changer quelques hommes au sommet (politiciens, philosophes, religieux… choisissez) pour inverser la situation.

Votre récit est crû, obscène dans la violence qu’il dépeint, mais combien crédible. Peut-être les médias, dans leur prétendue volonté de « ne pas choquer les enfants », sont-ils responsables de la reproduction infinie de ces situations dramatiques. « Nous vous conseillons d’éloigner les enfants pour voir le reportage qui va suivre » : quelle hypocrisie, quelle absence de discernement. Bien au contraire, montrez-leur tous les horribles détails des actes des adultes. Cacher n’est pas protéger.

J’ai moi aussi, comme les autres commentateurs, relevé quelques imperfections dans votre écriture. Mais qu’importe, je donne une bonne note pour le message et pour son exemplarité.

Fergas

   Acratopege   
30/3/2014
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Une écriture simple et efficace, une construction qui donne de la vie à ce récit de mort. Le parallèle entre les deux enfants est un peu caricatural, mais au fond réaliste. Il a l'avantage de donner au lecteur la possibilité de s'identifier en voyeur un peu troublé devant le défilement de toutes ces images de guerre. La chanson, je n'ai même pas cherché à la reconnaître en lisant.

   Ninjavert   
2/4/2014
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Bonjour Dowvid,

Le texte est beau, et comme l'ont dit les autres : c'est un thème qui mérite d'être rebattu. Plusieurs choses m'ont malheureusement gêné dans ma lecture, mais l'ensemble ne laisse pas indifférent et sur ce type de sujet, c'est de loin le plus important.

Je ne connaissais pas la chanson dont s'inspire le texte, et j'ai cru au début qu'il s'agissait de Manhattan Kaboul qui suit à peu près le même schéma en opposant deux personnages qui subissent une guerre qu'aucun des deux n'a souhaitée.

Toujours est-il que j'ai trouvé que les deux personnages étaient déséquilibrés. Akim tient le haut de l'affiche, là où Albert fait office de second rôle. Pas grave en soi, mais pour le coup j'en viens presque à me demander à quoi sert Albert.

J'ai bien vu ce côté passif, ce côté que nous connaissons tous, nous autres occidentaux, bien engoncés dans notre quotidien confortable, à suivre aux infos les péripéties du reste du monde qui se déchire (quand ce n'est pas nous qui le déchirons). Le message est très fort, et il a clairement sa place dans le texte. Mais introduire pour ce faire un second personnage (au travers de neuf petites lignes) m'a paru un peu superficiel.

Pour autant, il y a de très bonnes idées (le fait de parler de "jouets" pour désigner les avions dans la vie d'Akim, alors qu'Albert se retrouve "bombardé" par la télévision, j'ai trouvé ça très bon). Mais j'aurai préféré un meilleur équilibre entre les deux personnages. Akim sert surtout à dénoncer l'horreur de la guerre, et je pense que tu ne trouveras pas grand monde pour ne pas compatir, ne pas aller dans ce sens. Albert, de son côté sert à dénoncer notre passivité au quotidien. Entre le sport, la poire et le dessert, quel intérêt consacrons nous à ces conflits ? Oh, bien sûr on se révolte, on en parle devant la machine à café au boulot. "Cette guerre est absurde". "On y va que pour leur pétrole"... Je te passe les poncifs.

Pour autant, elle semble loin l'époque où les Etats-Unis étaient déchirés par les mouvement populaires qui s'opposaient à la guerre du Vietnam. Car depuis, s'il y a bien une chose que les gouvernements occidentaux ont appris, c'est à maîtriser leurs médias.

J'ai aussi été interpellé par "la leçon sur les affaires étrangères." Je doute qu'un enfant de l'âge d'Albert, lâché seul devant la télé, obtienne ce type d'informations. Pour le coup, c'est plutôt le rôle des parents, de lui expliquer, de l'aider à comprendre et décrypter ces images que lui vomit la télé. Ah ça. On se demande si ce n'est pas trop violent. S'il n'est pas un peu jeune. On va plutôt mettre le sport, faudrait pas qu'il fasse des cauchemars, le petit. Mais quelqu'un pense-t-il seulement à lui expliquer ?

Toutes ces questions, tu les frôles, tu les effleures, tu les évoques. Pourtant, elles sont cruciales et justifiaient plus à mes yeux que tu t'y attardes, plutôt que de faire porter le poids du corps à l'horreur du conflit armé qui est chose acquise pour la majorité.

Concernant cette partie (le quotidien d'Akim) j'ai aimé le tableau que tu brosses, coloré et vivant dans son horreur. Pour le coup, est-ce moi où ta façon de le décrire qui ne m'a parlé, mais pas une seconde je n'ai ressenti la peur, la colère, les émotions d'Akim. Il est là, juste là. Il semble passif, complètement extérieur à ce qui se passe. Oui, il voit des morts, des maisons détruites. Oui il a peur. Mais je n'ai rien ressenti de tout ça, ou plutôt j'ai eu l'impression que LUI ne le ressentait pas. J'imagine qu'en vivant là, on finit par s'habituer à tout, même à cette horreur, mais quand même. Même à la fin, quand sa mère se fait violer sous ses yeux avant d'être assassinée avec ses sœurs, il n'a pas l'air plus concerné que ça. A peine plus qu'Albert, qui voit des choses bien moins pire derrière le filtre protecteur de la télévision.

C'était trop descriptif, un point de vue trop extérieur pour que j'entre vraiment dans l'histoire. Tout est très bien décrit, les drones, les bombardements, la terreur des hommes à pieds... mais ça m'a paru froid, distant. La narration n'était pas assez immersive à mon goût.

Pourtant, du côté de l'écriture, c'est agréable. On lit vite, bien, c'est très visuel, et je n'ai pas été gêné dans ma lecture autrement que par ce manque d'immersion.

J'en retiens un texte avec un vrai potentiel, quelque chose de très fort. Malheureusement, le traitement m'a laissé à côté de l'essentiel : si je l'ai bien perçu, j'aurai aimé le ressentir.

Merci en tout cas de nous rappeler que le confort des uns n'existera jamais pour d'autres, et que les drones auront largué des milliers de tonnes de bombes avant de larguer des colis Amazon.


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