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Sentimental/Romanesque
Eskisse : Für Alina [Sélection GL]
 Publié le 30/08/22  -  12 commentaires  -  6880 caractères  -  91 lectures    Autres textes du même auteur


Für Alina [Sélection GL]


« Vous avez un glaucome », finit par dire doucement l’ophtalmologiste comme un haltérophile lâche un poids. « Glaucome. » Un mot simple finalement mais laid à cause de « glauque », me dis-je. « C’est une dégénérescence progressive du nerf optique qui entraîne un rétrécissement du champ visuel. Elle peut aboutir à la cécité. » Il fait une pause… Après un instant, il ajoute : « Dans votre cas, malheureusement, le dépistage est trop tardif pour que nous puissions enrayer son évolution grâce à la médication. Je ne peux vous dire à l’heure actuelle à quelle vitesse progressera la maladie. »

Le diagnostic tombe comme un arrêt sur image ; l’image d’un homme mat de peau, au nez busqué qui vous regarde avec commisération en reprenant son souffle. Je ne pose aucune question, je comprends que ma vie va changer, je comprends tout ce que je vais perdre avec ce foutu « glauque home », ce mal insidieux arrivé en moi sans symptôme, ce piège de mes yeux qui se resserre sur moi comme l’étau d’une pieuvre sur sa victime. Je suis effondrée.

De retour chez moi, je n’ai de cesse de fixer chaque lieu dans ma mémoire, d’un regard insistant, comme pour conserver un trésor ; je ferme les yeux pour voir ce que je perçois dans le noir, pour voir si l’image s’imprime dans ma mémoire. Cette entreprise est vaine : les formes et couleurs s’estompent en quelques secondes. Mon cerisier-fleur se mue en tache blanche. Mon parasol se couvre de rayures rougeâtres et grises. Si ma mémoire pouvait imprimer tout ce que j’aime sur le voile noir de mes yeux. Mais rien, pas le moindre petit espoir. Mon désarroi n’a d’égal que ma solitude. Il n’y a même pas de combat à mener, le truc est inéluctable… Attendre l’irrémédiable, se soumettre, accepter ? À quoi bon informer les amis ? la famille ? Je n’en ai pas la force. Pour l’heure, je me laisse sombrer dans le sommeil qui m’offre au moins l’oubli.


***


« M. de Corre, professeur diplômé de piano. »

Je franchis le seuil de l’appartement avec assurance bien que je ne sache rien de ce que je suis déterminée à apprendre. Le petit homme au visage serein me fait signe de m’asseoir. Je me poste sur le tabouret tournant et lâche rapidement : « Apprenez-moi le piano. » Je le sens amusé et intrigué par mon côté expéditif, et, sans autre formalité, il se place à mes côtés pour entamer la première leçon. Cela fait un mois que j’ai appris le solfège.

Les gammes d’abord. Je me sens happée par tout ce qu’il me dit. Je suis scrupuleusement chacune de ses indications. Une fois le cours terminé, il me raccompagne et me donne rendez-vous au lendemain, même heure, sans une remarque pour mon travail. Mais je n’ai pas besoin d’encouragements ; le courage je l’ai, il ne me quitte pas.

Je me présente dans l’appartement cossu le lendemain. M. de Corre ponctue chacun de mes exercices par un « andante » ou un « moderato » selon ce qu’exige le morceau. Je déchiffre et maîtrise désormais une petite barcarolle. À la fin de l’heure, il stoppe le métronome et me dit simplement : « À demain. »

Au bout de trois mois de leçons assidues, nous devenons une sorte de duo. Un duo d’aficionados accrochés aux sons, moi essayant de reproduire de mon mieux les partitions, lui attentif à chacun de mes gestes et à la naissance de l’émotion.

Je sens qu’il cache sa pudeur derrière le voile de la connaissance de la musique. Il n’ose pas me demander ce qui m’anime mais je sais que cela le trouble. Il me propose de travailler sur la Sonate en la majeur de Schubert, D 959, Andantino. Elle est mélancolique en diable. Je m’applique et me fonds dans chaque note. Les aiguës percent mon cœur. La tristesse m’envahit. Je m’arrête de jouer. Une larme, fragile, s’échappe sur ma joue. Je sens la présence de cet homme m’envelopper comme un manteau de douceur. Je lui confie tout : le diagnostic de l’ophtalmologiste, la probable cécité, l’espoir de retenir chaque parcelle du monde, chaque paysage de beauté dans ma mémoire, le découragement (comment emmagasiner toute cette beauté dans un trou noir, comment rendre ma mémoire visuelle infaillible ?) et la décision de préparer ce futur sombre en développant d’autres sens que la vue.

« La réponse est en vous, vous l’avez trouvée », me dit-il avec un soleil divin dans les yeux. « Continuez à vous exercer, peut-être que votre avenir aura sa parcelle d’éclaircies. »


***


Je continue farouchement à apprivoiser les touches, à faire du piano, que j’ai acquis il y a peu, un allié. La musique me submerge et m’emporte vers un ailleurs indéfinissable qui me fait oublier le temps, le monde, mon mal. Je m’essaie même à la création. J’apprends mes petites compositions par cœur. Car du cœur, il m’en reste.


***


La maladie continue, elle aussi, d’avancer ses pions, à pas de loup, de misère et de ruine. Je ne distingue plus les choses qu’à travers une sorte de tunnel ; la vision centrale est préservée.


***


Aujourd’hui, le monde des formes et des couleurs se dérobe définitivement à moi. On y est, c’est ma fin de jour. Mon champ de vision n’est plus qu’un champ de ruines. De vagues formes grises et rayées, une lumière blanchâtre sur fond noir. Je ne ressens rien. Comme si j’avais anesthésié toute souffrance. J’entends le silence du matin, quelques chants d’oiseaux, un bruit de moteur mais je ne les vois plus. Je vais devoir faire sans, sans le spectacle du monde, sans la vitalité des couleurs, sans le bleu du ciel, le rose des roses et l’orange du crépuscule.

Je me fraye un passage à travers les ombres jusqu’à mon piano. Je m’installe. « Für Alina », Arvo Pärt. Je commence à jouer, lentement, je connais la pièce par cœur. Je joue inlassablement comme pour éponger le chagrin renversé à l’intérieur de mon corps depuis des mois. Les touches sonnent comme des gouttes d’eau. J’avance entre ces gouttes de rien du tout. Mon cœur est suspendu aux fils d’une invisible marionnette. Léger. J’avance entre les notes comme on frôle des rideaux éphémères. Tout est doux, pur et enfantin. Ce morceau a des allures de berceuse.

Une chambre se matérialise… celle de mon enfance, au sol, un couffin et un poupon à l’intérieur. Il tend les bras vers le ciel. Une chambre se matérialise ! La vision gagne en précision. Je vois, en ses murs, des chats, des bilboquets, des livres colorés, des châteaux pour de vrai, un patchwork bigarré sur un grand lit de bois.

Je continue de jouer, ne veux pas m’arrêter de peur que l’image ne disparaisse. Mais elle persiste tant que je joue. Et la vision s’imprime sur ce qui était tout à l’heure un écran noir… « Les couleurs et les sons se répondent. » Comme il avait raison, Baudelaire. C’est comme si ma mémoire visuelle avait fait son œuvre, avait été réactivée par la musique et l’émotion. Je sens que j’ai gagné, la petite chambre s’arrondit et se colore… Le poupon me sourit.


 
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   senglar   
6/8/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Bonsoir,


J'ai commenté cette nouvelle à l'aveugle dans le cadre du Défi n°7 ; connaissant l'auteur je ne peux donc pas la re-commenter : je donne les quelques notes que j'avais rédigées. Trop succinctes par rapport à la fabuleuse qualité de la nouvelle.



"Magistral !

J'aime l'ironie du titre.

La musique comme remède suprême. C'est mon grand regret, ne pas avoir appris le piano. Ce texte l'avive.

Je ne m'en remettrai pas."

j'avais mis mon appréciation quand le défi fut terminé.

   Vilmon   
7/8/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,
Un très beau récit à propos de résilience, d’accepter le changement et de l’affronter à sa manière. Et sa musique au piano lui offre une autre vision de la vie par l’ouïe plus attentive. J’ai bien apprécié. La gradation du récit est bien mesurée, il est affiché comme les pages d’un journal. Il termine sur une note positive malgré ce malheur plutôt dévastateur pour un monde dans lequel nous vivons où la vision est une pierre angulaire.

   papipoete   
7/8/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
sentimental/romanesque
Une enclume vient de tomber sur ma tête, je perds la vue !
Bientôt mes yeux ne me renverront qu'un écran noir ; il me faut affronter ce mal grâce à un " passe-temps ! ce sera la musique... que je jouerai moi-même ! j'apprendrai le piano !
NB on pourrait croire " coure toujours mon pauvre ! " et puis la magie, la ténacité, le travail paient !
Le héros qui ne voit plus le présent, se désolait de ne pas visualiser " dans sa tête " son passé, et bientôt à travers la musique, et particulièrement cette oeuvre " Für Alina ", il revoit tous ses souvenirs, retrouve même dans sa chambre d'enfant... son poupon !
Bien que idyllique le scénario déroule sa trame, et l'on croit au miracle !
C'est très bien écrit, et ces lignes savent nous captiver !
N'est qu'un infime bémol ( deux en fait )
- dans le milieu du texte ( je continue, farouchement à apprivoiser... ) j'aurais déplacé la virgule après " farouchement "
- vers la fin " une chambre se matérialise " pour la répétition de ce terme, j'aurais à le seconde écrit " MA chambre se matérialise "
très agréable lecture, malgré le tragique du sujet
papipoète

   plumette   
11/8/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
un texte sensible et émouvant, plein d'espoir malgré ce fond de tristesse tout à fait compréhensible au regard de l'infirmité annoncée et inéluctable .

La vue est un sens auquel on ne pense pas tant qu'on l'a ! Bravo à l'auteur d'avoir fait ce chemin d'imagination qui mène de la vue à la cécité en inventant des ressources.

L'écriture est belle, j'ai trouvé qu'elle venait du coeur! Et cette consolation par la musique est porteuse d'espérance.

Une belle histoire!

Plumette

   Donaldo75   
13/8/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Cette nouvelle m'a plu et pourtant elle partait sur une première phrase, celle de l'ophtalmologiste, qui me donnait envie de refermer le livre aussi vite que je l'ai ouvert pas à cause du style ou de l’écriture. Je ne sais pas vraiment pourquoi ; peut-être l'image en tant que tel m’a dérangé. Quoi qu'il en soit, j'ai bien fait de rester à bord. C'est vraiment bien écrit et j'aime la manière de raconter. Il y a de la poésie dans cette nouvelle et l'histoire, même si elle s'avère triste, m'a embarqué. Et j'apprécie la fin, positive, presque onirique.

   Anonyme   
31/8/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Eskisse,

Ta nouvelle est très touchante. Ayant moi-même des pathologies ophtalmologiques pénibles mais pas aussi sérieuses qu'un glaucome, j'ai été très sensible à ton récit et sa "thérapie" par la musique. Il y a comme une sorte de couleur pastel qui plane au-dessus de ta nouvelle, c'est sûrement idiot ce que je raconte, mais c'est ce que j'ai ressenti, ne me demande pas pourquoi.

Une vraie réussite très sensitive

Anna la taupe

EDIT TARDIVE : Je suis allée écouter le morceau qui donne le titre à ton poème. C'est lent, beau, mais d'une tristesse à se pendre...

   Ingles   
30/8/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Eskisse,

Une belle nouvelle, la narration est efficace, fluide, et conduit le lecteur dans un cheminement pour résister et faire barrage à la maladie. L'écriture est poétique.

L'association couleur, musique est une vraie réussite !

Au plaisir de vous lire,

Inglès

   Raoul   
2/9/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,
Une nouvelle très tenue, toute en retenue. Particulièrement sensible à l'évocation des maux visuels, très bien évoqués et rendus, beaucoup de justesse. Le choix de Fur Alina est très pertinent (je suis terrasse par ce morceau à chaque fois que je l'écoute) à la fois désespoir et espoir, toujours sur le fil.
J'aime beaucoup l'évocation du lien très sensible qui se crée entre élève et professeur.
Pas un mot de trop. Pas une facilité. Et puis cette fin onirique et ou fantomatique dont on ne sait trop si elle vient du passé où est du présent, c'est une pirouette subtile et finale.
Beaucoup aimé. Merci pour cette lecture.

   Louis   
4/9/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Dès le début du texte, la narratrice est présentée "à l’écoute’’, comme particulièrement sensible aux sons.

Dans le premier paragraphe, au moment de la révélation par un ophtalmologiste du mal qui l’atteint, la narratrice est d’abord troublée par la sonorité du mot qui le désigne : « glaucome ».
Avant même la compréhension précise du sens, le mot est perçu dans sa sonorité signifiante. La narratrice est d’abord frappée par sa « laideur », il ne sonne pas "beau’’ à l’oreille, il rappelle le mot déplaisant : « glauque ».

Elle perçoit, avec cette laideur du son, la couleur qui lui est associée. Le mot tinte et se teinte d’une tonalité sombre.
« Glauque » désigne d’abord, en effet, une couleur : « Qui est d'un vert blanchâtre ou bleuâtre comme l'eau de mer », dit le dictionnaire, avant de désigner ce qui est lugubre, sinistre, ténébreux.
Le mot sonne donc comme une couleur qui efface les couleurs, qui les déteint ou les éteint.
Elle se trouve ainsi comme "sonnée’’ par la révélation du spécialiste oculaire, dans l’audition d’une sonorité laide associée à une perte, à des formes et couleurs en perdition.

Elle comprend, bouleversée, que le nom de son mal s’entend encore : « glauque home », et qu’il lui faudra habiter le monde autrement, un monde appauvri de toutes ses formes et couleurs

« Le diagnostic tombe comme un arrêt sur image » pense-t-elle. Mais cette « image », ce n’est pas seulement celle d’un « homme mat de peau, au nez busqué… », ce n’est pas la fixité de l’image du médecin, c’est l’arrêt définitif à venir de toute capacité à percevoir des « images ».

Un monde « glauque » l’attend où les images meurent.

Elle veut réagir pourtant, ne pas se résigner. Elle voudrait "avaler’’ le monde, le spectacle de la réalité extérieure, et le rendre intérieur, de telle sorte qu’elle puisse à volonté le rappeler comme souvenir, réalité « imprimée dans la mémoire ».
Elle voudrait avaler tout "l’or’’ du monde pour « le fixer comme un trésor », pour le porter en soi. Pour se rendre autonome à l’égard d’une extériorité qui deviendra inaccessible à sa vue défaillante.
Elle voudrait se forger une mémoire visuelle, imaginative ; se forger d’autres yeux, pour voir grâce à l’imagination ( reproductive) et la mémoire.

Elle ne trouve pas ce pouvoir dans le monde du silence, mais dans celui des sons. Aucun autre des sens n’y contribue, ni le toucher ni l’odorat, ni le goût. Sa "madeleine’’ se dégustera dans l’audition. Et c’est un piano qui deviendra sa ‘’tasse de thé’’.
Comme le montre le début du texte, la narratrice semble posséder des dispositions en quelque manière synesthésiques, où s’associent la vue et l’ouïe.

La musique s’impose donc pour elle comme une évidence.
Les rumeurs du quotidien, elles ne les « voient » plus :
« J’entends le silence du matin, quelques chants d’oiseaux, un bruit de moteur, mais je ne les vois plus »
Elle semble devenir aveugle aux sons, mais il y a la musique, heureusement il y a la musique.
D’abord un dérivatif : « La musique me submerge et m’emporte vers un ailleurs indéfinissable, qui me fait oublier le temps, le monde, mon mal », elle réussit à faire renaître, par l’intermédiaire de la puissance émotionnelle qu’elle contient, les images et les couleurs du monde.

L’interprétation de la musique d’Arvo Pärt sur le piano est vécue dans un dynamisme particulier, dans un mouvement, une « avancée» : « J’avance entre les notes comme on frôle des rideaux éphémères ». Elle semble franchir ce pont délicat qui relie les sons aux couleurs et images ; elle suit ce rayonnement subtil par lequel les sons et les couleurs se reflètent, correspondent et se «répondent».
Les sons renvoient aux couleurs, les sons par leur beauté, ren – voient le monde aux formes colorées.
Les « correspondances » constituent une prose poétique du monde, aussi se produit un "rend-voix" par lequel le monde reprend parole et se réécrit par les notes harmoniques.
Elle pénètre dans l’écriture du monde, dans la poésie qui l’éclaire.
Elle parcourt ce par-chemin du monde entre sons et couleurs.

La première « vision » de la narratrice est celle d’une chambre de petite fille.
Elle se revoie enfant, à l’aube d’une vie nouvelle, au point de départ d’une renaissance.
Sa « fin de jour », crépusculaire, devient un matin, inondé de couleurs et de sonorités.
Une re-création de soi et de son univers se joue, par petites touches d’un piano.

Un son, la laideur d'une forme sonore, « glauque », avait clôt le monde des images et des couleurs, et pourtant c’est par le son, par la beauté des sonorités musicales que les couleurs et les images sont retrouvées.

Merci Eskisse pour ce beau texte, cette belle prose poétique.

   Cyrill   
27/9/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Bonjour Eskisse,

pour le plaisir, j'ai écouté la sonate en la majeur de Schubert et "Für Alina" que je ne connaissais pas.

"Mélancolique en diable", c'est ce que je dirais de cette nouvelle que j'ai trouvé fort réussie, même déchirante de poésie à partir de :
"Je continue farouchement à apprivoiser les touches" jusqu'à la fin. Les tournures de phrases, les images convoquées m'ont permis de m'immerger dans l'émotion soutenue de la narratrice :

"La maladie continue, elle aussi, d’avancer ses pions, à pas de loup, de misère et de ruine." ( Dommage à ce propos d'avoir repris les ruines pour le champ de vision, un peu plus loin ).

"On y est, c’est ma fin de jour"

"J’avance entre ces gouttes de rien du tout. Mon cœur est suspendu aux fils d’une invisible marionnette. Léger. J’avance entre les notes comme on frôle des rideaux éphémères. Tout est doux, pur et enfantin. Ce morceau a des allures de berceuse".

Tous ces passages m’ont beaucoup plu, et la chambre d’enfant me paraît aller de soi.
Je me serais volontiers passé du retour à l’adulte qui théorise à propos de la mémoire visuelle, pour ma part.

Merci pour le partage, au plaisir !

   Anonyme   
29/10/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément
Une nouvelle qui m'a vraiment touché au coeur peut-être parce que je suis en convalescence et que je suis plus réceptif a certtaines choses. Un histoire assez bouleversante faite par une écriture sensible, j'ai été remué. Je met mon premier passionément et je vous dit merci et Bravo !

   Zultabix   
15/10/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Eskisse,

Je vais faire simple. Comme tu as déjà eu de nombreux commentaires élogieux, je vais plutôt t'apprendre comment j'ai perçu ta nouvelle, à savoir en deux temps.

Premier temps !

Il est environ 15H30 en ce dimanche, et j'ai très mal aux yeux, pour ne pas dire de plus en plus mal aux yeux, et ce depuis plusieurs mois. Cet inconfort visuel me donne souvent des maux de crâne et m'oblige dorénavant à forcer sur ma vue pour lire la moindre chose, même avec mes lunettes. Bref, je suis dans cet état de me faire presque violence pour aborder ton texte "Für Alina", ce morceau de Arvo Pärt que je ne connaissais pas. Arvo, Pärt, prêt, partez ! J'enclenche ma lecture et quelle n'est pas ma surprise et ma jolie stupeur de voir (avec un oeil clos) qu'il s'agit d'un sujet qui parle d'une dégradation de la vue de quelqu'une pour se conclure en cécité ! J'en fais malgré tout une lecture rapide puisque la nouvelle est assez courte, et ma foi je me sens un rien frustré qu'elle soit pas plus longue. Preuve s'il en est qu'elle m'a plu. Là dessus, je m'informe des commentaires et, à l'instar de Cyrill, il me prend aussitôt l'envie de la relire en écoutant "Für Alina". Une première version jouée et commentée directement par Arvo Pärt, semble t-il à des élèves pianistes. Et une seconde version jouée par un certain Indrek Laul sur un magnifique piano à queue.

Deuxième temps !

Une écoute, deux écoutes, trois écoutes du morceau et je me mets à relire doucement ta nouvelle, au même rythme que le tempo d'une délicatesse extrême inspiré à Arvo Pärt. Petite précision cependant, j'ai moi même un piano à queue Pleyel sur lequel je jouais jadis. Donc, avec ma vue détériorée, double résonnances en moi ! Et c'est alors que se produit cet indicible prodige, cette transcendance à l'intérieur de mon imaginaire :

Je me fraye un passage à travers les ombres jusqu’à mon piano. Je m’installe. « Für Alina », Arvo Pärt. Je commence à jouer, lentement, je connais la pièce par cœur. Je joue inlassablement comme pour éponger le chagrin renversé à l’intérieur de mon corps depuis des mois. Les touches sonnent comme des gouttes d’eau. J’avance entre ces gouttes de rien du tout. Mon cœur est suspendu aux fils d’une invisible marionnette. Léger. J’avance entre les notes comme on frôle des rideaux éphémères. Tout est doux, pur et enfantin. Ce morceau a des allures de berceuse.

De fait, je m'endors. Et lorsque je me réveille enfin, c'est pour t'écrire ce simple commentaire.

Bien à toi !


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