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Science-fiction
fergas : Vite
 Publié le 10/12/14  -  9 commentaires  -  23757 caractères  -  90 lectures    Autres textes du même auteur

Retenez votre respiration, vous allez traverser cette histoire en apnée. Il s'agit de faire vite…


Vite


Carson fut réveillé sans ménagement par son chronobuzzard réglé au niveau maximum, et qui produisait un boucan insupportable. Il avait dormi exactement quarante-sept minutes. Une heure auparavant il n’était plus qu’une épave incapable de se tenir debout et maintenant, une seconde après son réveil, il était à nouveau en pleine forme, parfaitement conscient de ce qui l’attendait dans les heures à venir. Aussitôt il commanda vocalement à son hypnocouche de le redresser. Elle le mit debout, et le propulsa dans la cabine de douche à haute pression qui acheva de dissiper les effets du cocktail revitalisant que lui avait injecté l’autodoc avant qu’il ne s’effondre pour ce court sommeil réparateur. Puis l’hypnocouche le relâcha pour rejoindre rapidement sa position de rangement. Sans la moindre discontinuité dans son mouvement, Carson fit un pas en avant et sortit de la cabine en traversant le flux de séchage, qui élimina toute trace d’humidité sur sa peau en un peu plus d’une seconde. Un pas de plus et il entra dans sa combinaison de jour, qui était tendue ouverte face à lui et qui se referma automatiquement dans son dos. Il était prêt ! Dans le même élan, le pas suivant le mena vers le sas de son unité d’habitation qui s’ouvrit prestement pour le laisser passer.

Dehors, il négligea le tube ascenseur pour se lancer à toutes jambes vers le plan incliné qui menait directement à son pulsocar. Il avait tellement l’habitude de glisser sur ce plan qu’il gagnait au moins la moitié du temps par rapport à l’ascenseur. Cette fois-ci il dut même battre son record, puisque la porte du pulso s’ouvrit tout juste assez vite pour qu’il ne se fracasse pas la tête sur le panneau. Il n’était pas encore assis sur son siège qu’il criait la commande de départ d’urgence. Le petit véhicule n’attendit même pas que la porte soit entièrement fermée pour bondir en avant avec l’accélération maximale. Carson se retrouva aussitôt collé au siège dans une position inconfortable et tenta de se repositionner tout en sélectionnant sa destination. Le pulso allait déjà très vite et il prit un large virage tout en s’élevant résolument dans les airs. Quelqu’un au sol aurait pu entendre le couinement suraigu caractéristique de la surcharge de puissance demandée au moteur pulsoréactif.


Carson avait conscience d’avoir couru un risque insensé en revenant se faire remettre en état dans son propre logement. Mais il avait tablé sur le fait que la milice urbaine qui le poursuivait avec tant d’acharnement depuis vingt heures perdrait du temps sur la zone du crash où il était censé avoir perdu la vie, à quelque trois cents kilomètres de Nyork. En fait il avait été à un poil d’y rester. Son pulso personnel était réduit à l’état de brindilles métalliques. Il était lui-même en piteux état, mais il avait tout de même réussi à voler un autre pulso pour s’échapper et revenir chez lui. Cette péripétie lui avait fait perdre trois heures, y compris son temps de remise en état.


Deux heures ! Il lui restait deux heures avant que la ville de Nyork ne vole en éclats, avec ses dix-sept millions d’âmes. Il était le seul à pouvoir empêcher ce désastre, et tout se liguait contre lui. La ville rivale de Washton avait bien mené son projet démentiel. Patiemment elle avait noyauté l’administration de Nyork avec des hommes à elle. Des hommes qui avaient pris le temps de construire en grand secret une machine infernale chargée de pulvériser la ville. Ces hommes étaient psychoguidés et ne se souciaient pas de mourir dans l’explosion. Une fois Nyork éliminée, Washton serait la ville la plus puissante de la Terre.


Carson était l’ingénieur en chef, avec le grade hors classe, responsable des services généraux de Nyork. Il connaissait tous les systèmes techniques de la ville, tous les réseaux de fluides, toutes les installations souterraines, et il était tombé fortuitement au cours d’une de ses inspections sur cette machine de destruction. Au moment où il commençait à en comprendre le rôle, il avait été surpris par un des conjurés, qu’il avait pu maîtriser et faire parler sous la torture, ou presque. Puis des gardes armés avaient rappliqué et son prisonnier s’était mis à s’égosiller de façon hystérique pour les appeler au secours. Carson avait dû détaler, non sans essuyer quelques coups de feu. Depuis cet instant précis il était devenu l’homme à abattre. Il avait maintenant à ses trousses la police, l’armée, et cette infâme milice aux ordres des partisans de Washton. Sa tête était affichée sur tous les infopanneaux de la ville. Les commentaires précisaient qu’on lui avait collé sur le dos à peu près tout ce que contenait le code pénal : il était devenu voleur, violeur, assassin, terroriste, pourvoyeur de drogue. Ah, ils n’avaient pas fait dans la dentelle ! Tout représentant de l’autorité n’hésiterait pas une seconde à lui tirer dessus s’il en avait l’occasion.


Carson poussa la vitesse du pulsocar au maximum, en désactivant les sécurités. Il n’était pas ingénieur hors classe pour rien : aucun dispositif ne lui résistait longtemps, a fortiori un simple pulso. Sa tactique était simple : foncer vers un atelier pour récupérer une découpeuse laser, puis aller mettre en pièces cette machine de mort. Il n’avait pas eu l’occasion de l’étudier longtemps, mais il avait une bonne idée de sa structure, basée sur une architecture de bombe thermonucléaire. En s’y prenant adroitement il pourrait en séparer les éléments et la rendre inerte. Ensuite seulement il faudrait qu’il fasse connaître le complot à la plus large fraction possible de la population, pour neutraliser les conjurés. Inutile de s’adresser à un édile quelconque, fût-ce le maire de Nyork, Carson n’aurait aucun moyen de savoir s’il s’agissait ou non d’un partisan de Washton.


Il volait à plus de quatre cents kilomètres à l’heure au-dessus des faubourgs de Nyork, en droite ligne vers le centre technique le plus proche, quand son véhicule décéléra brutalement, le projetant vers l’avant en lui coupant le souffle. Un coup d’œil vers l’arrière lui révéla la présence d’un tripulso de la police, qui l’avait repéré, et qui avait naturellement pris le contrôle de son véhicule à distance. Carson pensa que soit ils l’avaient identifié, soit ils l’avaient simplement pris en excès de vitesse, à deux fois la limite autorisée tout de même.


Dans les deux cas c’était mauvais pour lui, et il préférait ne pas savoir la raison. D’un mouvement brusque et violent il arracha le module de communication du pulso pour faire cesser le contrôle à distance, puis il enclencha le mode de secours avec commandes manuelles. Passer en mode manuel, sécurités désactivées, à cette vitesse et à cette hauteur était normalement considéré comme une forme de suicide. Carson ne s’en soucia pas et entama une manœuvre d’évasion en plongeant au milieu des immeubles qui prit le pilote du tripulso de la police au dépourvu. Le pulso de Carson volait maintenant à grande vitesse au niveau du dixième étage des gratte-ciel en plein centre-ville. Le véhicule de la police devait déjà avoir informé tous ses collègues, et dans quelques secondes Carson allait devoir faire face à des dizaines de pulsos, qui n’hésiteraient peut-être pas à tirer, malgré la proximité des bâtiments.


Il était temps de changer de tactique. Carson réduisit fortement sa vitesse et se dirigea vers un immeuble de verre proche qu’il connaissait particulièrement bien, puisqu’il y avait son bureau. Pas le temps d’atterrir et de prendre l’ascenseur comme tout le monde, il perdit rapidement de l’altitude pour se porter à hauteur du quatrième étage et s’immobiliser à une trentaine de mètres de la façade miroitante. Il y avait là une grande salle servant ordinairement de réfectoire aux employés de son service, elle devait être vide de personnel ou presque à cette heure de la journée. Carson pointa le nez de son pulso vers le milieu des baies vitrées, aligna soigneusement sa trajectoire sur l’axe de la pièce puis, après un bref juron destiné à se donner du courage, il s’élança résolument en marche avant en tenant fermement les commandes de son pulso, et en espérant que l’avant de son appareil serait plus solide que le parement vitré de l’immeuble.


Il pulvérisa la baie sur une grande largeur, et entra en pulso dans la pièce à la vitesse d’un cheval au galop. Sa machine glissa sur toute la longueur du plancher dans un bruit d’enfer, repoussant devant elle un amoncellement de tables et de chaises. Il nota du coin de l’œil la présence de deux personnes qui firent un saut de carpe sous l’effet de la surprise, mais ne furent heureusement pas touchées par les débris. Il vit le mur en face se rapprocher beaucoup trop vite à son goût et se recroquevilla instantanément en se protégeant le visage de ses deux bras. Le pulso défonça le mur, qui n’était en fait qu’une mince cloison, traversa le large couloir principal qui jouxtait le réfectoire, puis termina sa course en passant à travers une autre cloison pour finir dans un bureau vide de l’autre côté du couloir. En une seconde le silence revint, et Carson, hébété mais entier, songea que deux crashs en quelques heures, c’était vraiment trop pour un seul homme.


Il ne pouvait pas rester là : avec de tels dégâts la police serait sur place en deux minutes. Il ouvrit d’un coup d’épaule la porte du pulso et s’élança vers le couloir en passant par la cloison éventrée. Il prit un brutal virage à gauche en manquant de s’étaler sur les gravats causés par son intrusion motorisée. Il devait descendre à l’étage juste en dessous, où se trouvait le magasin principal de matériel des services techniques. La voie la plus rapide était encore l’escalier principal, qu’il dévala au sprint pour se retrouver face à la porte blindée du magasin. Celle-ci était ouverte car un de ses collègues était en train d’en sortir. Carson passa devant lui en courant pour se diriger vers le rangement des découpeuses laser. Il se saisit de l’une d’elles avec son harnais de transport, qu’il enfila à la va-vite sur son épaule gauche. Il repartit aussitôt vers la sortie, moins vite cette fois-ci, à cause de son chargement, et retrouva à la porte son collègue, qui était encore ébahi de l’avoir vu passer ainsi.


– Jason, j’ai besoin de toi, c’est plus qu’urgent. Rejoins-moi à toute vitesse au puits de pompage du centre administratif, poste 4. Emporte avec toi tous les plots de soudure thermique que tu pourras porter. Reste en liaison minicom avec moi.

– Hein ? Carson, oui, mais que… tenta de répondre Jason Mc Clure, qui connaissait Carson de longue date mais ne l’avait jamais vu dans cet état.

– Pas le temps de t’expliquer, fais ce que je te dis ou nous sommes tous morts ! répondit Carson.


Et il repartit aussi vite qu’il le pouvait, malgré sa charge sur l’épaule, en direction des ascenseurs. Il prit un direct vers les garages du troisième sous-sol de l’immeuble. Pendant la descente, il souffla un peu et consulta l’horloge de son minicom : plus qu’une heure et vingt minutes avant l’explosion, selon ce qu’il avait eu le temps de voir sur le dispositif de mise à feu de l’engin avant d’être repéré. Il vérifia aussi que la connexion au minicom de Jason était active, et qu’il pouvait lui parler et le voir à tout instant. À l’arrivée au troisième sous-sol, il était à nouveau gonflé à bloc et chargé d’adrénaline. Dans l’étroite cabine de l’ascenseur, il se mit dans la position du coureur de demi-fond prêt au départ. Il n’attendit pas l’ouverture complète de la porte de l’ascenseur pour foncer, et il heurta l’encadrement avec son équipement en sortant, mais récupéra son équilibre aussitôt tout en galopant vers le tunnel qui menait au quartier administratif. Depuis longtemps des tunnels avaient été creusés pour relier directement chaque quartier de Nyork à l’immeuble des services généraux. De cette façon, les équipes pouvaient intervenir en un temps record en cas d’incident, et ce quelle que soit la densité du trafic de surface.


Un mini-véhicule sur rail était disponible. Il y déposa son chargement, monta sur la plateforme, et fit démarrer l’engin en poussant le curseur de vitesse au maximum, ce qui lui permettrait d’atteindre le centre administratif en cinq minutes environ. Il profita de ce répit pour contacter Jason, dont le visage apparut sur son écran de poignet. Jason fut le premier à parler.


– Je ne sais pas ce que tu trames, mais j’ai rassemblé douze charges de soudure thermique et un applicateur, maintenant dis-moi ce qui se passe !

– Bon, écoute et tâche de ne pas t’évanouir : nous avons sous le bâtiment administratif un engin de type thermonucléaire qui doit exploser dans une heure. Ce serait trop long de t’expliquer comment j’ai découvert ça. Sache seulement que les autorités sont à ma recherche pour de fausses raisons, afin de m’empêcher de le mettre hors d’usage. Je suis en route pour le puits de pompage du poste 4. Tu me suis et tu soudes derrière moi la porte d’accès blindée de manière à ce que personne ne puisse me tomber dessus pendant que je démantèlerai cette horreur. Ne t’inquiète pas pour moi, je pourrai toujours utiliser la découpeuse laser pour sortir.


Carson coupa la communication avant la réponse de Jason pour pouvoir se concentrer sur ce qu’il avait à faire. Il connaissait Jason depuis longtemps, et il savait pouvoir lui faire confiance : celui-ci le suivrait et exécuterait ses instructions.


Il arriva à destination, remit la découpeuse laser sur son épaule, et se dirigea vers la porte du puits de pompage numéro 4. Il trouva la porte blindée fermée, alors qu’il l’avait laissée grand ouverte quand il s’était enfui à toutes jambes après avoir été surpris par ces enfoirés de conjurés. Il essaya son code d’accès sans succès, la grosse porte blindée demeura fermée. Bien sûr ils avaient condamné l’accès ! Mais il avait mieux qu’une clé pour passer, il mit en marche la découpeuse laser et en quelques secondes il pratiqua des trous bien nets autour des pênes de fermeture, puis il poussa simplement le vantail et entra pour se précipiter vers la bombe. Les lieux étaient heureusement déserts, tous ses poursuivants devaient encore rechercher son cadavre sur les lieux du crash, mais ça ne durerait pas. Ils allaient faire immédiatement le rapprochement avec son entrée remarquée dans l’immeuble des services généraux.


Pendant qu’il commençait à examiner en détail les éléments de l’engin qu’il lui fallait mettre hors d’usage, Jason Mc Clure arriva hors d’haleine avec un grand sac de matériel. Il se pencha sur l’engin et eut une expression d’effroi.


– C’est une bombe hein, c’est ça ? bredouilla-t-il.

– Oui, et ça va péter bientôt si je ne fais pas ce qu’il faut, alors tu ne me déconcentres pas. Il faut que je reste seul ici, toi tu sors, tu soudes entièrement la porte, puis tu fais venir auprès de toi le maximum de personnel, des centaines de gens si possible, débrouille-toi, invente ce que tu veux. Je pense qu’il va y avoir beaucoup d’obstruction de la part des autorités, et il faut leur mettre des bâtons dans les roues.


Jason fila aussitôt faire le nécessaire, pendant que Carson focalisait toute son attention sur la manière de désosser la machine qui lui faisait face. Il l’examina pendant plusieurs minutes avant de se résoudre à saisir la découpeuse et à commencer à pratiquer des entailles précises en divers endroits. Tout en œuvrant, il se disait que la moindre erreur de sa part serait la dernière, pour lui et pour toute la ville de Nyork. La chaleur du local ajoutée à celle de l’outil laser et à sa concentration le faisait transpirer à flots. Il dut à plusieurs reprises essuyer ses mains à sa combinaison pour éviter que l’outil ne lui échappe.


Il avait perdu la notion du temps et continuait à découper le plus précisément possible tous les éléments qu’il pouvait reconnaître, et dont il alignait les morceaux au sol au fur et à mesure. Il avait quasiment terminé d’isoler le dispositif de mise à feu, avec ses multiples charges d’uranium, quand le sifflement du programmateur suivi du claquement du relais de démarrage le firent violemment sursauter.


Il regarda tous les éléments étalés par terre, puis éclata de rire. Le détonateur n’avait actionné que du vide, la bombe avait fait long feu, et l’heure de l’explosion était passée. Il se laissa tomber sur les fesses et regarda son travail. Il n’irait pas plus loin dans le découpage, car s’il n’y avait plus de danger d’explosion, il risquait par contre de mourir de contamination en sectionnant un élément radioactif. Il laisserait aux spécialistes le soin de terminer le travail.


Il écouta et se rendit compte enfin du brouhaha qui régnait de l’autre côté de la porte blindée du local. Jason avait dû ameuter tout le quartier, et naturellement la police et les espions à la solde de Washton devaient être là pour tenter d’évacuer tout le monde et de lui mettre la main dessus.


Carson se dit qu’après avoir sauvé dix-sept millions de personnes il était temps qu’il se sauve lui-même. C’était le moment de diffuser l’information en masse.


Il commença par la rédaction du Nyork Chronicle. Il eut rapidement en ligne sur son minicom un journaliste de service et commença à lui expliquer en haletant ce qu’il venait de faire, tout en fixant du regard la porte du poste. Celle-ci tremblait sous les coups de poings des gens agglutinés derrière, tandis qu’il entendait une voix puissante qui l’appelait :


– Carson, ouvrez ! Je suis Jonathan Phelps, je dois vous parler.


Jonathan Phelps, l’adjoint au maire de Nyork ! Carson ne s’était pas trompé, la conspiration allait vraiment très haut dans la hiérarchie de la ville. Il continua à parler, de plus en plus vite, au journaliste du Nyork Chronicle, qui curieusement restait silencieux. Sa transpiration avait repris de plus belle à la pensée qu’il n’aurait pas le temps de tout dire avant d’être pris par la bande de fous furieux qui semblaient s’accumuler derrière la porte.


Soudain un trait de feu jaillit de la porte avec une gerbe d’étincelles. Merde, ils avaient aussi apporté une découpeuse laser ! Il ne lui restait plus que quelques secondes, et pas moyen de fuir de cette casemate qui ne comportait aucune autre ouverture. Finalement, toutes ses attaches cisaillées par le laser, la porte blindée s’abattit lourdement à plat dans le local, à quelques mètres de Carson. Il vit une rangée d’hommes sur le seuil, et plein de monde derrière eux.


Des hommes s’avancèrent vers lui, Jonathan Phelps en tête, impressionnant avec ses deux mètres et son gabarit de bûcheron, suivi de gardes armés. Carson, toujours assis par terre, se raidit à leur approche, sachant qu’il ne pouvait rien faire. Il fut étonné par le fait qu’ils ne se précipitaient pas vers lui pour le maîtriser. Au contraire ils semblaient avancer avec une certaine bonhomie. Phelps lui adressa la parole :


– Vous pouvez cesser de stresser Carson, l’épreuve est finie !

– L’épreuve, quelle épreuve ? fit un Carson complètement désorienté.

– Relevez-vous mon vieux. J’ai l’honneur de vous annoncer que vous venez d’entrer dans le conseil d’administration de la ville de Nyork grâce à vos capacités, et à la manière dont vous avez triomphé des épreuves que l’on a concoctées spécialement pour vous.


Tout en l’aidant à se relever, Phelps saisit le bras de Carson et le tourna légèrement vers lui pour regarder le minicom à son poignet, sur lequel se trouvait toujours le visage silencieux du journaliste du Nyork Chronicle. Phelps s’adressa à lui.


– Hello Marvin, comment va ?

– Ça va très bien Jonathan, j’espère que j’ai bien joué mon rôle ? répondit le visage dans le minicom.


Carson, encore persuadé d’être le jouet d’une conspiration, s’arracha à la prise de Phelps et le regarda dans les yeux avec fureur.


– C’est encore un de votre bande, j’imagine, vous m’avez encore possédé.

– Il fait bien partie de notre bande, comme vous dites, mais pas dans le sens que vous croyez. Vous pensiez parler à un journaliste pour vider votre sac ? Vous aviez en fait affaire à Marvin Leroy, un autre administrateur de Nyork. Nous lui avons fait jouer ce rôle car il n’est pas connu du public, et ainsi vous ne risquiez pas de le reconnaître. Vous auriez appelé n’importe quel journal, vous seriez quand même tombé sur lui ! On a détourné tout le flux de communication de votre minicom vers un central spécial pour pouvoir intercepter vos communications le cas échéant.

– Alors je suis foutu, c’est ça ?

– Vous n’êtes pas foutu. Vous avez encore du mal à le croire, mais vous êtes désormais un administrateur de cette cité, et nous espérons tous que vous ferez un boulot du tonnerre ici. Ça fait un moment que nous suivons votre carrière, Carson, et nous pensons sérieusement que vous êtes un très bon élément.

– Et vous allez me dire que la conspiration de Washton, la bombe, les poursuites en pulso, ce n’est que le jouet de mon imagination.

– Nous avons en Washton un sérieux rival dans cette partie du monde, c’est vrai, mais nous entretenons d’excellentes relations avec ses administrateurs, je puis vous l’assurer. Quant à la conspiration, c’est une invention de Kingcannon, notre maire, qui est d’ailleurs en ce moment même en visite à Washton et qui doit pisser de rire à la pensée des dégâts que vous avez provoqués à cause de lui. La « conversation » que vous avez eue ici-même avec Jackson, un autre administrateur soit dit en passant, avait été montée de toutes pièces. Pauvre Jackson, il est à l’hôpital, vous l’avez bien amoché. Enfin, il sera plus que bien rétribué pour sa contribution. Vous savez, il vous aurait tout raconté même si vous l’aviez menacé d’une simple gifle.

– Et la bombe ?

– Absolument inoffensive, un tas de ferraille, tout ce que vous risquiez c’était de vous blesser en en faisant tomber un morceau sur votre pied. Pour faire plus vrai, nous l’avons fait réaliser par un atelier de mécanique de Washton, pour que ne puissiez pas reconnaître une fabrication typique de Nyork. Effrayant non, quand on y pense, ç’aurait pu être une vraie ? Non, je rigole !

Phelps donna une claque dans le dos de Carson. Les gardes s’étaient éloignés et tâchaient de disperser la foule dehors.


– Votre copain Mc Clure a fait un foin d’enfer pour nous empêcher de passer. C’est rudement bien d’avoir un ami pareil.


Phelps entraîna un Carson abasourdi vers la porte en lui posant un bras amical sur l’épaule.


– Vous ne le savez pas, mais tous les administrateurs des grandes villes passent ce genre d’épreuve maintenant. J’ai été un des premiers à la passer quand la mode a été instaurée. Moi on m’avait inventé une épidémie bien sale et bien dangereuse, répandue par des terroristes terribles. J’ai bien cru ne pas pouvoir m’en sortir.


Carson reprenait lentement ses esprits et commençait à assimiler ce que lui disait Phelps.


– Alors comme ça je suis administrateur ?

– Oui, de classe A, avec tous les avantages liés à votre rang : super appartement de standing, tripulso de luxe, chauffeur, salaire en conséquence, etc.


Carson se redressa, il commençait à y croire.


– Et les dégâts que j’ai causés ?

– À la charge de la municipalité, il faut admettre que vous n’y êtes pas allé de main morte, mais vous n’avez pas battu le record, loin de là ! À titre de comparaison, le maire Kingcannon avait, lui, complètement détruit un pont et un immeuble.

– Bon sang, j’ai du mal à admettre tout ça.

– Ça viendra, et pour vous remettre, je vous invite au meilleur bar de la ville avec budget boisson illimité.

– Ne promettez pas trop vite, attendez de me voir accoudé au bar, et on verra si le budget de la ville suffit à étancher ma soif.


Ils sortirent tous les deux dans le sinistre corridor du troisième sous-sol, bras dessus-bras dessous comme deux vieux poivrots en bordée.


 
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   Anonyme   
15/11/2014
 a aimé ce texte 
Un peu
Une histoire bien construite, au rythme trépidant, servie par une écriture diablement efficace. Rien à dire de ce côté là, ça roule et ça déroule.
MAIS... où est la science-fiction ? La véritable science-fiction, faite d'originalité, d'anticipation des codes et des mœurs, d'une vision de demain ? Dans votre histoire je ne vois que de l'action pure et simple que l'on pourrait transposer aisément à notre époque. Votre environnement futuriste n'est en fait rendu que par l'apport hétéroclite de tout un tas de machines : chronobuzzard, hypnocouche, pulso, etc.
C'est sympathique, amusant, mais bien trop superficiel pour amener véritablement le lecteur dans d'autres univers.

   Anonyme   
17/11/2014
 a aimé ce texte 
Bien ↑
On est farceur dans l'avenir ! Bon, en toute franchise je ne pense pas qu'une telle épreuve "grandeur nature" pourrait être organisée sans dégâts collatéraux (même à supposer qu'un des conjurés accepte de subir la torture pour être convaincant, il était tout à fait probable que Carson provoque un accident et tue du monde), mais j'ai bien aimé l'idée.
L'écriture aussi, tout va effectivement très vite, j'ai avalé la nouvelle en une grosse bouchée ! Voilà de la science-fiction plaisante, je trouve, et une mention pour l'onomastique : Nyork, Washton, bien vu pour moi. (Avez-vous lu ce livre de Stefen Wul, si je me rappelle bien, "Nyourk" ?)

"le propulsa dans la cabine de douche à haute pression qui acheva de dissiper les effets du cocktail revitalisant que lui avait injecté l’autodoc" : pourquoi "dissiper" les effets du cocktail revitalisant qui a précisément pour but de remettre en pleine forme un gars qui a dormi moins d'une heure ? Cela devrait refaire de lui une épave...

   Asrya   
17/11/2014
 a aimé ce texte 
Pas ↑
Vite ?
Vite ?
Vite ?!
Êtes-vous certain du titre ?
"Retenez votre respiration, vous allez traverser cette histoire en apnée. Il s'agit de faire vite.."
Avec une annonce pareil, on s'attend à quelque chose de dynamique, qui s'enchaîne, n'arrête pas, jamais.
Or pour le coup c'est un sursaut d'ennui ponctué par des mots fabriqués dont la signification se doit d'être devinée.
J'ai peiné, mais peiné pour arriver à la fin de votre récit. Cela ne m'a pas captivé une seule minute. Pourtant l'utilisation de ces mots étranges aurait pu être plaisante, mais à quoi bon ? Quel est leur potentiel ? Présager un futur ? Pas besoin de cette mascarade pour que le lecteur soit plongé dans l'avenir.
Pour ce qui est du fond même de l'histoire, j'ai trouvé cela très confus, grossier et assez mal développé.
Seule la fin (la révélation de l'épreuve) trouve grâce à mes yeux. L'écriture me parle davantage, les dialogues sont assez bien conduits.
Votre style narratif ne m'a pas convenu, j'ai assez rapidement décroché et compris que j'allais avoir du mal à achever votre nouvelle.
Je l'ai fait ceci dit.

Une question d'alchimie probablement... une narration trop éloignée de celles que j'affectionne ne m'a pas permis d'aborder votre histoire sereinement.
Arf... dommage, une autre fois peut-être !
Merci pour la lecture.

   Anonyme   
10/12/2014
 a aimé ce texte 
Pas
J'ouvre mon proléguéré et, la main sur ma musnauta, je tombe sur votre scripto.

Une course contre le temps pour sauver la ville, compte à rebours et bombe à retardement. Pas neuf. Ha si, c'était une caméra cachée. Et la fin en open bar façon Club Med est originale aussi.

Les villes ennemies ne sont pas ennemies du tout. La bombe n'en est pas une. Le futur administrateur est choisi, finalement, pour son incapacité à faire la différence entre une bombe et un tas de ferraille, pour son aptitude à se laisser pigeonner. La ville de Nyork est mal barrée !

Un texte qui ne m'apprend rien sur la vie, sur les hommes, sur le futur.
"Ho ça va, Dupark, si tu n'aimes pas la SF, n'en dégoûte pas les autres." Certes. Et j'ai culpabilisé avant de commenter. J'ai choisi de le faire pour dire que la SF ne met pas à l'abri des poncifs. Comment ça "ce ne sont pas des poncifs, mais des codes, indispensables pour que le lecteur soit embarqué dans un monde inhabituel" ? Je veux bien. Mais alors, il faudrait inventer autre chose que des voitures volantes, des bombes, un mourant capable de voler un engin... (!!) de se remettre en état en trois heures... des hommes qui ne se soucient pas de mourir dans l’explosion... (normal si on peut ressusciter aussi facilement, même pas la peine d'être psychoguidé).

Cela dit, la blagounette est facile à lire. C'est un plus. Ça aide à supporter.

   Shepard   
10/12/2014
 a aimé ce texte 
Pas
Bonjour fergas,

Je dois dire que votre texte ne pas autant emballé que d'habitude...
Si je n'ai absolument rien contre (je suis même plutôt pour) le fait d'utiliser la SF de manière purement contextuelle, 'environnementale' sans faire de l'anticipation ou autre (juste pour l'ambiance qu'elle peut dégager), le fond ne m'a pas trop convaincu.
Le côté avalanche de mots 'pour faire futuriste' j'apprécie avec plus de parcimonie, alors passe pour le 'pulsocar' mais moins pour 'l'hypno-couche', un lit qui se redresse quoi. Au final en dehors de ces mots, je ne ressent pas trop l'aspect SF (il n'y pas l'exploitation des possibilités SF, comme le voyage spatial ou la robotique avancée... ou n'importe quoi d'autre qui mériterait l'étiquette SF), vous auriez pu faire ça dans un univers contemporain ça aurait donné le même résultat (les voitures auraient été plus terrestres, et c'est à peu près tout).

La rédaction est fluide et on ressent bien l'intensité de l'action, jusqu'à cette fin... Que je n'ai pas du tout aimé. C'était un test ? Pour moi c'est au même niveau que 'c'était un rêve', c'est juste un des pires twist scénaristique qui puisse exister (à mon goût). Sérieusement, aujourd'hui on vous collerait un procès pour tout et n'importe quoi, alors je n'imagine même pas si la ville se mettait à vous accuser de meurtre ou bien à faire 'comme si elle voulait votre mort'.
Peut-être que quelque chose de carrément plus au second degré aurait pu sauver l'histoire...

Bref, j'aime l'écriture mais pas le reste.

   Pepito   
10/12/2014
Bonjour Fergas,

Bon, c'est tombé dru avant mon arrivée, je vais pas (trop) en rajouter. ;=)
Fond : Pour chipoter un poil :
"Sache seulement..." pour du parlé "pressé" je préfère > "Tu dois juste savoir..." ou équivalent
"claquement du relais de démarrage" oups ça claque déjà plus beaucoup à notre époque ;=)
"des terroristes terribles" et très terrifiants ;=)
"après un bref juron destiné à se donner du courage" m..., elle m'a fait marrer celle-là
Profusion de "qui" = aversion personnelle
Pour donner plus de pèche, peut-être décliner l'action au présent et vue par le narrateur...

Fond :
J'ai pas compris le pourquoi de "puis tu fais venir auprès de toi le maximum de personnel, " pour pas qu'ils ratent le feu d'artifice ?
Perso, un gars qui confond une fausse bombe avec une vraie, je l'embauche pas, je le vire. Après qu'il ait remboursé les dégâts bien sûr ;=)

En tous cas c'est sûr, vu tous ses exploits, le narrateur est américain. ;=)

Merci pour la lecture et à une prochaine fois.

Pepito

   in-flight   
10/12/2014
Je commente rarement la SF car je ne suis pas fan du genre et forcément je n'ai pas la culture ni les références pour... Je n'ai pas été jusqu'au bout du texte donc je ne vais pas me hasarder à une critique. Juste pour vous dire les raisons de mon abandon:
Quand on me fait le télé shopping des objets du futur d'entrée de jeu (sans l'humour qui pourrait l'accompagner), je décroche systématiquement. C'est tout ce que je n'aime pas dans le genre.
Et puis Nyork et Washton: Non non non! Un peu de personnalité dans votre texte: pas de faux-semblants qui nous situe direct le cadre chez l'oncle Sam...

Bref, il s'agit juste de vous donner mon ressenti pour un non lecteur de SF (bien que je reconnaisse quelques perles en SF: je pense à Ray Bradbury). Si ces petites remarques peuvent vous aider dans votre travail.

   VinceB   
15/12/2014
 a aimé ce texte 
Pas
J'ai été alléché par le petit mot d'introduction qui donne immédiatement le ton, bien épaulé en cela par le titre. La suite m'a par contre déçue et je ne suis pas arrivé au bout du texte. C'est dommage, l'intention parodique est tout à fait louable et me fait penser aux nouvelles de Fredrick Brown.

Voici quelques règles de relecture que je tente de m'imposer tant bien que mal, je ne prétends pas qu'elles soient les plus pertinentes ni qu'elles conviennent à votre style d'écriture. Les bonnes règles sont celles que l'on comprend et que l'on applique.

La première règle, étonnamment efficace, la plus simple, la plus fréquente aussi semble-t-il dans les conseils d'écrivains aux amateurs, est "moins c'est plus" : tout mot pouvant être enlevé, doit être enlevé. Exemple avec la première phrase, la deuxième partie de phrase est-elle bien nécessaire ? "...,réglé au niveau maximum, et qui produisait un boucan insupportable". Si oui ne pourrait-elle pas être ramenée en une seule expression tout aussi évocatrice évitant des mots sans véritables objets pour l'histoire, par exemple, "L'insupportable boucan du chronobuzzard réveilla Carson en sursaut".

La seconde est "écrire n'est pas décrire". Nous ne sommes des êtres analytiques que par nécessité, ce sont les émotions qui nous font vibrer et nous donnent envie d'avancer dans un texte. Exemple, avec l'ensemble du premier paragraphe. Le "catalogue de l'an 3000" est une idée intéressante, mais est-il bien nécessaire d'accumuler les exemples ? Au bout du troisième gadget le lecteur a bien compris qu'il s'agit de science-fiction, pendant ce temps l'histoire n'avance pas, le personnage est un mannequin au rayon "salle de bain" et il ne se dégage aucune émotion.

La troisième règle découle de la précédente "chaque phrase fait-elle avancer l'histoire, les personnages gagnent-il en épaisseur, où est l'émotion (cela peut être de l'humour)" ? Si la réponse est non à ces trois questions, alors la phrase doit-être supprimée. Si la réponse est oui sur un seul point, il faut quand même se poser la question de l'intérêt de la phrase.

La quatrième est d'oublier le texte pendant quelques jours avant de le relire, le temps que la fièvre de l'écriture soit retombée et les idées oubliées. Cela permet une relecture sereine. Tout ce qui ralenti, accroche, gêne, même légèrement la lecture doit alors être noté et retravaillé.
C'est également l'occasion de passer à la paille de fer les expressions banales, ces automatismes de langage ramenant le lecteur à la vie courante quand ce n'est pas à la publicité ; "cocktail revitalisant", "se lancer à toute jambes", "il gagnait au moins la moitié du temps", "bondir en avant".Je ne suis pas non plus partisan des mots apportant faussement des précisions : "caractéristiques de", "au niveau maximum", ainsi que les superlatifs "avec tant d'acharnement", "risque insensé" qui ne font que tenter de faire éprouver au lecteur des émotions que le texte ne lui procure pas.

Ces commentaires sont ma vision des règles de relecture, j'espère néanmoins qu'ils vous aideront et que j'aurai bientôt l'occasion de vous lire de nouveau.

   caillouq   
29/12/2014
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonne idée de démarrer le texte en pleine action, mais le "rappel" des événements précédents au plus-que-parfait n'est pas précisément léger... Peut-être faudrait-il négocier autrement la communication au lecteur des éléments indispensables. Sinon, des tournures pas très jolies, comme deux participes présents qui se suivent dans la même phrase ("le projetant vers l’avant en lui coupant le souffle"), le "cheval au galop" incongru dans ce texte futuriste (est-ce voulu ?!).
La pirouette finale n'est vraiment pas plausible (quid des morts possibles ? Des précédents impétrants ayant échoué ?).

Mais les scènes d'action directe sont bien menées, j'ai eu des images du 5e élément pendant toute la lecture (avec Bruce Willis pour les traits du narrateur), et mention particulière à "Nyork" et "Washton" (excellent, avec le titre !).


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