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Sentimental/Romanesque
Fil : Manque (un)
 Publié le 22/04/23  -  9 commentaires  -  11684 caractères  -  71 lectures    Autres textes du même auteur

Entrer dans la tête de Février, personnage solitaire et un peu particulier.


Manque (un)


Cinq mille vingt-sept, cinq mille vingt-huit, cinq mille vingt-neuf, cinq mille trente, cinq mille trente-et-un, encore une cinquantaine de pas et je serai rentré. Cinq mille trente-deux, cinq mille trente-trois, je suis content je n’ai pas perdu le fil, pas rêvassé, juste compté.

Je regarde à droite cinq mille trente-quatre, le même champ depuis toujours, au fond, le bois, cinq mille trente-cinq une forme est comme découpée dans le paysage, un manque. Je vais perdre le fil, cinq mille trente-six… aujourd’hui j’irai au bout cinq mille quatre-vingt-un. Je m’assiérai sur la marche devant la maison (une), je fumerai une cigarette (une) en regardant passer les oiseaux et je rentrerai.


J’ai trouvé des épis de maïs (trois) dans un champ en passant à quatre cent douze et des grappes de raisin (cinq) vers sept cent quarante-quatre. Je garde l’argent qu’ils me donnent, c’est pour ça que je vais à pied, sinon un euro dix aller, un euro dix retour. Deux euros vingt, trois fois par semaine, six euros soixante, vingt-six euros pour le mois et j’ai calculé si j’ai six semaines de vacances, mais ça m’étonnerait, c’est deux cent soixante-dix-sept euros vingt pour l’année. C’est trente livres de poche ou douze beaux livres, donc marche.

Depuis que je compte c’est agréable sauf quand je me trompe et que j’ai envie de retraverser le pont et de repartir en arrière. Si je me trompe, c’est dangereux, les ennuis viendront.

J’ai repensé à la déchirure dans le bois, j’irai voir demain, j’ai du temps, deux jours de libre (deux).


Ce matin j’ai coupé du bois et je l’ai rangé en piles bien alignées sous l’auvent (quatre). Ensuite café et lecture. Je les prends d’un coup même si c’est lourd. Je les mets sur mon étagère avec les miens, une vraie bibliothèque (vingt-sept) à la fin je les rends et j’en choisis d’autres. J’en ai toujours vingt-sept sauf quand je les rapporte mais je ne le vois pas, je suis sur la route. Plus tard, je m’en achèterai avec l’odeur de papier neuf, des gros. J’ai deux livres de calcul (deux), un livre de lecture (un), c’est le vieux qui les avait apportés un jour pour moi. Le reste je les ai trouvés dans les poubelles des gens.

Je ne jette jamais rien, je n’ai rien à jeter. Je n’achète jamais rien sauf le café, on trouve de tout dans leurs ordures, à manger, des pantalons (quatre) des pulls (six) un manteau (un), les chaussures c’est plus difficile mais j’ai de la chance.

Pendant que je lis ma petite voix me parle. Vas voir le trou blanc dans le bois.


Pour dire, c’est pas vraiment blanc, comme une taie dans le regard des vieux ou la petite peau qu’on retire sur les œufs durs parfois. C’est ça que j’ai vu hier et c’est ça que je vois aujourd’hui quand je m’approche. Je n’ai pas osé toucher, juste avec les yeux comme on dit. Ça palpite pas, je ne sais même pas si ça existe. Je repars, j’ai les poules à rentrer (six) et les patates à ramasser.


J’ai fini « L’Écume des jours », moi j’aime bien les histoires d’amour, pour comprendre et puis c’est beau. Madame Sertine m’a donné « Candide », elle dit que le nom lui fait penser à moi. Celle-là je ne l’aime pas, elle dit quelque chose et pense quelque chose. Elle dit candide et pense idiot. C’est la bibliothécaire. J’ai pris le livre quand même.

Demain tant pis si j’abîme, je passe le bras pour voir s’il y a quelque chose dans la trouée, une grosse araignée ou chais pas, parce que maintenant je pense qu’à ça.


Alors c’était rien, un reflet, un mirage, j’ai enjambé et c’était le brouillard, j’ai vu des ombres dans le fond qui portaient des trucs et puis l’odeur, je la connais mais je ne sais pas la dire. Je suis reparti parce que j’ai eu peur, si c’est des zombies.


Je sais pas si je peux en parler à monsieur Greco, il a du souci avec moi je veux pas l’embêter. Les gendarmes m’ont donné à lui quand ils m’ont trouvé avec le vieux. J’attendais quoi, on sait pas, j’ai compté les jours (trois) et il ouvrait pas les yeux. Le père Verrier a donné l’alerte vu que le vieux était pas passé boire son café depuis des jours (cinq).

Ils m’ont pas trouvé sur les registres, pour l’âge ils ont dit 18 ans (dix-huit) c’est plus facile il paraît et pour le prénom ils ont dit Février (le mois numéro deux). J’aime pas le deux. Monsieur Greco m’a trouvé du travail pour trois mois (trois). Le ménage dans une association. Ils faisaient du théâtre mais moi je les ai pas vus et puis le ménage moi je sais pas. Monsieur Greco quand il a vu les petites personnes que je découpe dans la mousse (quatre-vingt-treize) il a dit que je pourrais réparer les livres et c’est ça que je fais maintenant. J’aime mille fois mieux (mille) et puis c’est moins loin et puis elle est là et puis parfois, elle me regarde, Alice.


Je ne peux pas être un peureux. Faut être un homme, qu’il disait, le père. Il disait pas grand-chose d’autre, mais si j’étais malade, il prenait ma tête dans ses grandes mains (deux) et il pleurait, puis j’allais mieux et c’était reparti comme avant. Marche.


Je suis parti dans la nuit. Elle éclaire drôlement bien la lune et le courage, je l’ai. Je suis entré et l’odeur m’est revenue d’un coup, ça sent les coulisses comme dans mon boulot d’avant. J’ai marché vers la scène et j’ai imaginé, au fond, dans le loin plein de gens très grands (cinq cents) assis sur de très grands fauteuils (cinq cents) qui regarderaient les acteurs avec leurs mille yeux (mille), les acteurs comme de petites marionnettes, je me suis dit… ou alors comme mes poupées en mousse verte (quatre-vingt-treize) ? Et si un soir ils faisaient le théâtre ? Et la petite voix dans ma tête a dit tu pourrais emmener Alice. Est-ce qu’il y a une grande entrée de l’autre côté, avec des marches et des colonnes ? Combien de marches, il faudrait savoir. J’aimerais qu’il y en ait neuf, mon nombre préféré, je voulais m’appeler Septembre (mois numéro neuf), mais rien à faire, ils ont dit autrement. Le vieux, il m’appelait toi. Si c’est neuf marches (neuf), je pourrais emmener Alice ? Toi emmener Alice ? Elle voudra pas. Je crois que je lui fais peur.


Sur le mur de la cuisine, le père avait mis une punaise pour accrocher une carte postale. Derrière il n’y a rien d’écrit, juste l’adresse. C’est un lutin avec une écharpe, devant la cheminée, des petits animaux autour de lui. Je sais qui l’a envoyée. Souvent, j’imagine les petites souris sur mes pieds, le tour de cou qui me serre, et le sapin de Noël.


Une journée claire, je vais compter mes pas sur la route sèche. On a eu des orages d’été, je suis arrivé à la médiathèque tous les jours, chaussettes mouillées et cheveux de noyé.

Alors je n’ai rien dit, pas approché, pas invité Alice. Je ne parle pas, je dis juste dans ma tête. Plusieurs couches de voix, la mienne, celle des numéros, la petite douce et d’autres dont je tais le nom. Le reflet dans le bois a disparu, c’est mes yeux qui ont tout inventé, une idée de la forêt, la lune qui m’a trompé, c’est mes ombres qui m’ont pris par la main. Il y a une bâche sur la maison en haut de la colline. Comme si les tuiles étaient devenues molles et allaient emporter le bâtiment. Entre et envole-toi. Je sais depuis la trouée que j’invente le monde et je dois compter plus, pour me protéger des idées qui me viennent. Il me faut une vie sans froid sans pluie sans larme sans voix.


Je ne peux pas compter mes cheveux, ça me ronge. Je connais le nombre de mes dents, j’en ai perdu deux un jour en tombant dans une pente de la forêt, j’ai deux bras, deux jambes et une tête qui m’embête. Trop de mots dedans, mille idées, trois cent vingt-cinq histoires de maman disparue. Je ne peux pas tout mettre ensemble. Je ne sais pas devenir quelqu’un (un).

En ce moment, je prévois tout en une fraction de seconde, je sais que le renard arrive et je rentre les poules. Je sais que le safran va sortir et je me lève à l’aube pour le ramasser. J’entends madame Sertine dire voilà notre simple Février et elle le dit quand j’entre dans la pièce.


J’ai mangé chez monsieur Greco, c’est une famille, deux enfants (deux), une femme (une) et lui (un) ils sont quatre (quatre) Avec moi, cinq, j’aime bien ce chiffre (cinq). On a mangé, sur un petit appareil, du fromage fondu, des pommes de terre tellement petites que j’ai rigolé, des charcuteries que personne ne connaît et une salade.

On a trouvé une façon de se parler, il écrit et je dis oui ou non. Il a dit que tout le monde allait au bal du 14 juillet, tu viens. J’ai souri comme un quartier de lune, j’aime les fêtes avec un numéro. J’ai dormi là-bas dans un lit très doux, avec une couverture de nuages. J’aime.


Grande décision, si la robe est rouge (j’aime pas) je l’oublie, si la robe est neuve je m’approche.

Ils ont mis une lumière très forte sur la place. Le ciel est bleu électrique, on ne voit plus les étoiles, la lune reste seule. Des lampions (cinquante-quatre) de couleur, bleu, rouge (j’aime pas), jaune, vert, orange. Sa robe neuve à rayures, visage de velours clair, le visage d’Alice. La musique c’est un moulin de joie, j’ai envie d’aller de droite à gauche, mes pieds dansent. Une petite fille se cache dans le noir, son père la retrouve et elle hurle de rire.


C’est une lumière de brume orange sur la place. Madame Sertine m’a donné un verre de bière, on va rigoler. Elle dit ça, fait un clin d’œil au gars à côté d’elle et mon esprit s’envole en tourbillon, mes idées montent dans le ciel en nuages noirs. Je vois Alice au centre de la place, elle se balance doucement. Je devine que je vais aller vers elle et la serrer. Ce serait cinq minutes quarante secondes, cinq minutes trente secondes, cinq minutes qui seraient si longues, puis une minute et puis je ne saurais plus. Cinq, quatre, trois, deux et une seconde (une) et puis ce serait fini. C’est ça que je vois et que je ne veux pas. On a éteint la lune. Je pars sans me retourner. Cinq mille vingt-sept pas, cinq mille vingt-six, cinq mille vingt-quatre… jusqu’à chez moi, jusqu’à zéro.

Je me couche, la nuit est chaude mais j’ai froid et peur. Alors je mets mon pied gauche derrière mon genou droit, et plus tard l’autre pied glacé sous le genou gauche. L’un et puis l’autre et l’autre et l’un, l’un l’autre… et l’autre et l’un… jusqu’au sommeil comme elle m’a appris. Elle disait il faut le faire neuf fois (neuf). La mère (une).

Un jour, en février, elle a trop serré mon cou avec son écharpe rouge et elle est partie.


Un reflet dans la vitre, un songe, je la vois ce matin sur le terrain devant la maison, elle se promène.

Elle est là et je sors pour voir si c’est encore mon cerveau ou quoi ?


Alice est venue… me voir ?


Elle prend doucement ma main dans la sienne, je pleure, elle aussi.


On a été voir les lapins, on a ouvert les cages, on les a caressés, on les a mis sur nos têtes, dans nos bras, on les a remis en liberté, ils se sont rassemblés autour de nous. Les lapins nous ont regardé vivre. Ils resteront avec nous, personne ne les mangera. Alice ne mange pas les animaux.


Dans nos bras, comme un souffle. On ne sait pas faire, mais on le fait. Doucement on s’allonge, dans mon lit si dur, on s’enroule l’un dans l’autre, on rit de ne pas savoir, on va inventer le sexe puisqu’on n’y connaît rien. On s’accroche, se touche. Nos peaux l’une contre l’autre. On se déroule, on se reconnaît, on se sait. Il n’y a pas d’autres routes. Je respire dans sa main, elle prend mon pouce à l’intérieur de sa paume. On s’endort soudés comme de petites cuillères dans le tiroir de la cuisine.

Il n’y a pas d’autre route.


Je me réveille ce matin, seul. Je crois que j’ai compris. J’invente un monde parce que je ne vis pas pour de vrai. J’habite la tête d’une vieille dame qui écrit des histoires assise dans son lit.


 
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   Asrya   
27/3/2023
trouve l'écriture
perfectible
et
aime beaucoup
On ne peut pas dire que c'est un texte qui laisse indifférent.
Je ne l'ai d'ailleurs probablement pas lu au meilleur moment puisqu'il demande un minimum de concentration et de projection pour suivre et comprendre les détails de l'histoire. Les ai-je d'ailleurs compris ? Pas certain.

J'ai été happé par le style et surtout le rythme d'écriture qui m'a étonnement fait penser à du "spoken word", une image du collectif Fauve m'est apparu ; dans la manière de lire en tout cas, je m'en suis imprégné.
J'ai pris beaucoup de plaisir à lire dans l'ensemble.

L'idée est très intéressante, souligner chaque chiffre/nombre entre parenthèse donne une impulsion au récit, je trouve cela très bien vu ; cela crée une sensation très mystérieuse, comme une conversation, une introspection, une emphase personnelle. C'est étrangement satisfaisant.
Sur le concept j'adhère totalement, sur la forme, j'avoue que j'ai eu un peu de mal à saisir pourquoi certains passages étaient accentués et pourquoi pas d'autres. Pour jouer le jeu, j'imagine qu'il aurait été préférable de souligner chacun des "un", des "14" (etc.) ; certains y échappent (exemple "14 juillet" ; "une fraction de seconde").
Et en même temps il a y plusieurs voix, celle des "numéros" "la mienne", "la petite toute douce" , "et les autres" ; alors si ce sont ces autres qui parlent et non celle des numéros, peut-être que cela se défend. Mais dans ce cas, il y a une succession qui n'est pas limpide et il aurait été appréciable de trouver un moyen de faire comprendre au lecteur qu'il y a un changement de "voix".

Je ne suis pas sûr de comprendre ce que cette histoire se veut transmettre. Je ne peux donc en détailler que mon ressenti et mon interprétation probablement tronquée par mon incapacité à déceler le cheminement de pensée de l'auteur.
Une vieille dame, aux pensées multiples, aux histoires multiples qui mène une auto-conversation ; traumatisme passée ? Sénescence de l'âge ? Psychopathologie ? Difficile d'y voir clair.

Beaucoup d'éléments m'ont captivé, mais bien d'autres m'ont laissé de côté. Certains passages sont écrits avec plus "d'infantilisme" et se démarquent du reste du récit qui se veut plus travaillé ; j'ai imaginé qu'il s'agissait d'un acte volontaire pour parler d'une "voix" plus enfantine, par esprit de bienveillance probablement ; qu'en est-il ?
S'il s'agit d'un procédé artificiel souhaité, c'est intéressant, sinon, c'est maladroit.

Dans un cas comme dans l'autre, le fait de ne pas pouvoir cerner clairement "qui" parle, me pose quelques problèmes (en terme de compréhension - et la frustration littéraire ne m'emballe pas).

Je suis donc perplexe, et pour autant très satisfait de cette lecture, allez comprendre.

Merci pour le partage,
Au plaisir de vous lire à nouveau,
Asrya.

(Lu et commenté en espace de lecture)

   Dugenou   
22/4/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime beaucoup
Bonjour Fil,

J'ai trouvé le procédé narratif de ce texte intéressant, et habile ; bien qu'au début cela m'a dérouté, je n'aurai pas su imaginer meilleure façon de rendre prégnant ce trouble obsessionnel compulsif du narrateur : compter.

Puis vient l'évocation des voix, de l'hallucination, et ce doute d'exister réellement (comme chute), j'ignore si tous ces éléments constituent vraiment des symptômes d'une même pathologie, enfin bon, moi j'y vois un narrateur schizophrène.

Merci du partage, Fil.

   Anonyme   
22/4/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
Un bon indice, à mes yeux, que votre texte est réussi, c'est qu'il me met mal à l'aise. J'ai vraiment de la peine pour votre narrateur, je ressens son courage, les efforts constants qu'il accomplit pour avoir une place au milieu des humains et pour préserver ce qu'il est, son étincelle d'être et de rêve ; ses difficultés, me dis-je, nous les partageons tous et toutes, et je trouve fort cette manière dont vous me faites ressentir l'universalité de la tension entre être social et être intérieur à partir d'un cas très particulier. Cela dit, votre récit m'attriste trop pour que je puisse réellement l'aimer.

Concernant la dernière phrase, la révélation par le narrateur même de sa nature de personnage de fiction, je ne sais trop qu'en penser. Je pourrais la trouver artificielle, inutile, mais j'ai le sentiment qu'elle répond à une nécessité de cohérence narrative. Pourquoi ? Je l'ignore.

   plumette   
22/4/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
ce monologue intérieur de Février m'a emportée.
j'ai entendu cette voix singulière, je me suis intéressée à ce personnage différent qui lutte contre ses angoisses en comptant.
il se construit un monde rationnel avec les chiffres pour ne pas être englouti par son monde intérieur.
le monologue révèle peu à peu des pans de la vie de ce jeune homme, je trouve que c'est très habilement mené, je pense avoir tout suivi: le père mort, les services sociaux et le vie nouvelle de Février, son goût pour les livres, ses travaux, sa fascination pour Alice, sa peur de lui infliger ce que sa mère lui a fait subir.
Un beau personnage!
j'ai une réserve pour la fin. pendant tout le texte l'imaginaire de Février est sombre, étrange, et soudain, il s'invente une nuit d'amour avec Alice? ça détonne trop pour moi ( du coup ça étonne, et romp la tonalité du texte pour faire une fin semble-t-il)

mais je suis contente de ma lecture !
Pour l'écriture, je dirai qu'elle atteint son but: nous faire entendre la voix de Février et en ce sens, il y a un vrai travail que je salue !

A vous relire

   Catelena   
22/4/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Happée par les chiffres, d'un seul coup (un) j'entre de plain-pied dans la peau du narrateur.

Son obsession des chiffres qui le rassurent, et qui scandent ses aventures tout le long du récit, est une fameuse invention. Elle confère à l'histoire un parfum d'étrange, qui colle à le perfection avec ce personnage lunaire mais non dénué de sensibilité et d'intelligence. Cela me fait penser à une sorte d'autisme (?).

Le langage est assorti au propos. C'est lui, d'ailleurs, qui m'a séduite en premier. Cette façon de s'exprimer rajoute au charme de l'ensemble, et à la magie qui s'en dégage...

Vu du dehors, il ne pourrait s'agir que d'une histoire totalement banale. Le coup de génie, c'est de nous la raconter au travers des pensées empreintes de poésie de cet être ébloui autant qu'apeuré par la vie. Sans oublier ces petits bouts de son histoire qui se dévoilent un peu entre deux phrases, mais juste assez pour laisser libre cours à l'imagination du lecteur.

Merci pour cet agréable moment de lecture.

   Disciplus   
22/4/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Le parti pris de l'auteur et le procédé sont singuliers et suffisamment atypiques pour mériter toute mon adhésion. Certes il rend la compréhension plus délicate mais le résultat est intéressant. C'est un réel effort de différenciation que je salue. Pour ce qui est du récit proprement dit, j'ai, pour ma part, cru y percevoir la logique de pensée, les impressions et le jugement d'un garçon autiste asperger, obnubilé par les chiffres.
La chute du récit aurait pu être la phrase explicative " un jour, en février, elle a trop serré mon cou avec son écharpe rouge et elle est partie". J'y vois un "accident" (volontaire ou non) ayant causé un traumatisme majeur.
La suite ( La fille, les lapins, les petites cuillères...) m'a désappointée et un peu déçu.
Belle réalisation, Fil.

   Geigei   
27/4/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
J'ai lu ce texte avec beaucoup d'intérêt et de plaisir.

"J’ai fini « L’Écume des jours », moi j’aime bien les histoires d’amour, pour comprendre et puis c’est beau. Madame Sertine m’a donné « Candide », elle dit que le nom lui fait penser à moi. Celle-là je ne l’aime pas, elle dit quelque chose et pense quelque chose. Elle dit candide et pense idiot."

Le personnage lit pour comprendre. Il ne possède pas les implicites relationnels pour fonctionner, interagir.
Pour autant, le protocole lui permettant d'acquérir les codes est en place et semble porter ses fruits : Il décode, décrypte Madame Sertine.

L'exercice est réussi.
J'aimerais lire plus de vous. Pour apprendre, moi aussi, puisque ce texte a été publié et pas les miens.
Un grand bravo !

   Eskisse   
22/4/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Fil,

Cette nouvelle m'a émue: la voix du narrateur n'y est pas pour rien, elle est criante de vérité, juste et juste.
" On a éteint la lune." par exemple me tire presque une larme.

L'évocation des couleurs m'a fait penser à Des souris et des hommes .

La chute est remarquable, surprenante et fine : stratégie de compensation, l'imaginaire vient quelque peu adoucir et rendre supportable le réel à celui qui le vit ( c'est ma lecture de la fin et il y en a d'autres ).

.

   Corto   
23/4/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Fil,
Voici une démarche audacieuse: écrire 'à la manière de'. La manière dont un personnage dont le rapport au réel est très particulier, sans doute pathologique, s'exprimerait à partir essentiellement d'éléments factuels. L'utilisation systématique de nombres pour bien caractériser un fait ou une situation est une vraie trouvaille. Elle s'associe et précise le trouble de perception du réel, comme un effort pour bien caractériser ce que le personnage comprend, ressent, veut partager.

Le déroulement des événements est clair et finalement j'en tire une leçon: quand on a en face de soi un être qui fonctionne de manière très particulière, il est parfois possible d'entrer en communication avec lui. Pas toujours mais ici on est content que ce soit le cas.

Bravo.


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