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Sentimental/Romanesque
Flupke : Fréquents coups d’œil par-dessus l’épaule
 Publié le 28/07/09  -  14 commentaires  -  5208 caractères  -  74 lectures    Autres textes du même auteur

Sur la naissance de certains traumatismes.


Fréquents coups d’œil par-dessus l’épaule


Avertissement : J’ai inventé cette histoire du début à la fin. Néanmoins, toute ressemblance avec des événements ou des individus existants ou ayant existé est désirée. Car cette fiction est composite. Chaque détail « technique », pris individuellement – aussi surprenant soit-il – est véridique et vérifiable. La plupart des noms propres ont été gardés.


- Espèce de sale voleur ! Haut les mains.


Tom leva les bras en l’air. Il avait l’habitude. Le fruit jaune se distinguait avec netteté sur la peau noire de ses doigts. La main de Patrick recula d’un coup sec au moment du « bang » de la détonation. Le corps de Tom fut propulsé en arrière et il s’écroula sur l’herbe. Sue Ellen, qui avait suivi toute la scène à travers ses jumelles n’en revenait toujours pas. C’était bien son Tom, aucun doute, malgré la distance. Elle se hâta vers son ancien compagnon en poussant des cris hystériques. Elle s’approcha du corps allongé, s’assit par terre et saisit la tête de Tom dans ses mains, puis l’embrassa et toucha ses membres avec frénésie. Ils s’étaient perdus de vue il y a dix ans. Autant dire une éternité. C’était bien lui, malgré son œil borgne et sa bouche édentée. Elle sentit les bras de Tom l'enlacer. Il essaya de la serrer contre lui. Sue Ellen était émue, lui aussi l’avait reconnue.


***


Plus d'une décennie déjà que leurs chemins s’étaient séparés, mais ils n’avaient plus tellement conscience du temps. Au début, Sue Ellen rêvait parfois de Tom ; cela tournait souvent au cauchemar et elle se réveillait, angoissée, en pleine nuit. Et puis, les jours passant, les rêves s’étaient espacés.


Ils s’étaient connus au « Ringling Brothers Circus », elle, pédalant à reculons sur un unicycle et lui, amusant les enfants de ses acrobaties. Ils dormaient fréquemment ensemble. Pas vraiment l’amour avec un grand A, mais de solides liens d’affection existaient. Et comme tous les couples, ils se cherchaient parfois les poux. Pas le meilleur des jobs non plus, ces pitreries, mais ils ne nourrissaient aucune ambition et prenaient les choses au jour le jour. Carpe Diem. Quand le directeur du cirque fut terrassé par une crise cardiaque, Tom apporta son aide à une poignée de scientifiques, dans un laboratoire expérimental, le LEMSIP. Par suite du non-respect d'un protocole, il dut, entre autres, subir vingt-neuf biopsies du foie.


Sue Ellen eut plus de chance. Carrière cinématographique. Plus figurante qu’actrice. Elle fit même la une d’un magazine féminin, après avoir joué dans plusieurs épisodes d'une série B de télévision. Bien sûr, la starlette ne répondit jamais au courrier de ses admirateurs. Elle s’en moquait comme de sa première chemise. Les hommes ont de drôles d’idées ! Elle plana longtemps dans ce cauchemar médiatique doré. Et puis, quand, avec l’âge, elle devint acariâtre, elle atterrit ici, à Chambly, au Québec.


***


- Hé Andrew, viens voir ce chimpanzé, il est trop comique.


Andrew s’approcha de Patrick et chercha.


- Qu’est-ce qu’il a ?

- Regarde, mets ton index et ton majeur comme ceci. OK. Et puis ton pouce vers le haut. Parfait. Pointe ta main armée dans sa direction, dis-lui « haut les mains » et crie « Bang » !


Andrew procéda comme indiqué et constata qu’à l’injonction, le vieux chimpanzé leva les bras en l’air, ce qui provoqua un sourire béat sur les lèvres du jeune stagiaire. Et quand il singea la détonation et que Tom se propulsa d’un bond en arrière pour se laisser choir sur le sol, les membres formant un X, Andrew éclata de rire.


- Attends, je propose de recommencer et je vais te filmer avec mon téléphone portable. Pose une banane sur la table.


***


Mais quel était donc ce nouveau colocataire avec qui on allait encore la contraindre à partager son territoire ? Sue Ellen n’en croyait pas ses yeux. Elle se demanda si elle rêvait, s’il s’agissait d’un de ses cauchemars d'antan. La guenon ajusta ses jumelles en plastique, cadeau d’un visiteur, et observa la scène attentivement. Mais bien sûr, c’était Tom ! Elle ne connaissait qu’un seul de ses congénères, capable de faire ce truc, de lever les mains en l’air et de s’écrouler en singeant le mieux possible cet étrange comportement humain. Un tour répété des centaines de fois au cirque et qui suscitait toujours l’hilarité chez les spectateurs. C’était « son » Tom ! Le cœur battant, elle se précipita vers lui en poussant des cris. Elle l’embrassa, le cajola. Après une brève étreinte, ils commencèrent à se chercher les poux, l’un l’autre.


***


Tom s’est bien habitué à sa nouvelle vie à « Fauna Foundation » au Québec. Ceux qui l’ont secouru du laboratoire d’expérimentation animale ont noté qu’il ne semble pas s’être tout à fait débarrassé des fantômes de son passé : bien que Sue Ellen et lui soient, pour l'instant, les seuls occupants du large espace vert qui leur est alloué, il tourne très fréquemment la tête et jette un rapide coup d’œil par-dessus son épaule, afin de vérifier qu’il n’y a personne derrière lui.


Mais surtout, et c’est très bon signe, le couple a souvent été aperçu en train de s’épouiller mutuellement, pendant de longues minutes.



 
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   brabant   
28/7/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Géniale ! La chute est véritablement géniale ! On peut dire que vous m'avez baladé sur les tréteaux ! Je m'étais dit : Qu'est-ce que c'est encore que cet "américanisme" ? Et puis : PAF ! Ah ! Je me suis bien fait avoir !

   widjet   
28/7/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Flupke compte parmi nos auteurs les plus facétieux et ses twist finaux sont autant célèbres qu’attendus. Mais, on se laisse toujours piéger avec le même plaisir (même si une guenon avec des jumelles, ça m’a surprit !). J’ai connu l’auteur plus inspiré, mais la lecture est comme souvent plaisante.

En revanche, je me demande à qui Flupke pensait lorsqu’il a écrit cette histoire…

Widjet

   Anonyme   
28/7/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Une jolie petite histoire "flupkéienne" comme je les aime, avec une chute vraiment inattendue... Petite remarque amicale, peut-on dire un oeil borgne ? Pas sûr mais pas grave non plus, tout le monde a compris et malgré tout c'est fort bien vu !

   liryc   
28/7/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Flupke,
Cette nouvelle m'a fait pensé à "Rachid". On y retrouve le même humour, la même joie d'avoir été piégé à l'issue de la chute.
Que dire de plus?
Bravo
Liryc

   colibam   
28/7/2009
 a aimé ce texte 
Bien
J'aime beaucoup ce genre de textes qui fondent leur intérêt essentiellement dans la chute, plutôt réussie dans cette histoire simiesque.

L'écriture et simple mais propre et efficace. Que demander de plus ? Une petite séance d'épouillage peut-être.

   victhis0   
28/7/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
de l'art de réinventer la Planète des Singes...C'est rigolo, un poil facile masi bien fichu (effectivement les jumelles c'est véridique)
Allez, vite lu vite amusé vite oublié mais j'ai lu pire (bien du meilleur de Flupke)

   florilange   
28/7/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Joli texte, lecture agréable. Certaines phrases pleines d'humour : "singer de son mieux cet étrange comportement humain", fameux, fallait le trouver.
Je n'aime pas "leva les bras en l'air", où peut-on les lever sinon en l'air? Ni "Ils s'étaient perdus de vue il y a dix ans" (concordance des temps) mais ce sont des détails (pour mémoire) dont le texte ne souffre pas.
J'aime bien la fin, quand tous 2 trouvent la paix.
Merci,
Florilange.

   ANIMAL   
28/7/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
J'adore ce style d'humour et moi aussi je me suis faite avoir par cette chute extra. J'ai relu le texte après et il a encore plus de saveur.
Je dis Bravo et j'en redemande.

   aldenor   
28/7/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Le procédé fonctionne bien. Chaque séquence amène un éclairage supplémentaire à la scène décrite. Le parallèle avec un comportement d’humains est subtilement amené ; chercher les poux en double sens est bien marrant.
La clef est je trouve donnée un peu trop tôt : au mot « chimpanzé » donc à mi-nouvelle.
Et puis je dois avouer être resté avec quelques flous :
« Singeant cet étrange comportement humain… » : Lequel ? Celui de tomber à la renverse quand on reçoit une balle dans le ventre ?
Et quels étaient donc les fantômes du passé de Tom ? Pourquoi craint-il quelqu’un derrière lui ?

   Anonyme   
29/7/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour

j'ai bien aimé ta nouvelle et j'ai ressenti le même besoin qui m'avait saisi après le premier visionnage du "sixième sens" : y revenir une seconde fois pour voir les indices que tu avais soigneusement disposés comme des petits cailloux pour nous entraîner là où tu voulais. Et là, beaucoup de second degré perceptible (ils sont fous ces hommes, elle se précipita vers son ancien compagnon, se cherchaient des poux...et j'en passe) Seul reproche : le dénouement arrive trop tôt comme l'a souligné un commentateur précédent.
Je suis aussi un peu perplexe sur le traumatisme du singe; j'ai supposé que ses fréquents coups d'oeil par dessus l'épaule étaient dûs à la répétition quotidienne de l'exercice "haut les mains" mais, si le "tireur" se trouvait derrière comme cela le laisse supposer, le corps du singe aurait dû être propulsé en avant non ? à moins qu'il ne se soit retourné entre temps, mais ce n'est pas précisé donc...oui je sais je chipote, mais comme tu y reviens deux fois, voilà quoi...
Sinon, problème de temps sur "il leva les bras", l'imparfait est plus indiqué.
Une bonne lecture, distrayante et très sympathique.

   jaimme   
5/8/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
une belle jonglerie de mots!
Très humain!
Merci.

   Anonyme   
12/8/2009
 a aimé ce texte 
Pas
Bonjour Flupke,

J'ai lu plusieurs fois ce texte depuis sa parution avant de le commenter. Si je m'en souviens bien, la première lecture ne m'a pas été édifiante. L'humour sous-jacent ne m'a pas atteinte, le sujet étant je trouve, pas rigolo du tout. Tu n'y es pour rien, tu n'es en rien responsable du fait que les singes fassent du vélo ou soient expédiés, faute de mieux, dans des laboratoires expérimentaux.

A la deuxième lecture, le mystère étant caduc, j'ai essayé de trouver autre chose. Rien, la même impression prédominait. Ca ne m'a pas fait sourire, ni réagir d'une autre manière. J'ai même trouvé la fin tristounette c'est dire.

Aujourd'hui je rééssaie et la première chose qui me vient à l'esprit c'est qu'il manque à ce texte quelque chose qu'on puisse y trouver qu'on n'aurait pas décelé à la première lecture. Il manque aussi cet humour pertinent, incisif, mordant que tu sais pourtant parfaitement manier et instiller dans certains de tes textes
C'est peut-être ça, tout compte fait qui m'a le plus déçue.

Ce qui me fait dire par conséquent que c'est assez plat, ou sans émotion, ou encore, vu d'un peu trop loin et que ça manque d'implication personnelle.

Au plaisir de te lire, quoi qu'il arrive.

   Filipo   
30/10/2009
 a aimé ce texte 
Bien
C'est agréable, bien écrit, la chute est bien trouvée. Mais il manque quelque chose - ce texte est peut-être moins inspiré que certains autres, même s'il veut faire passer un message (m'a fait penser à Bono).

   marogne   
9/11/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Je ne pouvais pas faire autre chose dans l’Eurostar que de lire du Flupke, et encore une fois cela a été un bon choix.

J’avoue devoir reconnaître avoir été mené par le bout du nez et n’avoir compris ce qui se passait qu’à la fin, frustrant ( !) mais après tout amusant, et c’est à l’honneur de l’auteur.

Un petit texte plaisant à lire, amusant, empreint de l’ironie et de l’humanité que l’auteur nous distille avec constance dans ses opus. Merci.


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