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Humour/Détente
fred : Le banquet
 Publié le 23/06/08  -  6 commentaires  -  10090 caractères  -  20 lectures    Autres textes du même auteur

Un architecte est le seul invité à un banquet fantastique.


Le banquet


Où Ovide rencontre Platon.


Le moment est venu. Planté là devant la porte cochère de cet hôtel particulier cossu, il vient de brûler ses navires. L'instant d'avant, il était encore temps. Depuis il s'est saisi de la chaîne et a tiré la cloche. Il n'a pas entendu le carillon résonner. Mais il a imaginé un très digne et très amidonné majordome, dressant l'oreille, se lever et se diriger vers la porte pour recevoir l'invité. Il a eu le temps de s'imaginer toute cette scène, cachée à son regard. Et il est resté là. À cet instant précis, il aurait été encore temps de tourner les talons de ses élégants souliers vernis et de s'éloigner, l'écharpe de soie blanche négligemment flottante, sans se retourner, naturel, un passant qui passe... Mais il était resté et cette porte qui s'ouvre le trouve lui, l'invité de ce dîner mystérieux.


Il n'est pas déçu par le majordome qui lui ouvre et le fait entrer. Il se dégage de lui une atmosphère surannée aussi charmante que celle du carton qui l'a prié à ce dîner. Il est même mieux que dans les images qui viennent de lui venir à l'esprit.



* * *



Où il est question de carton


La veille, un coursier est venu le trouver dans son cabinet d'architecte pour lui remettre un pli. Dans ce pli, un élégant carton d'invitation :


Vous êtes prié à dîner

Demain soir à 20H30

À l'hôtel de Lassy, en ville.

Tenue de soirée


Surpris, il s'était demandé dans l'ordre :

- C'est quoi cette blague ?

- Qu'y a-t-il derrière ?

- Qui est derrière tout cela ?


Bref, les questions qui jaillissent immanquablement devant une invitation aussi énigmatique. Il n'avait a priori aucune idée de ce qu'était cet hôtel de Lassy, ni même de qui pouvait bien être l'émetteur de ce carton. Il s'était bien évidement renseigné. Par ses contacts professionnels, il n'avait pas tardé à identifier l'hôtel de Lassy. Il s'agissait d'un hôtel particulier du XVIIe siècle dans l'arrondissement de la ville encore très marqué par ce siècle. Mais ses contacts n'avaient pas pu lui désigner clairement le propriétaire des lieux. Il appartenait en effet à une vieille famille de la région et avait été racheté il y a quelque temps. On ne connaissait pas les nouveaux propriétaires et on ne les y voyait jamais.


Il avait poursuivi son enquête par une reconnaissance des lieux. Le mystère s'était alors épaissi. L'hôtel particulier avait été un bâtiment magnifique mais son état général était réellement dégradé. Aucune fenêtre ne donnait sur la rue, mais il s'il y en avait eu, il les aurait aisément imaginées obturées par des parpaings. L'impression donnée était celle d'un abandon ravageur, organisé avec l'intention de ne laisser la possibilité d'aucune occupation. Le mystère s'était épaissi, mais avait achevé de le décider à se présenter à l’invitation.



* * *



Où il est question d’étiquette


Le majordome l'accueille et le fait entrer. L'impression d'abandon a totalement disparu. Des torches éclairent le vaste hall d'entrée et cette lumière donne à ce lieu une réelle profondeur. Le majordome tient une lanterne à la main.


- Bonsoir, Monsieur. Monsieur est ponctuel. C'est bien. Que Monsieur me suive. J'expliquerai en chemin la règle du jeu à Monsieur.

- Merci. Suis-je le premier ?

- Monsieur est le premier. Monsieur est le dernier. Monsieur est le seul. Si Monsieur veut bien me suivre. J'expliquerai à Monsieur en marchant.

- D'accord. Je vous suis. Je dois vous avouer que je suis impatient de recevoir vos explications !!!


Le majordome lève sa lanterne à hauteur d'yeux et se dirige vers la cour. Les torches s'allument à l’approche du cortège puis s'éteignent. Une atmosphère féerique s'empare de l'hôtel particulier qui n'a plus rien de sinistre ni de son allure négligée.


- Ha ! Monsieur, comme je suis content que vous soyez venu. Je n'avais jamais vu cette demeure aussi gaie.

- Merci, mais si vous m'expliquiez un peu de quoi il retourne ici, ce soir ?

- Tout de suite, Monsieur. Monsieur a été invité ce soir à ce dîner unique. Monsieur est le seul convive. Il n’y a jamais eu de tel dîner auparavant. Je dois vous mettre au courant d'un ou deux détails.

- Mais qui m'invite ? Seul convive, oui, soit, mais avec qui dînerai-je ?

- Je crains bien que Monsieur ne soit seul à table, Monsieur.

- Attendez, je vais être seul ? Mais à quoi ou qui sert ce dîner où je serai seul ?

- Monsieur est l’invité, Monsieur. Monsieur a été choisi, Monsieur a fait l’honneur d’accepter. Monsieur est le centre de l'attention. Cependant, Monsieur, je me dois d’expliquer à Monsieur les règles.

- Il y a des règles en plus ?

- Oui, Monsieur, mais comme Monsieur le verra, ces règles sont simples.

- Allons-y alors.

- Voilà, Monsieur, je serai au service de Monsieur. Je passerai à Monsieur mets et vins. Monsieur ne devra sous aucun prétexte toucher à son assiette, ni à son verre.

- Comment ? Vous plaisantez ou vous vous moquez !

- Non non, Monsieur, je suis très sérieux au contraire. Monsieur pourra profiter du cadre de l’hôtel qui s’est fait spécialement rayonnant pour Monsieur. Monsieur en est le centre de ce soir. Mais Monsieur ne devra ni manger ni boire lors de ce dîner.

- Mais que m'arrivera-t-il si jamais je mange ce qui m'est servi ?

- Rien, Monsieur. Mais il ne faut pas, voilà tout.


Alors que cette conversation se déroule, le majordome le guide à travers ce véritable labyrinthe que représente cet hôtel particulier. Derrière l’éclairage partiel qu’offrent les torches allumées et éteintes au fur et à mesure de leur progression, la magnificence de l’hôtel est éclatante. Dorures, tentures, meubles et portraits se succèdent formant un décor que rien dans l’allure qu’il avait retenue de l’hôtel particulier lors de sa reconnaissance ne permettait d’imaginer. Sous le coup de la surprise, en proie à une profonde perplexité, il décide de ne plus rien dire et s’émerveille de ce lieu sans plus rien exprimer.



* * *



Où il est question de feuilletés


Après quelques minutes, le majordome le fait entrer dans une salle à manger doucement éclairée. Candélabres et âtre diffusent une lumière très intime. Un couvert somptueux est dressé. Le majordome lui indique sa place et l’invite à s’asseoir. Il profite depuis cette place de l’exceptionnelle beauté de la salle à manger, soulignée par cet éclairage doux et chaleureux. Il est seul, et son couvert lui suggère que le dîner sera constitué de multiples mets variés.


Outre son couvert, la table présente une assiette à pain, remplie de fines tranches d’un pain de campagne à la mie aérée finement grillé, un petit plat ovale contenant quelques fruits au sucre cuits agrémentés de violettes de Toulouse, deux assiettes présentant l’une de la salade de laitue et l’autre de la salade de chicorée et une assiette pleine de gougères dorées. La table est recouverte d’un damas d’une exceptionnelle finesse rehaussé par un bouquet de fleurs fraîches. Les assiettes, de biscuits très fins, miroitent doucement sous cet éclairage. Les couverts d’argent sont finement ciselés. Les verres sont d'un cristal très fin et taillés avec finesse. À peine est-il assis que le majordome lui apporte le premier plat.


- Consommé d'asperge aux morilles.


Apporté dans un pichet, le consommé lui est servi dans une fine tasse.


- Monsieur prendra-t-il un peu de vin gris de Suresnes ?


Il ne sait pas trop quelle contenance adopter devant ce plat qu'il lui est interdit de toucher. Il hume, regarde, mais ne sait guère comment signifier au majordome qu'il en a assez et qu'il souhaite passer à la suite, puis à la suite de la suite et ainsi de suite, très vite, jusqu'à ce que ça termine. Tentant le tout pour le tout, il essaie :


- Très bien, merci, c'était parfait, vous pouvez servir la suite.

- Merci Monsieur, l'hôtel apprécie les compliments des connaisseurs. J'apporte la suite à Monsieur tout de suite.


Suivent des paupiettes de saumon aux huîtres, du pâté d'anguille, de la tourte aux ris de veau, des sorbets, la salade et pour terminer les desserts et mises en bouche de la table. Ce défilé de mets, même s'il expédie les politesses, dure près d'une heure.


- Merci beaucoup, tout était parfait.

- Mais c'est Monsieur qu'il faut remercier. Monsieur a été un convive parfait.

- ...

- Si Monsieur veut me suivre, je vais raccompagner Monsieur.


Sur le chemin du retour, il pose enfin la question qui le taraude depuis qu'il a reçu le carton.


- Dites-moi donc une chose, mon ami, pourquoi moi ?

- Mais, Monsieur est architecte. Et quel architecte !!!



* * *



Où il est question de limites


Le lendemain, il prend le temps de retourner voir l'hôtel. Il a passé une drôle de nuit. En sortant de cet étrange dîner, il a dû combler sa faim en se jetant dans le premier fast-food venu. Il y a empiffré des choses gluantes et grasses en buvant quelques bières tiédasses. Du coup, il a mal dormi. Devant la porte cochère, il est perplexe et vaseux. Il est au bon endroit, c'est sûr. Mais rien n'est comme la veille. La porte est grande ouverte et des ouvriers commencent à organiser un chantier. Il n'y a aucune trace des magnificences découvertes la veille. De loin, il reconnaît le majordome et le hèle.


- Ouais, tu veux quoi ?

- Hum, eh bien, comment dire, que se passe-t-il ici ?

- Comment ça, que se passe-t-il ?

- Eh bien ces travaux, ce changement ?

- Ah, tout ça ? Bien c'est notre architecte, il va nous refaire du solide, du pratique. Toutes ces vieilleries franchement !!! Mais tu peux me dire en quoi ça te regarde ?

- Eh bien....


Il est interloqué, mais ne sait pas s’il peut faire état de son dîner d'hier.


- ... Rien, conclut-il.


Il tourne les talons. Son interlocuteur le rattrape, le prend par l'épaule, l'arrête et lui glisse dans l'oreille :


- Comme architecte, tu es le meilleur. Mais voilà, tu ne fais pas les travaux.


Frédéric ARCY mai 2008


 
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   Anonyme   
23/6/2008
Je me suis facilement laissé conduire par cette construction et ce rendu "à l'ancienne".
Oui mais...

Mais si on est, en effet, assez alléché par le côté fantastique de ce conte, on reste néanmoins sur sa faim quant à la finalité de tout ça !
Car dans quel but, l'apparente absurdité de ce dîner ? Et quel rapport entre le dîner et la chute, tout à fait décalée ?
Dommage, je trouve.

N’étant pas d’accord avec le fait de juger un texte, je préfère exprimer mon ressenti en mettant « j’ai bien aimé ».

   Anonyme   
24/6/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup
C'est une métaphore sur les "actes manqués", "Gâcher son talent", "Ne pas oser"... Le type n'ose pas manger les plats, il n'a donc pas le chantier... Et après la p'tite morale, il a refusé des mets délicats et il se jette en sortant sur des burgers: Résultat maux de ventre, comme quand on refuse de se lancer et ben on devient aigri et ratatiné... Enfin c'est cela que j'ai compris et ça me convient. J'ai apprécié cette lecture, cette ambiance absurde et décalée.

   widjet   
26/6/2008
 a aimé ce texte 
Bien
Le commentaire de notrac donne un éclairage intéressant à cette nouvelle, décalée et absurde, mystérieuse et fort bien écrite. J'attends le second texte de Fred pour me faire une meilleure idée. Mais le début est prometteur.

Widjet

   fred   
29/6/2008
bonsoir,
notrac a bien trouvé des clés de cette nouvelle.
J'ai voulu m'y poser la question sur les rapports de l'individu et du groupe, le respect des consignes.
J'ai écris d'autres nouvelles qui sont publiées sur le site d'un ami, le grand pin sur http://www.legrandpin.fr/
Je les proposerai aussi à oniris.

   Anonyme   
30/7/2008
J’sais pas trop, par bout il y à de l’intérêt, ensuite ça se perd.

Ah oui, pour le lien… pas fort.

   Anonyme   
30/7/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Voilà voilà, je reviens et m'amende un peu de mon "non appréciage" de la précédente nouvelle de l'auteur que j'ai lue.

Celle-ci je l'ai trouvé sympa.
Toujours cette écriture si bien maitrisée, pleine de caractère, et cette fois elle est plus légère, plus aérienne...
De l'image, rien que de l'image et toujours de l'image! J'aime ça... en deuxième lecture je vais chercher des messages cachés dans les feuilletés...

Hume mais ne goute pas... goute, mais n'avale pas... avale mais n'apprécie pas... bref, un bon sujet, une jolie façon de le traiter...

Personnellement mon petit Jiminy Criquet me dit que c'est bien étrange de recruter de la sorte, mais soit, on y croit!

Je me demande si j'aurai mangé...
Et pis j'ai faim maintenant!

Merci Fred de m'avoir conseillé ce texte, j'ai apprécié.
(surtout le majordome, je le trouve bien abouti le majordome... juste ce qu'il faut de british énervant...)


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