Laissez-moi vous narrer l'expérience effroyable vécu par votre serviteur.
Mon nom est Robert Preston. Je suis antiquaire à Greenwood. J'ai repris la boutique familiale, gérée de main de maître par ma sainte mère, qui a dû se débrouiller seule, mon père nous ayant abandonné lorsque j'avais à peine trois ans. Ma très chère génitrice est décédée voila trois mois, me laissant seul aux commandes non seulement de la boutique mais aussi de mon existence.
Je me souviens de ce matin-là. Un mardi. Je rentrais du travail, maugréant sur le fait que je n'arrivais rien à vendre d’intéressant depuis de longues semaines. « Les temps sont dur, et les bourses vides », me répétait mon voisin, le fourreur Rosenberg. Il n'avait pas tort.
Comme à l'habitude, je relevai mon courrier avant de pénétrer dans mon trois pièces silencieux. Je trouvai une lettre à mon nom, et l’ouvris.
À peine en eus-je commencé la lecture que je dus m'asseoir, tant mes jambes commencèrent à céder sous mon poids. Il s'agissait d'une lettre de mon père. Voila qu'il m'écrivait, après plus de quarante années de silence le plus total. Je n'en revenais pas. Il s'excusait d'être resté si longtemps sans donner de nouvelles. Il était malade et n'en avait plus pour longtemps. Il me suppliait de pardonner sa lâcheté et son égoïsme, et ajoutait que je pouvais le visiter à l'adresse qui figurait au dos de la missive. Sous le choc, tremblant de tous mes membres, j'avoue avoir eu recours à deux verres de schnaps pour calmer mes nerfs.
J'étais surpris, sonné, abasourdi. Je trouvais l'homme culotté. Je comprenais que sentant la mort venir, il ressentait le besoin de solder le passé, mais étais-je disposé à lui faire ce plaisir ?
Je passai les deux jours suivants en proie à d'intenses et douloureuses réflexions.
Puis arriva le samedi, et je me décidai. Je fis ma valise en hâte, et pris le train pour Hutchinson. Mon père habitait un coin des plus reculés. Après les six heures de route pour joindre Carvertown, je sautai dans un bus qui ralliait la côte occidentale.
Mais là encore ce ne fut pas tout. Parvenu au village pittoresque de Stanton, il me fallut parcourir à pied les huit derniers kilomètres sur un chemin côtier des plus escarpés. Ici la nature était sauvage, la mer pleine de houle et de fureur. Un vent à décorner les bœufs m'incita à coincer mon chapeau sous ma ceinture.
La maison de mon père était construite sur un promontoire, face aux flots déchaînés. Une bâtisse de type victorien, mais qui avait connu des jours meilleurs. Meurtrie par le vent du large et les embruns, elle faisait peine à voir. J'eus un pincement au cœur en songeant à l'isolement dans lequel vivait mon père. Il n'y avait pas âme qui vive à des lieues à la ronde.
Ému, anxieux, je frappai à la porte. L'homme qui m'ouvrit avait le teint pâle et les traits tirés. Sous une tignasse hirsute, deux yeux bleu délavé me fixèrent. Leur immobilité était glaçante.
– Mon fils ! fit l'homme d'un timbre cassé.
Et il me prit dans ses bras. Il me fit entrer et m’invita à m’asseoir dans le divan du salon. L’endroit était confortable. Une baie vitrée donnait sur l’océan. Il déboucha pour l’occasion une bouteille de chianti.
– Tu dois te demander pourquoi j’ai tout à coup décidé de te rencontrer, fit-il après avoir descendu son verre d’un cul sec. – Vous m’avez écrit que vous étiez malade. – C’est un fait. Un foutu cancer me ronge les os…
Il se resservit un deuxième verre, à ras bord, et le descendit tout aussi sec. Je n’avais pas encore touché au mien.
– Tu ne bois pas, fils ? Il faut boire. C’est un bon vin. Trinquons à nos retrouvailles !
Il se servit à nouveau et nous fîmes s’entrechoquer les verres.
– Comment va ta mère ? demanda-t-il. – Elle nous a quitté il y a peu. Une terrible tragédie. – Tant mieux. Je n’ai jamais pu supporter cette salope.
Je crus avoir mal entendu. Cet homme venait-il d’insulter ma pauvre mère ? Je manquais m’étouffer avec ma première gorgée de vin.
– Oui je sais, je suis un peu direct, mais tu sais, fils, quand la mort vient frapper à la porte, le temps qu’il reste est précieux. Et oui ta mère était une belle salope, qui se faisait fourrer par tout ce qui bouge. Tu l’ignorais peut-être ?
D’un bond je fus debout, bouillonnant d’une rage intérieure. Comment pouvait-il ? Je n’avais jamais vu ma mère avec un autre homme. Lorsqu’elle n’était pas à la boutique, elle demeurait cloîtrée chez nous, ne sortant qu’exceptionnellement. Elle n’avait pas d’amis dans le quartier. Pas de relation. Comment eût-il été possible qu’elle ait eu des amants ?
– Vous faites erreur, père, fis-je d’une voix troublée par l’émotion. La maladie vous égare. – N’en parlons plus ! Il vaut mieux que tu gardes d’elle une bonne image. Conserve tes illusions, c’est mieux.
Il leva son quatrième verre de chianti, me fit un clin d’œil hors de propos, et vida le verre d’un trait. Son teint commençait à virer au rose soutenu. Mon père était alcoolique, cela ne faisait aucun doute. Nous demeurâmes un instant silencieux. Je me tournai vers la baie pour regarder la mer. Je l’entendis déboucher une nouvelle bouteille.
– Et toi, que fais-tu dans la vie, fils ? voulut-il savoir. – Je m’occupe de la boutique. Tu sais bien. – Quelle boutique ?
Je me retournai et fixai le vieil homme. La couperose s’étendait sur tous son visage. À son front, une grosse veine palpitait.
– Enfin, père ! Le magasin d’antiquités. C’est vous-même qui l’avez ouvert. – Ha oui ! s’exclama-t-il. Bien entendu. Les antiquités. Savais-tu qu’il s’agissait de biens spoliés à des familles juives durant la guerre ? Ça ne m’a rien coûté. Personne ne les a jamais réclamés. – Que dites-vous ? m’emportai-je. Mais… c’est impossible !
C’en était trop. J’eus un haut-le-cœur. Je posai mon verre sur la table basse, et fit part à mon père de mon désir de me retirer dans ma chambre, prétextant la fatigue du voyage.
– Bien sur mon fils, me dit-il après avoir liquidé un énième verre. Prends le couloir c’est la deuxième porte à gauche. Fais comme chez toi. Je suis heureux de te voir, fils.
J’étais loin de partager son point de vue.
La chambre était petite mais confortable, et disposait d’une étroite lucarne. Je m’allongeai sur le lit, en proie à un abîme de perplexité. Les propos de cet homme étaient insensés. Comment osait-il salir le nom de ma mère de la sorte ? Et cette histoire de juifs spoliés… Peut-être était-il fou ? La maladie, l’isolement et l’alcool avaient pu lui faire perdre la raison. Je commençais à regretter amèrement ma venue en ce lieu. Demain, probablement, je m’en irais. Ça n’avait pas été une bonne idée de venir ici.
Une heure après, tandis que je cogitais toujours, on toqua à la porte de la chambre.
– Le dîner est servi, fils, annonça mon père.
Il avait dressé la table dans la cuisine. Il régnait une odeur de viande grillée. Je m’installai en face de mon père, qui nous servit de la viande en sauce.
– C’est une de mes spécialités. J’espère que tu vas aimer, me dit-il.
La viande était dure, pas assez cuite. Et elle avait un goût faisandé. J’avalais en faisant la grimace. Mon père nous servit du vin. Je le regardais, et constatais que son visage avait viré au cramoisi. Ses yeux étaient rouges et bouffis.
– Il faut que tu m’excuses pour tout à l’heure, me dit-il. Je manque de tact. Ne fais pas attention à mes propos. Je ne suis qu’un vieil hurluberlu qui perd la boule.
Je n’eus pas le cœur de finir mon assiette, tant la viande avait un goût ignoble. Elle baignait dans une sauce qui contenait bien trop de vin rouge. Mon père mangeait et buvait de bon cœur. Il était volubile. Il voulut me faire rire avec une histoire drôle, que je trouvais d’une vulgarité sans nom.
– Tu sais le plus dur dans la solitude, c’est le sexe. Il faut faire preuve d’imagination pour s’envoyer en l’air, me dit-il tout à trac. J’ai tout essayé : les trous dans les murs, la viande hachée, les mouches après leur avoir arraché les ailes… c’est un vieux truc de marin. – Vous n’êtes pas obligé de me raconter ça, fis-je, choqué.
Et pour changer de sujet, j’ajoutai :
– Comment évolue la maladie ? Savez-vous le temps qu’il vous reste ?
Il m’observa une longue minute en silence. Ses yeux brillaient d’une étrange lueur.
– Mais de quoi diable parles-tu, mon garçon ? finit-il par lâcher.
Le reste du repas se passa dans un silence presque douloureux. Il me proposa comme dessert un yaourt dont la date de péremption était largement dépassée. Je refusai en disant que je n’avais plus faim. Sans un mot, il disparut au salon et j’entendis peu après le son d’une bouteille qu’on débouche. Comme il avait laissé tout en plan, je résolus de faire la vaisselle. J’entendais la voix de mon père : il chantait. Cela ressemblait à une vieille chanson irlandaise, qui parlait de marin et de whisky.
Préférant le laisser dans sa folie, j’allai me coucher en espérant que le sommeil viendrait vite, et qu’il m’aiderait à jeter un voile opaque sur cette satanée journée.
Je mis un temps fou à m’endormir. J’entendais le vent qui soufflait fort et faisait gémir la charpente et la maison dans son entier. Je repensais à l’attitude incompréhensible de mon père. Sa folie. Ses yeux hagards et son visage congestionné. L’anxiété me faisait me retourner dans mes draps et transpirer d’effroi.
Mais je finis par m’assoupir.
Jusqu’à ce qu’un chuchotement me réveillât. J’ouvris les yeux sur les ténèbres. Une ombre se tenait en face de moi, immobile et chuchotante ; la silhouette d’un homme. Je distinguais à peine le flot de paroles, incompréhensibles. La voix était celle de mon père. Rauque, malade. Je fus saisi d’une angoisse qui me noua les tripes.
– Père ? fis-je d’une voix blanche.
Ce que disait la silhouette n’avait aucun sens. C’était une série de sons inarticulés, variant entre les graves et les aigus, un langage qui ne correspondait à rien de connu. À tâtons, je cherchai la lumière. J’appuyai sur l’interrupteur mais hélas, l’ampoule semblait grillée. La silhouette bougea en direction de la porte et disparut dans le couloir sombre.
Le cœur battant, je me demandais si je n’étais pas en train de faire un mauvais rêve. Vu le déroulement de la journée, cela n’aurait rien eu d’étonnant. Je passais les dernières heures de la nuit en tremblant sous mes draps poisseux. J’accueillis les premières lueurs du jour comme une bénédiction.
Je me levai et retrouvai mon père dans le salon, devant un petit déjeuner composé de tartines, de confiture et… d’une bouteille de whisky irlandais.
– Bien dormi fiston ? Il y a du café dans la cuisine… Sauf si tu tiens à trinquer avec ton vieux père ! ajouta-t-il en levant son verre à demi rempli.
J’allai à la cuisine me faire une tasse ; le café était chaud et sentait bon. Je revins dans le salon et constatai que le temps s’était calmé. La mer était d’huile, le vent ne soufflait plus.
– La météo est meilleure, fit mon père. Que dirais-tu d’une petite promenade en famille ? – Je voulais vous dire, père… Je ne comptais pas rester. J’ai beaucoup de travail en ce moment. Vous savez, la boutique…
Il m’observa d’un œil suspicieux. Il avala le contenu de son verre et fit grincer ses dents.
– Oui, oui, je comprends… Tu as des choses à faire… Et je suis un vieux bonhomme ennuyeux.
Son regard se fit vague, et il demeura un temps silencieux. Le café était brûlant et amer, juste ce qu’il me fallait. J’éprouvais soudain un sentiment de culpabilité à l’idée d’abandonner ce vieillard à son triste sort. J’étais mon propre patron et le magasin pouvait attendre.
Je me maudis aussitôt de ma faiblesse. Comment pouvais-je me laisser attendrir par ce vil personnage ? La journée de la veille avait été par trop éprouvante, sans parler de la nuit. Il me fallait m’éloigner au plus vite d’ici.
– Avant que tu partes, fils, permets-moi de te préparer ma spécialité pour le déjeuner. Mon poulet parmigiana est à tomber. Fais-moi ce plaisir, mon garçon.
J’hésitai un instant mais finis par accepter. Il me lança un grand sourire, ce qui eut pour effet de dévoiler une dentition en piteux état. Il avala le contenu de son verre et se leva, en faisant craquer ses genoux.
– Tu vas pas le regretter, fils. Et tu vas même me donner un petit coup de main. Quand j’étais môme, j’ai appris la cuisine auprès de mon paternel. C’était un as des fourneaux. Si je peux te transmettre le peu que je sais, ce serait avec grand plaisir.
Je le suivis dans la cuisine. Il commença à couper de l’ail, de l’aubergine. Ce matin, il me semblait d’humeur paisible. Même son regard était plus doux que la veille. Moins halluciné.
– Je peux vous poser une question? fis-je, encouragé par sa bonne humeur. – Tout ce que tu voudras, fils. – Êtes-vous sujet à des crises de somnambulisme ? – Je ne crois pas. Pourquoi me demandes-tu ça ?
Je songeais à la silhouette, cette nuit, au bout de mon lit. La trouille m’avait presque fait souiller les draps.
– Ho, ce n’est rien. J’ai dû faire un mauvais rêve, dis-je pour couper court. – Fils, je vais avoir besoin de toi. Peux-tu descendre au cellier et me ramener de l’oignon frais ? Tu le trouveras avec les patates, sous l’escalier. Le cellier est au bout du couloir, la porte de droite.
En me rendant jusqu’au cellier, je me fis la réflexion qu’il était un peu tôt pour préparer le déjeuner. Peut-être la recette dont il m’avait parlé nécessitait-elle une longue préparation ? Je n’étais guère un expert en art culinaire.
Je poussai la porte et allumai la lumière. Un escalier en bois descendait vers un sol en terre battue. Au moment où je posai le pied sur la dernière marche, un bruit dans mon dos me fit sursauter. La porte du cellier venait de se refermer brutalement. J’entendis juste après le son caractéristique d’une clé tournant dans une serrure.
Affolé, je remontai les marches quatre à quatre. J’essayai d’ouvrir la porte, mais il n’y avait rien à faire : elle était verrouillée. Je me mis à crier :
– Père ! Ouvrez-moi ! À quoi jouez-vous ?
À travers la porte, je pouvais l’entendre respirer. Il était là, juste derrière. Je tambourinai un instant contre la paroi de bois.
– Ouvrez-moi, ce n’est pas drôle ! ajoutai-je d’un timbre ou sourdait la panique. – Ne t’inquiète pas, fiston, répondit le vieil homme. Ce ne sera pas long. Il n’y en a plus pour très longtemps. – Qu’est-ce que vous dites ? Si c’est une blague… Je vous en conjure, je ne supporte pas les endroits confinés ! – Tu dois savoir quelque chose, mon garçon. Quelque chose qui est arrivé à ton pauvre père.
Tandis qu’il parlait, je pouvais entendre ses ongles qui grattaient le bois de la porte. Je secouai la poignée des deux mains, mon cœur battant à tout rompre.
– Elle me tourmente nuit et jour, mon garçon. Nuit et jour, sans répit. Je n’en peux plus, elle est en train de me tuer, reprit-il d’une voix haut perchée et gémissante. – De quoi parlez-vous ? Il s’agit de votre maladie, c’est cela ?
L’homme derrière la porte renifla. Il se mit à taper à intervalle régulier sur le battant. J’eus l’impression que c’était avec son front, et qu’il se balançait d’avant en arrière.
– Tu ne sais pas de quoi tu parles, me dit-il. La chose… Elle est tombée du ciel. Si tu l’avais vue ! C’est une abomination mon garçon ! Je l’ai vue cette nuit-là, et j’ai aussitôt perdu la raison. Elle n’est pas de notre monde…
La voix du vieillard charriait son lot de sanglots et de terreur. Elle me glaça les os. Pris de panique, je hurlais et abattais mes poings sur la porte, allant jusqu’à m’écorcher les jointures.
– Ouvrez cette foutue porte ! Vous avez perdu la raison ! Ouvrez cette putain de porte et nous appellerons un médecin ! – Je suis désolé, fils. Mon supplice est insupportable. La chose va revenir et elle te prendra toi. C’est la seule façon pour qu’elle me laisse en paix. Tu vas te sacrifier pour ton pauvre père. C’est pour ça que tu es venu, fils. Pour me sauver.
Je continuais à m’acharner sur la porte, pendant que j’entendais ses pas s’éloigner. J’appelais, je hurlais, essayant de ramener ce vieux fou à la raison, mais il n’y avait rien à faire. Je finis par me tasser sur moi-même, au sommet des marches, me laissant gagner par un profond désarroi. Je me mis à verser des larmes d’impuissance et de désespoir.
Au bout de quelques minutes de prostration, je décidai de me secouer. Je descendis les marches du vieil escalier et entrepris d’examiner le cellier de fond en comble. Je déchantai rapidement en constatant qu’il n’y avait aucun outil dont je pusse me servir. Le mur du fond qui donnait sur l’extérieur était composé de planches de bois épaisses, mais je fis la découverte qu’à un endroit la terre avait été retournée. Un petit animal avait creusé une mini galerie qui passait sous les planches.
Là était mon salut. Je me mis à genoux et creusai de mes mains. La tâche était longue et pénible. À tout moment, je craignais d’entendre la porte s’ouvrir, et de voir apparaître le fou qui se disait mon père. Je ne sais pas vraiment pendant combien de temps je remuais la terre. Mes ongles cédaient l’un après l’autre. J’avais les doigts en sang.
Tout à coup, il me sembla que la lumière baissait. Et juste après, la maison se mit littéralement à trembler. S’agissait-il d’un séisme? La bâtisse oscillait, gémissait, comme parcourue de spasmes atroces. Elle semblait souffrir et se déchirer. Au milieu de tout ce vacarme, un cri effroyable se fit entendre. Un hurlement humain, provenant du cœur de la maison.
Frappé d’une indicible terreur, je me mis à creuser aussi vite que je le pus. Mes doigts s’enfonçaient et se brisaient en même temps dans la terre. Je n’étais plus qu’un animal luttant de toutes ses forces pour sa survie.
Il me semblait que mon cœur et la maison allaient de concert exploser. Tout vibrait autour de moi. Rien n’avait le moindre sens. Enfin je vis la clarté du jour poindre sous les planches. Je me faufilai sans attendre. J’ignore encore comment, mais je parvins à m’extirper de mon piège. Recouvert de terre de la tête aux pieds, les mains en sang, je pris les jambes à mon cou et courus droit devant, sans réfléchir.
Je m’enfonçai dans la forêt, m’éloignant au plus vite de ce cauchemar.
De longs mois se sont écoulés avant que je ne me décide à coucher ces mots sur le papier. Je n’ai aucune idée de ce qui est advenu de cette maison sur la côte et de l’homme qui disait être mon père. Par quel démon était-il habité ? Quelle est cette chose tombée du ciel dont il parlait ?
Une seule certitude cependant. Il y a deux semaines, j’ai fait la connaissance de manière totalement imprévue d’un certain oncle Balthazar, qui a bien connu mes parents à l’époque où je n’étais qu’un tout jeune garçon. Cet homme m’a certifié que mon père était mort depuis bientôt cinq ans, des suites d’une embolie pulmonaire.
Ce qui me pousse à me demander : qui était donc ce vieux fou qui ne cesse de revenir hanter mes nuits ?
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