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Science-fiction
gollum29 : Chair fraîche
 Publié le 15/06/09  -  15 commentaires  -  21191 caractères  -  97 lectures    Autres textes du même auteur

Un homme se découvre une étrange maladie de la peau, en lien avec une terrible vérité sur son existence...


Chair fraîche


Banlieue de Paris, octobre 2070


Un soleil blanc régnait sur la capitale engourdie par le froid. Le mécanisme de dégivrage interne de la Tour Eiffel fonctionnait à plein régime, de sorte que la Dame de Fer dissipât une intense fumée onirique, qui l’enveloppait telle une robe de gaze. Voilà pour la carte postale. Moins photogénique, à une vingtaine de kilomètres à vol d’oiseau, la banlieue. Malgré les efforts en matière d’urbanisme, les immeubles demeuraient d’uniformes blocs de béton aux couleurs maussades, parfois rehaussées par des graffitis criards. L’HLM HC-85, en dépit de sa façade décrépite, restait l’un des bâtiments les plus confortables. C’est ici que vivait un couple, dans un appartement de 40m² entièrement rénové.


Aux alentours de midi, on sentait des effluves de nourriture. Chloé continuait à cuisiner un minimum, alors qu’on pouvait maintenant se contenter de barres énergétiques à base d’algues séchées.


- Mon chéri, tu peux sortir les steaks hachés du congélateur ? demanda-t-elle.

- C’est drôle… fit Vincent en ouvrant la porte du freezer.

- Quoi donc ?

- Oh, rien… je me demande depuis combien de temps la vache qui a donné cette viande est morte. Avec les délais de conservation qui n’arrêtent pas d’augmenter, ça peut en faire, des années…

- Et alors ? Elle n’est pas moins bonne pour autant ! Dans quelques minutes, ce sera comme si elle venait d’être abattue.

- Non ! Ce n’est pas si facile que ça d’arrêter le temps. La viande sera dure et gorgée de flotte ! Rien à voir avec celle qui vient de chez le boucher !

- Pff… soupira-t-elle, la viande trop fraîche n’est même pas bonne à manger, il faut attendre qu’elle rassise. Ne parle pas de ce que tu ne connais pas, monsieur le cordon bleu, qui n’est même pas capable de cuire un œuf ! Et puis, si tu n’es pas content, tu peux manger une barre de spiruline !

- N’empêche, ça ne te dérange pas si le steak que tu t’apprêtes à avaler est vieux de cinq ans ?

- Et toi alors ? Tu as dix ans de plus que moi et pourtant, je pourrais te dévorer tout vif ! Tu es plutôt bien conservé pour ton grand âge. C’est quoi ton secret ? Tu dors dans le bac à glace ?

- Oh, ça va ! Je n’ai que quarante-deux ans, et puis nos nuits sont loin d’être glaciales... Tu as l’impression de coucher avec un Mister Freeze ?


Il se rapprocha d’elle et fit glisser ses lèvres sur son cou.


- Eh non, vraiment pas ! Plutôt avec un volcan !


Vincent la saisit par la taille.


- Toujours en éruption, et qui répand son magma dans…


Elle se défit de son étreinte, avec un petit sourire feignant la gêne.


- En attendant, les steaks ne sont pas encore sortis ! Allez, dépêche-toi, que je ressuscite Jésus et Lazare dans la poêle !

- Oui mon amour.



Publicité clandestine (fin du XXème siècle).


« Vous êtes comme tout le monde : vous craignez la MORT. Aujourd’hui, nous ne sommes pas encore en mesure d’inverser ce processus, mais qu’en sera-t-il dans le FUTUR ? Pourquoi un individu dont le corps est intact, au seul motif qu’il a été déclaré MORT, doit-il obligatoirement être inhumé ou incinéré dans les 6 jours suivant le décès ? (articles R. 2213-33 et R. 2213-35 du Code général des collectivités territoriales).


Laissez-nous une chance ! »



Quelques jours plus tard, une matinée banale pour le même couple. Comme à son habitude, Vincent se précipita dans la salle de bain pour y prendre une douche. Les vingt-quatre jets hydromassants, tièdes, se mirent lentement en route pour le réveiller en douceur. Il n’avait pas beaucoup dormi. Sa peau, excessivement sèche et gercée, le faisait atrocement souffrir. Il ne comprenait pas. La température de l’appartement était thermo-régulée à 20°C, et il n’était pas beaucoup sorti la veille. Son seul soulagement fut de pianoter sur l’écran tactile de la cabine, de sorte qu’une solution apaisante soit pulvérisée sur tout son corps.


-Toujours ces problèmes de peau mon amour ? dit Chloé qui venait d’entrer.

- Oui, mais pas de quoi s’inquiéter, c’est juste que je suis devenu hypersensible au froid ces temps-ci.

- C’est pas normal ! s’écria-t-elle, moi par exemple, ma peau est assez fragile et pourtant, je n’ai pas la moindre affection. Montre-toi pour voir. Fais pas ton pudique.

- Je ne…

- Allez, tu passes bien des heures à me mater toute nue, et je ne peux pas t’ausculter dix secondes ?


Vincent sortit de la douche, un peu honteux de se présenter ainsi, couvert de lésions aussi laides qu’inexplicables. Une expression de dégoût secoua le visage de sa petite amie.


- Hou ! C’est bien moche ! Tu reviens de la banquise ou quoi ? Quand je pense qu’en temps normal, tu as une vraie peau de bébé…


Elle lui tendit un peignoir, non pas par amabilité, mais pour cacher ces crevasses qui couraient nonchalamment sur l’épiderme de Vincent.


-Merci, lui dit-il, tout en dissimulant au plus vite les curieuses marques qui le zébraient sous l’épais vêtement. Mais tu sais, la peau de bébé est très sensible… que veux-tu que j’y fasse ?

- Il faudrait voir un dermato.

- Mouais…

- C’est un ordre ! grommela-t-elle, il doit bien y avoir un traitement. Tu crois que je ne vois pas qu’il y a quelque chose qui cloche ? Depuis plusieurs jours, tu es irascible, tu n’arrêtes pas de te gratter, tu prends des tonnes d’analgésiques…

- Oui c’est vrai ! Je suis stressé par mon boulot !

- Ça n’explique pas les gerçures…

- Oh tu sais, quand on ne trouve pas l’origine d’une maladie, on a coutume de la mettre sur le compte du stress… alors on va dire que c’est ça !

-Tu mens, je suis sûre qu’il y a AUTRE CHOSE !


Évidemment, il y avait AUTRE CHOSE, mais Vincent était encore dans l’incapacité totale de l’expliquer.


Publicité clandestine (fin du XXème siècle).


« La MORT condamnée à MORT ! Bientôt, vos rêves d’immortalité deviendront réalité. Au sein de notre organisme, les défunts ne portent plus ce nom : ils deviennent nos patients, et nous prenons soin d’eux. Comment pouvez-vous abandonner aux vers ou aux flammes un être cher ? Cessez de croire la communauté scientifique : la MORT n’est pas irréversible.


Laissez-vous une chance ! »



On retrouve le couple dans un café, à deux pas de l’aérodrome réservé aux départs pour la lune. Les navettes Discovery III décollaient maintenant pour l’espace comme des avions de ligne classiques. Vincent et Chloé appréciaient l’ambiance de voyage qui régnait à cet endroit, et ils se disaient qu’un beau jour, ils tenteraient l’expédition lunaire. Depuis l’engloutissement de Venise, le satellite de la Terre était devenu le lieu des amoureux par excellence. La compagnie qui détenait le monopole de ces excursions s’appelait d’ailleurs très justement : Lune de Miel.


Vincent commanda un Moonlight et Chloé un Moon.K. Toutes les boissons servies dans ce bar se voyaient affublées du préfixe « moon », jusqu’aux ridicules « Mooncoffee », « Moontea » et autre « Moonchocolate ».


- Mon cœur, je ne sais pas si on ira un jour sur la lune ! lança Vincent, en regardant tristement par la baie vitrée une navette prendre son envol sous une pluie battante.


Chloé ne savait pas comment prendre ces paroles. Ce pessimisme ne ressemblait pas du tout à son fiancé.


- Qu’est-ce que tu veux dire mon chéri ? Tu n’es plus bien avec moi ?

- Non, ce n’est pas ça… enfin je ne sais plus où j’en suis… les marques sont revenues ! Si j’ai mis des gants aujourd’hui, ce n’est pas parce que j’ai froid aux mains. Regarde !


Il découvrit sa main droite. Elle était violacée.


- Ça me fait mal, reprit-il, je dois faire de plus en plus d’efforts pour remuer les doigts. C’est exactement comme s’ils étaient pris dans la glace.

- Mais, tu as été voir le dermato, et il t’a dit que ce n’était pas grave. D’ailleurs, avec son traitement, tu allais beaucoup mieux…

- Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression que c’est sérieux. Mon corps se déglingue ! Et si encore, ce n’était que physique…

- Comment ça ?

- Je suis sûr qu’il y a un lien entre cette maladie et ce que j’ai pu vivre dans le passé.

- Je t’en prie, il faut me parler. Tu es toujours très évasif à propos des événements antérieurs à notre rencontre… Quelque chose te tourmente ? Parle-moi à la fin, merde ! s’énerva Chloé, qui supportait de moins en moins ses cachoteries.


Vincent fouilla dans sa poche et alluma une cigarette, à la grande stupeur de sa fiancée (à noter que les puissants lobbies du tabac avaient corrompu le gouvernement à coup de millions de dollars universels pour abolir la loi Evin, ce qui explique pourquoi il pouvait fumer dans un lieu public).


- Mais… mais depuis quand tu fumes ? Ça va pas ou quoi !

- J’en ai ressenti le besoin. Un besoin irrépressible ma chérie.

- Tu as changé ! Moi qui croyais que…

- Oui, et c’est ça le problème, annonça-t-il en recrachant des volutes bleutées, qui tourbillonnèrent jusqu’au plafond. Je me sens devenir un autre. Ou mieux : redevenir moi-même. Et cet autre moi-même est un fumeur.

- Je ne comprends pas… fit Chloé tout en secouant la tête.


Les yeux de la jeune femme commençaient à gonfler, et des plaques rouges rognaient la peau laiteuse de son cou. Elle se sentait avec lui comme au bord d’un précipice : le mauvais pressentiment que plus rien ne serait jamais comme avant. Cela ne troubla pas Vincent le moins du monde. Il se lança dans une explication, d’une voix monocorde, en manipulant maladroitement sa cigarette de la main gauche.


- C’est un peu comme l’Histoire avec un grand « H ». On nous sert souvent une histoire officielle, et de l’autre côté, une histoire officieuse… En fait, j’ai en mémoire un passé tout ce qu’il y a de plus normal, on peut même dire banal… et un autre qui ressurgit progressivement. Forcément, il y a un conflit. L’un des deux est obligatoirement faux !

- Tu… tu me fais peur là ! On dirait de la schizophrénie, balbutia Chloé dont le visage avait pris la couleur d’un linceul.

- Le véritable moi n’est peut-être pas celui que tu as connu il y a deux ans, sur cette plage…

- Il faut te soigner, tu es malade ! Le cerveau est touché ! hurla-elle avec violence.


Vincent paraissait complètement insensible aux émotions de sa fiancée. Il posa sa cigarette sur le rebord du cendrier massif et but nonchalamment une gorgée de son « Moonlight ».


- Tu deviens fou ! vociféra-t-elle.

- Il doit y avoir de ça… avoua-t-il. Et un, et deux, et trois zéro ! Et un, et deux, et tr…

- Qu’est-ce que tu baragouines maintenant ? coupa Chloé avec le tranchant d’une lame de rasoir.

- J’ai ça dans ma tête… depuis toujours, sans savoir d’où ça vient. Avant, j’arrivais à me maîtriser, mais aujourd’hui c’est devenu incontrôlable. ET UN, ET DEUX, ET TROIS Z…

- Tais-toi ! On dirait une sorte de T.O.C.


Il écrasa rageusement sa cigarette dans le cendrier, devant une Chloé de plus en plus déroutée.


- Mais pourquoi tu ne m’as jamais parlé de ça ?

- J’avais peur que tu me prennes pour un dingue, et puis ce n’était pas obsédant à ce point. Quand la crise venait, je prenais sur moi et ça ne durait pas plus de deux ou trois minutes. Et un, et deux, et trois zéro !

- Ça vient d’où ?

- Quoi ?

- Ben, ce que tu dis…

- Je ne sais pas...

- Alors ça fait des années que tu te répètes une phrase, et tu ne sais même pas où tu l’as entendue ?

- Non.

- Je sais pas moi, on pourrait chanter ça pour narguer ses adversaires après une victoire sportive…

- Oui, ça ressemble à un résultat de foot, mais bon, une fois qu’on sait ça, on est bien plus avancé… dit-il avec une pointe d’agacement.

- Attends, je ne connais rien au sport, mais est-ce que c’est courant comme résultat ?

- C’est déjà une belle victoire, ou une bonne raclée, ça dépend de quel côté on se place… Pas plus tard que la semaine dernière, la France a gagné trois à zéro contre…

- Eh ! ton espèce de maladie s’est déclenchée la semaine dernière non ?

- Je ne vois pas le rapport entre un résultat de foot et le début de mes troubles…

- C’est vrai que c’est mince comme piste. Mais on ne se répète pas une phrase sans raison ! Il s’est passé quelque chose dans ta vie qui a un rapport avec un match de foot ! Essaie de t’en souvenir !

- Et un, et d…

- Arrête avec ça ! Ou c’est moi qui vais devenir folle ! Internet, on doit avoir le moyen de connaître tous les résultats de l’équipe de France.

- C’est peine perdue… soupira Vincent.


Elle sortit son téléphone portable et se connecta sur le réseau wifi.


- Alors voilà, résultats de l’équipe de France de football depuis 1904.

- Tu es bien gentille mais si tu pouvais regarder les résultats du temps où je suis né, ce serait mieux… lui fit-il remarquer, non sans ironie.

- Une minute, j’y arrive. Tiens, t’aurais pas pu vivre en 1998 ? Victoire de la France en finale de la Coupe du Monde contre le Brésil, trois-zéro.


Soudain, le sang de Chloé se figea.


- Eh, ma chérie ! cria Vincent, en passant la main devant les yeux de sa fiancée immobile, le regard vide. Aucune réaction.


Il s’empara du portable. Sur l’écran, on pouvait lire un encart sur la Coupe du Monde 1998 dont le titre était : et un, et deux, et trois zéro.


Publicité clandestine (fin du XXème siècle).


« Juste après leur « décès », nos patients sont conduits au plus vite dans nos locaux, où l’on se charge d’oxygéner leurs organes vitaux. Par la suite, leur sang est remplacé par une solution de synthèse, qui sert d’antigel, puis ils sont progressivement refroidis jusqu’à la température de -192°C dans un bain d’azote liquide. Ainsi, ils demeurent en parfait état jusqu’à la date de leur réveil.


La chance de votre vie ! »



À quelques dizaines de kilomètres, affolement dans un laboratoire souterrain ultrasecret.


- Monsieur, ça fait déjà une semaine que le n°45 montre des signes alarmants. Et là, tout de suite, il semblerait qu’il soit en passe de tout foutre en l’air !

- Imprimez son dossier. Il va falloir prendre une décision !

- Le voici.

- Hum, fit le chef de service en examinant le papier. Oui, c’est très préoccupant. S’il venait à mourir, il y aurait sans doute une enquête sur son décès, enfin son deuxième décès… Il n’est pas impossible que le médecin légiste qui l’autopsie découvre qu’il a été réanimé. Et comme son corps est bourré de capteurs, ce sera facile de remonter jusqu’à nous !

- Aie ! Aie ! Aie ! Quand on sait que ramener à la vie un individu cryogénisé est un surcrime. On risque le pire, un billet simple pour le bagne de Mars !

- Putain de loi bioéthique ! Qu’on punisse ceux qui tuent, je veux bien, mais placer la réanimation au sommet de l’ignominie, c’est un comble. D’un point de vue juridique, les terroristes, les pédophiles et les meurtriers sont des anges à côté de nous !

- Comme quoi, le Vatican a encore de l’influence au XXIème siècle… Ah, c’est sûr, on peut baiser des enfants, c’est très ecclésiastique ! Mais si l’on veut rivaliser avec Dieu, c’est autre chose !

- Que voulez-vous ? Même l’horreur a une part de subjectivité…

- Que faut-il faire alors, Monsieur ?

- On le fait disparaître. Mort ou vif, il nous cause des ennuis. Alors « porté disparu », voilà qui conviendrait. Dissolvons le problème à l’acide ! Faites envoyer dès que possible une équipe de neutralisateurs !


Extrait du dossier :


Sujet n°45 : Victor Septim (rebaptisé Vincent Alma)

Riche industriel décédé le 13 juillet 1998 d’une crise cardiaque, à l’âge de 40 ans. Cryogénisé dans la foulée. Bon état de conservation. Non réclamé par sa famille. Patient idéal pour expérience.


Réanimé en 2068. Procédure habituelle : effacement de mémoire, remplacement par une mémoire de synthèse. Chirurgie cardiaque. Régénération des cellules endommagées. Implantation des capteurs. Relâchement dans la nature.


Observations :


Pour un individu réanimé, le sujet montre une résistance exceptionnelle. Il est toujours en vie après deux années, là où les autres n’ont tenu que quelques heures ou quelques jours.


EDIT 12 octobre 2070 : le sujet se plaint d’une grave affection de la peau, possibilité de lien avec sa cryogénisation antérieure.


EDIT 19 octobre 2070 : Malgré sa lobotomie, le sujet est en passe de récupérer des éléments de son passé. Problèmes de peau récurrents. Dégénérescence des cellules. Possibilité de mort imminente. Grave menace.


Pendant que dehors, sur la piste détrempée, les navettes défilaient incessamment, Chloé se rendit aux toilettes pour se passer de l’eau sur le visage. Besoin de reprendre ses esprits après le choc. Elle revint dans la salle où Vincent l’attendait.


- File-moi une tige ! demanda-t-elle avec une vulgarité qui ne lui ressemblait pas.

- Tu ne devrais pas…

- On est un couple ! Si tu décides de foutre ta santé en l’air, alors moi aussi, dit-elle en fouillant dans le paquet posé sur la table.


Elle porta la cigarette à ses lèvres, Vincent l’alluma à contrecœur.

- C’est vraiment infect ! cracha-t-elle entre deux quintes de toux.

- Donne-la-moi si tu n’en veux plus.

- Non ! m’en fiche, je la fumerai jusqu’au bout !

- Tu sais, ça n’explique rien… j’ai pu entendre « et un, et deux, et trois zéro » dans un quelconque reportage…

- Non mon amour, affirma-t-elle avec conviction, plus j’y pense et plus je me dis que tu viens du passé ! Ton goût du vintage, de toutes les choses ayant un rapport avec la fin du XXème siècle… Et ces gerçures qui apparaissent maintenant sur ta peau ! Tu as été congelé ! Oui, on peut conserver la viande très longtemps… mais tu avais raison, elle n’est pas tout à fait identique après décongélation…

- C’est un peu gros ! Et pourquoi je n’aurais pas plus que ça de souvenirs de mon véritable passé ? Je l’aurais su quand même !

- Mais tu l’as dit, il y a deux passés qui se battent à l’intérieur de toi ! Peut-être que tu as subi un lavage de cerveau. C’est vrai que je n’étais pas très attentive à ça, mais tous tes souvenirs fleuraient la niaiserie d’une comédie sentimentale : la belle maison familiale entourée de massifs d’hortensias, ton premier baiser sous la pluie d’un orage d’été… tous tes amis formidables que tu n’as jamais été en mesure de me présenter… et puis tes étranges divagations sur le temps perdu qu’on ne rattrape plus… Il est temps de fermer ce chapitre et d’en ouvrir un nouveau : le temps retrouvé !

- Je crois que la nicotine te fait de l’effet ma chérie…

- J’ai raison, et si tu étais un tout petit peu honnête avec toi-même, tu le reconnaîtrais, fit-elle en se découvrant un plaisir insoupçonné à faire des volutes.


Les yeux de Vincent se mirent à briller. Chloé lui prit tendrement sa main calleuse et la couvrit de baisers.


- Je ne mérite pas ton amour, gémit-il, je ne suis qu’un morceau de barbaque congelée qu’on a réanimé. Un monstre engendré par la science ! Un mort-vivant ! Ceux qui m’ont fait ça risquent gros, c’est un surcrime…

- Quoi qu’il en soit, légal ou pas, leur surcrime m’a permis de te rencontrer. Et rien que pour ça, je leur en suis reconnaissante. Le reste, on s’en fout !

- Sauf que je suis sûrement en train de clamser… je sens comme des caillots de glace qui se forment dans mon organisme. Et cette mort sera définitive cette fois-ci !

- Non, on va te soigner ! Il faut que tu te battes !

- Mais me battre contre quoi ? La nature finit toujours par faire son boulot… mon sursis n’aura été que de courte durée. Pff, à quoi bon revivre si c’est pour mourir à nouveau peu après, dans d’horribles souffrances ?


Soudain, les lumières d’ambiance s’éteignirent à l’unisson, ne laissant plus que la timide lueur du jour éclairer le bar. Une voix métallique se fit entendre : « Ceci n’est pas un exercice, veuillez rester à vos tables pendant toute la durée de l’opération, au moindre geste suspect, vous seriez abattu. » Trois hommes de la police d’élite, engoncés dans leur lourde combinaison bleu foncé, se mirent à scanner les clients.


- Quelque chose me dit que c’est pour moi, murmura Vincent.

- Tu n’as rien fait pourtant !

- Si je suis vraiment un réanimé, ils vont me faire disparaître pour étouffer l’affaire.

- Mais c’est un contrôle de police, tout ce qu’il y a de plus normal.

- Qui te dit que c’est vraiment la police ?


Le faisceau se dirigea vers eux.


- Et un !

- C’est lui ! crièrent les hommes.

- Et deux !

- Halte ! Mains sur la tête ! firent-ils en braquant leurs armes sur le couple.

- Et trois !


Vincent jeta le cendrier en fonte de toutes ses forces contre la paroi vitrée, la seule échappatoire possible. Malheureusement, l’objet rebondit contre la surface en plexiglas et retomba au sol.


- Zéro ! fut le dernier mot de Vincent, alors que les rayons paralysants les touchèrent de plein fouet, lui et sa fiancée.


Ils furent embarqués à la hâte dans des capsules de sûreté, tandis qu’un message indiquant la fin de l’opération retentissait dans le bar. Tout le monde reprit sa conversation comme s’il ne s’était rien passé.


On n’entendit plus jamais parler d’eux. On peut toutefois supposer que Vincent marquerait une date dans le domaine de la réanimation, et que d’autres individus auraient la chance, ou le malheur de bénéficier d’une seconde vie, souhaitée ou non, à commencer par Chloé…



 
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   xuanvincent   
15/6/2009
Après une rapide lecture, cette nouvelle a l'air assez intéressante, et pourrait intéresser les amateurs du genre.

"La mort condamnée à mort" : cette idée m'a plu.

Un peu triste, la fin...

PS : Le titre de la nouvelle m'a fait croire un moment, ayant lu d'autres nouvelles de l'auteur, qu'il allait s'agir d'une histoire d'horreur située dans le futur.

   lemon_a   
15/6/2009
Mouais.
Je suis plutôt amateur du genre et j'ai lâché avant la deuxième pub.
Je ne sais pas, ca ne m'a pas accroché. J'ai trouvé ça...plat. J'ai pas trouvé que c'était franchement mauvais non plus, à priori il y a une intrigue sympa mais on dirai qu'on a droit au minimum syndical au niveau de la forme. Ca ne m'a pas pris.

   widjet   
16/6/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
C’est la première fois que je lis gollum en nouvelle je crois (edit : pas étonnant c'est la première ! Chuis trop con des fois moi...). Et je ne le regrette pas, moi qui suis pourtant guère friand de SF.

L’auteur a de la suite dans les idées et son histoire – bien que pétrie de maladresses (intrigue « sur expliquée », dialogues pas toujours réalistes, personnages ultra perspicaces tout ceci nuit aux effets et notamment au suspense) – témoigne d’une imagination fertile et d’un plaisir d’écrire assez identifiable. Ce récit de science-fiction au ton parfois décalé (Un/Deux/Trois zéro) se lit sans encombre grâce au style fluide.

Dommage encore une fois que Gollum nous mâche autant le travail et la compréhension. On se sent un peu pris pour un idiot.

Néanmoins, ce texte mérite bien plus que 3 pauvres coms !

Encourageant.

Widjet

   Menvussa   
16/6/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour Gollum,

J’aime bien le titre.

Faux départ. Tu nous annonces : Banlieue de Paris et tu embraye sur la Dame de fer. Que vient-elle donc faire ici. Ce n’est pas que ton introduction me déplaise, mais n’écris pas en sous-titre Banlieue de Paris. Un : Paris, octobre 2070 est beaucoup plus logique. La banlieue, tu nous y emmènes par le biais de ton récit.

Pourquoi utiliser le passé simple pour : dissiper ? Le dégivrage fonctionnait et la Dame dissipait une intense fumée… On n’est pas dans l’instantané, cette dissipation doit durer un temps suffisamment long pour que ce passé simple devienne incongru.

L’entrée en matière et ses débordements culinaires n’est pas mal écrite mais je ne lui ai pas trouvé un réel intérêt pour la suite du récit. Les encarts publicitaires suffisent.

« On retrouve le couple dans un café ». « On » c’est le lecteur… Je trouve cette incursion un peu maladroite.


Beaucoup de digressions qui, si elles alimentent gentiment le récit, lui font perdre de son intensité. Tu nous fais miroiter la lune, nous apportes le lobby du tabac sur un plateau mais tout cela ne fait pas vraiment avancer le récit.

Dommage, car l’idée est excellente.

« Les yeux de la jeune femme commençaient à gonfler, et des plaques rouges rognaient la peau laiteuse de son cou. » J’ai cru tout à coup que c’était contagieux. Apparemment il n’en est rien… Ces précisions détournent l’attention du lecteur.

« Pas plus tard que la semaine dernière, la France a gagné trois à zéro contre… » On n’est plus en 2070, ou ils ont remis ça ? Ce n’est pas logique la façon dont tu introduis l’enquête…

Il y a un peu de Total Recall dans cette histoire, (jusqu’à l’année 2070). Mon impression est que tu as survolé le sujet. L’intrigue est trop ténue et la chute trop prévisible. Pas de suspens, pas de rebondissements… Dommage.

   victhis0   
17/6/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
ca ne marche pas : les perso ont des remarques incohérentes (leur discussion sur le staeck haché est absurde : au moment où ça se passe, il n'ya aucune raison qu'ils s'en étonnent), les pubs sont mal écrites, très plates, sans intérêt. L'intrigue est très caricaturale et les réflexions des intervenants surjouées et sans nuances.
Il y a des répliques de dialogue amusantes et un plaisir dans l'écriture qui se transmet bien...C'est déjà pas si mal.

   nico84   
17/6/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
J'ai bien aimé l'idée globale bien rendue. Mais le fait d'inclure "le Et 1 et 2 et 3-0" ça enlève de son charme, ça m'a déplu je ne sais pas trop pourquoi.

Tu aurais pu encore mieux utilisé cette idée originale. J'ai bien aimé le débat rapide que le couple a sur la congélation en lien avec son histoire et sa maladie. Bien aimé la forme avec les pubs.

Mais je le trouve limite baclé. J'aurais aimé que tu ailles au bout des choses. La révélation va trop vite même au niveau de la femme qui est tout de suite assurée que son homme vient du passé. Quelle perspicacité tout de même. Quelques incohérences. Dommage car ton texte et ton écriture ont du potentiel.

   Marite   
17/6/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
Très intéressée par le sujet. Pour ma part je l’aurais plutôt situé entre 2020 et 2030 car les avancées scientifiques dans tous les domaines ont été spectaculaires les cinquante dernières années. Peut-être l’auteur n’a-t-il pas voulu affoler ses lecteurs… ? En ce qui concerne la forme, ça se lit facilement et je n’ai rien trouvé de particulier, ni d’extraordinaire. Pour les publicités, c’est crédible et je ne serais pas surprise qu’il y en ait de semblables d’ici une dizaine d’années. Je vais aller voir d’autres textes de l’auteur, par curiosité.

   Jedediah   
18/6/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Dommage que le suspense ne soit pas davantage ménagé... On devine très rapidement quelle est la nature exacte de Vincent. Dès lors, j'ai trouvé que l'histoire manquait un peu de profondeur, dans ses péripéties comme dans la description du personnage de Vincent.

C'est dommage, car l'idée de décongeler et de ramener un homme à la vie a quelque chose de très dérangeant qui donne une valeur ajoutée à cette nouvelle.

La fin reste ouverte mais je m'attendais à quelque chose de plus original qu'une organisation clandestine prenant en charge la résurrection de Vincent.

J'ai apprécié le clin d'oeil à la loi Evin ainsi que l'imagination de l'auteur lorsqu'il s'agit de dépeindre le monde en 2070.

Merci pour cette publication.

   Leandrath   
18/6/2009
Salut,

J'ai bien aimé le sujet, la cryogénisation illégale, expérimentations , tout ça. Par contre l'ancrage en fin du XXème me parait apporter une touche de realisme superflue : le lecteur fait automatiquement un lien avec des choses connues et même involontairement décroche de l'histoire S-F.

La forme du texte par contre est à travailler, le style est assez inégal. certains passages pourraient être supprimés. Ces petits défauts conduisent à des ruptures dans la fluidité du texte.

A titre personnel, j'ajouterais que ressusciter un blaireau mort d'une crise cardiaque à cause d'une victoire de foot c'est une faute de gout, et qu'il faut respecter Darwin ;) mais bon...standard champion...

   NICOLE   
18/6/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'ai vraiment aimé. L'idée est originale. J'ai passé un bon moment. Merci.

   marogne   
19/6/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
Il manque presque l'oreille cassée.....

L'idée est bien sûr assez banale dans le sens qu'elle a été développée maintes et maintes fois, mais j'ai trouvé intéressante l'inversion "criminelle", la re-naissance qualifiée de 'crime". Par contre j'ai été gêné tout du long par des dialogues que j'ai trouvé irréalistes, à la limite de l'histérie sans que l'histoire ne le nécessite.

L'introduction (le premier paragraphe) aurait peut être pu être un peu plus "accrocheur", il atteint une perfection clinique qui ne pousse pas à continuer vraiment; mais la curiosité....

Les digressions auraient pu nous faire pénétrer ce monde particulier ou le non respect des consignes d'exercice conduit à la mort, mais le style encore une fois nous pousse au dehors, comme si l'auteur voulait nous tenir à l'écart.

Peut être un peu plus de chaleur, d'amour des personnages, auraient rendu l'histoire plus attrayante.

   florilange   
2/7/2009
 a aimé ce texte 
Bien
N'étant pas spécialiste de SF, je dois avouer que j'ai aimé l'idée, originale même si elle a déjà été traitée X fois. La chute est triste mais l'auteur choisit la chute qu'il veut. J'aurais voulu sentir + d'amour entre les 2 personnages, + de liens, de douleur au moment où ils sentent le danger.

Les dialogues ne sont pas excellents, le style varie au cours du récit, dommage. Il mériterait sans doute + de travail sur l'unité. Tout de même 1 agréable lecture. Merci,
Florilange.

   Anonyme   
17/7/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Une idée excellente, mais un traitement qui ne lui va pas malheureusement.

L'idée de départ, ainsi que la chute sont vraiment bonnes, très originales je trouve. Mais le style est trop "maladroit": tes personnages découvrent trop vite le pourquoi du comment, les dialogues ne sonnent pas juste, le débat sur le steack est inutile je pense...

C'est dommage parce que j'aime aussi la récurrence du 1 et 2 et 3 ...0, c'est un belle idée de fil rouge.

Je pense qu'il faut que tu laisses plus de temps à tes personnages, et que tu mâches moins le travail à nous lecteurs.

   leon   
11/9/2009
 a aimé ce texte 
Pas
Je reprends le terme employé par Widget et Kaos : maladroit !

Le début est bien engagé et j'ai trouvé sympa le dialogue autour du steack haché, mais vers la moité du texte, ça dérape : l'intrigue est mâchée, et, comme quelqu'un d'autre l'a écrit, les personnages son hyper perspicaces, ce qui fout tout en l'air.

Le texte mériterait d'être repris et amélioré...

   Anonyme   
8/10/2009
 a aimé ce texte 
Pas
Autant l'histoire, l'idée de base, me plaît assez, autant le style me dérange. J'ai dû m'accrocher pour arriver au bout de ce texte à cause de cela.
Il faudrait vraiment retravailler la forme sans quoi le fond n'est pas accessible pour le lecteur. L'histoire perd tout son intérêt si elle n'est pas mise en valeur par un style fluide.

Ce n'est que mon avis...

Cela dit, j'aimais bien l'idée, l'impression de suivre ce couple une caméra sur l'épaule.

Désolé gollum29, une autre fois peut-être.


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