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Réalisme/Historique
guanaco : Les bottes
 Publié le 29/10/07  -  15 commentaires  -  11823 caractères  -  60 lectures    Autres textes du même auteur

L'action se passe en Argentine...non, au Chili... ou peut-être en Birmanie, je ne sais plus. En fait l'idéal serait qu'elle ne se passe pas du tout.


Les bottes


- Combien aujourd’hui ?

- Dix je crois. Dont trois jeunes.

- La Bête se nourrit de tout mon cher Mario. L’innocence de certains représente pour elle un mets de choix en même temps qu’une arme redoutable.

- Les trois jeunes étaient des frères, qu’y avait-il de mal à ça ?

- C’était les frères Esposito n’est-ce pas ?

- Oui.

- Alors c’est la milice qui les a arrêtés. Je suppose qu’ils étaient en train de distribuer des tracts ou bien de coller des affiches. Alfredo Esposito, leur père, est un dangereux criminel, ne l’oublie pas.

- Qu’a-t-il fait au juste ?

- Il a écrit !

- Je vous demande pardon ?

- Esposito a un énorme défaut Mario, il pense et il écrit. En fait, son seul tort a été de penser comme notre malheureux président, et cela lui a coûté la vie.

- Oui, je sais. Son corps calciné a fait la une de tous les journaux.

- Voilà un pluriel, hélas, bien obsolète. Il ne reste plus qu’un quotidien d’information je dirais, officiel, si tant est que l’on puisse qualifier son contenu d’informations ! Sans parler du titre : « L’Excelentissimo », plutôt évocateur, non, qu’en…

- Professeur, écoutez !


Le professeur et Mario interrompent leur conversation. Tout comme leurs dix-huit codétenus ils restent tapis dans cette cellule prévue pour la moitié.
Les bottes sont ponctuelles. Elles martèlent le silence de leurs éperons d’acier. Leurs vibrations sur le sol bétonné couvert de crasse et d’excréments pénètrent jusqu’au plus profond de l’âme.
En cette période, pendant que les bottes battent le pavé, la liberté et la vie battent en retraite.


- Mario, petit, tiens, bois de l’eau. Reprends-toi, ils sont partis.

- Professeur, c’était votre ration, je…

- Ma soif est tout autre Mario. Bois.

- Combien cette fois professeur ?

- Seulement trois. Les trois qui faisaient partie du groupe qui a attenté à la vie de l’aide de camp de l’Excelentissimo.

- Comment sont-ils arrivés ici ?

- D’après ce qu’ils m’ont dit, ils ont été dénoncés par un prêtre.

- Et voilà, même Dieu porte des bottes maintenant ! Maudit soit-il ! Professeur, comment a-t-on pu en arriver là ? Je veux dire… enfin je ne comprends pas. Le jour où ils sont entrés en cours, vous vous souvenez ? Pas un mot, des coups de crosse comme s’il en pleuvait et nous voilà vous, moi et toute la classe dans ce cloaque qu’ils osent encore appeler cellule à attendre notre dernière heure, tout ça pour quoi ? Je…

- Je ne crois pas que ta dernière heure soit si proche Mario. À seize ans, tu n’es encore qu’une masse d’argile brute sur le tour du potier. Et des artisans potiers le régime en a formé de très bons, qui tenteront de faire de toi une figure qui réponde à leurs critères. Tu peux encore leur ressembler malgré les défauts que tu possèdes à leurs yeux. Ils trouveront le moyen de les corriger, crois-moi, mais je crains qu’ils ne daignent s’attarder trop longtemps sur une argile réticente, récalcitrante et rebelle, et c’est ce qui m’effraie Mario.

- J’ai beaucoup appris au lycée vous savez, et notamment dans vos cours d’histoire, professeur. Je comprends mieux, je vois plus loin et j’aspire maintenant à de grandes choses pour notre pays, pour ma famille, pour tous mes compagnons ici, pour vous et pour moi. En plus, c’est génial, j’ai appris l’anglais pour pouvoir voyager !

- Moi qui voulais faire de toi un homme droit, te voilà devenu subversif !


Une puanteur a envahi le palais présidentiel, celle du cadavre de la démocratie qui jour après jour pourrit et se décompose dans le bureau de l’ancien président. La carcasse subit les coups de crocs journaliers de la Bête dont on entend les rugissements toujours plus menaçants, effrayants et cruels à travers tout le pays, depuis maintenant plusieurs mois.

La capitale fourmille de voitures sans plaques arrachant sans commentaire aucun, des enfants à leurs parents, des frères à leurs sœurs ou des femmes à leurs maris. Les violeurs se saoulent, trinquent et dansent au rythme des hurlements et autres appels à l’aide de leurs victimes souvent à peine âgées de quinze ans.
Les rues sont devenues le terrain d’un jeu dont les règles n’autorisent qu’un seul vainqueur, toujours le même : les Escadrons de la Mort.


- Professeur ?

- Reste tranquille Mario. Ne bouge pas de ta paillasse. Il faut que tu te reposes. Tiens, bois.

- Les bottes, elles sont venues cette nuit, n’est-ce pas professeur ?

- Oui Mario, elles sont venues.

- Et alors ?

- Bonne nouvelle Mario, elles n’ont pris personne.


Les yeux de Mario s’enfoncent progressivement dans son crâne. Son regard famélique scrute celui du professeur. Après un effort surhumain, Mario parvient à se redresser et à lever un index inquisiteur et squelettique en direction des autres prisonniers.


- Nous ne sommes plus que sept, professeur.

- Ils ont poussé le vice jusqu’à jouer à colin-maillard pour les suivants… La moitié de la classe est maintenant partie Mario… Je suis désolé. Mais on a encore eu de la chance tu vois !

- Vous avez encore de la famille professeur ?

- …

- Que sont- ils devenus ?

- Mon épouse est allée compléter la longue liste des disparus, mon frère a été massacré avec tous ses collègues d’une ONG, et mon fils il…

- Que s’est- il passé avec votre fils ?

- Chut !


Le chant funèbre des bottes a repris, répétitif, monotone mais toujours plus percutant. Son écho, insidieux et sadique, s’en va batifoler vers les oreilles, même les plus éloignées des survivants qui tentent en vain de se cacher. Aucun prisonnier ne peut plus y échapper et tel un chien dressé, l’écho revient vers son maître pour lui dire « J’en ai trouvé un là-bas au fond » ou bien « Il y en a un sous une paillasse »…


- Non, non, lâchez-moi ! Je veux crever professeur, j’en peux plus !

- Du calme, Mario, du calme ! Tu dois rester tranquille… Vas-y, pleure, pleure tout ce que tu peux, c’est tout ce qu’il nous reste de toute façon.

- Pourquoi ils ont fait ça ? Pourquoi ils les ont exécutés ici devant nous ? Pourquoi, professeur, pourquoi ?

- Il n’a rien d’humain Mario. Il n’est pas comme nous et surtout pas comme toi Mario. Lorsqu’Il voit une plaie qui saigne, Il en jouit et en ouvre une autre encore plus grande pour jouir davantage. C’est un animal, un prédateur, mais toi Mario, tu es un homme. Lorsque tu vois une plaie qui saigne, c’est toi qui as mal parce que tu considères que l’autre ne doit pas se sentir seul dans la souffrance.


Mario est inconsolable. Chaque secousse met à rude épreuve l’élasticité d’un crâne au bord de l’implosion. Il se rend compte que les bottes ont maintenant entamé leur défilé macabre dans sa tête, qu’elles l’envahissent comme elles ont envahi le pays : sans crier gare et par la force. Il sent qu’elles font disparaître petit à petit son cerveau comme elles éliminent un à un ses compagnons d’infortune. Toute sieste sera dorénavant perturbée par ce pas cadencé qui viendra harceler l’esprit de chacun d’entre eux pour lui glacer le sang, seul liquide encore susceptible de circuler dans leurs veines puisque les dernières rations d’eau sont maintenant épuisées.
Mario délire.


- …en bleu. Toutes les autres étaient roses, mais nous on avait choisi de les peindre en bleu. C’est les deux plus belles maisons du quartier. Comme ça, elles ne font qu’une. C’est notre maison à nous, à Alicia et à moi. Toujours tout à deux. On voulait être avocats parce qu’on se disait qu’on voulait se battre contre l’injustice qui envahit le pays chaque jour un peu plus. À deux, on allait gagner tous les procès.

- Noble destinée. Vous serez de très grands avocats, j’en suis persuadé.

- Rouge… C’est la couleur de la camionnette qui a enlevé Alicia et ses parents. Trois militaires, trois uniformes kaki et une camionnette rouge. Ce jour-là, mes parents étaient au marché, je me suis caché derrière les rideaux gris de ma chambre et je les ai laissés emmener mon Alicia sans rien dire… Son regard, ses yeux verts… Alicia…

- Je suis désolé Mario. Mais je suis sûr que tu la retrouveras et tu l’emmèneras loin, très loin, dans un endroit où il n’y aura pas de camionnette rouge, et où tu pourras lui construire une magnifique maison bleue, rien que pour elle et toi.


Soudain, la porte de la cellule s’ouvre dans un fracas épouvantable. Curieusement, et pour la première fois, personne n’a rien entendu, rien ne présageait cette intrusion. Une femme, chignon serré et tailleur aux couleurs du régime, s’avance d’un pas qui en impose malgré sa petite taille. Son regard de glace contraste avec l’étuve de la cellule. Après quelques secondes d’un interminable silence, elle s’adresse aux prisonniers :


- L’un d’entre vous parle-t-il et écrit-il couramment l’anglais ?


Chaque regard en direction du cerbère au chignon est empli de la plus grande méfiance. Tous sentent le piège, un nouveau stratagème machiavélique et diabolique pour désigner les suivants.


- Pour la dernière fois, l’un d’entre vous parle-t-il et écrit-il couramment l’anglais ?

- Est-il possible de savoir pour quelle raison ? lance une voix hésitante mais sûre de son propos du fond de la cellule.

- C’est vous le professeur, n’est-ce pas ?

- C’est exact madame.

- Sale race ! Toujours à inculquer des idées subversives. Néanmoins, je ne risque rien à vous répondre étant donné le temps qu’il vous reste à méditer sur vos erreurs et vos choix.

- Mes erreurs et mes choix ont fait de moi un homme, je me revendique en tant que tel.

- Peut-on être aussi stupide ! L’individu qui ne pense que par lui-même est un fléau pour la communauté, pour le peuple. Il ne pense qu’à lui et n’est donc d’aucune utilité pour le groupe. L’Excelentissimo pense pour nous tous et nous lui en sommes tous reconnaissants.

- Et pourquoi alors vous faut-il un anglophone ?

- Un quoi ?

- Quelqu’un qui parle anglais !

- Certains pays ont, semble-t- il, compris l’utilité de rejoindre La cause et de s’allier à la politique de l’Excelentissimo. La langue anglaise est une langue appropriée pour mettre en œuvre une coopération.

- Je ne puis croire qu’une autre nation envisage de coopérer, c’est écœurant !

- Cher professeur, les gens de votre espèce, et tous ceux qui ont le malheur de penser comme vous, vous ne maîtrisez plus rien. Nous sommes l’avenir de ce pays ! Et Dieu est avec nous !

- Pauvres de nous !

- Assez perdu de temps. Alors ? Personne pour l’anglais ?

- Si. Quelqu’un.

- J’ose espérer que vous rigolez. Pas vous professeur ? Comment pouvez-vous avoir l’audace de vous proposer ?

- Il y a ici un jeune homme. Il est très bon en anglais.

- Un étudiant ?

- Oui.

- Ne me dites pas qu’il s’agit d’un de vos élèves ?

- Non, je m’occupe de lui ici parce qu’il est tombé malade et qu’il est déshydraté.

- Vous savez que je peux tout vérifier à tout moment ? De toute façon, si vous m’avez menti, il sera exécuté sur le champ.

- …Je l’ai entendu parler anglais, il est bilingue, croyez-moi.


Elle examine Mario en sueur sur sa paillasse. Le jeune garçon a suivi la conversation, une baisse de température lui a permis d’être attentif.
D’un regard vers son sauveur, il comprend qu’il vient d’obtenir un sursis. Mais il sait aussi qu’il ne reverra plus son professeur qui, d’un clin d’œil discret, lui transmet le flambeau de la démocratie, à charge pour lui d’en faire bon usage, au bon moment pour sauver son pays et le sortir de son cauchemar. À voix basse, alors qu’il se dirige vers la porte, Mario parvient cependant à demander au professeur :


- Et votre fils alors, que lui est-il arrivé ?


Au bord des larmes, le professeur tend une main à Mario pour lui dire adieu et lui murmurer :


- Il a décidé de mettre des bottes…


Et la porte se referme sur les dernières paroles entrecoupées de sanglots du professeur qui sera fusillé deux jours plus tard :


- J’espère de tout mon cœur qu’elles sont trop grandes pour lui…



 
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   Pat   
29/10/2007
 a aimé ce texte 
Beaucoup
j'ai vraiment aimé cette histoire, malheureusement assez réaliste.. Même si on ne sait pas vraiment où, ni à quelle époque cela se situe... Intemporelle sans doute... et répétitive... La dictature qui renaît toujours de ses cendres... C'est bien écrit, très imagé... Fluide. Les dialogues sont bien menés... Malgré tes craintes...
Quelques interrogations, tout de même :

"Moi qui voulais faire de toi un homme droit, te voilà devenu subversif !

Une puanteur a envahi le palais présidentiel, celle du cadavre de la démocratie qui jour après jour pourrit et se décompose dans le bureau de l’ancien président. La carcasse subit les coups de crocs journaliers de la Bête dont on entend les rugissements toujours plus menaçants, effrayants et cruels à travers tout le pays, depuis maintenant plusieurs mois." : le passage entre ces dialogues et la description du pays me parait abrupt (pb de construction ? (le mettre avant les dialogues, par exemple ?) ou manque de lien entre les deux ?)

"- Non, non, lâchez-moi ! Je veux crever professeur, j’en peux plus !" (le « non, non, lâchez moi, » on ne comprend pas bien pourquoi il dit ça, la suite de la phrase me parait suffisante)

"Pourquoi ils les ont exécutés ici devant nous ? " devant ? : ce n’est pas ce qu’on comprend… J’ai pensé la première fois que je l’ai lu que Mario parlait du passé… Mais je ne suis pas sûre)

"Pourquoi ils ont fait ça ? Pourquoi ils les ont exécutés ici devant nous ? Pourquoi, professeur, pourquoi ?
- Il n’a rien d’humain Mario. Il n’est pas comme nous et surtout pas comme toi Mario. (pourquoi il au singulier, là ? alors que la réplique précédente indiquait le pluriel... J'ai compris que tu parlais de la bête, mais ça fait drôle dans la réplique)

Il y a beaucoup de passages vraiment bien écrits. Je ne peux pas tous les citer. J'en cite un, quand même (pour les images) :
"Mario est inconsolable. Chaque secousse met à rude épreuve l’élasticité d’un crâne au bord de l’implosion. Il se rend compte que les bottes ont maintenant entamé leur défilé macabre dans sa tête, qu’elles l’envahissent comme elles ont envahi le pays : sans crier gare et par la force. Il sent qu’elles font disparaître petit à petit son cerveau comme elles éliminent un à un ses compagnons d’infortune. Toute sieste sera dorénavant perturbée par ce pas cadencé qui viendra harceler l’esprit de chacun d’entre eux pour lui glacer le sang, seul liquide encore susceptible de circuler dans leurs veines puisque les dernières rations d’eau sont maintenant épuisées."

Bravo Guanaco... Continue à nous envoyer ce genre de texte.. Pas seulement pour leur qualité d'écriture, mais aussi pour ne pas oublier...

   macalys   
4/11/2007
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Une belle nouvelle... Merci !

J'aime beaucoup l'atmosphère de mystère qui plane, qui fait un peu Caverne de Platon : la réalité est cette cellule puante où le professeur et son élève passent leur temps, et l'extérieur, dont on ignore tout des règles ou de la logique, est matérialisé par ces bottes qui passent et repassent devant la geôle. Le style est très agréable et fluide. Pour ma part, je me suis totalement identifiée aux personnages.

Les longs dialogues ne m'ont pas dérangée, mais par contre je les trouve trop "neutres". J'ai du mal à croire que dans la situation où ils sont, le professeur et l'élève arrivent à discourir calmement sur les évènements qui les entourent. Je crois qu'il faudrait leur associer un ton plus personnel (même si on a déjà une opposition sage/naïf).

Quelques autres petites choses :
- "Le chant funèbre des bottes a repris" : des bottes ne chantent pas, peut-être "marche funèbre" serait plus approprié.
- Je n'ai pas très bien compris comment les compagnons de cellule sont emmenés et fusillés. Je crois que la précision (peut-être ont-ils entendu des cris, des coups de fusil ?...) servirait l'ambiance angoissante.
- J'ai trouvé le passage où tu compares la démocratie à un cadavre pourrissant très beau, mais trop court. Je pense que tu pourrais encore le développer.

   Bidis   
30/10/2007
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Contrairement à Macalys "le chant funèbre des bottes" me plaît. Et au passage que cite Pat, je les ai ces bottes entendues et j'ai compris, ce à quoi je n'ai jamais pensé, combien leurs martèlements pouvaient entrer dans la tête des gens asservis par la force militaire.
C'est une belle et forte nouvelle et les détails anecdotiques ne me semblent pas importants car j'ai pris ce texte comme une fable réaliste sur l'occupation et la dictature.

   Anonyme   
30/10/2007
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Avec ce texte, on se trouve tout de suite dans la prison, on partage les sentiments de ces deux hommes, leur vie la soif, la résignation du professeur et cette chute brutale qui clos le texte est dramatique. Tu as su faire ressortir cette atmosphère d'une façon superbe. Le texte se lit très bien sans effort. Les dialogues sont bien conduits Il n'y a a pas de fausse note. Beau travail

   Togna   
31/10/2007
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Il y a, c’est vrai, quelques « flous » dans certaines scènes, mais elles ne m’ont pas dérangé outre mesure. Je dirais même qu’ils ajoutent au climat précaire des prisonniers et font mieux apprécier la mesure de leur angoisse.

Tu as su éviter les clichés, et ce n’était pas facile compte tenu du sujet tant de fois traité, que ce soit en littérature ou au cinéma (sauf, toutefois, celui de la femme en tailleur, chignon serré et regard glacial, que je ne saurais te reprocher).

Il y a des phrase dont j’aurais aimé être l’auteur :
« pendant que les bottes battent le pavé, la liberté et la vie battent en retraite. » et aussi : « le chant funèbre des bottes » (sans vouloir faire de peine à Macalys)

Ces phrases auraient bien collées dans ma nouvelle qui traite aussi de la tyrannie, dont je t’ai parlé par Pm, et que je viens de terminer. Je me demande d’ailleurs si je ne vais pas attendre un peu avant de l’envoyer.

En conclusion, pardonne-moi cette familiarité de citer Renaud : « Tes bottes, mon pote, elles me bottent ! »

   guanaco   
3/11/2007
Lien pour le forum : cf Pat ci-dessus.

   Lariviere   
2/11/2007
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Ca me gonfle, j'avais fait un beau com. et j'ai tapé comme un con sur mon clavier... Il a disparu. Pas moyen de le retrouver...
Merdre ! Voilà bien un truc qui m'énerve... Je suis feignant...

Bon,

Pffff...

C'est curieux les coïncidences parfois...

Alors que tu publie en nouvelle "Les bottes", moi je publie en poésie "Berbères et Bérézina"...

Les deux textes traitent de la même chose, l'aberration humaine devant la tyrannie et les dictatures qui sont malheureusement aussi intemporelles que sordides...

Rien que pour avoir aborder ce genre de thème (à mes yeux important) un peu en désuétude dans notre société individualiste, rien que pour avoir su transmettre cette solidarité "basique" et universelle avec les gens qui souffrent, rien que pour continuer à mettre le doigt sur l'abcès de l'humanité qui fait mal...
Guanaco... merci !

Merci pour parler et traiter de sujet grave et toujours d'actualité, merci surtout d'en parler dans une époque où la littérature occidentale et en particulier les écrivains français sont de plus en plus nombrilistes, aigris et désabusés, souvent à la frontière du cynisme...

Pour parler plus précisément du texte, malgré le caractère voulu d'intemporalité mystérieuse, j'ai cru reconnaitre par moment le Chili dans cette dictature...
L'excelentissimo étant Pinochet...
La démocratie qui pourrit (excellente métaphore et comparaison dans le passage ! Tout le paragraphe à ce sujet d'ailleurs, est magnifique et poignant d'évocation macabre...) étant le gouvernement éphémère de Salvador Allende.
Le pays anglosaxon prêt à collaborer : l'Angleterre de Margaret Tatcher... (honte pour sa vie son oeuvre, à cette créature que je n'ose même pas appeler femme...)...

Mais bien sur, le tout est assez bien construit pour nous transporter dans un récit d'une dictature vaporeuse (néenmoins incroyablement terre à terre de cruauté) qui pourrait se situer partout...

Les escadrons de la mort et l'atmosphère, les expressions, les prénoms sont quand même latino-américains...

On voit d'ailleurs que tu as vécu sur ce continent et pu confronter ton imaginaire à une réalité palpable...

On le ressent dans ce texte très évocateur et riche en émotion...

Pour moi, ici, rien ne choque dans le discours entre le Profeseur et l'éleve (au passage j'aime bien l'allusion sur Platon dans le commentaire de Macalys, un symbole auquel je n'avais pas pensé en lisant et auquel tu n'as peut être pas pensé consciemment toi même...).
Je comprend la situation comme cohérente entre deux personnages lucide sur leurs destinées (surtout le professeur) ce qui donne un certain détachement de leur condition existentielle matérielle tout a fait crédible... Idem pour l'emprisonnement et les exécutions des prisonniers... L'absurde... Parfois la réalité dépasse d'ailleurs la fiction (A demander aux "folles de mai" en Argentine ou aux rescapés des opposants entassés dans les stades au Chili dans les premiers jours de la dictature de Pinochet...)...

Les juntes militaires ont des raisons que la raison ne connait pas...


Pour la forme :

J'aime beaucoup ton écriture. Tu maitrise. L'intro directe dans le vif du sujet est quelque chose que tu fait régulièrement et que j'adore. C'est une accroche au récit pour le lecteur et c' est très efficace !

Ensuite j'aime beaucoup comment tu arrives à mener ta progression narrative "in crescendo"... En distillant les éléments utiles à la compréhension au compte gouttes.. Cela permet de rester en haleine, sans jamais être frustré car là aussi tu maitrise bien cet art de la progression...

Le rythme est bon. Les phrases me plaisent, surtout le passage cité plus haut.

Les réflexions plus philosophiques sur la progression de la dictature et la transformation d'une société sont menées avec originalité et sont extrèmement pertinentes.

Je rejoins aussi Bidis, pour dire que le chant funèbre des bottes, me botte (hum !)... Pareil pour le martèlement, qui doit être terrible pour les prisonniers, dans une vrai prison sous un vrai régime policier...

Bravo d'ailleurs pour le titre, il colle bien au texte...
"Les bottes", c'est ce qui évoque le mieux l'absurdité horrible et bruyante de la dictature...

La fin est géniale, enfin elle me semble excellente... Vraiment...

L'explication de la femme au chignon est pertinente et fondée. Elle résume bien la quintessence des dictatures. De "Big Brother" au Nazisme...

Enfin, il me semble qu'il y a dans cette fin, une petite partie de mystère... Un doute horrible me reste dans l'esprit... Et si l'élève était récupéré de toute sa "masse d'argile brute sur le tour du potier", comme le fils du professeur ?....

Encore merci Guanaco, pour cette excellente nouvelle !

   Pat   
2/11/2007
Vous pouvez lire les commentaires du forum ici

   nico84   
2/11/2007
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Malheureux épisode, malheureux souvenir que des hommes s'entretuent et se torturent par la seule folie destructive d'un homme.

Puisse les hommes en tirer les leçons...

Magnifique texte

   victhis0   
20/11/2007
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Navré d'être moins enthousiaste : si j'ai aimé l'ambiance, l'immersion dans laquelle le lecteur est plongé au sein de cette cellule, j'ai quand même trouvé beaucoup de clichés faciles (le jeune idéaliste, le professeur sage, le maton inculte...) et un peu trop de manichéisme en général.
Quelques lourdeurs (de mon point de vue) sur la glaise/tour du potier, un peu trop "démonstratives" d'un style qui n'a pas besoin de ce genre de pâtisseries indigestes.
Mieux vaut être un peu sévère, presque injuste, mais j'aime bien pousser à faire mieux quand je pense que çà en vaut la peine. Ne le prends pas mal.

   Ninjavert   
29/11/2007
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Je suis d'accord avec l'essentiel de tout ce qui a été dit, y compris la dernière remarque de Vichtis sur les clichés.

Pour autant, ces clichés contribuent à leur manière à l'ambiance. L'apprentissage du jeune homme, la fierté inaltérable du vieux professeur, les oeillères des membres du régime...

Bref, des clichés certes, mais je ne sais pas si des situations ou images plus originales auraient eues la même force d'évocation.

J'ai pour ma part beaucoup aimé que tu abordes des aspects très macro et micro de cette situation.

Le contexe à la fois très général de l'oppression, vu à l'échelle nationale et mondiale, et en même temps le côté très intime, personnel, que vivent tous ces gens.

Une focale à deux objectifs qui permet de se faire une vue d'ensemble de la situation, de manière très efficace. Autrement dit : tu touches à la fois la raison et la sensibilité.

Je suis passé un peu tard sur ce texte, et je suis réellement content d'avoir enfin pu le faire...

Bravo Guanaco, tu nous montres une fois de plus ton talent, et nous rappelle que, bien utilisée, la plume peut être la plus redoutable des armes...

Ninj'

   jensairien   
21/1/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J’arrive après la bataille mais je tiens quand même à mettre un commentaire.

La nouvelle aurait été plus forte en s’arrêtant sur la réponse du professeur : «Il a décidé de mettre des bottes »

   clementine   
2/3/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
12 commentaires, est il besoin du mien qui bien évidemment rejoint tous les autres pour dire que cette nouvelle est très(mais alors très) bonne?
Et puis ne serait ce que pour la faire remonter et ainsi provoquer peut être sa lecture par des "petits nouveaux" ou d'autres qui seraient passés à coté sans la voir...
Excellent, criant hélas de vérité et en ce jour mon esprit a fait un lien bien que ce soit différent ( enfin j'espère) avec Ingrid Bétancourt pour qui nous avons tous les pires craintes et une admiration sans borne.

   widjet   
12/3/2008
 a aimé ce texte 
Bien
Cette fois-ci l'auteur a prit le temps de dessiner davantage ses personnages, de leur donné un vécu, une densité. Mieux que ça : un combat noble, une vraie et belle cause. Je maintiens malgré tout qu'il aurait pu nous en dire plus (jamais content widjet hein ?? lolll). Alors forcément, quand on crée cette proximité avec le lecteur et ici c'est suffisament bien fait, on s'attache. J'ai donc fais ce bout de chemin entre ses quatre murs où l'innocence (le jeune) et la sagesse (l'homme) tisse en quelques lignes (la nouvelle est à mon sens trop courte, j'en voulais plus !) cette relation presque filiale. Mais l'émotion peine à sortir, je trouve....
De plus, l'auteur crée une petite tension qui repose davantage sur le son (le bruit des bottes, un personnage à part entière, une très bonne idée !) que sur l'image.
Quand en plus, le sujet fait écho avec notre actualité brûlante, alors on est défintivement enthousiaste. C'est une bonne histoire, solide, et hélas tellement vraie, sur l'aveuglement des hommes, les politiques répressives....

Widjet

   mogendre   
25/7/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Parce que j'aime ce genre de nouvelle qui pointe du doigt les atrocités subies par les populations...
Parce que je déteste l'indifférence...
Parce que d'écrire sur un tel sujet traduit l'intérêt de l'auteur pour les massacres organisés...
Quelques soient les défauts de style ou de vocabulaire, l'ensemble passe.

Ce sont ces raisons qui m'empêchent de commenter en détail le récit. Je le prends dans sa globalité comme un tout difficile à mastiquer, impossible à avaler.
Bien sûr, il manque les faits historiques, les lieux, les personnages, mais pourquoi ne pas tenter cette généralisation qui en soit risque l'étiquette de la banalisation.
J'accepte ton choix, car je le crois juste et bien pensé. Ce commentaire se transforme en billet d'humeur, histoire de marquer mon appréciation.


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