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Réalisme/Historique
hersen : Automne profond
 Publié le 17/06/20  -  22 commentaires  -  7024 caractères  -  143 lectures    Autres textes du même auteur


Automne profond


Tandis que le poêle ronfle doucement, comme assoupi, les bourrasques cognent aux carreaux. La température a chuté ces derniers jours et l'automne ne trompe personne : les frimas et les longues, longues soirées s'installent dans un paysage gris.


Par la fenêtre, aux quelques heures de jour, Edgar peut voir les arbres se tordre indéfiniment, esclaves d'un vent de saison. Cette vision du dehors s'accompagne des souffrances du corps de la maison, qui résiste en gémissant de tous ses bois.


Si durant ses journées il trouve toujours à s'occuper à ceci ou cela, au gré de ses envies plus que par nécessité, Edgar redoute les fins d'après-midi, quand tout s'assombrit, quand le vent et le froid semblent les seules entités vivantes en ce lieu isolé. C'est le moment où il s'assoit devant son poêle, attentif au joyeux ronflement du feu. Seul écho à sa solitude.


Et c’est l'heure aussi où le son du balancier de sa pendule devient lancinant, où il s'invite en faux ami entre le poêle et le fauteuil et gâche l'illusion d'un sentiment d'intimité chaleureuse.


Minute après minute, le rappel de l'horloge frappe comme un tocsin intérieur et laisse l'homme désemparé devant cet ennui qu'il faudra vivre jusqu'au printemps, assumer ces veillées étirées sans personne à qui parler. Sauf au chat peut-être. Mais le temps des discussions avec lui s'est amenuisé, le maître pense qu’il lui a déjà tout dit, plusieurs fois. Edgar rêve maintenant d'un interlocuteur, d'une voix, même discordante, qui viendrait égayer ces tic-tac infernaux.


Il reste la lecture. Il restait. Car Edgar a tant lu, relu, qu'il ne trouve plus de source de réflexion dans ses vieux livres. Alors il ressasse, il en ouvre un au hasard et s'invente un défi, celui de se rappeler les points forts de l'ouvrage qui l'ont marqué durablement.


Jusqu'à ce moment de sa vie, il a eu assez de vécu pour puiser dans ses souvenirs et les revivre, les bons comme les mauvais. Délibérément, il s'est écarté du chemin des hommes, il n'a plus désiré leur compagnie. Trop d'incohérences, trop de mensonges dans les comportements.

Trop de factice sur les écrans.


Aujourd'hui, il paye le prix convenu : une solitude dans l'insondable fond d'un puits agrémenté d’un feu réconfortant.


Le feu diminuant d'intensité, Edgar se lève pour remettre une bûche. Pas question de négliger ce compagnon stoïque, mais chaleureux. Il fourrage dans les braises avec le tisonnier pour revigorer les flammes, pose le rondin, puis referme la petite porte de métal. En se rasseyant dans son fauteuil, il a le regard attiré par une lueur au travers de la vitre. Tiens ! Il n’a pas fermé les volets ? Avec ce vent et ce froid, il serait fou de ne pas rabattre les panneaux de bois. Il ouvre la fenêtre, déjà prêt à se dépêcher pour ne pas refroidir l’intérieur, lorsqu’il réalise qu’il a vu, bien vu, une lumière au loin. Diable, qui peut bien se promener à cette heure ? Il suspend son mouvement, reste debout, le nez collé au carreau, avec en fond le tic- tac. Il réalise que la lumière est fixe. Mais alors ? Cela viendrait de la maison abandonnée au pied du vallon ? Elle n'est pas vraiment en ruine, mais pas non plus en si bon état. De jour, il ne la voit pas de chez lui, la végétation généreuse lui en cache l'essentiel. Mais ce soir, les rayons d'une ampoule électrique passent au travers, et viennent jusqu'à lui.


Il reste ainsi longtemps à l'observer, la fenêtre refermée, oubliant le lancinant écho du temps qui passe. Son esprit s'échauffe, échafaude. Serait-ce un nouvel habitant ? La maison a-t-elle été vendue ? Mais qui est assez fou pour se perdre ici à l'approche de l'hiver ? Edgar est bien placé pour savoir qu'il faut un caractère bien trempé pour supporter d'être face à soi-même durant le long hiver.


Au fil de sa pensée, le voilà qui imagine, qui extrapole. Un voisin. Il a un voisin ! Peut-être sera-t-il avenant ? Par raison, Edgar n'élude pas la possibilité que ce nouvel arrivant soit aussi taciturne que lui, mais il ne lui plaît pas de s'y attarder. Il est maintenant légèrement fébrile, il ne peut s'empêcher de penser à son jeu de go rangé en haut de l'armoire. Ce nouveau venu saurait-il y jouer, s'il l'y invitait ? C'est que lui-même en est un virtuose ! Il sourit en se voyant assis face à cet adversaire dès la première partie. Ah ah, dit-il en se frottant les mains, je ne suis pas encore gâteux, je peux en remontrer à plus d'un ! Il laisse aller sa pensée sur des parties passées, puis s'installe mentalement dans une autre, imaginaire. Il allait bouger son pion quand il interrompt sa réflexion et son geste ; idiot, se dit-il, si tu n'as qu'un voisin, laisse-le gagner. Pour qu'il revienne ! Les temps ont changé et la partie n'a plus d'importance. Pas autant que le temps à échanger des banalités. Et peut-être plus ? Car après tout, peut-être qu'un homme qui, comme lui, vient vivre dans ce trou a eu une vie bien pleine, des choses à raconter…


Ainsi concentré, Edgar posté à sa fenêtre n'a pas vu le moment précis où la lumière s'est éteinte. Quand il le remarque, il en est tout décontenancé. Vient-il de rêver ? Non, bien sûr. Son voisin est tout simplement aller se coucher.


Avec un espoir au cœur, il va lui aussi se coucher après avoir fermé les volets. Il s'endort en s'imaginant deviser avec son nouvel ami. Bercé par le balancier de la pendule qui prend un tout autre sens.

Demain, il ira le voir demain.

Sa dernière pensée est pour la partie de go. Le point qui le tracasse s'éclaircit soudain. Si ce nouvel ami n'aime pas ce jeu, eh bien, ils joueront au backgammon. Ou aux cartes. Ou peu importe, il trouvera bien.


***


Un bruit énorme réveille en sursaut le dormeur alors que l’aube s’affaire lentement. Un vacarme si inhabituel dans ce lieu qu’il croit que sa maison s’envole, qu’une sourde tempête l’attaque. Pieds nus et sans prendre le temps de se couvrir, il court à sa porte qu’il ouvre sur un cauchemar. Un tractopelle, suivi d’une voiture de chantier toutes lumières clignotantes, passe devant la maison. Il n’a que le temps d’interpeller le chauffeur de la camionnette, qui roule au pas. Il frappe à la vitre givrée qui s’ouvre sur le visage rougi d’un homme engoncé dans une écharpe.


— Mais c’est quoi, ces travaux ?

— Rentrez, vous allez attraper mal, avec ce froid ! Ne vous inquiétez pas, on va travailler plus loin, au fond du vallon. On va détruire la vieille maison croulante.


Transi, sonné, Edgar rentre dans sa maison et s’affaire à allumer le poêle. En quelques minutes, le feu danse et illumine la petite vitre de la porte de métal. Il tremble de froid, il tremble de tout.

Ainsi, il ne jouera au jeu de go avec personne.

Il ne reste de vivant dans la maison que l’incendie dans le ventre du poêle.

Edgar pense avoir fait fausse route quelque part, surestimant sa capacité à se passer des hommes.


Il prépare un café, met une tranche de pain à griller sur le poêle, installe le plateau de jeu et bouge un pion.

La cafetière entonne son chant.


 
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   Anonyme   
23/5/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Très bonne petite nouvelle bien écrite dont les thèmes restent malheureusement d'actualité, l'analyse qui est menée sur la vie d'Edgar est d'une subtilité étonnante et d'une grande finesse. Les personnages sont criants d'originalité et de vérité. Vous m'avez fait penser à la chanson de Jacques Brel : l'horloge qui dit oui qui dit non...
Sous couvert d'une chronique de vie ordinaire, on passe à l'extraordinairement ordinaire...
Continuez ainsi!

   ANIMAL   
27/5/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Très beau récit sur la solitude voulue qui se transforme peu à peu en solitude subie.

L'histoire se lit toute seule, les descriptions sont réalistes et on suit plaisamment les changements d'état d'esprit du narrateur. Espoir, déception... Il restera avec sa solitude.

On se demande un peu pourquoi on viendrait démolir une maison qui ne semble gêner personne au milieu de rien. Quelqu'un qui veut reconstruire ? Une possibilité de futur voisin ? On ne le saura pas.

Cette vie tranquille d'ermite fait tout de même envie.

en EL

   Tiramisu   
28/5/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour,

Coup de coeur pour cette nouvelle !

Déjà j'ai beaucoup aimé le titre, il interpelle, j'ai eu envie de rentrer dans les profondeurs du texte.

Très jolie ambiance. Belle écriture. Les ressentis sont finement décrits.

C'est une nouvelle intimiste dans laquelle on se sent bien avec le personnage principal au coin du poêle, on partage ses questionnements, on partagerait bien le café, on ferait bien une partie de go avec lui. Et puis, il y a les bourrasques, la nuit, la campagne tout est bien rendu.

Et puis, il y a l'homme, un peu, beaucoup misanthrope, et en même temps avec un désir profond de relation. C'est très bien rendu.

Merci !

   maria   
17/6/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Bonjour hersen,

La solitude d'Edgar m'a fascinée, j'ai aimé l'observer et j'ai espéré avec lui.
Avec discrétion, sans le déranger. Comme toi, hersen, quand tu nous racontes tes personnages. Avec délicatesse, "assise quelque part" (de toi, dans un fil)
Et j'ai été étonnée de tes explications "Trop d'incohérences, trop de mensonges dans les comportements. Trop de factice sur les écrans"
Pour moi, c'est en trop. Edgar n'a pas besoin qu'on le justifie.

Une lecture néanmoins savoureuse, merci.

   Anonyme   
17/6/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour hersen,

Dans chacun de tes textes, comme ici, je trouve de l'humanisme et une dénonciation d'un travers de la société. Ici, il s'agit de l'hypocrisie, du mensonge et du factice, qui ont poussé Edgar à s'isoler. L'isolement est une peine, mais participe également d'une certaine richesse, c'est dur de vivre ainsi.

Edgar, malgré cela ou devrais je dire à cause de cela, nourrit l"espoir de renouer avec la vie sociale et l'amitié, les raisons qui l'ont poussé à se faire ermite. Mais n'en est pas encore a parler tout seul, preuve qu'il est 'mens sana'... et lucide, comme ton texte, comme ce regard que tu portes sur la solitude.

Bravo.

Dugenou.

   plumette   
17/6/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
je crois la connaître la maison d'Edgar, avec son poêle à bois, son horloge et la rudesse de son environnement.

Je comprends la tentation du retrait, Edgar, lui, a choisi de s'écarter d'un monde factice qui l'a déçu.

je me suis demandée pourquoi il n' arrêtait pas ces tic tac infernaux, ce tic tac qui " frappe comme un tocsin intérieur et laisse l'homme désemparé devant cet ennui qu'il faudra vivre jusqu'au printemps " sans doute un petit fond de superstition ? Dans certaines contrées, on arrête l'horloge à la mort du propriétaire. Edgar n'en est pas là, il croit encore qu'une petite lumière pourra éclairer sa solitude et se prend à rêver de partager son jeu favori avec un nouvel ami, et même, le voilà prêt à faire des concessions pour lui.

La chute n'en est que plus cruelle.

Le mouvement de l'âme d'Edgar est très bien rendu dans ce texte qui dégage une tristesse silencieuse.

   Corto   
17/6/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Voici un style de nouvelle à la fin de laquelle je m'écris: 'Joli !!'

L'ambiance est parfaitement décrite de cet homme qui a vécu si longtemps que la solitude ne lui fait pas peur. Ou presque car tout de même "Edgar redoute les fins d'après-midi, quand tout s'assombrit".

Mais c'est un fait établi: "il a eu assez de vécu pour puiser dans ses souvenirs et les revivre". Cet attrait pour la solitude ou en tout cas la possibilité de la vivre sans trop de crainte est bien rendu.

Mais diable !
"il a le regard attiré par une lueur au travers de la vitre". Se sentira-t-il agacé, dérangé, agressif ?
Non car immédiatement il imagine le plaisir qu'il pourrait trouver à une compagnie et ce qu'il en retirerait. Pas forcément en jouant au go "la partie n'a plus d'importance. Pas autant que le temps à échanger des banalités".

Le cheminement intérieur de l'homme se poursuit et finalement "Edgar pense avoir fait fausse route quelque part, surestimant sa capacité à se passer des hommes".

Le final est un retour à la situation du début "Il prépare un café, met une tranche de pain à griller sur le poêle, installe le plateau de jeu et bouge un pion".

Ce que nous montre ce texte est le cheminement intérieur d'un homme, presque un ermite. Il pense avoir apprivoisé la solitude, s'y réchauffer à l'abri des autres.
Et pourtant...

Ce texte est subtil, sans leçon à recevoir, mais engageant le lecteur dans sa propre réflexion.

Merci hersen.

   Shepard   
17/6/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Salut Hersen,

On aura beau dire, l'humain est un animal social... J'ai entendu bien plus d'une fois "j'irais vivre sur une île déserte ou personne ne viendra me faire chier". Hmmm... Tu t'emmerderas tout seul, oui. Trop de monde c'est trop, mais personne... Pour les extrêmes, deux c'est bien et trois c'est trop (Corto Maltese).

J'apprécie que la première idée de l'ermite soit de jouer avec son voisin, qui est aussi une réaction très humaine. Les jeux sont importants pour garder un esprit à peu près sain (retrouvé aussi dans ses défis à reconstituer les histoires de ses livres), un trait retrouvé chez tous les mammifères.

Donc c'est court et pas trop bavard, ça me va. Que pourrais-je reprocher ? Je ne vais quand même pas écrire un commentaire sans le moindre négatif =)

D'accord, j'adhère à l'esprit d'Edgard, je n'aime pas beaucoup la foule non plus, mais finalement la réflexion qui se développe ici s'arrête un peu trop tôt à mon goût. "L'épilogue" aurait pu amener quelque chose de plus, une remise en question ? Se gonfler d'espoir pour laisser tomber si facilement et retourner à ses habitudes est dommage, bien que possible. Le dénouement est un peu trop anodin. Une note différente du départ aurait conféré du contraste à l'histoire, ici on a le même ton, donc on sait qu'il ne se passera rien.

   Anonyme   
19/6/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Hersen,

La solitude de cet homme et son ennui en découlant sont bien décrits.
Même si cette vie à l'écart des autres humains était volontaire, les longues journées, seul, ne font qu'acroître cet ennui, cette solitude et plongent le protagoniste en plein désarroi.
Comme un homme perdu dans le désert rêve d'eau et, désespéré, croit en voir partout, ce solitaire se prend à imaginer qu'enfin, grace à cette lumière, il pourra communiquer, jouer au jeu de go( que je ne connais pas...) et tisser de nouveaux liens avec ce "futur ami".
Celà me fait penser à ce très beau film : Seul au monde, où le protagoniste maquille un ballon de foot, se crée un nouveau compagnon, et le prénomme Nelson.

On aurait presque envie de le rejoindre, lui tenir compagnie et l'aider à rompre sa solitude en lui offrant une autre chaleur que celle de son poêle : l'amitié.
Un bel écrit.

Edit: le ballon s'appelle Wilson et non Nelson, et lil n'est non pas de foot mais de volley-ball...

   Pouet   
19/6/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Slt,

on ne sait vraiment ce qui aura amené Edgar ici, hikikomori malgré lui ou conscient effacement?

On ne sait pas non plus pourquoi il ne va pas s'acheter d'autres bouquins.. :)

Il m'a semblé déceler une volonté de personnification de l'habitat pour qu'au final ce soit autant la maison que le compagnon imaginaire qui se transforment en ruines.

Un texte sur l'humain, la solitude et l'espoir.

Un beau texte, merci.

PS: dans mon dernier pouème ma cafetière "émet des râles liturgiques", elle... :))

   papipoete   
18/6/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
bonjour hersen
cette vieille bicoque au fond du vallon ; ah s'il pouvait y rester ne serait-ce qu'une âme ? je pourrais lui rendre visite et nous jouerions au Go ensemble ? oh, je le laisserais gagner pour qu'il ait envie de recommencer ! Bonheur, je n'ai pas rêvé, une lumière allumée ! je pourrai enfin revivre...
NB la scène est bien installée, et l'on s'apprête à suivre tels les " joueurs de carte " de Pagnol, des parties de Go à n'en plus finir ! mais un engin de démolissement de ruines, ruine soudain le coeur de ce solitaire qui put enfin rallumer sa petite flamme vacillante...
la 4e strophe illustre délicatement, ce que peut être la vie face à... personne !
Dans la finale, cette ligne " il ne reste de vivant dans la maison, que l'incendie dans le ventre du poêle " ; cette flamme glace notre coeur !

   Anonyme   
18/6/2020
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Bonjour hersen,

Quelques échos de mon ressenti après lecture de cette nouvelle que je classerais volontiers comme un "conte d'automne" pour reprendre un titre de Rohmer.


"La cafetière entonne son chant"

Voici donc réfugiée en un chant ténu l’espérance de cet automne profond. Ce qui devait clore le propos le prolonge pour l’éternité fragile dont disposent les héros de ce conte.

Ainsi, l’automne s’est profondément ancré dans la maison qui secoue sa carcasse vieillissante en écho à celle d’Edgar. Le texte, par la grâce de l’autrice, a métabolisé l’automne tout à la fois chez l’une et chez l’autre parce que l’une est un peu l’autre aussi. Elle installe habilement un dialogue muet entre deux vieillesses qui s’accommodent ensemble du temps qui passe. Ils subissent de conserve les aléas des météores violents préfigurant l’hiver et qui recroquevillent les vies vieillissantes autour des flammes vives de l’âtre.

Nous regardons aujourd’hui la lumière d’étoiles disparues depuis des millénaires et j’ai ressenti l’épisode de la maison abandonnée où luit une ampoule comme métaphore de ces étoiles mortes.

Je ne sais si l’intention de l’autrice était de nous promener dans une cosmogonie métaphorique mais c’est ainsi que j’ai ressenti cet étrange pas de deux entre l’automne des uns et l’hiver de l’autre. Cette maison mourante n’est-elle pas prémonition de l’inéluctable adressée à ceux qui traversent l’automne au chant d'une nouvelle journée commençante ?

J’ai vraiment voyagé avec ce texte ce dont je vous sais gré et qui mériterait des heures de commentaires.

Merci

H.

   Alfin   
18/6/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Hersen,
Cette nouvelle décrit à merveille les sentiments en conflits d’un homme seul. Cette opposition entre le retrait par dégoût et l’attrait par curiosité. Tu nous berces toujours dans de belles ambiances à travers le prisme de ton écriture maîtrisée.
Nous sommes à deux doigts d’un changement dans la vie d’Edgar. Changement, qui ne se produira pas… Dommage pour lui. Mais aussi à lui maintenant d’entamer un déconfinement qu’il semble envisager… Étonnant qu’Edgar n’anticipe pas la venue d’une femme ou d’une tribu complète.
Merci pour ce beau travail d’introspection et qui peut se lire comme une allégorie pour chacun d’entre nous… nous somme nombreux à avoir un peu d'Edgar en nous.

   thierry   
19/6/2020
 a aimé ce texte 
Un peu
Désolé, je ne suis décidément pas un bon client. On sent bien l'habitude de l'écriture, mais que m'apporte ce récit ? Quelle intériorité recherchée jusqu'à la sophistication va-t-elle me faire dépasser un simple constat de solitude sans relief ? Quand ce ne sont pas des poncifs "il s'est écarté du chemin des hommes, il n'a plus désiré leur compagnie. Trop d'incohérences, trop de mensonges dans les comportements."
Pour moi, ce récit est vain, le thème rabaché et le style maladroit : que penser de " il a eu assez de vécu" ?
Bien sûr il est très difficile de raconter le rien, le vide, l'absence et le regret. Pour qui écrit on ? Pour soi ? Pour le lecteur ? je ne prétends pas à une réponse évidente ni démagogique, mais il me semble que le rythme de la narration serait mieux imprimé, l'intérêt des enjeux un peu plus construit.
Ma déception est à la hauteur de mes attentes...
Merci pour ce partage

   Stephane   
19/6/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
De l'espoir au désespoir, il n'y a qu'un pas. Cela se joue ici entre les griffes acérées d'un tractopelle et notre héros solitaire s'en retourne jouer à son jeu préféré. Peut-être lui faudra-t-il changer d'endroit, s'il en a encore le courage, sinon il continuera d'être seul avec lui-même.

"Automne profond" ; j'aurais poussé jusqu'à "Hiver profond", mais chacun est maître de son oeuvre et du titre qu'il lui octroie.

Bravo hersen.

   Luz   
20/6/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour hersen,

J'ai bien aimé cette nouvelle sur la solitude qui m'a rappelé celle écrite récemment : "Fracture", un peu sur le même thème.
Je ne me souvenais plus de l'expression "attraper mal", ça me plait.
Merci.

Luz

   hersen   
23/6/2020

   Louis   
23/6/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Les causes passées qui ont mené jusqu'à l’isolement le personnage de cette nouvelle, Edgard, personnage abstrait, un peu trop abstrait même en considération du thème traité, ne constituent pas l'argument du texte, parce que trop rapidement évoquées, et très vite évacuées. On sait seulement que son exil hors du monde de la relation aux autres a été voulu : « Délibérément, il s’est écarté du chemin des hommes, il n’a plus désiré leur compagnie », et que la cause principale serait dans une déception : « Trop d’incohérence, trop de mensonges dans les comportements. Trop de factice sur les écrans ».
Déception de ne pas trouver dans les êtres humains une sincérité, une authenticité, une identité entre leur être et leur paraître, mais de n’avoir affaire au contraire qu’à l’hypocrisie, à la fausseté, au divorce entre ce qu’ils sont et ce qu’ils paraissent.
Comme Rousseau, il aspire à un idéal de l’être humain authentique, transparent, en lequel l’apparence manifeste l’être sans opacité, en lequel l’image que se donne un homme ne trahit pas son être.
Et comme Rousseau, la recherche de cet idéal l’entraîne dans un isolement.
Dans la vie : « venez comme vous êtes », le slogan lui conviendrait.
Il s’est donc détourné des hommes parce qu’ils ne seraient pas à la hauteur de l’idéal. Ou bien l’idéal ou rien : telle semble être l’alternative dans laquelle il s’est enfermé au cours de sa vie.
La déception est d’autant plus forte qu’est grande l’attente, et l’attente d’Edgar semblait grande à l’égard des autres.
Son désir du lien à autrui n’était pas absent, mais exigeant. Il n’y a pas de manque de sociabilité chez lui. Comme il n’y en avait pas chez Rousseau, affirmant pourtant : « Je suis né avec un amour naturel pour la solitude », mais qui se lamente, d’autre part, au cours des Rêveries du promeneur solitaire, dans lesquelles il écrit avec étonnement : « Il n’est pas possible qu’une solitude aussi complète, aussi permanente, aussi triste en elle-même… ne me jette quelquefois dans l’abattement »
Il vit donc douloureusement la frustration d’une relation authentique aux autres.

S’il ne s’agit pas de retracer la vie du personnage pour montrer comment il a sombré dans cette solitude, quel est donc le sujet de la nouvelle ?
Montrer les effets de la solitude et de l’isolement prolongé sur un homme ? Probablement pas, ces effets-là encore sont trop succinctement abordés.
On est loin de Michel Tournier et des Limbes du pacifique, où sont montrés les effets déshumanisants d’un isolement extrême et prolongé.

Montrer les moyens de pallier à l’absence d’autrui, en trouvant des substituts de la présence humaine ?
Ces substituts sont, eux aussi, rapidement abordés avec le feu, la lecture et le jeu.
La chaleur du poêle reconstitue une vie et la chaleur d'une intimité humaine manquantes, Edgar « attentif au joyeux ronflement du feu», n’en éprouve pas moins la limite.

Parler n’a de sens que dans le cadre d’un échange de messages, de symboles, de signes ; toute locution suppose une interlocution, or les paroles adressées au chat par Edgar restent sans réponse symbolique, le chat qui ne peut répondre par un véritable langage. Pas de conversation possible avec lui. Pas de dialogues. Pas d’échanges. Le langage ne réalise une communauté, et ne se réalise vraiment que dès lors se produit l’échange. La communauté avec l’animal trouve sa limite, de même que la représentation anthropomorphique qu’on peut en avoir.
C’est pourquoi Edgar cherche cette communauté humaine plutôt dans la lecture.
« La lecture de tous les bons livres est comme une conversation avec les plus honnêtes gens des siècles passés qui en ont été les auteurs » écrivait Descartes.
Mais cette sorte de dialogue se heurte aussi à des limites : Edgar «ne trouve plus de source de réflexion dans ses vieux livres ». Passif, subissant une situation, il n’a pas enrichi sa bibliothèque.

Le dernier substitut utilisé est le jeu, et il est vrai que tout véritable jeu est « de société ».
Pour qu'il y ait jeu véritable, il faut au moins être deux... Dans les jeux de hasard, c'est la fortune qui fait office de partenaire capricieux.
Edgar s’apprête à jouer au jeu de go contre lui-même, y plaçant pour enjeu l'image de son ego, avec pour tentative de recréer ainsi un semblant de société, à l’image du joueur d’échec de Stefan Zweig, le Dr B . au risque, comme lui, de verser dans une folie, dans une schizophrénie.

Mais Edgar, un soir, aperçoit une lumière dans son obscurité solitaire, lueur d’espoir d’une fin prochaine à sa solitude.
Il est en attente. Cette lueur, il l’attendait, lui qui ne fait rien pour sortir véritablement de son isolement ; lui qui ne va pas vers la vie, qui attend que la vie vienne à lui.
Mais là où devait se trouver l’objet de son attente, il n’y a rien, il n’y a personne.
L’autre manque toujours à son attente. Sa solitude est la frustration d’une espérance à laquelle personne ne répond. Les hommes ne sont pas là où il les attend. Telle est bien là, l’expérience de la solitude : l’absence de celui que l’on attendait.
Là où il place son espérance, il ne trouve qu’une absence : ainsi se réitère le drame qu’il a toujours vécu.
Un rendez-vous toujours manqué avec la vie et avec les autres.

Il n’était donc pas besoin de replonger dans son passé pour connaître les raisons de la solitude d’Edgar ; elles sont, en effet, toujours présentes, et se renouvellent encore, symboliquement, dans cet épisode d’une lueur aperçue un soir.

Là se trouve donc l'argument du texte : la répétition d’un drame de la solitude, l’origine toujours présente d’un isolement douloureux.

Merci hersen.

   in-flight   
24/6/2020
 a aimé ce texte 
Bien
Je me souviens de De Niro dans "Heat" disant à sa future idylle : "Je suis seul, pas solitaire". Et elle de comprendre que le type est légèrement en souffrance.

L'une des questions que pose le texte est de savoir si l'isolement volontaire termine forcément en solitude subie? M'est d'avis qu'on ne peut se passer de ses semblables (il y a toujours des exceptions) mais qu'il est jouissif de parfois s'en passer. Un subtil équilibre propre à chacun... y'en a d'autres qui préfèrent la fidélité des animaux et dailleurs, dans ce genre d'histoire, il n'est pas rare de croiser un bon minet calé non loin de la cheminée.

Jai repéré une petite redondance : "Demain, il ira le voir demain."

   Annick   
24/6/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Ce qui est bien "planté", c'est le décor, l'atmosphère. Et j'aime également les nouvelles centrées autour d'un personnage qui a de l'épaisseur. Qu'importe ses décisions, logiques ou pas, car la réalité dépasse souvent la fiction. Je ne referai donc pas votre nouvelle à ma manière. Je respecte le personnage avec ses contradictions, il n'en est que plus intéressant.

Le seul point qui me semble perfectible, c'est que votre progression est, la plupart du temps, à thème constant, ce qui crée de la monotonie dans la lecture..
De très nombreuses phrases commencent par "Edgar" ou le substitut "il" :

"Le feu diminuant d'intensité, Edgar se lève pour remettre une bûche. Pas question de négliger ce compagnon stoïque, mais chaleureux. Il fourrage dans les braises avec le tisonnier pour revigorer les flammes, pose le rondin, puis referme la petite porte de métal. En se rasseyant dans son fauteuil, il a le regard attiré par une lueur au travers de la vitre. Tiens ! Il n’a pas fermé les volets ? Avec ce vent et ce froid, il serait fou de ne pas rabattre les panneaux de bois. Il ouvre la fenêtre, déjà prêt à se dépêcher pour ne pas refroidir l’intérieur, lorsqu’il réalise qu’il a vu, bien vu, une lumière au loin. Diable, qui peut bien se promener à cette heure ? Il suspend son mouvement, reste debout, le nez collé au carreau, avec en fond le tic- tac. Il réalise que la lumière est fixe. Mais alors ? Cela viendrait de la maison abandonnée au pied du vallon ? Elle n'est pas vraiment en ruine, mais pas non plus en si bon état. De jour, il ne la voit pas de chez lui, la végétation généreuse lui en cache l'essentiel. Mais ce soir, les rayons d'une ampoule électrique passent au travers, et viennent jusqu'à lui."

Il aurait été intéressant de varier les substituts et surtout d'expérimenter d'autres progressions. La progression linéaire, par exemple, fait que chaque thème vient du propos de la phrase précédente.

En tout cas, vos idées foisonnent...

   Anonyme   
24/6/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Un texte assez poignant, je trouve, qui illustre avec sobriété l'impossibilité de se suffire à soi-même. Cela dit, je me demande à quelle époque il se passe, puisque apparemment Edgar n'a pas la possibilité de recourir aux liens virtuels tels que ceux trouvés sur Oniris.

Si la technologie n'en est pas là, et puisque manifestement une route relie sa maison au vaste monde et qu'Edgar ne semble pas infirme (il circule chez lui sans qu'on parle d'entrave particulière), qu'est-ce qui l'empêche d'aller au village de temps en temps, faire ses courses, discuter le coup au café, retrouver le minimum de contact humain dont il a besoin ? Il s'est isolé de lui-même et je ne vois pas ce qui l'oblige à demeurer dans cette situation. Et est-il démuni au point de ne pouvoir s'offrir un nouveau livre de temps en temps ? Le personnage et ses circonstances, pour moi, ne sont pas assez définis pour donner une cohérence complète à l'histoire.

Mais ces réflexions me sont venues après coup, reste qu'en demi-teinte se dessine le portrait intéressant d'un misanthrope repenti...

   SaulBerenson   
18/10/2020
 a aimé ce texte 
Bien
Il n'y a pas d'idéal. Bien heureux celui qui assume ses choix sans espoir d'autre chose.
Ce texte m'interpelle car je me suis isolé un hiver dans une longère en Bretagne pour satisfaire une crise de misanthropie aigue.
Collé à la cheminée et dormant avec cinq couvertures, je n'y ai strictement rien appris, à part que rien ne vaut un bon chauffage central, avec un thermostat d'ambiance si possible, et un bon bouquin, cela va de soi.
Le seul humain que j'ai vu était un agriculteur qui est venu pulvériser son lisier à moins de dix mètres de la maison.
Il n'y a pas d'espoir.


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