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Fantastique/Merveilleux
hersen : La brasseuse de nuages
 Publié le 05/09/21  -  12 commentaires  -  4436 caractères  -  124 lectures    Autres textes du même auteur


La brasseuse de nuages


Le ciel bleu plombant dix mois par an a fini par inquiéter les habitants qui voyaient le niveau leurs puits baisser, baisser, baisser.

Ils étaient réunis sur la place du village à l’ombre du gros mur de l’église. Quand ils m'ont vue passer, ils m'ont appelée, hé petite, où tu vas ? Reste dans le coin, il fait trop chaud hors de la place ombrée du village. Dans l'église, on est à peu près au frais. Va t’asseoir sur un banc et ne bouge plus, on va pas passer notre temps à te chercher sous ce soleil.

Ils n'ont jamais rien compris. Et pourtant, je leur dis souvent que dans ma tête, c'est comme des nuages. Ils hochent la tête et ils s'apitoient, pauvre gamine, quand même, elle est même pas capable d'aller à l'école, même les jeux, elle les comprend pas. Ils se lancent entre eux des regards entendus, que moi je vois. Je vois tout. Je sais tout. Si ma mère, avant que je naisse, ne leur avait pas fait peur en les menaçant de la pire sécheresse s’ils me tuaient, je ne sais pas où je serais maintenant. Sans doute au pied d’un caroubier…

Ma mère savait plein de choses, c’est Manuela, la vieille Manuela, qui me l’a dit. Quelquefois elle pleure quand elle me parle d’elle. Une fois seulement elle m’a parlé de mon papa. Mon papa, c’est tous les hommes du village. Ils auraient bien voulu, pour le caroubier, mais avec cette menace qu’elle a proférée quand elle souffrait parce que je venais au monde, ils ont eu peur de ses dons. Enfin, c’est ce qu’ils prétendaient, qu’elle avait des dons. Ils ont laissé faire Manuela pour la naissance. Elle me raconte comment était ma maman, elle connaissait les herbes, les oiseaux… et les hommes, mais avec eux, ce n’était jamais elle qui gagnait.

Mais moi, mes nuages, j'y tenais. Ils me sauvaient, ils rendaient ma vie si belle et si légère. C'est pour ça qu'au lieu d'entrer dans cet antre noir d'église qui me fichait la frousse, j'ai dit, non, c'est pas ça qu'il faut faire. Il faut aller chercher des nuages…

J'en ai vu certains lever les yeux au ciel, vers ce ciel bleu si dur, y en a un qui m'a pris par l'épaule et qui m'a dit, ça va aller, petite, on s'occupe de toi, mais reste tranquille, on a d'autres problèmes graves à résoudre. Mais j'ai insisté. J'ai un peu crié, même, peut-être, je ne sais plus. En tout cas, quand j’ai eu fini de me débattre, le maire a dit, bon, on te laisse aller parce que tu nous casses les oreilles, on a soif et les troupeaux aussi. Alors va les chercher, tes putains de nuages à la con et fous-nous la paix.

J'étais contente car c'était la première fois que le maire me parlait comme à une grande, avec les mots des grands. J'en ai profité pour négocier, j'ai déclaré, d'accord, mais je peux aller aussi loin que je veux, alors ? Oui, va petite, va… Et il s'est engouffré dans l'église en s'essuyant le front avec son mouchoir. Il a fermé la grosse porte qui gardait le lieu bien frais.

Je ne suis plus jamais revenue. Je suis là-haut avec les oiseaux et je brasse les nuages que je forme. Quelquefois un peu, quelquefois beaucoup. Les habitants, en bas, sont tout ébahis à chaque fois que je fais pleuvoir. Ils crient, t'es la meilleure, petite, continue. Et ils lancent leur chapeau de paille en l’air.

Bon, au début, j'ai provoqué une inondation. Juste pour les embêter de m'avoir un peu prise pour une imbécile qui ne peut pas aller à l'école. Mais après, j'ai arrêté. Parce que quand même, c'est mon village et les gens se sont toujours occupés de moi. Manuela vit maintenant le plus clair de son temps la tête levée vers le ciel, avec un chapelet à la main.

Quelquefois, je n'ai rien à faire parce que la pluie, ils en ont leur content, et ils ont envie du ciel bleu.

Alors je brasse de l'air.

Mais ils disent que trop d’air, ça fait du vent qui fait des tempêtes. Alors qu’il faut que je me calme un peu. Dans ces moments-là, ils m’appellent la sale gamine, parce que finalement, de le crier si fort, ça les absout peut-être.


Sur la place du village, alors qu’il pleut à verse et que le ruissellement commence à desceller les petits pavés, ils me montrent leurs poings, ils m’appellent la sale garce, que le climat qui change, la sécheresse et les inondations, tout ça c’est de ma faute.


Manuela n’a jamais rien dit de tout ce qu’elle savait, mais elle avait une façon de regarder les hommes, avec un regard si noir calfeutré au fond de ses rides.

Elle dort maintenant sous le caroubier.

D’elle ils n’ont pas eu peur.



 
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   vb   
17/8/2021
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,
Voici donc un conte, une parabole probablement africaine.
Il y a beaucoup de poésie et de magie dans ce texte court et aussi une critique sociale de la société patriarcale, de l'exclusion des femmes de mauvaise vie, des guérisseuses, des Marie-couche-toi-là.
J'ai quelques critiques quant au style qui m'a parfois semblé maladroit. J'ai trébuché sur plusieurs expressions: "Le ciel bleu plombant dix mois par an" (si le ciel est couleur plomb dix mois par an il n'est pas vraiment bleu), "la place ombrée du village" (le mot "ombrée" me semble de trop et rend le dialogue peu naturel), "j'en ai vu certains" (selon la logique grammaticale "certains" devrait remplacer "nuages").
Merci pour cette lecture.
Lu en espace lecture
VB

   Anonyme   
5/9/2021
 a aimé ce texte 
Un peu
Ce qui me gêne dans cette histoire (certes, allégorie, tout n'a pas à être réglé au petit poil), c'est : comment les habitants du village savent-ils que la gamine est responsable de la météo ? De leur point de vue il s'agit simplement d'une débile, un jour elle est partie, jamais revenue. Comment passe-t-elle soudain du statut d'être sans importance à celui de demi-déesse ? Aucune manifestation surnaturelle qui m'aiderait à comprendre ce saut conceptuel n'est indiquée dans le texte.

Sinon, je lis donc ce récit comme une allégorie féministe sans concession ; tous les hommes dans le même sac, et je me demande si éviter complètement d'évoquer les femmes "normales" du village, ni "putes" ni "sorcières", correspond en l'occurrence à un embarras narratif : la femme ne peut être que marginale au sein du patriarcat ; les enfants non plus tu n'en parles pas, ce qui ajoute pour moi à l'impression d'abstraction. J'ai le sentiment que tes personnages sont là pour pure illustration allégorique. Alors c'est ton choix, d'accord, mais avec ce qui m'apparaît comme le manichéisme du propos, l'ensemble peine à me convaincre. Je me dis que tu as écrit un pamphlet sous forme de conte dont la narration désincarnée ne me touche guère. Peut-être cela aurait-il mieux fonctionné pour moi en vers libres, allusifs, aux formules lapidaires, que sous forme de nouvelle où je m'attends à lire, tout simplement, une histoire.

P.S. : Je précise que je n'ai pas commenté en Espace Lecture parce que j'avais identifié l'autrice. Je m'améliore !

   wancyrs   
5/9/2021
Salut Hersen,

Je pense que la première phrase de ton texte a une erreur : "... le niveau DE leurs puits baisser..."
Bon, qu'est-ce que je peux dire du texte ! Qu'il est bien écrit, et que j'ai aimé la façon de raconter cette triste épopée. Je peux voir en filigrane une dénonciation féministe : le contrôle masculin, le paternalisme, la misogynie, etc... mais bon... J'aurais aimé prendre cette enfant dans mes bras et la consoler, mais j'ai bien peur que cet acte ne soit interprété comme du paternalisme ; du coup, je ne sais pas quoi faire... j'espère qu'un jour les hommes et les femmes s'aimeront correctement et marcheront dans l'harmonie.

Merci du partage

wan

   hersen   
6/9/2021

   Pouet   
7/9/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Slt,

j'ai beaucoup aimé ce court texte, sur cette petite fille "différente". Il nous rappelle assez pudiquement l'indigne sort réservé aux enfants en situation de handicap dans certains endroits. Nous autres, pays "développés" grands donneurs de leçon, n'en sommes certes pas à ses extrémités, mais pourtant que de progrès avons-nous à faire, que d'écueils avons nous à éviter sur notre cher chemin de l'Avoir et de l'Apparence... C'est ainsi que j'ai compris le propos et c'est surtout sur ce point que s'est portée mon attention, sans doute une déformation professionnelle. Mais peut-être qu'au final il n'est pas question de cela.

J'ai aussi aimé le côté conte du texte, et cette petite fille m'a fait penser à l'excellent livre pour enfants et pour grands, "L'oiseau de pluie" de Monique Bermond.

Car oui, il est bien ici question à mon sens d'acceptation et de liberté. De liberté.

Merci.

   Nushka   
11/9/2021
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,

J'ai lu votre texte avec intérêt. C'est le titre qui m'a interpellée tout d'abord : poétique et original, il m'a donné envie de vous lire. La nouvelle conserve ces deux qualités malgré des maladresses et des ellipses qui peuvent être frustrantes (l'"Ascension" quasi divine de l'enfant, que l'on ne comprend pas vraiment... est-elle morte ? Est-ce une âme ? Comment les villageois peuvent-ils connaître l'origine de la pluie ?) voire perturbantes.
J'ai apprécié que votre style s'accorde à la voix de cette petite fille différente qui cherche à se libérer du carcan violent et cruel qui l'entoure.
Toutefois, votre récit aurait gagné en profondeur et en nuance, je pense, si vous aviez élargi les interactions de cette enfant étrange avec le reste du village. Cela vous aurait permis d'élaborer une vision moins caricaturale des hommes comme des "autres" femmes, grandes victimes de votre texte aussi, puisqu'invisibles, absentes, inexistantes.

   Ombhre   
12/9/2021
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Hersen,

j'ai lu ton texte à sa parution, attiré par un très beau titre, mais n'ai pas pris le temps de le commenter, je m'en excuse. D'autant que j'ai bien aimé cette fable très - trop ? - courte.
Cette enfant considérée comme simple d'esprit, fille de tous les hommes du village, qui peut faire venir la pluie et les nuages donne la base d'une belle histoire, même si la fin très noire (Manuela a-t-elle été assassinée par les hommes du village qui n'ont pas eu peur d'elle) n'en fait pas une histoire pour enfant. Et le côté enfant boudeuse est très bien rendu.

Je regrette toutefois trois points:
le ton très décousu de la narration (mais sans doute était-ce volontaire) qui, à la fois donne son charme au texte, mais en complique la lecture, passant d'un sujet à l'autre, tantôt en narratif, tantôt en dialogues écrits comme une didascalie, tantôt en pensées du personnage central où la magie de la plume nous permet de pénétrer.
Ce même ton, à la limite de la dérision (mais je pense là aussi que c'était voulu), a pour moi pénalisé la partie poétique de la nouvelle qui aurait mérité, sur une aussi belle idée, d'être davantage utilisée. D'autant que la poésie, tu sais l'écrire !
La brièveté de ce texte qui aurait à mon sens mérité davantage de développements, pour peut-être aider à le rendre plus clair.

Une belle histoire donc, mais qui aurait mérité, selon ma sensibilité, un développement différent.

Merci pour le partage.
Ombhre

   placebo   
14/9/2021
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour Hersen,

Trois disparitions, la maman, la brasseuse de nuages et Manuela. Ça fait beaucoup pour un texte court et un village. En tout cas cela se lit bien.

Je pense que raconter l’histoire par la brasseuse complique les choses. Si ce n’est pas elle qui fait tomber la pluie, mais les villageois qui se l’imaginent peut-être (d’après ce que j’ai compris du forum), cela veut dire qu’ils sont plus ou moins au courant de tout le contenu du texte, qu’il s’agit de leur légende, or il y a des éléments qui montrent leur « angle mort » et leur incompréhension de cette fillette et qui rend cette hypothèse difficile.

Joli titre en tout cas, j’ai pensé à Nausicaä au début.

placebo

   Louis   
14/9/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Le texte met d’abord en place le contexte dans lequel se déroule le récit : un village de type méditerranéen ( la présence des caroubiers l’indique), une chaleur et des températures élevées, caniculaires, une sécheresse inquiétante par manque de pluie et un manque d’eau dans les puits.
Ce village est centré sur une église, qui donne ombre et fraicheur, sous un soleil de plomb.

La narratrice est une jeune fille, qui a la tête dans les nuages, et surtout des nuages dans la tête : « dans ma tête, c’est comme des nuages »

Elle porte donc en elle ce qui manque aux habitants de son village.
À leurs yeux, elle est une enfant déficiente, l’idiote du village, «même pas capable d’aller à l’école, même les jeux, elle les comprend pas »
Pour eux, elle n’a pas la tête claire, elle est plongée dans un brouillard d’incompréhension.

La narratrice, au contraire, prétend avoir l’esprit lucide et clairvoyant : « Je vois tout. Je sais tout. »

Ce qui lui est demandé, c’est de rester à l’ombre, celle de l’église à l’extérieur, ou au frais, à l’intérieur. On lui recommande de ne pas s’éloigner de cette ombre, de ne pas marcher sous la lumière du soleil, de ne pas s’exposer à ses rayons ardents, prétendument pour son bien.

Mais elle refuse cette ombre.
Elle comprend que rester dans l’ombre de l’église, c’est rester sous son égide, sous sa tutelle.
Elle refuse ainsi de se plier, de se soumettre aux croyances chrétiennes
Elle comprend aussi que l’ombre est la part obscure liée à l’église et à ses fidèles ; une part cachée et mystérieuse. Ainsi on lui refuse de marcher vers la lumière, vers le savoir de ce que masque l’église. La jeune fille fait partie de cette ombre, et ne doit pas en sortir. Rien ne doit être révélé de ce que l’ombre voile.
Ce qui est dissimulé s’avère donc honteux, non avouable, devant rester refoulé.

La jeune narratrice désobéit, ne suit pas les injonctions des hommes du village.
Elle connaît déjà, grâce à Manuela, la sage-femme du village, une partie du mystère qui règne sur sa naissance. L’événement honteux, coupable, a été la mise à mort de sa mère, pour sorcellerie, «elle avait des dons », avait-on prétendu, et, puisqu’elle n’a pas de père, « Mon papa, c’est tous les hommes du village », pour débauche ou adultère, pour non-respect de l’interdit posé par l’église sur la sexualité hors mariage.
Le vrai père demeure donc inconnu, et n’a pas été condamné. Nous sommes bien dans une société patriarcale et machiste.

La jeune fille a quitté le village, pour ne plus jamais y revenir.
L’esprit de la narratrice est un ciel clair, mais avec des nuages.
Des nuages protecteurs : « Ils me sauvaient. Ils rendaient ma vie si belle et si légère »
Nuages écrans devant une réalité très dure. Insupportable. Nuages d’illusion pour atténuer la lucidité sur une situation terrible. Nuages de légèreté qui permettent de s’élever au-dessus d’une réalité invivable et de se délester du poids de l’insoutenable.

Or elle accorde, après son départ, une toute-puissance à ce ciel ennuagé.
Si elle a quitté son village, elle ne l’a pas oublié.
Ce qui arrive là-bas, et qu’elle a désiré, la pluie en particulier, elle croit en être la cause. Elle croit en l’efficience magique de ses désirs. Elle croit en la toute-puissance de ses désirs et de ses pensées. Une toute-puissance sur la nature, et non sur les hommes, semblable au pouvoir de sa mère.
La jeune fille se dit ainsi à l’origine des phénomènes météorologiques qui surviennent après son départ.
Elle est habitée alors par un fantasme de toute-puissance, comme celui qui se manifeste chez les enfants en bas-âge.
Elle croit dans le pouvoir magique de la pensée et des désirs. Son fantasme s’est nourri des croyances des villageois sur sa mère, la "sorcière’' « C’est ce qu’ils prétendaient, qu’elle avait des dons » ; elle s’est nourrie de l’héritage maternel, de cette femme toute puissante sur la nature : « elle connaissait les herbes, les oiseaux…», mais faible à l’égard des hommes : « …les hommes, avec eux, ce n’est jamais elle qui gagnait. »
Elle se croit investie de pouvoirs qui peuvent soumettre les phénomènes de la nature à sa volonté comme la protéger contre les ennemis et les dangers.


Pour les villageois, la jeune fille qui n’est jamais revenue est morte, ou comme morte. Comment une jeune enfant, débile mentale, aurait-elle pu survivre hors du village, doivent-ils penser ?
Ils en viennent alors à croire, eux aussi, que la jeune fille à l’esprit trouble et ennuagé, par-delà la mort, est la cause des phénomènes météorologiques qu’ils subissent : pluie, sécheresse, inondations, tempêtes.
Ils sont superstitieux. Ils ont cru aux pouvoirs surnaturels de la mère, ils croient à ceux de leur fille.

Ainsi ce récit, ce conte dit encore que la croyance religieuse des villageois ne serait pas autre chose que superstition, l’église n’empêchant en rien la superstition, et se réduisant à l’une de ses formes, puisque c’est en son nom que l’on croit aux sorcières, et quoiqu’en dise le christianisme qui se veut autre chose qu’une vulgaire « superstition ».

Deux ‘’ciels’’ sont distingués et opposés dans ce récit : le ciel surnaturel, ciel divin, auquel renvoie l’église, objet de croyance des villageois ; et le ciel naturel apparent, le ciel auquel renvoie l’esprit ennuagé de la jeune fille.

Il y a des nuages dans la tête de la jeune fille, de même qu’il y a des nuages dans le ciel. Et sa tête est toujours tournée vers le ciel et les nuages : « Je suis là-haut avec les oiseaux »
Ainsi est-elle pénétrée par le ciel autant qu’elle le pénètre. Il n’y a plus de frontière entre le monde, la nature et le corps de la jeune fille. Les limites entre elle et le ciel ont éclaté ; la dualité extérieur/intérieur est dépassée. Il y a échange permanent entre la jeune fille et le ciel qui l’imprègne. L’espace de l’imaginaire ne semble plus opposé à l’espace géographique qui serait extérieur et réel.

Ainsi la jeune fille, au-delà de son fantasme de toute-puissance, personnifie le monde naturel, dont elle est imprégnée elle en personnifie sa connaissance. Sa mère aussi connaissait la nature et ses lois, elle n’était évidemment pas une "sorcière" « elle connaissait les herbes, les oiseaux… »
Le ciel divin, lui, n’est pas, et ne peut pas être objet de connaissance, mais seulement de croyance.
Du ciel réel, les villageois n’ont aucune connaissance, et les lois de la météorologie ils les ignorent totalement pour imaginer qu’une personne aux pouvoirs surnaturels puisse en être à l’origine, comme autrefois on voyait dans l’orage la manifestation de la colère de Zeus.

Ainsi le conte oppose croyance et savoir ; vérité sur la nature et croyance superstitieuse.
Qu’une jeune fille "débile", inadaptée à l’école soit la personnification de ce savoir n’infirme pas l’idée, mais signifie que la connaissance de la nature ne relève pas seulement des sciences, et de ce que l’on enseigne à l’école, mais aussi et surtout d’un rapport plus intuitif avec elle ; de cette intuition telle que Bergson la définissait : « Nous appelons intuition la sympathie par laquelle on se transporte à l'intérieur d'un objet pour coïncider avec ce qu'il a d'unique et par conséquent d'inexprimable ».

   Anonyme   
28/9/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour. Joli texte poétique. Le sujet de la sécheresse traité à la façon d'un conte avec une nuance de féminisme. (C'est comme ça que je lis le texte). J'aime beaucoup. Les habitants sont contents de recevoir la pluie… jusqu'au moment où les pavés des rues se descellent… alors là, ils faut un coupable… en l'occurence, une sale garce !… c'est tellement facile. En quelques lignes, tout est dit.

   Cyrill   
8/10/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Un conte plein de tendresse, qui met en scène une petite fille dont la différence fait aussi la richesse.
J'ai bien aimé le ton et le vocabulaire employés, à la fois ceux de l'enfance mais aussi un peu plus :" Je vois tout. Je sais tout", on entre dans le merveilleux, qui n'a pas besoin de justification.
Une histoire très émouvante et pleine de belles trouvailles langagières, par exemple :
"Je suis là-haut avec les oiseaux et je brasse les nuages"
"Mais ils disent que trop d’air, ça fait du vent qui fait des tempêtes."

Bravo !

   Anonyme   
23/10/2021
En lisant « Mon papa, c’est tous les hommes du village », j’ai pensé à un viol. Mais j’ai aussi lu le commentaire de vb et peut-être a-t-il raison (la mère de la petite était une prostituée).
Quelle que soit l’intention de l’auteur, deux thèmes sont apparus lors de ma lecture : le patriarcat et l’écologie (« ils m’appellent la sale garce, que le climat qui change, la sécheresse et les inondations, tout ça c’est de ma faute » et « ils m’appellent la sale gamine, parce que finalement, de le crier si fort, ça les ABSOUT peut-être »).

Dans le fond, la petite est peut-être une allégorie de la nature. Les villageois ont d’abord songé à la tuer, mais ils ne sont pas allés jusqu’à cette extrémité. Il est même dit qu’ils se sont toujours occupé d’elle, mais comme on s’occupe d’une chose encombrante dont on se passerait volontiers et qu’on laisse d’ailleurs finalement partir.

« Manuela n’a jamais rien dit de tout ce qu’elle savait, mais elle avait une façon de regarder les hommes, avec un regard si noir calfeutré au fond de ses rides. » : que désigne-ton par les « hommes », les êtres humains ou uniquement les exemplaires de sexe masculin ?

Je ressors de ce texte avec un sentiment de confusion entre les deux thèmes que j’ai cru y voir.


EDIT :
Je viens de lire votre premier post sur le fil dédié au texte. Bon, je suis passé complètement à côté. Ça arrive.


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