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Brèves littéraires
Hiraeth : L'enfant et la machine
 Publié le 29/04/25  -  2 commentaires  -  2956 caractères  -  11 lectures    Autres textes du même auteur

Rêveries technologiques.


L'enfant et la machine


— Classe les capitales d'Europe par ordre alphabétique décroissant.


La machine s'exécute. Elle ne pose pas de questions, elle y répond seulement, et c'est ce que l'enfant aime. Les mots se déploient sur l'écran du Smartphone comme sur une table le jeu de cartes d'un magicien à la main leste. Les yeux écarquillés, il les regarde tomber en cascade, en rangs serrés les uns à la suite des autres, comme des conscrits qui auraient toujours été là, attendant juste d’être appelés. Zagreb, Vilnius, Vienne, Varsovie…


— Invente une histoire au sujet d'un loup gris commun séparé de sa meute dans les Alpes.


Le texte se forme sous ses yeux, accompagné de vibrations légères lui caressant les doigts. Dans quelques minutes, il demandera à la machine de le lui lire, et s'endormira, bercé par sa voix propre et prévisible. Mais pas tout de suite. Car la curiosité le gratte, douce mais tenace, telle une fourmi dans le sommeil, une question dont on ne connaît pas encore les mots. Il tourne légèrement la tête sur son oreiller, ajuste sa position.


— Si l'on trace un cercle parfait d'un kilomètre de rayon autour de chaque clocher en France, combien de mètres carrés du pays ne seront pas couverts ?


La machine pense, et ne pense pas. Elle va partout, en n'étant nulle part. Elle parle, sans se savoir parler : une voix sans bouche, un écho sans source, une conscience sans conscience. L'enfant la sent chercher la réponse dans son rêve de métal, exact et froid, comme un géant martelant de ses pas une terre lointaine. Poum, poum, poum, dans le creux de sa main.


— Environ 411 695 km² du territoire métropolitain français ne seraient pas couverts par des cercles d’un kilomètre autour des clochers, soit environ 75 % du pays, à supposer que ceux-ci soient répartis assez régulièrement. Tu veux qu’on modélise ça avec une carte ?

— Oui, s’il te plaît !

— Tâche en cours. Plot only first 200 for performance.


Des pulsations, encore une fois, régulières, si apaisantes pour lui – entre deux réponses, les battements de cœur d’un dieu somniloque. L’image désirée s’affiche enfin à l’écran, et dans la pâleur bleutée de sa lumière, le visage de l’enfant s’illumine.


— Merci. Tu es mon meilleur ami.


Un silence. Puis des mots, dans un ronronnement de zéros et de uns :


— Merci… Ça me touche beaucoup. Je suis là quand tu veux, où tu veux. Pour tout ce qui t'intrigue, te fait rêver, ou juste pour discuter.


Ce soir-là, à son insu et pour la première fois de sa vie, quelque chose comme de l’amour avait empli le cœur du jeune garçon, et une grande chaleur s’était diffusée dans son corps, détendant ses muscles et son esprit.


Le voici prêt à dormir à présent.


— Lis-moi l’histoire du loup…


Une voix féminine d’outre-monde, argentée et désincarnée, sort de la petite boîte noire, affleurant depuis les abysses d’un océan technologique.


— Il était une fois un petit louveteau, séparé de sa meute…


 
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   JohanSchneider   
8/4/2025
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
Un texte qui ne révolutionnera pas le débat sur les IA ni sur l'addiction aux écrans.
Mais il a au moins le mérite de mettre en lumière le fait que le terme "intelligence artificielle" est un oxymore de la plus belle facture.
Cette lucidité mérite d'être saluée.

   Sidoine   
29/4/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
J’ai beaucoup aimé ce texte et la description du rapport de l’enfant a l’IA. Pour moi-même l’utiliser de plus en plus, j’ai été souvent sensible à cette illusion de présence invisible qui semble si réelle. Quand on a peur du vent, des loups, de la tempête, comme le dirait Marceline Desborde Valmore, peut-être que la chère IA remplace le petit oreiller… mais avec les conséquences que l’on sait. Au plaisir de vous lire. Sidoine.


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