Les premières lueurs du jour balayaient l’horizon. Sur la forêt silencieuse, l’aurore répandait une douce clarté. Peu à peu, la nature s’éveillait.
Un écureuil à poils roux sautillait de branches en branches. Sa large queue, qui lui servait de balancier, lui apportait l'équilibre et la précision nécessaire pour se livrer à des jeux d'acrobaties matinaux.
À chacun de ses bonds, le feuillage des arbres tressaillait, révélant ainsi les traces de son passage. Un instant plus tard, debout sur le tronc d’un vieux chêne, à l’écoute, le petit rongeur excité par les chuchotements de la forêt observait les alentours. De nature méfiante, il disparaissait au moindre bruit.
Au cœur d’une clairière inondée par des jeux de lumières qui se déclinaient en subtiles nuances, quelques cerfs blottis les uns contre les autres se réchauffaient sous les filets du soleil. Leurs bois étaient tombés mais déjà d’autres petites branches perçaient le velours de leur tête.
La forêt arborait son visage de printemps. Au cours de cette période de croissance, elle se régénérait et exhalait l'atmosphère de mille senteurs. À chaque renouvellement de saisons, elle se parait d’un nouveau masque.
En été, elle soutenait un dais tapissé de feuilles sombres. La lumière perforait par petits jets la cime des arbres que le feuillage dense avait rapprochés.
Loin du tumulte de la civilisation, les murmures de la nature résonnaient doucement. Aussi légers que le souffle du vent et le ruissellement de la source, les voix de la terre s’élevaient comme un chant apaisant.
En septembre, la fermentation de l’humus et la poussée des champignons emplissaient l’air d’effluves poivrés. Les teintes des feuilles plus chatoyantes annonçaient un nouvel automne.
La vie de la faune et de la flore composée de séquences incessantes et de succession d'images se perpétuait indéfiniment. Dans une totale continuité, tout un monde fourmillait animé par le même désir de vivre.
En hiver, endormie sous sa pelisse blanche, la forêt respirait doucement. Tous les bruits s'estompaient sous la couverture de neige qui enveloppait la végétation. Le climat était rude dans la région.
Le ciel chargé de nuages laiteux se confondait avec le relief des montagnes. Le vent s'engouffrait dans les arbres. Son souffle puissant mordait le vieux chêne dans lequel le petit écureuil à poils roux s'était réfugié. Enfoui dans son nid, véritable structure de brindilles entrelacées et de feuilles amoncelées, le rongeur tenait serré entre ses incisives un bourgeon sec récolté à la jeune saison.
Des vagues de neige avaient obstrué les sentiers et les cerfs du printemps qui s'étaient regroupés dans leur clairière s'enfonçaient dans le sol mousseux.
Parfois, à la tombée du soir, la pénombre enveloppait lentement la forêt mais le soleil se fondait encore sur les montagnes environnantes. Pendant quelques minutes, le relief se peignait d'un mélange subtil de bleu, rose et blanc puis les trois couleurs s'estompaient sur la palette du paysage et le crépuscule envahissait la vallée.
Toutes les formes de vie s'harmonisaient aux rythmes de l'horloge du temps et aux changements biologiques qui s'accomplissaient au fil des saisons.
La nature vibrait sous les cycles du soleil, de la lune et des planètes depuis des siècles. Tous les animaux obéissaient à un ordre interne. Il en était ainsi depuis l'aube des temps.
De temps à autre, au cœur de la rivière qui longeait la forêt, une branche morte détachée de son arbre voguait sur les eaux. Cabotant sur les flots qui la charriaient dans leur cours, parfois engloutie, elle émergeait brusquement entre les vagues avant de disparaître dans le flux des cascades qui prolongeaient le petit fleuve. La vie des êtres s’éteignait ainsi, happée par un inéluctable destin.
Puis, les saisons revenaient. La forêt se renouvelait sans cesse et la continuité de l'existence dans ce microcosme tranquille semblait s'immortaliser.
Autant que les végétaux et les animaux, les hommes s’intégraient parfaitement dans la nature environnante.
Une question se posait. La vie pourrait-elle subsister éternellement sans que l'espèce humaine de plus en plus fragilisée par son évolution fulgurante ne cristallise son désespoir et son ignorance en détruisant cet équilibre ? Ou alors, les humains discerneraient-ils dans cette roue de l’existence qui tourne à l’infini, la merveilleuse perception de l’immensité ?
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