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Fantastique/Merveilleux
IsaD : Bob sans tête
 Publié le 01/04/21  -  10 commentaires  -  5597 caractères  -  64 lectures    Autres textes du même auteur

Tout a débuté par surprise...


Bob sans tête


Je m’appelle Robert. Mais depuis toujours, on m’appelle Bob. Vous pouvez m’appeler ainsi. Ou pas du tout. Cela n’a pas d'importance.


---


Tout a débuté par surprise.


J’étais alors sous la douche, me frictionnant vigoureusement, quand une vision m’a envahi, si soudaine que j’ai dû stopper net toute action. La vapeur avait plongé la cabine dans une brume opaque, me laissant dans une sorte de no man’s land, avec cette seule vision. Ou devrais-je plutôt dire « non-vision » ? Car comment expliquer qu’en cet instant précis, je « n’avais plus de tête ».


Je ne sais pas si cela vous est déjà arrivé, je suppose que non. Ou alors vous n’y avez pas prêté attention. Ou vous n’avez rien osé dire et puis l’impression est passée. Ce n’était au fond qu’une impression, rien de plus.


Pour ma part, la sensation était bien présente et d’ailleurs pour preuve, du point de vue où je me suis soudain senti projeté, seuls m’apparaissaient un torse, deux jambes et deux bras. Mais au-dessus, qu’y avait-il ? Rien. Ou en tout cas un rien qui pouvait éventuellement s’apparenter à quelque chose, mais de très vague. Un espace peut-être. J’ai réalisé que cela avait, en fait, toujours été le cas.


Allez savoir pourquoi, je n’ai pas paniqué. Après tout, l’histoire était de taille ! Imaginez tout de même que je « n’avais plus de tête » ! Que je n’en avais jamais eu ! Non, j’étais juste là, à observer sans vraiment observer puisque, n’ayant plus de tête, je n’avais donc évidemment plus d’yeux. Pourtant, j’observais.


Au bout d’un moment, je me suis décidé quand même à vérifier. Mon bras s’est levé comme au ralenti puis ma main a pointé un doigt en direction de l’endroit où était supposée se trouver ma tête. Il a rencontré une résistance mais je n’aurais su affirmer qu’il s’agissait bien d’une tête.


Intrigué, je suis sorti de la douche et me suis planté face au miroir. Aucun doute, une tête était là, qui me regardait avec deux yeux surpris. Il suffisait pourtant que je détourne le regard du miroir pour qu'aussitôt la sensation de vide ressurgisse.


Ayant toujours eu le souci d’être le plus honnête possible, j’en ai parlé à ma femme. Elle m’a regardé avec des yeux bizarres. Il est vrai aussi que nos relations s'étaient tendues avec le temps, on ne se disait plus grand-chose d'important.


Mais enfin, je n’avais rien inventé. La sensation était bel et bien là. Les jours suivants, le vide s'est fait de plus en plus prégnant.


Pour me convaincre que tout ceci n’était pas le fruit de mon imagination, dès qu’un miroir était à proximité, je m’en approchais à le frôler tout en inspectant minutieusement mon cou. Je croisais parfois dans le reflet de la glace le regard méfiant de ma femme qui passait derrière moi.


Les doutes pourtant m’assaillaient. J’occupais une grande partie de mon temps à contempler les miroirs. Y compris au bureau. Je trouvais le moindre prétexte pour me précipiter dans les toilettes, contorsionnant dans tous les sens la tête qui me faisait face, au travers de la glace. Mes collègues me fixaient avec la même expression que celle de ma femme. Leurs regards étaient remplis d’incertitudes. Gênés sans doute d’étaler en ma présence des soupçons qui les déroutaient, ils se plongeaient dès qu’ils me voyaient dans des tâches soudain urgentes à régler.


Peu m’importait. Je poursuivais ma quête.


Car, après tout, il fallait bien que je sache !


À force de persévérance, une intuition s'est peu à peu faufilée en moi, découlant alors sur une évidence. Cette tête n’était pas la mienne !


Ma femme a fini par s’en mêler. Elle m’a dit « Bob, il faut vraiment que tu consultes ». J’ai dit oui pour lui faire plaisir. Il paraît qu’il y a des personnes compétentes pour ce genre de problème. Si problème il y a. En tout cas, pour ma femme, c’était certain.


J’ai pris rendez-vous avec un psy.


Assis face à lui, je lui ai raconté toute l’histoire. Il m’a longuement écouté. Son regard est resté impassible, preuve qu’il devait bien être au courant de ce qui m’arrivait, preuve que je n’étais sans doute pas le seul à ressentir cela, preuve que c’était donc au fond tout à fait normal.


Ensuite, il m’a parlé de surmenage, et même aussi de burn-out, m’affirmant que c’était courant de nos jours. Avec un hochement de tête satisfait, il m’a prescrit un arrêt de travail, des anxiolytiques, m’a conseillé de me reposer et de revenir le voir pour faire le point.


Quand je suis rentré à la maison avec l’ordonnance au bout des doigts, ma femme a affiché une mine soulagée et m’a confié : « Franchement Bob, tu m’avais fait drôlement peur. »


« Avais ». Ainsi, pour ma femme, l’affaire appartenait déjà au passé.


Je suis resté au lit pendant quinze jours. Chaque matin, j’ouvrais la boîte des anxiolytiques, j’en prélevais deux puis j’allais aux toilettes pour les vider dans la cuvette. Ensuite, je retournais me coucher et j’observais sans observer le plafond et les murs de ma chambre. C’est fou tout ce que j'ai pu découvrir.


J’allais de mieux en mieux.


Je ne suis pas retourné voir le psy.


Deux mois plus tard, j’ai démissionné de mon travail, vidé mon compte en banque, quitté ma femme, et suis parti dans un endroit où on ne me poserait plus de questions, où je pourrais vivre, libre et sans tête.


Je me suis remis à peindre. Il paraît que mes toiles sont originales. Et que cela pourrait en intéresser certains. Moi je m’en fiche. C’est juste une envie de jeunesse, que j’avais laissée tomber je ne sais plus pourquoi.


Je me sens bien à présent, là où je suis.


Là où il n’y a plus personne.


 
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   Anonyme   
11/3/2021
 a aimé ce texte 
Bien
C'est marrant, j'ai pensé à Cami, un auteur du 19ème siècle qui donnait dans ce genre d'histoires, mi-horrifiques mi-drolatiques. Un de ses recueils s'intitule « Pour lire sous la douche », genre.

Un ton similaire ici je trouve, ni queue ni tête (évidemment). J'ai bien aimé mais trouve aussi l'exercice un peu daté.

   Donaldo75   
19/3/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ai beaucoup aimé ce texte. Le ton m'a emporté et j'avoue en rire encore a posteriori. Il y a du sketch de Raymond Devos dans cette manière de raconter, un non-sens que je trouve délicieux et surtout rafraichissant. Le rythme n'est pas en reste et cela donne de la force au récit. L'usage de la première personne du singulier tombe à pic car le lecteur peut rentrer dans la tête - je sais, j'ai osé - du narrateur et même se mettre à penser comme lui. La fin est savoureuse, décalée mais pas trop.

Une très bonne surprise ce matin en espace lecture.

   plumette   
1/4/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
un titre intriguant et un ton qui m'a aspirée dans cette petite nouvelle distrayante.

le sentiment d'étrangeté est quelque chose que chacun peut ressentir à l'occasion, et j'ai bien aimé que cela commence par la vapeur d'eau dans la salle de bains qui nimbe de brouillard l'atmosphère.

je souscris plus à l'idée d'une tête qui n'est plus celle de Bob qu'à la notion de vide qui me parait beaucoup plus difficile à rendre.

Mais l'histoire est très plaisante et la chute en cohérence avec ce parcours.

Bravo!

   Corto   
2/4/2021
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour IsaD.
Je n'ai pas trop accroché avec cette histoire. Peut-être parce qu'elle évoque des situations que de vrais malades (schizophrènes ?) ressentent réellement, dans de vraies souffrances, de vraies déroutes.

Ici le ton est badin, heureusement et j'ai ainsi pu suivre avec amusement l'aventure. Celle-ci est fort bien décrite, elle débouche sur un situation apaisée comme l'aboutissement d'une recherche. Ce sont ces deux phrases qui ont retenu mon attention:
"Je me sens bien à présent, là où je suis.
Là où il n’y a plus personne."

Merci du partage.

   Vicomte_Bidon   
2/4/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Mais il a complétement perdu la tête ce bob !

J'ai apprécié ce texte, très bien mené
je n'ai pas trop vu l’intérêt du premier paragraphe (mais peut-être ai-je raté quelque chose), il me semble en trop, je ne suis pas complétement séduit par la fin, je ne sais pas trop pourquoi (je ne suis pas sûr d'avoir compris : "là où il n'y a plus personne", il est où ?).Et sur un paragraphe un peu trop de points d’exclamations à mon goût.
Mais pour le reste, j'ai beaucoup aimé

   Agueev   
9/4/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément
Intriguant, absurde et drôle. J'aime le rythme. J'ai eu grand plaisir à lire ce texte.

   Ligs   
9/4/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour, conduit ici par les remerciements, je ne regrette pas le détour : le texte est amusant, profond l'air de rien, à mi chemin entre le fantastique du XIXe et l'absurde du XXe.
Écrit avec justesse et simplicité.

Merci pour cette lecture plus qu'agréable.

   Anonyme   
10/4/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Oh ! Quelle belle découverte pour moi ! MERCI

Ca me fait penser au "passe-muraille" de Marcel Aymé et dont le téléfilm tiré du livre est passé hier sur Arte
(je suis piètre lectrice de nouvelle, surtout du genre fantastique).
Aussi, je suis hyper bon public et applaudis.
rien n'a arrêté mon plaisir à aller au bout de votre histoire.

Réussi pour moi !

Merci du partage
Éclaircie

   Germain   
1/5/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↑
C'est l'histoire d'un homme qui perd la tête, métaphoriquement, et qui est à deux doigts de sombrer dans la folie. A moins qu'il s'agisse d'un burn out? Il ne se reconnaît plus dans sa vie. Est-ce une hallucination sous la douche, ou un état de dépersonnalisation ? L'impression de voir un étranger dans le miroir est assez typique. Il finit par se retrouver entier lorsqu'il coupe tous les ponts pour enfin se réaliser, a travers son art notamment. Histoire courte et bien troussée.

   Gouelan   
12/7/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Une histoire intrigante qui donne presque le sourire.
L'homme sans tête, à la tête vide, ou trop pleine de routine, d'angoisse, d'obligations, pour avoir encore la place pour ressentir vraiment la vie.
Il n'a plus de tête, il n'est plus lui-même, ne se reconnaît plus. Sa seule chance ce n'est pas le psy ni les médicaments, c'est de se retrouver seul avec Sa réalité, ses envies,

J'ai aimé le ton de la narration et la réflexion que cette histoire inspire. On imagine bien le personnage perdu dans sa tête, à la limite de la folie. Mais finalement il n'est pas fou, au contraire il recouvre la raison. Une façon originale d'aborder le sujet.


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