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Sentimental/Romanesque
jaimme : Dieu et la rentrée des classes (3)
 Publié le 31/08/09  -  18 commentaires  -  18138 caractères  -  130 lectures    Autres textes du même auteur

Un enfant gentil ? Un enfant méchant ? Non, c'est un enfant qui fait avec.


Dieu et la rentrée des classes (3)


Dieu et la rentrée des classes

7. Marie (suite) et Yoan


Marie est amoureuse.

Ce n’est pas marqué sur sa fiche, mais c’est tout comme.

Ses yeux bichent Yoan.


Sur lui, je ne m’attarde guère. Il bombe le torse comme un haltérophile bulgare et domine le monde de ses yeux kaguemusha.

Son regard flamboyant balaie lentement une assistance imaginaire, béate d’admiration et de jalousie. Il toise la mer déchaînée et dompte les vagues scélérates. Le phare de Penmarc'h dans sa veille séculaire.

Ses pieds sont à un mètre l’un de l’autre, campés dans le goudron. Marie serre des deux mains le bras de son héros qui vient de la sauver des krakens gluants (et verdâtres) de la planète Horrorus XVII.

Bon, là, j’invente leurs pensées. Mais l’effet que produit sur moi ce couple de boud’chou est tellement stupéfiant que je n’ai pas besoin d’entrer dans leur tête pour que mes yeux, alternativement, s’effraient et se chevêchent.


Ensuite, ce qui saute aux yeux c’est la disharmonie de cet épique duo !


Marie est d’une famille blanc-bleu marine. Des cheveux blonds lissés au beurre de yack et retenus par un serre-tête. Celui de sa sœur aînée ou de sa tante, entrées dans les ordres. Un tartan du clan Mac Fleury qui descend à sept centimètres des socquettes blanches. Et un très joli crucifix qui va me donner une bonne accroche pour parler de l’interdiction des signes ostentatoires dans un établissement laïc. Il faut dire que l’objet de torture romain dépasse, à vue de nez, la longueur d’un Magnum 357 !


Yohan est la caricature inverse. Le modèle mai-octobre 2009 de la petite frappe. Un jogging complet d’un blanc insoutenable. Des baskets à étages d’un laqué vermillon qui le dispensent de tout catadioptre sur son vélo. Une chaîne dorée dont les maillons sont… je me rapproche, l’air de rien… des crânes !

D’un haussement de sourcils et de deux autres mimiques bienveillantes je lui fais comprendre qu’il doit rentrer son amarrage pour porte-avion de luxe dans son jogging de rappeur milliardaire. Pas de problème, il obtempère gentiment.

Ah ! De loin je n’avais pas remarqué : il a un tatouage dans le cou. Ou peut-être une décalcomanie ?

Je peux lire : « M je t’aime ». Blason semé de cœur sur champ de gueules et sinople alternés. Moche mais efficace.


Maman je t’aime ? Marie je t’aime ? Toutes les filles de la Terre dont le prénom commence par M ?


Intrigué, je plonge.


« Mémé je t’aime » ! C’est sa mamie !

Il adorait sa grand-mère. Bon c’est vrai qu’il a menti à Marie. Mais l’année passée quand il s’est fait tatouer cette épitaphe, il n’a même pas pensé à un possible double emploi.

Un beau mensonge, tant qu’il n’est pas passé aux rayons x, peut être un cadeau.

Mémé Claudine a été sa mère, ses tantes, ses sœurs, toutes à la fois. Sa mémé chérie. D’une tendresse qui aurait sauvé du désespoir des milliers de détenus à Mauthausen.


« Mémé je t’aime ». Elle lui faisait répéter cinq ou six fois par jour. Il adorait le lui dire.

Alors qu’elle lui caressait le front avant de l’endormir. Quand elle le tenait serré pour regarder la télévision.

Et au réveil, toujours ce beau rituel : un œil ouvert (mais pas deux, jamais deux !) il lui disait avec son sourire de tout-petit : « Mémé je t’aime ».


Maintenant il lui reste… cette odeur, cette intense chaleur quand il se collait contre son sein. La douceur du bout de son nez quand il lui faisait vérifier qu’il s’était bien savonné les mains. Les rires clairs. Le goût de ses lunettes en bakélite qu’il suçotait.

Rien. Autant dire rien.

Toute sa famille en un seul deuil.


Le couple qui l’accueille n’est pas le meilleur qui soit.

Ces salariés du bonheur n’osent pas lui dire non. Le laissent s’habiller comme il veut. Manger ce qu’il veut.


Laissons-le parler.


Mémé me disait non. Avec ses yeux qui écrivaient : « Si tu n’obéis pas je vais être malheureuse ».

Et parce qu’elle disait non je savais où mettre mes pieds. Je savais aussi où mettre mes pas.

Ils sont sympas les Ronie. Mais ils ne me disent pas non. Ils ne jouent même pas aux vrais parents. Des professionnels tout juste passables.

J’aime bien Madame Ronie. Elle sent bon.

Pas grave.

Maintenant j’ai Marie. Et j’ai toute ma vie pour elle.


Passons à Marie.


Elle n’avait pas remarqué Yohan jusqu’au jour où ses copines lui ont dit : « T’as vu Yohan comme il se sape maintenant. Il est trop beau ! ».

Ce jour d’octobre 2008 elle a vu Yohan qu’elle côtoyait depuis un mois. C’était à l’Institut Clovis. Le seul garçon de la classe habillé comme à la télé. Alors elle est allée vers lui. A pris sa main. Comme ça. Sans réfléchir. Puis a porté cette main à ses lèvres et l’a embrassée. En le regardant droit dans les yeux.

Depuis Yohan est à elle.


Vas-y Marie :


Marre. Marre. Et marre !

D’être la petite fille sage à sa chère Mère.


Ne pas écarter les jambes. « On pourrait voir ta culotte ! »

Ne pas se servir de l’eau à table. « C’est le rôle des garçons ! »

Ne pas parler de ça. « Ce n’est pas convenable pour une jeune fille ! »

Ne pas se maquiller. Oui, Mère.

Tiens-toi droite. Oui, Mère.

Les coudes sur la table ! Oui… Mère.


Marre d’être une fille sage.


Ce garçon, là.

Il pourrait… et je pourrais…

Dans quelques années.


Alors pour l’instant je l’embrasse devant tout le monde.

Avec la langue. Dans le couloir de l’école. Dans la cour. À la sortie. Au milieu de tout le monde. Dîner-spectacle.

Et aussi à dix mètres de la Renault Espace, pour que Mère me voie.


Mère m’a donc changée d’école. Mais Mère n’avait pas le choix, il n’y a qu’un collège privé. Mère m’a inscrite ici, à son grand désespoir. « Pour un an », a dit Mère.

Mais Yohan fait ce qu’il veut avec sa famille d’accueil. Il m’a suivie. Et là ce matin je lui serre le bras. Devant tout le monde.

Quand Mère va savoir !...


Tiens c’est qui ce superbe garçon, là ? Celui avec le côté du crâne tout rasé.


Dieu et la rentrée des classes

8. Élodie


Est volubile. Diserte et loquace.


Aux États-Unis d’Amérique on peut assister à des concours d’improvisation qui privilégient la rapidité de la diction. Impressionnant. Les candidats développent des arguments aussi futiles que ceux des écoles de scolastique médiévales. En lieu et place du nombre d’anges sur la pointe d’une aiguille, ils dissertent sur la croissance de leur pays au dix-neuvième siècle si le chemin de fer n’avait pas existé ou sur le nombre de discours prononcés par le président Johnson dans l’Arkansas ! Ces affrontements télédiffusés mettent à l’honneur la forme et non le fond. Être convaincant, avoir un aplomb gaullien, et surtout dépasser en mots à la minute le nombre de balles tirées par une mitrailleuse Gatling (XM214 Microgun évidemment). Ils sont forts ces Américains !


Notre Élodie est certainement fichée par la C.I.A. comme candidate à éliminer physiquement en cas d’inscription.


Son staccato infernal est audible à quatre rangs de mes trompes d’Eustache.

« Alors tu vois là je lui ai dit non mais tu me prends pour qui parce que je ne suis pas du tout de ce genre-là mais alors pas du tout non mais quelle salope c’est une vraie salope ct’e fille » (respiration de deux centilitres d’air, au plus)

« Alors je suis allée voir sa sœur tu sais celle qui avais mis des birks violettes à la plage à côté de nous à droite mais si tu te rappelles pas si celle qui a dit à Eric que son maillot lui allait comme un gant non mais dire ça à un garçon elle est franchement givrée et pourquoi pas comme un préservatif… »

Hypnotique. Son bagou est hypnotique !

À certains moments on a l’impression qu’il y a comme un décalage entre les mouvements labiaux et les sons parvenus à mes oreilles. Comme si cette jaspineuse était capable d’articuler plus vite que la vitesse du son et que sa bouche formait déjà d’autres mots que ceux émis par sa voix !


Là j’ai un problème.

Un professeur connaît ce type d’élève. Il faut hausser le ton. Et utiliser une énergie folle pour un résultat qui ne dépassera pas les deux minutes.

Il n’y a pas de « on/off ». Et certainement un « reset » automatique avec turbo.

Il faut que j’en sache plus pour agir sur les bons leviers.


Et c’est parti.


Élodie compense. On s’en serait douté.

Son papa est parti quand elle avait sept ans. Une dispute de plus. Porcelaines brisées. Céramique et petite fille de même.

Une ultime dispute et « papa » devient « il » dans les phrases dures de sa mère.

Le présent disparaît derrière les lices du passé.

Alors que faire de ce présent amputé ? De cette réalité dont on ne veut pas ? Ne pas la vivre ? La jouer une première fois. Et espérer la rejouer avec Papa. Tout reprendre à partir du jour de la dispute. Revivre autrement tous ces jours que l’on s’empressera d’oublier ?


À onze ans on ne sait pas ce qu’est une génération, un siècle. On a parfois du mal à se projeter sur quinze jours. Une année compte trois trimestres. Le temps est organisé par les adultes.

De même la magie fait partie du quotidien. « Si je marche sur les dalles grises sans toucher les blanches, Maman me laissera voir Lucie samedi ».

Et le surnaturel est un des ciments du monde. « Pépé est au ciel avec ma tortue Jasmine ».

Appuyer sur un bouton et éclipser les jours maussades. Rien d’impossible.

Pourtant Élodie sait, tout au fond d’elle-même, qu’elle ne revivra aucun de ces jours, insipides ou pas.


Je mets en place, comme Élodie et toi, des systèmes très élaborés de protection. Le « tout au fond » doit rester tout au fond. Pour tout le monde. Quand le « tout au fond » envahit le quotidien on appelle ça une dépression (tiens, moi j’ai utilisé la métaphore inverse. C’est quand ça remonte que…)

Il est temps, dans ce cas, de faire marcher la solidarité nationale par le système de la Sécurité Sociale que le monde entier nous envie.


Quel est l’abruti qui a dit que la vie était juste ? Certainement un autre dieu, mais pas ma divine personne !

De toutes les façons « juste » veut seulement dire : « belle pour soi et ceux qu’on aime ».


Alors Élodie remplit de mots, et à toute vitesse, cette vie qui s’éloigne attire d’elle du jour fatidique. Celui du Départ.

Le jour où son Papa est parti. Le jour du début de la fausse vie.

Le jour où son Papa n’est pas parti. Le futur jour du début de cette vie passée qui va revenir et qui…

Le « tout au fond » est repoussé par le supportable avec des millions de mots volatiles, tassés et tassés, ad nauseam.


Parle, Élodie, mais len-te-ment, je t’en prie


Ce soir je dois téléphoner à Marie pour lui dire ce que Nelly a dit. Il faut aussi que je donne à Maman la liste des choses à acheter et que je lui montre notre emploi du temps. Ah, le nouvel épisode d’Urgences est sur le Net. Papa adorait Urgences. Et après il faut que je téléphone à Nelly pour lui dire ce que Marie a dit. Oh, mais je transpire vachement, je vais me mettre à l’ombre. C’est ce que Papa disait sans arrêt : « Mets-toi à l’ombre ma puce ! Viens je te mets de la crème parce que… » Et il faut que j’envoie un sms à Lucy et à Aurélie pour les prévenir que mon anniversaire tombe pendant les vacances.

Mon anniversaire.

C’était le jour de mes sept ans que


Voilà. Je ne suis pas son papa. Pas son futur beau-père non plus. Aucun levier, aucun bouton. Je vais donc utiliser beaucoup d’énergie.


« Élodie, tais-toi, s’il te plaît ! »

« Élodie, s’il te plaît ! »

« Élodie »

« Élodie ! »

« ÉLODIE ! »


Dieu et la rentrée des classes

9. Soria


Et voilà, maintenant on va avoir droit à la petite d’origine maghrébine ! Allez je devine déjà : d’une famille de six gosses, chômage et racisme. Mais elle va s’en sortir grâce à son travail personnel ou un truc comme ça.

Pfff ! Quelqu’un a du Nutella ? Non, ça c’est un ersatz. Merci quand même.

Vous m’appelez quand il passe au gamin suivant !


Et même ? Même si cette enfant avait été une de ces milliers dont tu as l’air de te désintéresser. Est-ce que, parce qu’un type d’enfant en difficultés à cause de son milieu économique et social te semble bien connu, cela te donne le droit de hausser les épaules, même pour une noble cause comme aller chercher un pot de Nutella ?

Tu passes devant un homme allongé dans la rue, sur ses cartons, et tu fais de même.

Parce que tu penses que tu ne peux rien y faire, que la vie est déjà bien assez dure avec toi, que regarder en face est une souffrance ?

Ou pire. Parce que la misère des autres te rassure sur ta propre position. Et tu ne les remercies même pas d’être plus pauvres que toi !

Tu les méprises parce que eux sont méprisables, ce qui t’exclut de cette catégorie.

Mais n’oublie pas qu’on est toujours le méprisé de quelqu’un d’autre.

Allez, assieds-toi, je ne t’en veux pas vraiment. Il suffit de… prendre conscience.


Soria.

Je sais qu’elle a une prothèse auditive. Invisible sous ses longs cheveux. Elle entend plutôt bien et lit le reste sur les lèvres. En revanche elle a bien du mal à se faire comprendre. L’articulation est laborieuse et les sons difficiles à identifier.

Merci joli dossier suspendu et va te faire pendre, il faudrait que je découvre moi-même les élèves, non ?

En ce moment elle écoute avec attention la petite fille placée à côté d’elle.

Soria a une arme magique : un sourire d’exception. Qui met en œuvre toute sa mignonne personne. Ce sourire passe par un haussement d’épaules aérien, des talons qui se soulèvent légèrement, des doigts qui s’agitent dans tous les sens et surtout des yeux noisette et macadamia qui suspendent tous les balanciers et lénifient les humeurs chagrines.

Ce sourire est un puits à souhait autant qu’une corne d’abondance. Il offre une confiance absolue. Et le destinataire ne peut que se sentir grandi et responsable de cette petite fille.

Un sourire qui dépose une vie entre vos mains.


Plongée


Soria ne peut pas chanter. Toute tentative se solde par un triste borborygme.

Alors elle chante avec son corps.

Ses mains sont nuages de peau douce. Ses mouvements de tête expriment toutes les nuances de la gentillesse. Ses déplacements sont aquatiles ou ignés.

Les malentendants expriment autant par mimiques que par leur langue gestuelle. Soria a surdéveloppé cette capacité que nous avons tous. Elle ne connaît pas le langage des signes. Ses parents ont refusé ce mode de communication, arguant qu’elle n’était pas totalement sourde et que sa vie devait être parmi les entendants.


Salto arrière


Un jour de jolie promenade, de goûter offert par son père, elle a rencontré un groupe de malentendants. Ils venaient de l’Institut. Ce n’était pas la première fois qu’elle voyait quelqu’un parler avec des signes. Mais cette fois ils étaient huit dans le fast-food. Au-dessus de sa banane flambée au Nutella, elle les examina. Autant que sa timidité le lui permettait.

Ils faisaient un boucan incroyable. C’est l’impression qu’elle en eut. En réalité, seuls quelques sons discordants provenaient du groupe. Mais ils faisaient tellement de gestes ! Si vite !

Leur visage, leurs mains, tout leur corps exprimaient. Tout en harmonie. En jonglerie.

Les visages traduisaient en quelques secondes une multitude de sentiments différents.

La conversation des entendants lui paru si fade !

Et ils parlaient sans se soucier des autres !

Quand des gens parlent dans un café ils baissent le ton.

Enfin, en général.

Là la notion d’intimité était reléguée au statut d’un vin californien pour un Champenois !

Quelle aisance ! Quelle fluidité !

Non, surtout quelle impression de plénitude, de vivant !

Ils discutaient souvent deux par deux. Donnant toute leur attention à leur ami.

Sans gêner les autres tête-à-tête.

Aucune honte de leur altérité. Ce cercle de copains ne l’aurait pas moins impressionnée s’il s’était agi d’elfes millénaires.

Des princes.


Allez, dis-le


Quelle chance ils avaient ! Moi j’ai du mal à me faire comprendre. Même de Papa et de Maman ! Alors à l’école j’écoute beaucoup mais je ne parle pas souvent. Si j’étais dans une école pour les sourds je serais comme les autres. J’oserais lever le doigt plus souvent et je jouerais plus avec des copines. Heureusement j’ai mon portable et je fais des textos toute la journée. J’ai vu qu’il y a des malentendants qui se téléphonent avec une webcam. Moi je peux pas, je connais pas les signes. C’est dommage.

Bon c’est pas grave. Mais c’est dommage.

J’ai appris quelques signes et un jour j’ai essayé de dire quelques mots à une dame sourde à la boulangerie.

Sans Papa et Maman.

Elle a eu un gentil sourire, mais je crois qu’elle a rien compris. Alors depuis j’ai laissé tomber. C’est dommage car je n’ose pas parler aux gens avec ma vilaine voix. Ils font toujours de grands yeux.

Alors quand je serai plus grande je vais me marier avec qui ? Il y en a pas beaucoup des sourds qui entendent un peu et qui parlent un peu. Et s’il était très beau, mon fiancé, mais vraiment sourd, comment je ferais ?

J’ai bien essayé de le dire à Maman. Que je voulais apprendre la langue des signes. Mais elle m’a dit que je n’étais pas handicapée. Que c’était bon pour les sourds.


Un saut dans son futur.


Sonia aura quelques gentilles aventures, mais ne mettra jamais de robe blanche.

Malgré son sourire de princesse.


Sonia dit qu’elle n’est pas handicapée.

Elle entend, elle parle.

Elle est choyée et adorée par ceux qui la connaissent.


À vos crayons les lecteurs. Définition du handicap ?


INTERCLASSE


Gardez-vous des botoxés de la vie !

(Le botox empêche les muscles d’expression de se contracter. Ce qui crée un joli uniforme facial)

Ergo, si vous croisez une personne sans ride d’expression et qui a dépassé les trente-cinq ans, méfiez-vous !

Elle ne sait pas rire, pleurer, faire un caprice, séduire ou jouer de ses grimaces.

Elle a su, tous les enfants le font.

Alors, méfiez-vous.

C’est un adulte !


(to be continued)


 
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   Anonyme   
2/9/2009
 a aimé ce texte 
Passionnément
Preum's à nouveau ? Je n'y crois pas. J'attendais ce texte de pied ferme, avec le petit peu de temps qui me reste à me payer le luxe de traîner sur le net. Et je ne suis pas déçue de mon désormais feuilleton.
C'est tout simplement beau.
Merci, merci, Jaimme !

PS : Kagemusha.

Misumena

[modération : il est possible d'éditer les commentaires au lieu de les doubler]

EDIT :

Bien, donc, comme il m'est demandé un effort, j'efforte et remonte mes manches pour argumenter mon appréciation.

Ce texte suinte d'humanité. L'auteur pose un regard à la fois professionnel et paternel sur ces enfants. L'empathie dont il fait preuve s'habille de pudeur, dans les précédents tomes du fait de l'ambiguë figure divine aux élans de matamore (mais les gros durs à grande gueule sont souvent des tendres, c'est bien connu), ici quelque peu désertée en faveur d'une projection moins abstraite du professeur sur la psyché de ses élèves, via le recours à la description de la pensée de l'autre, introduite par les injonctions / réflexions en italique. Ce pourrait être insipide ou inadapté, c'est ici extrêmement bien fait car fort juste.
Ces descriptions archétypales pourraient passer pour des caricatures si elles n'étaient si réelles. Je connais chacun de ces enfants, pour les avoir côtoyés ou en avoir entendu parler, ou même les avoir étudiés. Juste, Yohan qui déposait des bouquets de fleurs des champs sur ma voiture. Juste, Soria qui s'ouvrira au monde par la langue qui lui est refusée. Juste, Elodie noyée de mots. Juste, Marie dont la famille est joliment qualifiée de blanc-bleu marine.

Ce qui me mène à la hardiesse-juste-ce -qu'il-faut de la langue. Hormis quelques détails futiles (quelques points d'exclamation en trop à mon goût, je les oublie), j'aime ce type d'écrit, à la fois littéraire (j'adore la famille blanc-bleu marine, la métaphore du phare de Penmarc'h qui lui fait écho, et puis la description du sourire de Soria...) et proche de la langue orale, ou plutôt de la pensée, avec ses vagabondages, ses ruptures et arrêts au stand, ses inventions de mots dont on a soudain besoin... ce qui est si proche de la construction enfantine de la langue (aquatile, igné).

Je note "exceptionnel" pour tout cela. Parce que ce texte fait écho en moi et que c'est tout simplement cela que j'aime lorsque je lis. Le texte peut prendre des formes diverses (ça marche aussi parfois avec la rubrique "pharmacocinétique" du Vidal), je n'ai pas d'idée préconçue. M'en fiche de l'étiquette de la bouteille, c'est bon, ou pas.

Voilàààààà

Misumena

   brabant   
31/8/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Jaimme,
J'éprouve bien évidemment toujours autant de bonheur à te lire.
Car je sais que je vais passer un bon, un agréable moment.
Et je ne crains pas la longueur du texte, ce qui m'arrive assez souvent face aux nouvelles, parfois à tort, ici au contraire j'en redemande, alors comme il y a en moyenne 25 élèves par classe et que tu dois en avoir 4, 5 ou 6, c'est ce que je me souhaite pour toi (je sais! je suis un faux-frère!), je sais qu'il y aura encore de savoureux moments en perspective. A épuisement on demandera à te faire changer de bahut en cours de route pour notre plaisir égoïste!
Le "to be continued" me comble d'aise...
Sans flagornerie.
Le fait de passer d'un élève à l'autre en soulignant ses relations aux autres élèves, à sa famille, à la société, ... est un élément important de variété. Y aurait-il le quart du début du commencement d'une once de lassitude, tu éclates la bulle et tu passes à un autre "cas"...
Tes portraits sont autant de bulles multicolores d'innocente fraîcheur ou de rouerie naissante bien sympathique.

Marie (suite) et Yoan:
Je dois avouer que j'ai eu quatre sursauts de recul: l'allusion à Mauthausen, l'expression "salariés du bonheur", le jugement catégorique sur les Ronie, et je suis bégueule mais le "Avec la langue".
Par contre ( il est de bon ton de dire "en revanche" mais je persiste et signe: "par contre", fi des modes pseudo-réglo-puristes foireuses et foirées) j'ai adoré: "Blason semé de coeur sur champ de gueules et sinople alternés", la super classe, ça, planté là, comme le drapeau américain à Guadalcanal. Chapeau!

Elodie (depuis quand met-on des accents sur les majuscules? C'est nouveau ça, c'est Isfranco qui te le demandes? Raison informatique peut-être? Excuse-moi Is! ainsi que ma familiarité...):
J'ai hautement apprécié les "scolastiques médiévales", arriver à caser ça dans un récit sur des mômes de 6è!
Très très bien aussi les dialogues, en fait tous les monologues d'Elodie!
Le portrait de celle-ci est absolument dramatique et absolument séduisant.

Soria:
J'ai trouvé un rien pompeuses les considérations en introduction à son histoire.
Certains éléments du portrait m'ont aussi paru convenus.
Je n'ai pas aimé:
"Va te faire pendre"
ni la condamnation sans appel des parents...
Dans l'ensemble je t'ai d'ailleurs trouvé un peu dur avec les parents. Tous ne sont pas mauvais (là c'est moi qui suis dur!).
Tu ne m'as pas trop convaincu non plus avec ton panégyrique du langage des sourds, simili "idyllie/Arcadie" ni avec ton histoire de botoxés où tu m'as semblé présenter une vision dichotomique de la situation. Bon! je suis peut-être rétrograde sur certains points...

J'ai adoré (encore): "sourire puits à souhait... corne d'abondance", le concept du "destinataire grandi" et "chant avec son corps"...

Amicalement! Au plaisir de te lire! A quand le numéro quatre?

   Anonyme   
1/9/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Moi aussi j'attendais avec impatience cette nouvelle.

Cette façon d'aborder les personnages me bouleverse à chaque fois: D'abord léger, superficiel, mais je sais désormais...je sais que cela ne durera pas et que bientôt "il" va plongé et que je vais découvrir l'histoire de cet enfant. Je le redoute autant que je l'attends ce moment.

Quant à la définition de handicap, j'ai passé un quadrimestre entier auprès d'un de mes professeurs à tenter de la trouver. Je crois que nous avons fini renoncer. Mais soit.

Quand je lis tes nouvelles, jaimme, mon expression s'anime et ride mon visage de ces merveilleux petit plis de bonheur et d'émotion sous les yeux. C'est formidable non? Grâce à toi je reste un enfant.

Merci.

J'attends la suite, évidemment.

   David   
2/9/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Une très belle mouture, avec de la variété et de la nuance, et toujours l'énergie du style, l'application aussi - j'aime bien apprendre des mots, macadamia, chevêche... - Soria m'a conquis, la question aussi, à la fin. Ils sont tous un peu éclopés, avec leur futur projeté par la vision divine, un bel effet.

J'ai un doute sur un passage :

"Alors Élodie remplit de mots, et à toute vitesse, cette vie qui s’éloigne attire d’elle du jour fatidique. Celui du Départ."

Tel quel, il est poétique, mais comme la dernière phrase n'a pas de verbe, j'ai pensé à une coquille, ça pourrait être :

- Alors Élodie remplit de mots, et à toute vitesse, cette vie qui s’éloigne. Attire d’elle du jour fatidique, celui du Départ. -

Le jour fatidique serait celui du Départ, ça ne collerait pas trop non plus, il y a une idée de temps qui ne passe pas, je crois.

   Farfalino   
2/9/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
J'aime beaucoup cette série de portraits, justes, sensibles et avec ce qu'il faut de causticité et de distance, épices littéraires pour ne pas faire de la guimauve.

[EDIT] "Marie et Yoan" est peut-être un peu plus faible, cette histoire me touche moins que celles de la volubile et de la sourde, juxtaposition contrastée bienheureuse d'ailleurs

   Anonyme   
2/9/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Jaimme

Autant le dire tout de suite, je hais les profs tous sans exceptions (à part peut être les profs de gym mais c'est une autre histoire) en tant qu'ancienne élève et qu'actuelle parente.

Donc j'ai mis énormément de temps à me décider à lire tes textes (encore une histoire de profs et d'élèves berks) et là divine surprise, Normal pour un dieu certes (donc j'ai lu les 3 textes et j'attends le quatrième)

Alors je viens un peu tard pour dire tout ce qui me plait dans ce texte:
le regard intelligent sur chacun des élèves, cette suite de petites histoires qui font sourire trembler ne laissent pas indifférent.
Question un sourire Kaguemusha c'est quoi?

J'aime beaucoup le style, la façon de peindre les portraits, l'écriture aérienne et juste et les trouvailles de la langue.

Merci

Xrys

   florilange   
3/9/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour jaimme,
Moi non + je ne voulais pas manquer le 3e volet! Alors, je commence. Je n'aime pas :
- qui fait avec (incorrect, langage parlé : avec quoi?)
Je n'ai pas compris :
- qui s'éloigne attire d'elle du jour fatidique. Phonétiquement, ce serait : qui s'éloigne à tire d'aile du jour fatidique.
Précision : Oui, il faut des accents sur les majuscules.
Ce que j'aime : tout le reste. Voilà.
Florilange.

   Garance   
4/9/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Belle galerie de portraits.

Une autre façon de voir les élèves dans leur vie, et pas seulement au niveau de leurs aptitudes et de leurs acquis ou de leurs lacunes.

La lecture est fluide, elle éveille amusement et tendresse.

J'apprécie les descriptions riches de détails qui collent à l'univers des élèves et dévoilent leur sens sous le regard bienveillant de l'adulte.

Les propos de l'interclasse apportent leur petit clin d'oeil au lecteur - je découvre ainsi que je n'ai nullement besoin de dépenser une fortune en crèmes anti-ride ! -
On te lit et on fait des économies !

J'ai beaucoup aimé cette lecture, et je lirai les précédentes et les suivantes.

   calouet   
5/9/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Je poursuis ma lecture, y trouvant toujours les mêmes qualités et les mêmes défauts.

Je voudrais juste revenir sur le dernier portrait, Soria (qui s'appelle Sonia en grandissant) : une personne sourde d'une oreille, ce qui est visiblement son cas, et même si elle est née avec ce handicap, développe un langage normal... Par contre, je trouve bien vu le passage sur l'envie de la gamine de faire comme les "vrais sourds", elle qui ne sera jamais une véritable entendante.

   widjet   
5/9/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Bon, je reste encore sur le premier opus qui a ma préférence, même si celui-ci plus riche fourmille encore de belles choses, de belles images et quelques expressions savoureuses « botoxés de la vie »). Encore un sens aiguisé de l’observation, beaucoup d’ironie (le passage caustique sur les US et leurs concours à la con m’a fait pensé au mini miss dans « Little Miss sunshine » un film indé ricain). J’ai moins aimé le début du chapitre « Soria » un peu moralisateur. Bref encore une fois, l’air de rien l’auteur distille des petites choses intelligentes qui disent beaucoup avec une économie de mots ou de phrases. C’est son atout numéro un. Selon moi il ne manque « que » – mais ce n’est pas négligeable – le facteur émotionnel. Parfois c’est écrit un peu vite (d’où certaines redites), ça fait parfois un peu trop "mécanique" ce qui explique en partie que mon palpitant ne bronche pas (trop). J’ai souri, mais n’est pas vibré (notamment sur gamine sourde). Peut-être est-ce le fait qu’il manque un peu de description physique ou expressive (yeux, regards, gestes…) pour rendre le tour moins figé, plus vivant ?
Sinon « disharmonie » c’est pas joli et je n’ai pas trouvé le sens du verbe « chevecher » et d’autres mots comme « aquatiles » (en rapport avec l’eau je pense, je sais je suis brillant !)

J'attends le 4è as always !

Widjet

   mousange   
5/9/2009
 a aimé ce texte 
Passionnément
Et de trois!
Cet épisode paraît moi fort juste après la lecture de Barbara, mais il m'a reposée après ce choc si lourd. Pourtant les images restent puissantes et si bien amenées, mais toujours mélées avec le rire et la poésie.
Vite, la suite!
Bravo Jaimme!

   Lylah   
7/9/2009
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bon, comment commencer ?
Je viens de plonger en apnée dans les trois volets de cette rentrée divine... On n'en ressort pas indemne.. mais réjoui(e), ça oui !
Tout a déjà été dit, sans doute, peu importe... je ne résiste pas au plaisir de glaner ça et là quelques passages magnifiques qui ne souffriraient pas d'être paraphrasés :
Yohan, la petite frappe tatouée qui pleure sa mémé chérie :
"Maintenant il lui reste… cette odeur, cette intense chaleur quand il se collait contre son sein. La douceur du bout de son nez quand il lui faisait vérifier qu’il s’était bien savonné les mains. Les rires clairs. Le goût de ses lunettes en bakélite qu’il suçotait.
Rien. Autant dire rien.
Toute sa famille en un seul deuil."


Elodie, qui mitraille sa souffrance à mots perdus :
À certains moments on a l’impression qu’il y a comme un décalage entre les mouvements labiaux et les sons parvenus à mes oreilles. Comme si cette jaspineuse était capable d’articuler plus vite que la vitesse du son et que sa bouche formait déjà d’autres mots que ceux émis par sa voix !
Le « tout au fond » est repoussé par le supportable avec des millions de mots volatiles, tassés et tassés, ad nauseam.

Soria qui pourrait aimer son silence... si on lui permettait de le vivre vraiment, d'être ce qu'elle est, sans honte. Vilain petit canard qui découvre ses premiers cygnes* mais ne peut les rejoindre (* sans jeu de mots, hein :) )

Soria ne peut pas chanter. Toute tentative se solde par un triste borborygme.
Alors elle chante avec son corps.
Ses mains sont nuages de peau douce.
Aucune honte de leur altérité. Ce cercle de copains ne l’aurait pas moins impressionnée s’il s’était agi d’elfes millénaires.
Des princes.

Je veux aussi parler ici de Feng/Barbara, pour l'empreinte que son (ses) histoire(s) a gravée en moi...
L'écriture de ce passage atteint là, à mon sens, la perfection.


Alors oui, merci à ce Dieu sans autre pouvoir que celui de l'amour qu'il offre à chacun, merci aussi à son humour décalé qui nous offre régulièrement des bouffées d'oxygène salutaires en refus tout pathos.
Et surtout, merci à son porte-paroles !
Du grand art.

   marogne   
13/9/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Chapeau pour « porcelaine brisée »….

Elodie ? « le jour où son papa n’est pas parti » : Et pourquoi pas lire ensuite « Quartier lointain » de Taniguchi ? Allez, c’est un compliment (et ça me fait plaisir de citer Taniguchi, que j’ai découvert il y a dix jours, et dont j’ai lu trois ouvrages en attendant de trouver les autres…. Mais ce n’est pas le lieu de parler de lui).

Un peu dèçu encore des interludes… mais les portraits, même si leur intérêt est variable (pas par rapport à l’individu décrit, mais par la manière employée), sont brossés de manière sensible, humaine oserais-je, à tel point que l’on pourrait presque regretter ne pas avoir un professeur comme cela ; mais peut être que ceux-ci ne se remarquent pas, car ils agissent en phase avec chacun ?

   Anonyme   
17/9/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Du beurre de yack ????? Dieu me préserve d'en mettre sur la tête de ma fille, elle m'enverrait au diable ! Je me demande même comment Yoan fait pour l'approcher la petite Marie... (dieu, révise tes classiques, on en est au beurre de karité !)

Pour Yoan je tique un peu. On est toujours en sixième, le gamin a douze treize ans, et des "mémé je t'aime" à répétition => "il adorait le lui dire" j'y crois pas trop, du moins à cet âge là. Ni même l'année d'avant... Et puis il y a quelque chose d'un peu troublant dans l'insistance de la mémé à le lui faire dire. Mais bon, le petit dur au cœur tendre... oui sans doute, mais il y avait peut-être moyen de le démontrer par autre chose. - je pense qu'il aurait fallut préciser l'année de la disparition de la mémé, dire depuis quand le petit Yoan est en famille d'accueil -
Pareil pour le tatouage... à 13 ans (?) qui l'y a autorisé ? La famille d'accueil ? j'émet un doute, bien que tu expliques qu'elle ne sache pas lui dire "non"... Ce que je veux dire c'est qu'un tatoueur conscient de ses responsabilités (il y en a si, si !) aurait dit non.
Bon... j'ai tiqué aussi pour la banane flambée au nutella dans un fast-food, (pour moi fast-food = Mc Do) et donc... pas de banane flambée dans les Mc Do. (dommage)
Obligée de me rabattre sur des détails techniques pour trouver quelque chose à critiquer... sinon je n'aurais rien eu à dire sauf que c'est toujours aussi agréable à lire.
Merci pour ces histoires, ces portraits. C'est doux de savoir que ces enfants ont laissé ces empreintes. Qu'ils ne sont pas passés inaperçus et qu'ils ne sont pas transparents.

   Meleagre   
27/9/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Jaimme,
Comme promis, je continue à mon rythme tardif la lecture de cette nouvelle, et j'y prends toujours autant de plaisir !
Avant, Jaimme essayait de dépasser le caratère typique, convenu, de certains types d'élèves (le cancre, le bon élève, l'élève moyen) en approfondissant leur personnalité et leurs pensées, en perçant la carapace. Ici, Jaimme donne volontairement dans le paradoxe, dans l'opposition flagrante entre l'apparence et le caractère, ce qui surprend encore plus le lecteur. Le gros dur cache un coeur tendre, la fille sage couve une rebelle en puissance. C'est bien trouvé.
Mais, pour moi cette entreprise ne va pas assez loin, et le style vonlontairement haché reste ici, à mon goût, trop superficiel (du moins pour Marie, Yoan et Elodie). On pouvait aller encore plus loin dans les souvenirs de la Mamie, dans ces élans brisés de tendresse, dans ce besoin d'être cadré par un non de la part de Yoan ; de même pour cette sourde révolte, pour cette provocation de la part de Marie, pour le vide intérieur qu'Elodie comble par un trop-plein de paroles. La digression sur la dépression et la sécurité sociale n'apporte pas grand chose.

Par contre, je trouve que le chapitre sur Soria est très réussi, peut-être un des plus réussis de la nouvelle. Tous les mots y sont justes. Encore une fois, Jaimme arrive à surprendre le lecteur : non, nous n'entendrons pas l'histoire un peu convenue de la famille maghrébine et nombreuse, mais une histoire beaucoup plus douce et tragique à la fois. Une histoire pleine de poésie et d'émotions, qui s'exprime par des mots qui le sont autant :
"Ce sourire est un puits à souhait autant qu’une corne d’abondance." "Un sourire qui dépose une vie entre vos mains." "Alors elle chante avec son corps. Ses mains sont nuages de peau douce."
Ces expressions sont très justes, douces, évocatrices. La fascination de Soria pour la conversation des malentandants ne l'est pas moins : quelle belle capacité que de parler en silence, que de communiquer avec tout son être, de ressentir du bonheur et de la plénitude malgré ce handicap ! Et l'auteur a réussi a décrire cette conversation non-verbale par des mots très heureux ; chapeau ! J'aurais préféré rester sur cette conversation muette, que de finir sur l'avenir de Soria : on perd en poésie et en intensité.

Merci Jaimme pour ce troisième opus. Je pourrais me ruer sur le 4e et dernier (?), et j'ai hâte de le connaître : comment finir une telle revue de personnes si riches et si différentes les unes des autres ? Mais je préfère savourer mon plaisir en attendant encore un peu...

   Myriam   
29/9/2009
 a aimé ce texte 
Passionnément
A nouveau de longues minutes hors du temps... mais dans la vie, en plein dedans...

J'ai lu le texte 3 fois, et 3 fois de nouvelles fulgurances me sont apparues, de mots si ciselés qu'ils font jaillir des feux d'artifices de poésie, de familiarité et d'étonnement.
Le va-et-vient entre l'apparence physique de ces enfants et leurs pensées secrètes est vertigineux, je sens qu'on me prend par la main pour me dire: Regarde. Au delà...

Je ne me lasse pas de ces portraits, que je savoure, pas plus d'un chapitre par soir, pour ne pas trop vite en toucher la fin.

Donc: Encore, oui, Exceptionnel.


Quelques détails, comme on s'approche d'un tableau de maître pour tenter d'en percer le mystère:

La dernière phrase de Marie: terrible...
Et celle-là: "Porcelaines brisée. Céramique et petite fille de même".
Une dernière: "Ses mains sont nuages de peau douce". C'est magnifique.

Et là je me rends compte que je pourrais citer l'intégralité du texte, comme ça, alors je me tais.

Merci Jaimme.

   Anonyme   
11/11/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
C'est mieux. Plus varié, plus logique dans la distribution des chapitres.
Moins mégalo aussi (j'aime que le nutella revienne) dans la narration, plus léger.

Bref, merci beaucoup.
J'ai particulièrement aimé Marie et Yoan.

(Je kilométrise pas, c'est une série, mais j'apprécie le style ce coup-ci je trouve que c'est plus ... moins facile et plus développé.
Faut croire pour de vrai qu'il perd le contrôle quand ça le touche.

Merci donc, to be continued...

   Flupke   
11/11/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Du beurre de Yak LOL
J'imagine Maître Capello sursauter:
Mais en fin mon cher Yoda, la femelle du yak s'appelle la nak. N'importe quel trekker himalayen vous le confirmera.
Il est infiniment plus facile de traire une nak qu'un yak et les dommages collatéraux sont moins fréquents.
(je l'imagine le visage cramoisi en train d'imaginer des cochoncetés innommables de par la politique modératoire de FR3 et même il oublie de remettre cent francs dans le nourrain). Pareil pour les emballages Buffalo mozarella, cela devrait être Buffala mozarella, car pour des raisons pratique on le fait avec la bufflette pas avec le buffle (et je suis obligé de lui couper la parole sinon il continuerait ad nauseam).

La croix objet de torture romain, je trouve qu'instrument de torture serait plus seyant et plus euh ... dynamique

son jogging de rappeur milliardaire - bien trouvé

J'aime beaucoup les interventions (d'habitude pas, mais ici c'est ok vu le style de narration) du style: Une chaîne dorée dont les maillons sont… je me rapproche, l’air de rien… des crânes ! - ce je me rapproche donne une impression de direct, ici Jaimme à vous les studios.

idem pour "Intrigué, je plonge." et "allez dis-le"

Bien aimé la fin de la section d'Elodie

Une saine remise en cause de certains points de vue.

Amicalement,

Flupke


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