Ma grand-tante Tabitha Harrow était morte en me léguant dix mille livres. Oui, vous avez bien entendu ! Une somme énorme pour une demoiselle élevée dans un modeste presbytère du Yorkshire. J'avais vingt-six ans, un physique passable, pas de fortune et, à moins d'un miracle, je finirais vieille fille, comme cette pauvre Tabitha. Mais le destin veillait.
Le premier choc passé, je réfléchis longuement à l'usage que je ferais de cet argent. À mon âge, je n'avais rien vu du monde. Un voyage serait l'occasion rêvée de découvrir de nouveaux horizons. Mais où aller ? Mon imagination ne me portait guère plus loin que Londres où je n'avais jamais mis les pieds. Pourtant, des destinations plus lointaines me tentaient : l'Égypte, par exemple ou l'Espagne. Lorsque je lui parlai de mes projets, mon pasteur de père poussa des hauts cris :
― Quelle imprudence, ma chère Eliza ! Vous finirez noyée dans le Nil ou enlevée par des brigands navarrais. Puisque vous avez la bougeotte, que diriez-vous de l’Italie ? Les Italiens, eux au moins, ne sont pas des sauvages. Voyez les ruines antiques, les monuments... ― Et les églises, complétai-je malicieusement. Est-ce pour m'éprouver que vous voulez m'envoyer chez les papistes ?
Levant les bras au ciel, l'auteur de mes jours jura que pareil sentiment ne lui avait jamais traversé l'esprit. On pouvait, certes, déplorer les richesses de la chapelle Sixtine ou de Saint-Pierre de Rome, mais l'intérêt esthétique de ces lieux était indéniable.
― Rome ! m'écriai-je, soudain très excitée. Père, c'est décidé. J'irai à Rome. ― Soit, ma chère enfant, mais promettez-moi de ne pas partir maintenant. La traversée de la Manche est si dangereuse en hiver !
Je cédai tout me disant que Rome aurait certainement plus de charme en mai qu'en février. Pour tromper mon attente, je me plongeai dans toutes sortes d'ouvrages ayant trait à la ville éternelle et à l'Italie en général. Sans compter les nombreuses cartes que je compulsai. Mon père n'en revenait pas de mon assiduité. Il est vrai qu'en ces années mille huit cent quatre-vingt, les femmes étaient reléguées au rang d'aimables linottes dont les bonnes œuvres et les soins du ménage constituaient les seules préoccupations.
Le voyage en chemin de fer fut aussi long et pénible que mon père le craignait. Heureusement, je ne partais pas seule. Notre servante, Meg Addison, m'accompagnait. À deux, nous serions mieux armées contre les désagréments du voyage. Entendez : les mauvaises rencontres. J'avais en effet entendu parler des mâles italiens et l'idée d'en croiser quelques spécimens suscitait en moi plus de curiosité que d'effroi. Je les considérai donc avec la froideur d'un entomologiste, depuis le douanier qui contrôla nos tickets à Airolo jusqu'au bagagiste de la « stazione » Termini, en passant par le déplaisant bellâtre qui était monté à Civitavecchia et s'était installé sans la moindre gêne dans notre compartiment.
― Je me présente : dottore Silvio Fratelli, avait-il dit en ôtant son panama. Vous êtes anglaise, n'est-ce pas ? Je l'ai deviné tout de suite. Eh bien, je suis ravi de tenir compagnie à d'aussi charmantes personnes.
Peu désireuse d'engager la conversation, je détournai la tête et appuyai mon visage contre la vitre. Nous occupions la première voiture après la locomotive et à travers les fumerolles de vapeur qui s'en échappaient, je cherchai à distinguer le paysage.
― Vous admirez notre Latium ? me demanda mon voisin, nullement froissé par mon attitude. Pourtant, il n'y a là que des marécages infestés de moustiques. Avez-vous déjà entendu parler des latifundia ?
Mon mutisme persistant ne l'empêcha pas de poursuivre sur sa lancée.
― Ce sont les grands domaines autour de Rome. Leurs propriétaires préfèrent laisser leurs terres à l'abandon et habiter en ville. Pendant ce temps, les bracchianti (journaliers) crèvent de faim et la malaria les ronge. Mais ce sont là choses tristes pour une jeune personne comme vous. Me permettrez-vous de vous offrir un cappuccino au café de la gare ? ― Meg et moi n'allons pas dans les cafés avec des inconnus, répliquai-je avec une fermeté que je ne me connaissais pas. C'est bon pour les femmes de mauvaises mœurs. Maintenant, je vous prierai de sortir. Ma domestique et moi désirons faire un brin de toilette avant l'arrivée à Termini.
Muselé, il souleva une nouvelle fois son chapeau, lissa ses favoris d'un noir de jais et s'éclipsa, au grand soulagement de Meg.
― Quel affreux homme, miss Eliza ! Ce n'est pas un gentleman, loin de là ! Avez-vous remarqué ses vêtements voyants et l'énorme bague qu'il porte au doigt ? ― Oui. Une bague en or gravée d'une couronne de laurier. Je ne l'ai vue qu’un instant, mais cela m'a frappée. Il l'aura volée, sans doute. Mais oublions ce déplaisant personnage. Il ne nous reste que quelques minutes avant le terminus. Toutes nos malles sont-elles bien là ?
Pas une ne manquait, heureusement. Je pensais y avoir mis tout ce qu'il fallait pour passer un mois en Italie. Ce n'est qu'une fois à l'hôtel que je m'aperçus de mon erreur. Si mes robes de lainage convenaient parfaitement à un humide printemps anglais, elles étaient en revanche beaucoup trop chaudes pour le climat romain. Découragée, je m'assis sur le lit. Sur le mur opposé, le miroir de la coiffeuse me renvoya l'image d'une femme entre deux âges, décoiffée et le nez luisant.
― Je ne me croyais pas si laide, dis-je tout haut.
Déjà occupée à ranger nos effets dans l'armoire, Meg s'arrêta net et se tournant vers moi :
― Allons donc ! Vous êtes épuisée, affamée. Rien de tel qu'une bonne nuit à l'hôtel Colosseo pour vous remettre sur pied. Demain, nous irons vous acheter des toilettes plus légères et surtout plus claires. J'ai vu les femmes dans les rues : elles ne portent ni noir, ni gris : que des couleurs gaies. ― Je ne suis pas venue ici pour suivre la dernière mode, mais pour visiter les monuments. Puisque nous sommes à l'hôtel Colosseo, nous irons visiter dès demain le fameux amphithéâtre Flavien. Du reste, il est à cinq minutes à peine de la via Vibena. ― Oui et de cet étage, on peut même l'apercevoir. Regardez !
Je courus à la fenêtre, l'ouvris. En face de moi se dressait la haute façade du Colisée. Mue par une impulsion soudaine je déboutonnai le haut de mon corsage et m'enivrai des parfums de ce soir de mai. Je restai de longues minutes à contempler les arcades et les colonnes qui se découpaient sur le ciel d’un mauve pur.
― Je ne descendrai pas dîner, dis-je à Meg après avoir refermé à regret la fenêtre. Monte-moi juste une tasse de thé. Ensuite, tu pourras disposer de ton temps. Je te demande simplement de ne pas rentrer trop tard. Ces ruelles mal éclairées ne sont pas sûres.
Elle m'apporta mon thé. Je le trouvai amer, mais sans doute était-il différent du nôtre. Était-ce cette amertume ou la fatigue consécutive à toutes ces nuits passées dans le train ? Je sombrai dans un sommeil agité. Dans mon rêve, une bague ornée d'une couronne de laurier brillait au doigt de Silvio Fratelli. Je voyais luire aussi les yeux noirs et les dents blanches de l'importun. Mais s'agissait-il bien de lui, au fait ? Il était vêtu de façon si bizarre ! Je m'éveillai avant d'avoir pu percer le mystère.
― Vous avez dû faire un cauchemar, suggéra Meg. — Ce doit être le thé. Je lui ai trouvé un drôle de goût. Quand es-tu rentrée ? — À l'instant. J'ai passé une soirée très instructive.
Qu'entendait-elle par là ? Trop lasse pour être curieuse, je la laissai néanmoins poursuivre :
― Pour commencer, je me suis régalée : fettucine, saltimboca au marsala et pecorino, le tout arrosé d'un excellent vin blanc de Montefiascone. ― Mais tu ne bois pas de vin, d’habitude ! Que va en penser père ? ― Vous ne me trahirez pas, j’espère ? Je n'en ai pris qu'un doigt. Ça a d'ailleurs beaucoup diverti le dottore Fratelli qui dînait juste à côté. Oui, ce sacripant loge dans le même hôtel que nous. Il m'a salué avec empressement et demandé pourquoi vous n'étiez pas descendue. Je lui ai expliqué que vous étiez légèrement indisposée, mais qu'il vous verrait au petit-déjeuner. — Jamais de la vie ! m'écriai-je en rougissant. Nous nous lèverons à sept heures. De cette façon, nous n'aurons pas l'occasion de croiser ce malotru.
Meg fit une moue significative. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour succomber au charme de pacotille du dottore. Décidément, notre séjour dans la ville éternelle se révélait plein de surprises. Je m'étais montrée à moitié nue à la fenêtre et voilà que ma brave Meg se saoulait sans vergogne devant un étranger. Un étranger qui, pour une raison inconnue, se cramponnait à nos basques et n'entendait plus nous lâcher. Il le faudrait bien, pourtant. Le lendemain matin, nous réussîmes à l'éviter, ce qui me mit d'excellente humeur. En route donc pour le Colisée. Nous profitâmes de la fraîcheur matinale pour arpenter les arènes où les gladiateurs s'affrontaient dans de mortels corps à corps et les gradins où s’asseyaient les spectateurs. J'admirai au passage les colonnes doriques, ioniques et corinthiennes harmonieusement superposées. Du haut des galeries, on pouvait voir la colonne Trajane et les forums impériaux ainsi que le grand temple de Vénus et de Rome.
― Après le déjeuner, nous prendrons un cab pour nous conduire jusqu'à Saint-Pierre, décidai-je. Au moins y serons-nous au frais.
Il n'était que dix heures du matin et déjà le soleil brûlait impitoyablement ma nuque à travers ma capote. Je déplorais une fois de plus d'avoir oublié mon ombrelle à l'hôtel quand survint le malaise. Ma tête se mit brusquement à tourner et je me serais effondrée si je ne m'étais retenue à une arcade.
― Reposez-vous un instant à l'entrée des galeries souterraines, Miss Eliza, me conseilla Meg. Vous y serez à l'ombre pendant que je me mettrai en quête d'une fontaine. ― Je n'ai pas soif, murmurai-je en fermant les yeux. C'est encore leur maudit thé qui me joue des tours ! As-tu une idée de ce qu'ils mettent dedans ?
Meg s’éloigna sans répondre, un sourire énigmatique aux lèvres. Au bout d'un quart d’heure, elle n’était toujours pas revenue. Comme il ne restait plus trace de mon indisposition, hormis un léger bourdonnement d'oreilles, je m’aventurai dans les sous-sols de l’amphithéâtre. L’endroit me parut d’abord agréablement silencieux, mais bientôt une sorte de brouhaha se fit entendre sous les voûtes.
— Y a-t-il quelqu’un ? criai-je.
Personne ne répondit, mais la rumeur enflait, me martelant les oreilles de plus en plus fort. Elle m’accompagna le long de l’étroit couloir menant aux cages où jadis on enfermait les animaux destinés aux jeux du cirque. Là, je ne pus m'empêcher de frissonner tant cet endroit sinistre portait encore les traces de la violence et de la sauvagerie des premiers siècles. Il valait mieux rebrousser chemin, retrouver la lumière et la présence rassurante de Meg. Rassurante ? Peut-être pas, après tout. Depuis hier, je lui trouvais un air absent, étrange, comme si quelques heures à Rome avaient suffi à métamorphoser une simple fille de la campagne en quelqu'un d'autre, plus mystérieux. J'étais proche de la sortie lorsque j’entendis derrière moi un énorme rugissement. Je me retournai, saisie, m'attendant presque à voir surgir l'un de ces fauves qui faisaient des chrétiens leur ordinaire. Mais aucun lion ne se jeta sur moi pour me dévorer. À la place, un homme de chair et de sang s'appuyait contre le mur. Je distinguai mal ses traits car son visage était dans l'ombre, mais il me sembla qu'il était d'une stature moyenne, sans rien d'exceptionnel, excepté la manière de se vêtir. Il portait en effet une courte toge agrafée sur l'épaule par une fibule et des sandales dont les lanières se croisaient très haut sur la cheville. Une couronne de laurier coiffait les bouclettes serrées de ses cheveux et on retrouvait ces mêmes lauriers sur la bague qui ornait son majeur. Ce dernier détail m'éclaira définitivement sur l'identité de celui qui se tenait devant moi. La peur que j'avais éprouvée tout d'abord se changea en fou rire nerveux.
― Est-ce pour m'impressionner, Dottore, que vous arborez cet accoutrement de Carnaval ? La période des mascarades est passée, il me semble.
Il me fusilla du regard de telle façon que je cessai aussitôt de rire. Où était l'aimable plaisantin de la veille ? Lorsqu'il parla enfin, ce qu'il dit acheva de me déconcerter.
― Je ne comprends pas. C'est vous, au contraire, qui êtes habillée de façon bizarre. Je suis sûr qu'on chercherait en vain dans tout l'empire une femme portant des jupes aussi larges et une coiffure aussi ridicule. Qui êtes-vous et d'où venez-vous ?
Le ton autoritaire me déplut.
― Mon nom est Miss Eliza Cornwell et je viens d'Angleterre, fis-je sèchement.
Il fronça les sourcils, ce qui atténuait sa ressemblance avec le dottore Fratelli. Quel qu'il fût, celui-là n'avait pas l'air commode.
― Je suis l'empereur Titus Flavien, fils de Vespasien, répondit-il avec le plus grand sérieux et j'inaugure aujourd'hui cet amphithéâtre. Je m'apprêtais à gagner ma loge quand je vous ai aperçue, stupide créature. Comment m'avez-vous appelée, déjà ? Dottore ? Votre irrespect mérite le fouet, mais je sais me montrer magnanime. Je vous permets même d'assister à la naumachie. En haut avec la plèbe, car je jurerais que vous n'êtes pas patricienne. ― Cessez cette plaisanterie, Fratelli ! m'écriai-je, excédée par la suffisance du personnage. À part quelques chats errants, nous sommes seuls, vous et moi. Où est la foule dont vous parlez ? Où sont les navires et leurs équipages ?
En même temps, je n'étais plus très sûre de ce que j'avançais car de sourds grondements s'élevaient de toutes parts. Me prenant par le bras, celui qui prétendait être l'empereur Titus me poussa sans ménagement vers l’extérieur. Une fois à l'air libre, j'assistai à un spectacle inouï qui me fit douter de ma raison. Sous le vélum qui offrait une protection efficace contre le soleil de midi, les gradins étaient noirs de monde. Mais ce n'est pas là ce qui me frappa le plus. En lieu et place de l'arène, une vaste étendue d'eau servait de décor à un impressionnant combat naval. Deux vaisseaux de guerre se faisaient face et les armes s'entrechoquaient tandis que les cris des combattants se mêlaient aux hurlements d'enthousiasme de la foule.
― Ce sont les Corcyréens qui gagnent m'expliqua mon voisin. Titus, lui, s'était éclipsé.
Je l'aperçus brusquement dans une loge richement décorée en compagnie d'une femme couverte de bijoux qui ressemblait à Meg. J'écarquillai les yeux pour mieux les voir quand je sentis quelqu'un me secouer énergiquement. La vision s'effaça. J'étais de nouveau à l'entrée des souterrains et Meg glissait entre mes lèvres quelques gouttes d'eau tirée d’une fiasque.
― Je t'ai vue, murmurai-je. Tu te pavanais aux côtés de cet homme et tu prenais beaucoup de plaisir à l'affrontement. ― Vous avez dormi et rêvé, c'est tout ! protesta-t-elle. Moi, j'ai eu un mal fou à trouver de l'eau. Que diriez-vous de rentrer directement à l'hôtel et d'y prendre une légère collation ? Vous pourrez même vous étendre un peu avant d’aller à Saint-Pierre. ― Tu as raison, dis-je en me mettant péniblement sur mes pieds. C'est de repos dont j'ai besoin. Et aussi d'une bonne tasse de thé. Cette fois, tu le prépareras toi-même. Je ne fais pas confiance à ces gens de l'hôtel.
Le thé que m'apporta Meg n'avait qu'un soupçon d'amertume. Rassurée, j'ôtai mes souliers et ma robe et m'allongeai sur le lit. Je venais à peine de m'assoupir quand la porte s'ouvrit doucement. Une ombre se glissa dans la pièce aux persiennes étroitement closes sur la chaleur de l'après-midi et se pencha sur moi. Meg, sans doute. La chère âme s'inquiétait à mon sujet. Honteuse de l'avoir mal jugée, je murmurai :
― Merci pour le thé. Il était excellent. ― J'ai simplement suggéré à Meg d'y ajouter une cuillerée de miel, souffla à mon oreille une voix que je connaissais bien. Cela atténue le goût des graines de liseron. Le liseron, ma chère. La plante des rêves et de l'oubli. ― C'est vous qui étiez là-bas, n'est-ce pas ? Je veux dire : vous et Meg.
Tournant mon visage vers le sien, il répondit d'une voix douce :
― Peut-être bien. À moins que ce ne soit qu'une illusion. Notre cerveau s'y entend à fabriquer des chimères.
*****
À la sortie de l'aéroport de Fiumicino, Hugh prit le bus pour se rendre à l'auberge de jeunesse située via di San Gregorio. Le temps de déposer son bagage et d'avaler une pizza, le jeune homme se lança sans tarder à la découverte de Rome. Comme le Colisée était le monument le plus proche de la trattoria, il décida de commencer par là. La chaleur écrasante de ce début d'après-midi de juillet le força bientôt à déserter les gradins pour trouver refuge derrière une colonne. Un couple de touristes allemands, un Japonais bardé d'appareils photo et une jeune fille avaient eu la même idée. La jeune Italienne ― car, bien entendu, elle ne pouvait être qu'italienne avec ces noirs cheveux frisés, son teint mat et ses yeux de braise — tenait un livre ouvert sur ses genoux. De fort jolis genoux, d'ailleurs. À l'abri de ses Ray Ban, Hugh les détailla avec intérêt. Il était à ce point fasciné par l'ensemble qu'il n'hésita pas à quitter son refuge pour la rejoindre.
― J'étais curieux de voir ce que tu lisais, dit-il en italien. Mon nom est Hugh : Hugh Cornwell. Et toi ? ― Rita Fratelli. Je viens juste de finir « Les derniers jours de Pompéi ». L'as-tu lu ?
Elle s'était adressée à lui dans un anglais parfait, ce qui, vu les programmes d'échanges entre étudiants, n'était guère surprenant.
― Oui, mais il y a longtemps, répondit-il. Puis-je partager ta colonne ? Et, sans façon, il s'assit à côté d'elle. Ce fut au tour de la jeune fille de l'inspecter des pieds à la tête. ― Tu es anglais, n'est-ce pas ? Comment se fait-il alors que tu sois aussi brun ?
Il sourit avec amusement.
― Tu sais, les Britanniques n'ont pas tous une tignasse carotte et des taches de rousseur. Peut-être suis-je ainsi parce que ma bisaïeule a séjourné ici au siècle dernier. En fait, elle n'a plus jamais été la même après ce voyage.
Et comme Rita l'écoutait avec un intérêt évident, il poursuivit :
― Elle a rompu avec sa famille, s'est installée à Londres et a eu un enfant hors mariage : un scandale pour l'époque. Après, elle a milité pour les droits des femmes. J'aurais bien aimé la connaître. ― Extraordinaire ! Moi, je n'ai jamais bougé d'ici et les miens non plus. Et, désignant la bague que Hugh portait au doigt :
― De l'or et des lauriers : les emblèmes des empereurs romains. D’où vient ce bijou ?
Le jeune homme secoua la tête.
― Je ne sais pas. Cet anneau est dans la famille depuis trois ou quatre générations. D'habitude, ce sont les filles qui le portent, mais comme je n'ai ni sœur ni nièce...
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