Un bouquin peut-il être masochiste ? Vincent se pose encore une fois la question alors que sa main effleure le précieux ouvrage. Sous ses doigts le cuir carmin de la couverture est doux et chaud, comme l’épiderme humain. Vincent a parfois l’impression que cette « peau » palpite d’une vie contenue. Son index parcourt les crevasses sombres laissées par la cravache. Certaines ne sont plus que de subtils sillons comme si les plus anciennes plaies dans le cuir rouge avaient cicatrisé.
Oui, Vincent s’interroge, et ce depuis le début. Comment qualifier ce livre épais comme un volume d’encyclopédie qui refuse obstinément de s’ouvrir tant qu’il n’a pas été abondamment fouetté ? Rebelle peut-être. Agrippa. Tel est son nom. Ce livre aurait été signé par le diable. Mais seul celui qui le soumet peut accéder à ses pages.
Vincent se baisse pour humer l’Agrippa posé sur le plan incliné d’un lutrin de chêne, assez lourd pour résister à la violence précédant l’ouverture du livre. Il flaire comme une odeur de sang, pas celui du volume dont les blessures restent sèches, mais le sien. Sans doute illusoire, ce parfum reflète cependant une vérité. C’est avec son propre sang que Vincent a inscrit le nom de ses victimes sur les pages de cet ouvrage.
La main de Vincent caresse avec tendresse la couverture. Il en est venu à aimer ce bouquin qui a exaucé ses souhaits et dont la tâche est désormais terminée. Toutefois, il ne peut résister à l’envie de l’ouvrir à nouveau, comme pour retrouver une certaine communion. Mais si la vérité était autre ? N’a-t-il pas pris goût à l’immense pouvoir que lui procure l’Agrippa ?
Commence alors un rituel maintenant bien établi. Après avoir fermé les rideaux, Vincent allume la lampe conique qui surplombe le lutrin, plongeant la pièce dans une lumière rouge digne des laboratoires photographiques du siècle dernier. Il ôte son pull et sa chemise car il va transpirer. Après avoir décroché la cravache du mur, il se campe devant l’Agrippa puis inspire profondément avant de frapper, encore et encore.
Au bout d’un quart d’heure d’une débauche de coups, le livre s’ouvre enfin devant un Vincent essoufflé mais heureux. Selon la légende, des incantations, connues de certains initiés, lui aurait donné accès à la liste des défunts des deux jours à venir. Mais, comme d’habitude, ce ne sont que deux pages blanches qu’il a sous les yeux. Ou presque. La luminosité pourpre troublant les perceptions, il n’a pas tout de suite vu la trace plus sombre en haut à gauche : deux mots. Il se penche pour les lire. Un nom et un prénom. Les siens !
Éberlué, Vincent s’appuie sur le lutrin pour reprendre ses esprits. Comment est-ce possible ? Gagné par la panique, il tente de se remémorer les événements depuis le dernier nom qu’il avait écrit deux jours plus tôt, celui de son grand-père. Hier matin, la police est venue l’avertir qu’une voiture avait renversé son aïeul et l’a invité à se rendre à la morgue pour reconnaître le corps. Ce qu’il a fait. Après, il est tout de suite rentré chez lui pour une petite fête, bien arrosée, en tête à tête avec lui-même. Il ne pouvait décemment pas célébrer en public l’aboutissement de son plan.
Le plan ! Hériter de la fortune du grand-père après avoir éliminé tous les ayants droit et les ascendants intermédiaires. Tout a commencé par un oncle célibataire et sans enfant. Puis ce fut le tour de son unique cousine et, ensuite, de sa tante. Le plus difficile a été la grand-mère que Vincent aimait bien, mais le processus était lancé. En avant-dernier, pour ne pas laisser de piste trop évidente, son père. Une chance que la famille ne soit pas trop grande.
L’arme du crime ? L’Agrippa. Il suffisait à Vincent d’écrire un nom avec son sang et de refermer le livre. Un jour ou deux après, la personne concernée décédait d’un simple accident ou de mort naturelle. Aucune trace et nul lien avec le commanditaire. Et il valait mieux avec cette épidémie de morts forcément suspecte. L’arme du crime ? Non. Ce livre était l’exécuteur des basses œuvres, son âme damnée.
L’Agrippa ! Un mois plus tôt, Vincent ignorait son existence, jusqu’à ce jour où le vieil homme hirsute frappa à sa porte. Ce dernier se présenta sous le nom d’Howard… Vincent ne fit pas répéter le nom inintelligible. Howard avait un livre très ancien à vendre. Selon lui, cet ouvrage était capable de prédire les décès à court terme mais ne délivrait ces informations qu’à son maître. Intrigué par l’emploi de ce mot au lieu de « propriétaire », Vincent examina le bouquin. Malgré les curieux sillons dans sa couverture carmin dépourvue d’inscriptions, celui-ci paraissait neuf. Et, bien que surpris par l’impossibilité de l’ouvrir, quand son visiteur en demanda mille euros, Vincent décida de l’éconduire. Mais ce fut alors que Joël intervint.
Joël. L’ami proche depuis la faculté. L’ami que sa compagne, la dernière en date, avait définitivement expulsé de son appartement. Joël n’avait jamais été stable ni fidèle, hormis dans son amitié pour Vincent, peut-être en partie à cause de la chambre, et du réfrigérateur, qu’il squattait cycliquement chez Vincent. Il n’avait jamais connu d’autre logement que celui de l’élue du moment.
Déplorant l’ignorance de son ami, Joël retint le vieil homme et l’invita à patienter dans un fauteuil du salon, le temps pour lui de faire comprendre à Vincent de quoi il s’agissait. Recherche sur Internet à l’appui, il expliqua à son hôte que l’Agrippa existait réellement et que celui-ci refusait habituellement de s’ouvrir, ce qui contraignait son possesseur à le dompter au fouet. Une fois ouvert, cet ouvrage avait la particularité, s’il était de bonne humeur, de révéler les noms de certains défunts des lendemains et surlendemains. Il passa toutefois assez vite sur les incantations nécessaires et le fait que l’Église en avait interdit l’usage par le passé car elle l’estimait incontrôlable.
Cependant, dans tout ce discours, une seule chose retint l’attention de Vincent. Une légende obscure et invérifiée, sur laquelle s’attarda Joël avant de la déclarer improbable. Si le propriétaire de l’Agrippa écrivait un nom avec son propre sang sur une page vierge, il provoquait le décès de son détenteur dans un délai de deux jours maximum
Partagé entre scepticisme et espoir, Vincent décida d’acheter l’Agrippa. Au pire, il perdrait de l’argent. Comme Vincent s’en était plaint auprès de son ami, les affaires allaient mal et ses finances personnelles ne tiendraient guère plus d’un an. La seule solution à court terme résidait dans la fortune de son grand-père mais celui-ci ne lui aurait même pas fait l’aumône. Au cours de longues discussions avec Joël, il avait envisagé le décès de son aïeul, mais comme une simple probabilité. De toute façon, l’héritage devait se répartir entre les trois enfants : son père, le frère et la sœur de celui-ci. Sans compter sa cousine qui récupérerait la part de sa tante si celle-ci venait à disparaître. Et voilà que l’Agrippa lui offrait sur un plateau le moyen d’accéder à la fortune, sans se salir les mains. Des meurtres par magie interposée, des crimes parfaits.
Oui, ils ont été parfaits. Seulement voilà, Vincent a son propre nom sous les yeux. Stupéfié, il tente de réfléchir, tout en tapotant nerveusement le lutrin que Joël a déniché pour lui dans une brocante. Son ami ! Son ami qui a la clé de l’appartement depuis le premier de ses innombrables squats. Le seul à posséder une telle clé. Le seul qui aurait pu pénétrer dans l’appartement pendant qu’il était à la morgue. Le seul au courant pour l’Agrippa. Mais pourquoi Joël aurait-il écrit le nom de Vincent ? Qu’aurait-il à y gagner ?
Levant un regard accusateur vers la lampe, Vincent peste contre la lumière rouge qui altère autant ses pensées que sa vue. La lumière ! Encore une idée de Joël. En fait, sans Joël, il n’y aurait ni Agrippa, ni lutrin, ni cérémonial… Pourtant, cela n’explique pas les décès.
Oppressé, Vincent fouille le porte-plume creusé en bas du plan incliné du lutrin puis il en sort un coupe-papier avec lequel inciser sa paume. Sans perdre de temps, il déplace sa main au-dessus de l’encrier pour y recueillir les gouttes de sang dont la source se tarit vite. Enfin, il attrape la plume d’oie mais interrompt son geste. Que faire ? Il ressent le besoin impérieux d’écrire un nom, celui de Joël en l’occurrence, mais il doit d’abord inverser le sort qui le concerne au premier chef.
En toute logique, Vincent raye son nom, avec l’espoir que ce soit efficace. Le sang glisse sur les mots et s’étale en tache rosâtre autour des lettres. Vincent essaye à nouveau, pour un même résultat. Après plusieurs tentatives qui ne font que rendre plus sombre la tache entourant le nom, Vincent, pris d’une crise d’angoisse, se met à haleter au point qu’il doit poser ses mains sur le lutrin pour ne pas tomber puis reprendre son souffle.
Réfléchir. Ce n’est pas facile quand la peur vous submerge. Vincent essaie de se remémorer l’histoire de l’Agrippa mais il n’arrive à évoquer que des bribes dont la cohérence lui échappe. Toutefois, un souvenir assez précis lui redonne espoir. En lisant les noms des démons de l’enfer, on peut les invoquer. Avec un peu de chance, il pourrait signer un pacte.
S’interrogeant sur la procédure à suivre, Vincent tourne une page mais ne découvre que deux surfaces blanches, sans rien à lire évidemment. S’il y a des incantations à prononcer, il les ignore. Comment faire apparaître ces noms ? Le sang ! Vincent en a tout à coup la certitude. Soudain frénétique, il s’entaille le poignet puis lève son bras au-dessus de l’Agrippa pour que le sang coule sur le papier. Il étale le liquide grenat avec son autre main jusqu’à recouvrir totalement les deux pages. Satisfait, il sort une bande de gaze de sa poche. Alors qu’il panse son poignet, des lignes blanches se dessinent dans le sang, plus exactement des mots, mais dans un alphabet inconnu. Une liste ! Vincent est convaincu qu’il s’agit d’une liste et il sent qu’il peut lire cette langue étrange. D’ailleurs, il commence à murmurer le premier nom.
« Je ne sais pas dans quel délire tu nages, lance une voix sarcastique, mais tu n’arriveras à rien. »
Pantois, Vincent regarde le nouvel arrivant qu’il n’a pas entendu entrer et qui se dirige vers les rideaux pour les ouvrir au jour. Joël. Avec un air menaçant qui ne lui ressemble pas. Et un révolver.
« Je comprends ta surprise, dit Joël d’un ton où perce le cynisme, mais, vois-tu, ce livre m’appartient. »
Interloqué au point d’en oublier le sang sur l’Agrippa, Vincent essaie de deviner si son ami lui joue un tour. Toutefois, celui-ci n’a jamais fait preuve de fantaisie. Un peu d’humour parfois, mais pas vraiment facétieux. De plus, en découvrant cette attitude, cette assurance, ce ton et même ce regard, Vincent a soudain l’impression qu’un parfait étranger se tient devant lui.
« Tu n’es guère loquace, s’amuse Joël. Et tu dois avoir des questions sur le bout de la langue. Je vais déjà répondre à la première, même si tu ne te l’es pas encore posée. Je ne suis pas Joël, enfin si, mais pas celui que tu connaissais avant son dernier emménagement ici. »
Cette affirmation ne rend pas Vincent plus volubile. Au contraire. Il est tellement abasourdi qu’il perd pied.
« Bien, reprend Joël, on a de la chance que je sois bavard pour deux. En fait, je n’ai jamais eu l’occasion de me confier et il est juste que tu saches de quoi il retourne. C’est la moindre des choses. Vois ça comme mon épitaphe, ou la tienne plutôt. Je ne t’ai pas menti sur le bouquin. C’est bien un Agrippa. Et moi aussi je dois le fouetter pour l’ouvrir. J’ignore d’où vient cette fâcheuse manie. De son créateur ? De sa propre initiative ? Rien n’est impossible. Après tout, ce livre est vivant. Tu l’as senti, j’en suis sûr, quand tu caressais sa couverture. »
Joël se tait pour ménager son effet mais il en est pour ses frais. Si Vincent tressaille, il n’en demeure pas moins amorphe, ce qui fait sourire Joël.
« Comment suis-je au courant ? Tu sais ? La lumière rouge, c’est pour la galerie. Ce lustre ne sert qu’à planquer la caméra. Il fallait que je te surveille car, une fois arrivé au bout de ta liste de victimes, tu risquais de faire des conneries. D’ailleurs, tu étais bien parti pour. Je suis arrivé à temps. Ah ! J’imagine que tu ne comprends pas grand-chose. C’est bien normal. Je vais donc éclairer ta lanterne. En commençant par le début. J’avais entendu parler de l’Agrippa, ce livre à la couverture carmin signé par le diable. Je connaissais plusieurs légendes à son propos. Selon la plus répandue, il donnait la liste des prochains défunts. Selon une autre, inscrire un nom équivalait à condamner à mort son porteur. Mais la seule qui m’a intéressé était la promesse de la vie éternelle. Je l’ai cherché des années durant, j’ai cambriolé de multiples monastères et églises où, d’après mes recherches, il aurait pu se trouver. En vain. Après plusieurs années dont je n’ai pas tenu le compte, j’ai renoncé à le chercher. Et c’est alors que je l’ai trouvé, qu’il m’a trouvé devrais-je dire. Un jour, en rentrant chez moi, j’ai découvert ce livre sur la table de salon. Comment était-il entré ? Mystère. J’ai longtemps cru que quelqu’un avait crocheté ma serrure avant de le déposer. J’ai changé d’avis depuis car je pense que l’Agrippa se débrouille tout seul. J’ai tenté de l’ouvrir mais ce satané bouquin a fait sa mauvaise tête. Je me suis littéralement battu avec. Pour rien. Par chance, je me suis souvenu qu’il fallait le mater en le fouettant. Alors, je me suis procuré une cravache puis je me suis attelé à la besogne. J’ai bien sué et j’ai finalement obtenu gain de cause. Mais j’ai vite déchanté. Les lettres rouges du texte recouvrant les pages provenaient d’un alphabet inconnu. Pourtant, mû par une intuition, j’ai essayé de le lire à haute voix et, à mon grand étonnement, les phrases ont pris sens au fur et à mesure que je les prononçais. Il s’agissait tout simplement d’un contrat en bonne et due forme. Je n’ai pas hésité longtemps. Je l’ai accepté en versant mon sang sur le papier et, quand le livre s’est refermé, j’ai su que le pacte était scellé. J’avais dix ans devant moi pour dégoter une première victime. Je pensais que ce serait facile, mais je me trompais. D’autant plus que la victime devait… Non. Pour que tu saisisses, il faut que je t’explique le contrat. C’est simple. Je vivrais éternellement mais en changeant régulièrement d’hôte. De corps, quoi. Le prix n’est pas mon âme comme on le voit dans les films. Ou peut-être que si à terme. Le prix est d’autres vies offertes en sacrifice, une par année de vie dans le nouvel hôte. Ce qui complique, c’est que ce livre est pervers. Comme toutes les créatures diaboliques, je suppose. Donc, je dois convaincre mon futur hôte d’accepter l’Agrippa pour qu’il y inscrive les noms des personnes qu’il veut voir mourir. Chaque nom me fait gagner un an. J’ignore comment ça marche, mais les personnes désignées meurent dans les deux jours. Je vois que tu commences à réaliser. N’est-ce pas ? Oh ! Ne t’emballe pas : je n’ai pas fini. Car il y a la cerise sur le gâteau. Le tomber de rideau. Je dois me suicider pour prendre possession du nouvel hôte. Avec une année en bonus. Quand même ! Joël était mon troisième. Comme il avait une quantité incroyable d’ex qui l’avaient mis en rogne, j’ai fait jackpot sur la durée de vie. Mais voilà. C’était un raté dans la dèche. D’ailleurs, je ne comprends toujours pas comment pouvait fonctionner votre relation. Peu importe. Je n’ai pas eu le choix : j’approchais de la date de péremption et j’ai dû m’en contenter. Exceptionnellement pragmatique, ce minable a entamé sa liste par la copine qui l’hébergeait et n’allait pas tarder à rompre, du moins le croyait-il. Ainsi, il a gardé l’appartement mais, quand la dernière ex du catalogue a passé l’arme à gauche, les parents de la donzelle se sont manifestés : ils n’avaient plus de nouvelles de leur fille. Joël leur a servi un baratin qui ne tiendrait pas plus de vingt-quatre heures. Il fallait donc vider les lieux sans délai. En plus, comme il était totalement à sec et que je n’avais pas envie de mettre la main à la poche, j’envisageais de mettre un terme à son existence devenue inutile quand qu’il m’a parlé de toi. Je n’étais pas sûr que tu serais un futur client pour moi, mais squatter chez toi me permettrait d’attendre des jours meilleurs. Avant de se pointer, Joël t’a téléphoné. Il savait que tu ne refuserais pas. Et ensuite ? Il est devenu mon nouvel hôte. Une fois dans la place, je me suis vite aperçu qu’il ne faudrait pas te pousser beaucoup pour que tu deviennes un meurtrier par livre interposé. Est-ce la magie ? Le côté presque irréel ? J’ai l’impression que, comme les autres, tu n’assumes pas la responsabilité des décès que tu as inscrits dans ce bouquin. Bref. Howard est venu te vendre l’Agrippa. Et tu connais la suite. Qui est Howard ? Un figurant qui a cru participer à une blague de potaches, moyennant finance bien sûr. Pour information, je m’appelle Franck. Voilà. Tu sais tout, ou presque. »
Joël, ou plutôt Franck, pose son arme sur le meuble près de lui, sort un flacon de sa poche et, sous les yeux ébahis de Vincent, en avale d’un trait le contenu avant de reprendre son discours.
— Grâce à ton héritage, je peux envisager mes futures incarnations sous les meilleurs auspices. Et, en prime, tu m’offres une demi-douzaine d’années. Non. Ne bouge pas. Il est déjà trop tard. Le poison que je viens de boire est rapide. Je serai toi d’ici quelques secondes. Et… — Alors tu n’as rien écrit sur l’Agrippa ? l’interrompt soudain Vincent. — Bien sûr que non. Pourquoi ?
Pour toute réponse, Vincent éclate de rire. Perplexe, Franck n’a guère le temps de s’interroger sur cet accès d’hilarité. Le corps de Joël meurt et, quand il prend possession de celui de Vincent, ce dernier tressaute encore d’exultation. Qu’est-ce qui a amusé Vincent à ce point ?
Franck palpe son nouveau corps, analyse ses sensations. Rien n’indique une maladie ou un malaise à venir. Vincent semble en bonne forme. Toujours dubitatif, il s’intéresse à l’Agrippa ouvert devant lui maintenant qu’il a changé d’hôte. Des mots sont écrits en blanc sur le sang qui macule les pages. Que cherchait à faire Vincent ? Franck hausse les épaules. Il ne le saura jamais, à moins que…
Franck a reconnu l’alphabet utilisé : celui qui a servi à la rédaction de son propre contrat. Sans réfléchir, il commence à lire. Un nom, puis un autre. Une liste de noms qui lui sont familiers. Les démons de l’enfer ! Il est train d’invoquer les démons de l’enfer ! Affolé, Franck décide d’arrêter de lire mais sa bouche continue de prononcer les noms un à un, malgré lui. L’air devient tout à coup plus lourd et chargé d’une odeur de tourbe brûlée. Alors que Franck termine enfin sa lecture, celui-ci ressent une présence, peut-être plusieurs, mais il n’ose ni se retourner ni demander qui est là.
Un courant d’air tourne tout à coup la page de gauche et Franck découvre qu’il y a un nom et un prénom sur la précédente. Effaré, il comprend alors ce qui a fait rire son hôte. Pour le livre, il est désormais Vincent. Et là, le souffle chaud sur sa nuque, c’est sûrement le véritable maître de l’Agrippa qui vient récupérer son bien.
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