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Policier/Noir/Thriller
Jean-Luc : Au bout du quai, y a un bar
 Publié le 27/12/11  -  11 commentaires  -  11749 caractères  -  175 lectures    Autres textes du même auteur

Pas de chance pour "le Gros".


Au bout du quai, y a un bar


L'Ancre de miséricorde ;

chouette nom pour un rade. On aurait pu en faire le titre d'un bouquin.

Si on n'avait pas connu le rade...

Et pas peur de plagier.

Mais bon, la miséricorde il y avait longtemps que j'y croyais plus.

Et puis les bouquins, j'ai rarement dépassé le titre.

Jamais le premier chapitre en tous les cas.

Sauf Alice.

Mais c'était ma mère qui lisait.

Alors, m'arrêter là ou ailleurs.

Y a un moment où c'est plus que le hasard qui guide tes pas.

Ou plutôt, y a un moment où tu t'en rends compte.

À la fin en général, quand faut t'arrêter.

Jusque-là t'avançais, tu savais où t'allais, enfin tu croyais. Ça n'allait pas forcément très bien mais ça n'allait pas vraiment très mal non plus. T'avais jamais réellement eu beaucoup d'espoir alors tu peux pas dire que t'as été déçu. T'attendais rien, non ? Alors !

Et puis l'un dans l'autre, hein ! t'étais vivant.

Deux bras, deux jambes, de quoi tu te plains ?

Y a toujours des bateaux à décharger, des ponts à briquer, des chiottes à nettoyer ?

T'as toujours pu bouffer ? Même avec les mains sales ?

Alors va bosser !

...

Mais un jour, un soir ou au réveil, y a plus rien devant toi, y a plus rien vers où aller. Y a plus rien à l'horizon.

Vide, que dalle, nada, que nib' !

Tout a disparu.

C'est sûr, à la souvenance, y avait pas grand-chose avant, mais ça permettait de croire que t'allais arriver quelque part.

Ça te permettait de te lever.

Ça te permettait de continuer.

Au moins ça.


Alors tu t'arrêtes, tu doutes, tu te grattes la tête, tu te frottes les yeux, tu te dis :

« C'est passager, ça va revenir, je vais boire un coup, ça ira mieux après. »

Et puis non ! T'es là, comme un con, les bras ballants et y a plus rien devant.

Au début t'hésites, t'y crois pas, tu vas te réveiller. Tu veux te secouer, dans ta tronche y a des :

« Faut que j'avance, je peux pas rester là ! »

Tu sais pas vraiment quoi faire, c'est nouveau ce vide. Ce vrai vide, avec du vrai rien.


Avec la pointe du pied, tu dessines un cercle autour de toi, tu tâtes pour voir si y a quelque chose et puis comme c'est dur, ben tu poses un pied. Et puis tu ramènes l'autre. De tous les côtés ça tient, tu vas pas t'enfoncer ; déjà t'es un peu rassuré, tu peux avancer. T'oses un pas, t'hésites, d'un côté puis d'un autre, mais par où aller ? Tu sais même plus d'où tu viens.

C'est partout comme dans ton dos.

Y a même pas une pierre pour faire tourner ton couteau ! – T'aurais mieux fait de lire des livres.

Faut arrêter d'hésiter. Faut partir, marcher, avancer. Aller par-là ou de l'autre côté, on s'en fout, c'est pas ça le problème.

« On finit toujours par arriver quelque part à condition de marcher suffisamment longtemps », disait la chenille à Alice.

Mais toi t'es pas Alice et marcher pour marcher... t'es pas un marcheur. Surtout pas un voyageur.

C'est juste que t'as jamais su où poser ton sac. Enfin, des fois il t'est bien arrivé de savoir où t'aurais aimé le faire. T'es bien passé par des coins sympas mais a priori, ça faisait plaisir à personne de te voir rester.

T'étais jamais où il fallait, tu prenais toujours la place de quelqu'un. T'étais trop gros, ou tu sentais pas bon ou fallait pas, c'est tout.

Y avait pas d'excuse à te donner.

Pas la peine, pas utile.


Alors tu repartais, tu cherchais l'ailleurs où on t'attendait. Y avait pas de raison, pourquoi eux et pas toi ?

T'étais bien attendu quelque part, non ? Sinon, c'était pas la peine.

Tu voyais bien des trucs là-bas, tout au bout, tout au fond, derrière la brume. Des formes vagues, des silhouettes floues, comme dans un mirage...

D'ailleurs, à la réflexion...

Mais maintenant y a plus rien. Même qui tremble sur l'horizon.

...

T'es peut-être mort !

...

Et puis, ça fatigue rapidement de marcher sans rien voir grossir devant.

Alors à un moment, tu t'arrêtes. Stop ! Break ! Mi-temps... enfin mi-temps... t'as plus l'impression d'être au milieu du temps. T'es au milieu du rien, et au bord du vide !

Te penche pas !


Pas grave ! Ici c'est bien. Et puis là ou ailleurs, de toutes manières c'est partout pareil maintenant.


***


C'est le hasard, seulement le hasard qui m'avait fait accoster là.

J'étais au bout.

Le quai était noir, comme la flotte. Trop de mazout empêchait le clapotis.

Les poissons morts jouaient les fantômes dans des suaires de plastique.

Demi-tour, encore trop tôt,

pour se foutre à l'eau.

...

À peine.

...

Dans tous les ports y a des bars pour les paumés, les solitaires ; les losers comme y en a qui disent.

Mais les losers vous niquent !

T'es qui, juge ?

Je ne suis pas un loser !

Même pas.

Pour perdre faut jouer.


Moi on m'a pas laissé jouer, on m'a même rien demandé, on m'a tout donné sans jouer.

Comme ça, un soir.

Ce soir.

On m'a dit que j'avais gagné.

Que j'étais le champion, que j'avais le gros lot.

Celui qu'on a qu'une fois dans sa vie, celui dont on se dit :

« C'est pas vrai, c'est pas pour moi, ils se sont trompés. »

Celui dont on se dit :

« Ils vont me le reprendre en riant, en disant, tu y as cru gros nul, gros laid, gros gros, gros rien !

Tu y as cru ? Mais tu t'es vu ?

T'es qui ? T'es quoi ? T'as quoi ?

T'as rien, t'es rien,

pour personne !

T'es personne !

Nulle part !

T'existes pas. »

...

Celui dont on se dit : « Je rêve ».

Tu sais comme quand t'es là-bas et qu'au réveil,

je sais pas te dire,

quand t'as fait un chouette rêve, comme il t'en reste encore un peu au début, quand tu crois encore que tout est normal, que t'es dans ton lit, que tu vas te lever, tu vas ouvrir la porte de chez toi, et que tu vas sortir.

Tu vas sortir...

Tu vas sortir, t'es dehors, y a du soleil, quelques nuages dans le ciel et puis... et puis tu te réveilles complètement et puis,

et puis, ben tout disparaît.

Tu vois le réel. T'es dedans.

T'es dans ce putain de réel qu'est la vie.

Dans ce putain de réel qu'est ta vie.

Le carrelage, la lumière, les odeurs, les barreaux, les clefs, les clefs, les clefs.

Les portes fermées, les grilles, les cris.

La folie en rédemption !

Où est ton rêve ?


Les rêves c'est trop fragile. Quand t'en as un, quand t'as que ça, faut pas qu'on te le prenne.


Alors on dit rien, d'abord on n'ose pas toucher, c'est trop beau, on a de trop grosses mains pour ça. C'est comme les bulles de savon quand t'es môme, c'est trop beau mais ça pète comme un rien. Tu veux les choper, ça pète, tu veux les gober, ça pète.

Alors le jeu change. C'est pas pour toi ? Alors tu détruis !

Tu les exploses, avec le front, avec le nez, avec les dents, c'est facile, et à ce moment-là, ça te fait rire. T'es le plus fort !

Et puis un jour tu comprends. Toi, elles peuvent pas t'emmener, t'es trop gros, t'es trop lourd, c'est que tes rêves qu'elles enlèvent.

Si tu veux qu'elles s'envolent, si tu veux partir avec elles, faut regarder, pas toucher.

Alors là tu te dis que c'est pareil, t'as que le droit de regarder.

Alors tu regardes. C'est trop beau. Évidemment que ça peut pas être pour toi.

Y a jamais rien eu pour toi ou que pour te briser.


Et puis non, t'as voulu y croire, en tout cas essayer. Demander à redevenir un môme, pas longtemps, le temps d'un rêve. T'as allongé le bras, doucement, tendu un doigt tremblant, comme fait le gamin pour montrer le jouet dans le magasin à Noël.

Et ça s'est posé dessus. Sur ton doigt ! Ton doigt à toi ! La bulle s'est posée, elle n'a pas éclaté. Tu regardes autour, mais t'es seul avec la bulle. T'es seul avec ta bulle qui te sourit, qui te prend dans ses bras, qui s'enroule autour de toi, qui te serre, qui t'enserre, qui te mange. Ses jambes autour de ta taille tu la sens pas, c'est léger une bulle. Elle a ses coudes sur tes épaules, ta tête dans ses mains.

Et son regard transperce le tien.

Tu sais plus où t'es, tu sais plus qui t'es, t'as les bras en croix, tes mains loin d'elle, si tu la touches, elle éclate, elle disparaît.

Alors ne rien faire, se laisser mener, regretter de ne pas savoir prier, fermer les yeux, s'envoler avec elle.


Ferme les yeux, elle va t'emporter.


Elle a posé ses lèvres sur ton oreille et murmuré « Aide-moi, le Gros ».


J'avais touché le gros lot, j'ai pas su le prendre.

Ces choses-là ça s'apprend tout petit.

La caresse c'est pas inné.

La donner comme la recevoir.

Si t'as pas appris.

Si t'as pas appris, tu sais pas accepter ce qui t'est offert.

La confiance non plus c'est pas inné.

Pas possible.

Maintenant c'est trop tard, fallait être plus rapide.

J'pourrai plus apprendre.

Pourtant j'aurais pu avec elle, c'était dans ses yeux, couleur de thé vert.

Avec elle je suis sûr, au bout du quai, c'était la plage.

Avec elle, c'était déjà l'autre côté de la mer, les îles aux saveurs épicées, comme y en a qui disent.

Avec elle, c'était demain.


La bulle a gémi et tout doucement glissé le long de mon corps, ses bras le long de mes bras, ses ongles tentant vainement de s'accrocher.

Pourquoi ?

C'est pas moi qui l'ai touchée.

Je vous jure !

Même pas osé. Même pas eu le temps d'y rêver.

J'ai levé les yeux.

J'ai vu la fine moustache d'un gominé qui souriait. La bulle aurait dû éclater avec le long couteau qu'il lui avait planté dans le dos mais elle s'est blottie à mes pieds, comme un petit chat confiant, dans une large flaque sombre.

« Casse-toi le Gros ! Excuse Alice, elle voulait pas te déranger ! T'as rien vu, t'es pas là. T'existes pas, alors on peut pas t'en vouloir. »

Il ne me regardait pas en disant ça, c'est à peine s'il parlait, il marmonnait, du bout des lèvres, la moustache ne bougeait pas.

Je valais pas un regard, à peine des mots murmurés.

Mais il a donné un nom à ma bulle.

C'est drôle la vie.

'l'était temps.

Du bout des doigts, il lissait sa moustache devant la glace du comptoir. Je ne sais pas s'il souriait, c'est ce que j'ai cru. Peut-être à cause de la moustache. Un autre gominé a voulu me faire reculer :

« Alors le Gros, t'as pas compris ce qu'on t'a dit ? Casse-toi ! »

Je remuais à peine sous la bourrade mais elle me réveilla. Je saisis la fine moustache par le cou.

J'ai pas grand-chose à moi, ma force, mes bras, mes mains. Je réfléchis pas vite mais là j'avais eu le temps de comprendre. Et puis c'était facile. On m'avait pété mon plus beau rêve.

C'est sans haine que je l'étranglais. D'une main.

Je vous ai dit, j'ai pas grand-chose à moi, mais si ça peut servir...

Je lui laissais seulement la possibilité de lever la tête, de me voir, de se poser une question, de trouver la réponse.

J'avais pas de haine, non, mais ça m'a quand même fait plaisir qu'il prenne conscience que j'existais.

Bon, on n'a pas vécu longtemps l'un pour l'autre mais je crois bien qu'avant que son regard se voile, il m'a vu.


Je tuais aussi l'autre gominé. Il fut facile à attraper. Il s'était approché trop près pour planter sa lame dans ma panse.

Ah ça ! pour moi, il a fallu qu'il s'acharne.

Ça m'a pas vraiment fait mal sur le coup.

Peut-être parce que je pensais à autre chose.

Quand j'étais petit, un rocker qui chantait « ... Alice, au pays des merveilles, n'existe plus... »

ça m'a rendu triste ; Foutu l'blues comme y en a qui disent.

Maintenant, je sens bien que ça sera plus jamais comme avant.

Mais bon, de toutes manières j'avais plus nulle part où aller, alors.

Ben alors je me suis couché.

Moi aussi j'avais ma flaque.

Plus noire, normal, du vieux sang. Tout pourri.

Me suis allongé à côté de ma bulle. Posé mon bras sur elle.

Délicatement ; je peux quand je veux.

Même que c'est plutôt ma nature.

Pour la protéger.

Trop tard.

Je voulais partir avec elle.

M'envoler.

J'allais le faire.

...

Maintenant, moi aussi je suis léger.

...

J'aurai pas de mal à la rattraper.

...

Elle a pas beaucoup d'avance.


 
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   Anonyme   
2/12/2011
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Une histoire très touchante, vraiment, mais le style choisi m'a tenue à l'écart. Je trouve que le texte en fait trop, beaucoup trop, dans le genre mal dégrossi. Pour moi, ces passages à la ligne incessants n'étaient pas nécessaires, pas plus que le ressassement des pensées du Gros. Le procédé devient trop visible, la manipulation trop évidente et moi, lectrice, je renâcle.

Dommage, l'idée est belle, et avec un dosage plus délicat dans le "brut de décoffrage", je crois que j'aurais pu beaucoup aimer ce texte.

   Anonyme   
8/12/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'ai l'impression de me faire prendre à mon propre jeu. Je vous explique...
J'apprécie les textes avant tout par leur style, même si pas que.
Et là, faut avouer que pour être stylé, c'est stylé, mais à tel point que j'ai trouvé ce style trop forcé, surtout à cause de ces "tu" abrégés qui ont le don de m'agacer, comme toutes ces formes d'élisions en général. Et puis, c'était chiant, au début, précisément parce que le début se traine. Mais, à la manière de ces équipes de foot qui endorment l'adversaire avant de placer une estocade brillante, j'entrais presque en somnolence et je ne me suis pas rendu compte tout de suite que l'histoire démarrait. Je m'en suis rendu compte trop tard, je veux dire lorsque j'ai commencé à comprendre ce que représentait cette bulle. Trop tard parce que, si avant ça, l'envie me titilait d'abandonner la lecture, après, je n'ai plus pu la lacher.

Impression curieuse et mitigée, donc, mais vous avez su me surprendre malgré une certaine hostilité initiale. Ca m'intrigue, ça m'intéresse. S'il y a certaines choses qui m'agacent dans votre texte, j'y trouve en revanche des germes de choses qui me plaisent et qui promettent : évitement du littéraire facile, une poésie évidente, une économie dans les descriptions qui n'altère cependant pas la possibilité de visualisation, un ancrage réaliste malgré un degré élevé de métaphorisation, une profondeur sous un regard d'apparence naïve.

J'aimerais vous lire encore dans un autre exercice. J'en suis curieux.

Incognito

   Coline-Dé   
11/12/2011
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Jusqu'à " Demi-tour, encore trop tôt,

pour se foutre à l'eau.", j'ai trouvé ça vraiment bien, les phrases à l'arrache, l'atmosphère glauque, le style mitraillette... Puis, petit à petit, j'ai commencé à trouver que ça faisait un peu trop système. Que l'auteur en repassait une couche, puis encore une. Et vraiment j'ai regretté ; un tout petit effort pour varier les effets, pour donner un rythme moins sec et ça aurait pu être formidable. On dirait une voiture folle sans freins...
Ok, ça correspond assez bien au thème ! Mais la lectrice que je suis aurait quand même préféré arriver dans le mur de façon plus "moelleuse", plus confortable. J'ai eu du mal à aller au bout, et je râlais en me disant " quel dommage, mais quel dommage ! "
Il suffirait, à mon avis, d'un ilôt, d'un court passage moins lapidaire où le lecteur puisse reprendre pied.
J'espère que ce que je dis est compréhensible, je vous fais part d'un ressenti sans être capable de donner plus d'indications techniques... Je ressens un fort potentiel dans cette écriture, mais il me semble qu'elle gagnerait à varier un peu ses moyens .

   Margone_Muse   
13/12/2011
 a aimé ce texte 
Pas ↑
Bonjour,
Je m'excuse d'emblée mais si je fais le bilan de ma lecture, c'est assez négatif... :/
L'aspect familier de l'écriture m'a dérangée, l'emploi de la seconde personne du singulier aussi, je trouve les retours à la ligne abusifs.
Sur la forme, donc, je n'ai pas apprécié ce texte.
Et sur le fond non plus : le côté raté/victime du narrateur n'engendre ni la sympathie, ni l'intérêt et il faut attendre le dernier quart du récit pour qu'il se passe quelque chose.
Navrée mais j'ai préféré faire court. Ce texte n'est pas pour moi, trop de choses m'empêchant d'accrocher.
Une prochaine fois peut être,
Margone_Muse

   victhis0   
20/12/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Yeah !
quel style...J'aime beaucoup ce rythme comme un slam, cette presque poésie qui a beaucoup de pudeur, beaucoup d'humanité et de sensibilité. Bravo, c'est un très bel exercice de style avec une personnalité d'écriture assez rare. Les mots sont justes, sans fioritures et placés avec orfèvrerie ; l'histoire semble brouillonne et puis non, on s'y retrouve bien. J'ai passé un bon moment en compagnie de ce texte.
merci beaucoup

   widjet   
27/12/2011
 a aimé ce texte 
Bien
Merde, l’ai pas vu venir ce coup de couteau là.

Une petite critique "à chaud" :

Alors, je vais évacuer fissa les choses qui m’ont un peu dérangé. Le début, j’ai eu du mal. Trop « cutté ». Et puis, ça paraphrase un peu trop, ça radote, ça ressasse, bref je pense que par moment, c’est trop bavard. Enfin, le titre assez moyen.

Mais, je n’ai pas envie d’en dire plus et de râler histoire de tempérer, parce que dans les dernières lignes, j’ai été cueilli par l’émotion, et que ça me suffit pour ne vouloir en dire que du bien de ce premier texte, plein de pudeur, de souffrance digne et de sensibilité.

Jean Luc, un petit nouveau, a visé juste et au bon endroit : le cœur.

Ce type, ce « gros », ça m’a – un peu – fait penser au molosse au cœur d’or, Lennie - de « Des souris et des hommes », mais en version « pas attardée » (même si il y a un retour et un rapport à l’enfance assez marqué dans certains passages et certaines phrases), mais en plus désenchanté, plus amère. Il y a cette dualité entre la force physique et la vulnérabilité, ce côté à fleur de peau du personnage que l’auteur distille à petites touches délicates et fragiles – comme une bulle, justement - (même si y’aurait encore moyen de moins « dire » et de plus suggérer).

Il y a des phrases qui ont une puissance d’évocation redoutable et bouleversante. J’en retiens quelques unes :

« Moi aussi j'avais ma flaque ».

« Délicatement ; je peux quand je veux ».

« Avec elle, c'était demain »

Et puis, la plus belle de toutes où le style est (volontairement, je précise) enfantin :

« Je réfléchis pas vite mais là j'avais eu le temps de comprendre.
Et puis c'était facile. On m'avait pété mon plus beau rêve ».

Comme quoi, y’a des phrases toutes connes, toutes simples qui ont une portée formidable lorsqu’elles sont bien balancées à l’image du « Aide-moi, le Gros » ; y’a tout dans ces quelques mots, une forme de déclaration (sinon d’amour de considération – en tout cas perçu comme telle par le personnage qui pour la première fois est VRAIMENT regardé par une personne – d’ailleurs il est écrit « Et son regard transperce le tien » , il est ENFIN quelqu’un, autre chose qu’un tas difforme il « EST » dans son sens primaire, il existe) et ce « le Gros » qui donne une certaine tendresse à cette phrase qui dans un autre contexte pourrait être humiliante (d’ailleurs lorsque « le Gros » est repris par l’un des agresseurs, la connotation n’est plus du tout la même).

Une jolie leçon de simplicité et d'efficacité.

J’aime aussi ce procédé de personnification employé par l’auteur : la fille (ce mot n’est jamais dit) est symbolisée par une bulle tout comme le méchant l’est comme une moustache (Je saisis la fine moustache par le cou). C’est bien vu et poétique.

Les dernières phrases sont d’un humour désespéré – mon type d’humour, préféré car dans ce détachement, cette forme de résignation, on navigue entre les eaux de la comédie et du drame, la recette et son dosage sont très difficile a manier, et l’auteur s’en sort brillamment – ça fait mouche ce qui me fait dire que l’auteur a déjà compris pas mal de trucs avec ce genre de dénouement.

J’ai aimé ce personnage, qui ne veut pas croire ce qui lui arrive, mais qui au fond de lui voudrait y croire. Et pour avoir osé toucher du doigt ce rêve inaccessible, va en payer le prix fort.

Merci pour ce beau texte, profondément émouvant (mais qui mérite quelques coupes et quelques verbiages en moins) destiné aux marginaux, à ceux différents « de la norme » qu’ont laissent au bord de la route (parce que trop ceci – dans ce cas, « trop gros » mais ça pourrait être n’importe quoi, d’autre -) et qui ont le droit aussi à leur éclaircie (même éphémère) ; c’est du reste la cruelle et injuste morale de ce texte finalement sinon pessimiste assez fataliste :

Dans la vraie vie, les belles histoires d’amour, ça finit rarement bien.

J'ai fais vite car je pense qu'il y a beaucoup à en dire et sous ses allures rustres et mal dégrossies, ce personnage raconte beaucoup de choses sur lui - dommage que le rapport à la mère ne soit pas plus développée car cela aurait donné quelques explications sur cette quête d'amour/de reconnaissance du personnage -

Merci à l'auteur et merci à ONIRIS, très inspiré également (et je tiens à le dire publiquement), d'avoir publié ce texte.

Widjet

   caillouq   
30/12/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'aime beaucoup ce style de style, on a l'impression d'y être, c'est dosé comme il le faut, même la métaphore de la bulle, pourtant bien filée, reste légère. L'auteur ne s'appesantit pas sur le pathos, ce qui permet à une émotion choisie, et pas imposée, de s'installer. Bref, j'ai marché à fond.
Sauf la "couleur de thé vert". Les bouts épars qu'on collecte sur le narrateur ne laissent pas supposer que le thé vert soit une de ses références (et puis ça ressemble à quoi, la couleur du thé vert ? Grisâtre comme le gunpowder sec, ou marron comme l'infusion ???) - ce n'est pas raccord.
J'ai eu aussi des doutes sur l'emploi de l'imparfait à la première personne du singulier ("Je remuais à peine sous la bourrade", "Je lui laissais seulement la possibilité de lever la tête", "Je tuais aussi l'autre gominé"), au milieu de passés simples. Ca donne l'impression que l'auteur a cédé à un petit jeu phonétique pour échapper au côté trop littéraire du passé simple avec "je".

   REDBUCHE   
8/1/2012
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai trouvé ça très chouette. Ce monologue intérieur un peu "beckettien"avec surtout du vide pour cadre, une toile noire. Beaucoup de lyrisme, de poésie brute de décoffrage avec quelque chose de douloureux et d'inévitable. Une fin sublime qui fait naître la poésie de l'action brute, qui fait parler l'âme dans la douleur clinique de l'agonie.
Bon j'ose une critique, je trouve qu'un ancrage un peu plus pragmatique, certains passages moins subjectifs pour donner un équilibre à tout ça,pour en faire quelque chose de plus apte à séduire le lecteur, et lui donner une base sur laquelle il puisse reposer son attention volatile et fugace, pourrait s'avérer appréciable. Enfin cela n'engage que moi. Et merci!

   Anonyme   
28/1/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Y a longtemps, j'ai connu quelqu'un qui écrivait comme ça, entre prose et poésie, des choses noires et surtout dans ses textes, il y avait cette aération particulière, je retrouve ça chez Jean-Luc. Ce texte, particulier, personnel, troublant, plaisant, ce texte et son sang noir, son désespoir et son phrasé, ce texte et certaines de ses phrases, trop faciles, un peu racoleuses, genre :

"Et puis l'un dans l'autre, hein ! t'étais vivant.

Deux bras, deux jambes, de quoi tu te plains ?

Y a toujours des bateaux à décharger, des ponts à briquer, des chiottes à nettoyer ?"

Mais dans l'ensemble, ça tient bien la route, ça fait son effet et la chute se paie le luxe de ne pas en faire trop.

   jeanmarcel   
10/2/2012
 a aimé ce texte 
Bien
Un texte dont le style ne me laisse pas indifférent. Quelques passages sont tout à fait splendides comme : "J'étais au bout.
Le quai était noir, comme la flotte. Trop de mazout empêchait le clapotis. Les poissons morts jouaient les fantômes dans des suaires de plastique.Demi-tour, encore trop tôt, pour se foutre à l'eau." Je regrette cependant l'emploi de la deuxième personne, je trouve que cela alourdit inutilement, d'ailleurs la fin, écrite à la première personne, est beaucoup plus aérienne. C'est vraiment le prototype du texte que je recherche sur un site d'auteurs amateurs, c'est le petit miracle que l'on découvre au détour d'un clic sur le clavier. Cela me fait penser aussi à une chanson de Lavilliers : " au bout du bar, il y a toujours un grand pianiste blême, qui ne sait dire que ces trois mots Je T'aime"

   AntoineJ   
27/4/2012
 a aimé ce texte 
Bien
au départ cela m'a fait penser à 'l'étranger", le soleil remplacé par sa pression interne ... puis cela bascule dans le noir et la l'énergie du désespoir ..
de beaux passages, de la poésie ...
j'aimerais bien la voir réécrite dans un style plus fluide fait de phrases plus complètes plus travaillées ... je ne sais pas si cela sera plus puissant / touchant ou pas ... juste pour essayer !


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