Introduction
Love song ? C’est quoi ? Une chanson ? Non, ne compte pas sur moi pour te faire chanter. Love song n’est rien d’autre qu’une histoire d’amour. Quoi de plus banal me dis-tu ? Peut-être as-tu raison ami lecteur ? La suite risque cependant de t’étonner, de te déranger. Vois déjà les protagonistes de cette histoire là, Tikaï un esquimau du pôle nord et Laura une australienne d’Australie. Je sais que j’insiste très lourdement sur les origines de mes amoureux et déjà tu montres plus d’intérêt à la chose qui, d’un coup de baguette magique, te semble quitter le domaine de la simple banalité, mais ne va-t-on pas verser dans le cliché ? Quoiqu’il en soit, notre Inuit s’est bel et bien amouraché d’une fille des terres australes qui depuis lors, ne jure plus que par les beaux yeux bridés de son homme des glaces. Il est indéniable, qu’entre ces deux là, coule le fleuve chaud et tumultueux du plus fougueux des sentiments humains : « l’amour ». Depuis lors, chaque nouvelle journée qui trépasse est le témoin de leur mélancolie respective. Ai-je bien introduit ce récit ? Te semblera-t-il épique en suffisance ? Dès maintenant tu en dessines mentalement les courbes. Il t’apparaît inévitable que notre héros tentera l’impossible pour rejoindre sa désirée. Qu’il devra forcément, pour cela, triompher de toutes les embûches, de tous les pièges que je ne vais pas manquer de lui tendre. Que j’essaierai, par les plus vils procédés, d’attenter, à de nombreuses reprises, à son existence. Tu me soupçonnes de vouloir lui rendre sa quête ardue dans son déroulement, mais de la fin de celle-ci tu ne doutes pas, nos deux amants ne peuvent que se rejoindre en un beau final où enlacés ils s’embrasseront avec fougue. Désolé qu’il me faille te décevoir, mais la « happy end » à laquelle tu aspires n’aura pas lieu. Tout d’abord, pour ma défense, si tu considères que le moment où les deux amoureux parviennent enfin à se rejoindre signe la fin de l’histoire, laisse-moi te faire humblement remarquer qu’il ne s’agit là, pour ma part, que du début de l’aventure. Une entreprise des plus délicates te dis-je, une « affaire » fort périlleuse en réalité dont le déroulement est émaillé de multiples périls, d’écueils peu exotiques mais ô combien mortels. Je te parle de lassitude, disputes, tromperies, séparations, violences conjugales, meurtres ou veuvage. Si sur la longueur de la route, personne ne peut se prononcer, je t’affirme que la fin du voyage n’a rien d’heureuse. Puis, si tu le permets, cette fois, laissons Dionysos triompher d’Apollon. Donnons sa chance au désordre. Que l’anarchie s’impose et qu’en cette occasion le mal emporte la mise. Peut-être cela nous fera du bien que, pour une fois, la morale et la bienséance d’Outre-Atlantique n’effectuent pas la traversée. Voilà pourquoi, je te l’affirme, cette histoire-là se termine mal.
Chapitre premier
Je te rencontre, tu me rencontres, nous nous rencontrons, ils se rencontrent eux aussi, gravé dans le marbre ou inscrit dans le ciel étoilé, fatalement cela doit arriver. Peut-être que cette rencontre appartient déjà au passé ? Il est fort probable que par manque d’éducation, d’imagination ou de bonne volonté, et oui, parfois moi aussi je ronchonne, renâcle, voire flemmarde, je me sois opposé de la plus ferme des manières à de tout t’informer non ? Après tout, qui s’escrime sur ce foutu clavier si ce n’est moi ? Et bien non, cela n’entre pas en ligne de compte. Mets-toi à la place de mon héros ! Il fait froid, réellement très froid, un peu comme dans ton congélateur, il fait nuit tout le temps pendant plusieurs mois et parfois, les ours blancs s’approchent un peu trop près de ton village à la recherche de poubelles à piller voire mieux si affinité, comme l’autre nuit où ils ont dévoré vivant l’un des chiens de ce vieux fou de Jack qui continue vaille que vaille, à sillonner la banquise sur son traîneau, son gros fusil un coup en bandoulière par exemple, ou comme l’après-midi où l’un d’eux a éventré d’un coup de patte ajusté la frêle porte de la cabane où ce même Jack laisse sécher sa viande de phoque et s’y est livré à une brutale ripaille dont le vieil abri ne se remettra probablement jamais.
Soit, tu te sens prêt à aller affronter ces éléments les plus sauvages de la création dans le but illusoire de pêcher quelques poissons gras après avoir longuement marché dans le blizzard et péniblement creusé ton trou dans la banquise, soit tu profites du douillet confort de ta chaumière et tu te loves devant ta télé en attendant que « ça se tasse ». Tikaî, mon héros, ne possède pas le tempérament héroïque qu’exige ma première solution, il opte naturellement pour la seconde et ouvre son poste de télévision au hasard, sur un documentaire relatif aux bas-fonds de Sydney. Alors que le blond journaliste américain interviewe, sous un splendide soleil, une jeune femme dont la rousse et longue chevelure éclate comme le feu sous ce soleil d’été, notre téléspectateur craque de toutes parts comme sa banquise au printemps, il en est persuadé, celle-là est sa future bien aimée.
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