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Réalisme/Historique
JohanSchneider : Moleskine
 Publié le 15/10/22  -  20 commentaires  -  24332 caractères  -  125 lectures    Autres textes du même auteur

Verba volant, scripta manent.


Moleskine


Mon arrière-grand-tante Eugénie-Émilie, dite la Potvine, ne pouvait pas me voir en peinture. Née dans le dernier quart du XIXe siècle, elle n’avait aucune indulgence pour mes défauts, résultat d’un manque d’éducation trop moderne à ses yeux : curiosité mal placée, insolence, saleté, paresse, le tout aggravé par une propension à mépriser les crises d’autorité et les numéros de férocité qu’elle m’infligeait quand je venais en visite chez elle.


Ce qui était rare. Mais la visite qui devait être ma toute dernière, quelques semaines avant son décès en juillet 1968, m’est restée en mémoire pour la façon dont elle s’est terminée. Comme les autres fois, ma grand-mère m’avait embarqué pour un interminable voyage en métro, de la station Abbesses jusqu’à la station Falguière non loin de laquelle, impasse du Mont-Tonnerre, gîtait la grand-tante dans un minuscule, malodorant et poussiéreux gourbi. Là, un objet parvenait à me captiver des heures de rang : une machine à coudre à pédale de marque Singer. Il y en avait un autre, repéré lors d’une précédente visite, mal dissimulé sous une pile de gants de toilette : un vieux cahier noir, fait d’une matière dont je n’ai appris le nom que bien plus tard : moleskine. J’étais obsédé par l’idée de m’en emparer. Je voulais absolument voir ce qu’il y avait dedans.


La Potvine avait épousé en secondes noces le regretté Alfred-Victor Potvin qui fut emporté par la grippe espagnole en 1919. Feu Potvin, ou plutôt son patronyme, devait se perpétuer dans la mémoire familiale durant des décennies car, la dernière pelletée de terre jetée sur le cercueil du disparu, les nièces, neveux, et même la propre sœur cadette d’Eugénie-Émilie, décidaient de la désigner désormais entre eux comme « la Potvine ». Devaient s’ensuivre cinq décennies de duplicité et d’hypocrisie verbales. Ma grand-mère, par exemple, qui ne se gênait pas pour avoir de la Potvine plein la bouche quand elle parlait de sa tante hors de sa présence, redevenait une gamine devant elle et lui donnait du « ma tante » avec une mine faussement respectueuse qui était un vrai régal. Il est vrai, mais j’étais alors trop jeune pour le comprendre, que seul un demeuré eût commis l’inconséquence de s’oublier au point de laisser échapper « Potvine » au lieu de « ma tante ». Et justement, ce jour-là, alors que ma grand-mère me remorquait pour me faire gravir les dernières marches menant au cagibi de la tante, je n’avais rien trouvé de mieux que de brailler comme un possédé : « Chez la Potvine c’est moche et ça pue ! »


Ma grand-mère savait ne pouvoir compter sur la surdité qu’on prête communément aux très vieilles personnes : à quatre-vingt-six ans passés, la Potvine avait conservé une ouïe de jeune fille. Mes couinements de goret qu’on saigne ne lui avaient sans doute pas échappé. Son accueil ne fut pas des plus chaleureux.


– Tu étais encore obligée de le traîner avec toi, celui-là ? lâcha-t-elle sèchement en réponse aux salutations de sa nièce.

– Mais oui, ma tante : ses parents travaillent tous les deux et je n’ai personne pour me le garder.

– Ses parents travaillent tous les deux, ronchonna la Potvine en croassant un ricanement.


On avait l’impression, à l’entendre grincer comme une poulie rouillée, que cette situation lui paraissait scandaleuse mais d’un comique irrésistible.


– Sinon, reprit courageusement ma grand-mère, je pourrais venir le samedi ou le dimanche au lieu du jeudi, mais avec Henri…


Henri était mon grand-père. Depuis qu’il avait épousé ma grand-mère trente-huit ans plus tôt, la Potvine et lui se vouaient une haine ardente, inexpiable mais discrète. Le bruit courait dans la famille que la tante de sa femme, ainsi d’ailleurs que sa belle-mère, ne le trouvaient pas assez gaulois à leur goût – en dépit de ses cheveux blonds, de ses yeux bleus et de son mètre quatre-vingt-deux ; quant à lui, si je ne l’avais jamais entendu se permettre la moindre remarque désobligeante à l’égard de mon arrière-grand-mère, il ne se privait pas, dès que l’occasion se présentait, de traiter la Potvine de « vieille poivrote », ce qui était pure calomnie et procédait surtout d’un mauvais jeu de mots inspiré par la relative ressemblance entre « Potvine » et « poivrote ». Il valait mieux s’abstenir de fausser compagnie à Henri le samedi ou le dimanche, si c’était pour rendre visite à la « vieille poivrote »…


– Oh, fais comme tu veux, je m’en fous pas mal, coupa la Potvine d’un ton sans réplique, mais je te préviens : je ne veux pas qu’il promène ses pattes sales partout comme chaque fois. T’as compris, toi ? conclut-elle en me fusillant du regard. Tu te tiens tranquille et tu ne touches à rien. C’est à prendre ou à laisser.

– Eh ben je laisse ! hurlai-je rouge de colère (comme ma grand-mère me l’apprit plus tard).


Je devais être impressionnant, dressé de toute la hauteur de mon mètre zéro neuf, avec mon bob perché de guingois sur le crâne, mon polo, mes culottes courtes et mes socquettes blanches !


Ma grand-mère n’avait aucune envie d’arbitrer un litige entre sa tante et son petit-fils. Elle avait déjà assez de tracas avec le contentieux vestimentaire qui m’opposait à elle. Ayant élevé avant moi mon oncle, mon père et mon cousin dans les années trente, quarante et cinquante, c’est forte de cette longue expérience pédagogique et matriarcale qu’elle avait énoncé certains principes dont elle n’entendait discuter le bien-fondé avec personne et dont la clé de voûte était l’affirmation suivante : les adultes commandent et les enfants obéissent. À partir de cet axe s’articulaient un certain nombre de prescriptions sur l’heure d’aller au lit, la manière de manger, de se tenir à table, de se laver, de répondre aux grandes personnes (avec des nuances dans le degré de politesse exigée selon que les gens faisaient partie ou non du cercle familial), de s’adresser aux autres enfants… Mais c’était en particulier un article de cette loi d’airain qui m’était un motif de rancœur lancinante et vivace : jusqu’à un certain âge, les petits garçons ne doivent porter que des culottes courtes. J’avais horreur d’être habillé de la sorte. Je me livrais à toutes sortes de tentatives de sabotages ingénieux pour découdre les ourlets et gagner un ou deux centimètres de longueur, mais mes petites jambes restaient découvertes et exposées, ce que je trouvais insupportablement mortifiant.


Bien que ma petite raison infantile ne fût pas capable de le formuler, mon instinct me soufflait que ce diktat du costume était le symbole du pouvoir absolu que détenaient les adultes sur les enfants, l’instrument d’une domination destinée à ce qu’ils se sentent inférieurs et vulnérables. Il en résultait que j’étais invivable, chiant et pleurnichard, alternant sans transition la soumission hargneuse, la rébellion inapparente ou la colère rentrée. Rien d’étonnant à ce que la Potvine m’ait eu dans le nez.


C’est à contrecœur mais d’un ton énergique que ma grand-mère se décida à me menacer d’une « bonne trempe » pour m’apprendre à être poli. Elle me savait imaginatif et avait plusieurs fois évoqué devant moi les effets ravageurs qu’aurait sur mon amour-propre la « bonne trempe » en question : des claques appliquées avec compétence sur les cuisses nues y laisseraient des marques rouges, durables, et surtout humiliantes pour peu que je me trouve contraint de les exhiber publiquement durant le long périple en métro.


J’étais trop jeune pour être capable de faire la différence entre une menace et une promesse. Et puis ma grand-mère ne m’avait jamais frappé. Je tentai sans succès de soutenir son regard et m’éloignai en boudant tandis que ma grand-mère et la Potvine se mettaient à bavarder. Quand je fus sûr qu’elles ne me prêtaient plus aucune attention, je me glissai sournoisement dans la chambre de la tante : j’avais repéré sur quelle étagère de son armoire elle rangeait le cahier de moleskine noire.


En écoutant d’une oreille distraite le bavardage de ma grand-mère et de la Potvine, je réfléchissais à une stratégie pour extraire de l’armoire le plus discrètement possible le cahier convoité. Afin de faire diversion, je me mis à actionner le pédalier de la machine à coudre Singer modèle 1910 de la Potvine. Elle ne l’utilisait plus depuis des lustres, ayant pris sa retraite après avoir exercé durant près d’un demi-siècle le métier de couturière à façon et à domicile. La vieille machine était un peu rouillée et elle émettait un bruit caractéristique quand on l’actionnait. Je commençai à faire jouer à la Singer l’air du bon-petit-garçon-qui-s’amuse-sagement, tout en essayant d’évaluer le temps pendant lequel le pédalier entraînait le mécanisme de son propre mouvement. J’avais trouvé ma stratégie : je pédalerais comme un forcené jusqu’à ce que la mécanique soit suffisamment lancée, je bondirais sur l’armoire, l’ouvrirais, m’emparerais du cahier, refermerais l’armoire, et reprendrais ma place devant la Singer qui, si tout allait bien, aurait continué à coudre dans le vide tandis que j’accomplissais mon forfait.


Avez-vous remarqué comme certaines phrases, certains airs de musique ou certaines paroles de chansons se gravent parfois dans votre mémoire alors que sur le moment vous n’y avez prêté qu’une attention distraite ? C’est ce qui se produisit ce jour-là. De la pièce à côté, me parvenait toujours la conversation de mes parentes, et quelques bribes de leurs propos, entièrement détachés de leur contexte, ayant donc perdu une partie de leur signification, qui reviennent de temps en temps me hanter. Ainsi, d’une manière aussi nette que si cela avait eu lieu hier, j’entends encore la Potvine déclarer d’un ton sentencieux : « Les femmes sont des pas-grand-chose et les hommes des rien-du-tout. » Après quelques autres graves considérations qui m’échappèrent, elle énonça cette forte maxime : « Dans la vie y a que deux sortes de gens : les paillassons et ceux qui s’essuient les pieds dessus. » Il est certain que la Potvine n’appartenait pas à la première catégorie. Bien des années plus tard, je devais apprendre qu’en pleine Occupation, dans le métro, à cause d’une sombre histoire de place assise, elle avait mouché un jeune officier allemand – et elle avait dû y aller fort car, hors de lui, il avait fait mine de dégainer son Luger. Elle avait alors pris l’assistance à témoin en beuglant : « Un merdaillon avec une pétoire est peut-être dangereux, mais ça reste un merdaillon ! » Un vétéran de 14-18, béret, moustache, croix de guerre au revers du veston, s’était alors dressé sur ses ergots pour engueuler la Potvine : « Mais madame, vous êtes folle ! Vous voulez donc nous faire tous fusiller ? »


Ma grand-mère ne fut pas non plus en reste de phrases destinées à s’incruster définitivement dans mon petit cerveau immature. D’abord une sorte de conclusion moralisante, un peu dans la manière de la comtesse de Ségur ou de la comtesse de Sannois (moins célèbre que la première, mais tout aussi délicieusement réac) : « La bêtise, la méchanceté gratuite et la lâcheté sont toujours punies. » (J’ignorais – et j’ignore toujours aujourd’hui – quels étaient ces êtres bêtes, méchants et lâches qui lui inspiraient une telle aversion, et j’ai idée que c’est préférable…) Puis il y eut cette constatation émise sur un ton désabusé : « On ne remplit pas le vide avec du vide. » Phrase énigmatique dont je n’ai toujours pas percé le mystère, plus de cinquante ans plus tard, mais qui m’apporte toujours une sorte de réconfort quand il m’arrive de l’évoquer…


Et pendant ce temps, je pédalais frénétiquement pour lancer la Singer à plein régime, guettant le moment de voler le cahier.


Les caractères imprimés ne commençaient à revêtir du sens pour moi que depuis peu. La raison de cette apparente précocité était des plus prosaïques : dans ma classe de maternelle, nous étions deux ou trois agités incapables de faire la sieste ; non seulement nous ne dormions pas mais nous empêchions les autres de le faire. Pour avoir la paix, l’institutrice avait imaginé de nous apprendre à lire et à écrire. Encore étais-je loin d’être capable de déchiffrer la totalité des mots qui me tombaient sous les yeux. Mais je faisais des progrès réguliers et, sous peu sans doute, je serais capable de lire d’une traite, en ayant tout compris, les deux volumes de la Nouvelle Bibliothèque Rose que j’avais déjà reçus en cadeau. Je m’y adonnais sans la moindre retenue, en permanence à l’affût du moindre morceau de texte à déchiffrer – avec plus ou moins de succès : étiquettes des bouteilles d’eau et de vin, noms des stations de métro, publicités placardées sur les flancs des autobus, plaques d’immatriculation (à commencer par celle de la voiture de mon grand-père, que je n’ai pas oubliée : 3795 PR 75)… Curieusement, je n’étais pas très attiré par les journaux ou les livres, sans doute intimidé par la densité de texte qu’ils contenaient. En tout cas, je lisais tout ce qui voulait bien s’offrir à moi, et je lisais avec émerveillement, comme seuls, ainsi que l’écrivait Richard Wright, peuvent s’émerveiller le naïf et l’illettré. Et c’est bien ce que j’étais : naïf et illettré.


Mais curieux également. Si le cahier de la Potvine me fascinait, ce n’était pas tant pour voir ce qui était écrit dedans que comment c’était écrit. En fait d’écriture manuscrite, sans parler de la mienne qui pour le moment ressemblait plutôt à un grossier assemblage de bâtons hétéroclites et baveux, je n’avais guère comme références que celles de mes grands-parents. L’écriture de ma grand-mère était remarquable, à faire rêver, grande, fine et un peu penchée vers la gauche. Une image inversée de ce qu’elle était en tant que personne : petite, ronde, se tenant très droite et ne supportant pas que les autres (à commencer par moi) n’en fassent pas autant. Combien de fois par jour me rappelait-elle à l’ordre : « Redresse-toi ! », « Tiens-toi mieux que ça ! », « Tiens-toi droit ! »... Avoir une écriture qui me faisait penser à une princesse, grande, altière, hiératique, mais toute de douceur, et être dans la réalité cette rase-mottes impatiente toujours prête à me faire rentrer sous terre d’un seul regard et à me cingler les cuisses à seule fin de me faire mourir de honte, il y avait là un écart entre l’idéal et le concret beaucoup trop large pour rester supportable indéfiniment. À moins que ce que je prenais pour une exception ne fût une règle. Voilà pourquoi il fallait absolument que je mette mon nez dans le cahier de la Potvine.


Le mécanisme de la Singer lancé à fond, j’exécutai mon plan avec une efficience quasi militaire : sang-froid, énergie, précision et rapidité. J’étais revenu devant la machine à coudre bien avant que la roue n’eût commencé à ralentir. J’ouvris le cahier au hasard. Premier constat : l’écriture de la Potvine n’avait rien à voir avec celle de sa nièce. Une petite écriture rabougrie, sèche et mesquine, pour le coup bien à l’image de celle qui l’avait tracée. Je n’étais pas capable de m’en rendre compte sur le moment, mais un adulte avisé eût sans doute pensé que c’était l’écriture de quelqu’un qui aime bien envoyer des lettres à la police.


Combien de fois, devenu grand, ai-je pensé à quel point j’aurais préféré que ce cahier garde, pour l’éternité, le mystère de son contenu… À d’autres moments, je me disais qu’il aurait tout aussi bien pu être, que sais-je, les souvenirs d’enfance de la Potvine – ses rêveries de jeune fille en l’an de grâce 1898, des recettes de cuisine, voire des poésies pornographiques obscènes à souhait ? À tout prendre même la pornographie serait restée acceptable, surmontable.


Mais depuis que j’ai compris ce que les pages de ce cahier contenaient, et cela fait à présent quelques décennies, je vis avec la certitude d’avoir eu entre les mains, ce jour-là, un objet d’une malpropreté indicible, corrompu et maudit. Oui, la Potvine écrivait à la police, et elle le faisait de façon préméditée et réfléchie. Ce cahier, c’était son cahier de brouillons. Elle envoyait à la police des lettres de délation qu’elle avait travaillées avec soin, dont elle avait patiemment rédigé les brouillons, de sa petite écriture nette.


Je n’eus le temps de lire que des bribes. Le sens de beaucoup de mots m’échappait. Je me souviens qu’en janvier 1942 elle écrivait au commissaire de police du quartier Necker, en avril 1943 elle s’adressait au préfet de police, en mai 1944 au chef de la Milice… Je me souviens qu’elle conseillait de « demander leur certificat de baptême aux… » (ici un nom de famille que j’ai oublié)... Je me souviens que dans un autre brouillon elle révélait qu’au 8 impasse du Mont-Tonnerre (elle-même habitait au 10), on était assuré d’en trouver « tout un nid » (je crus alors, dans toute la naïveté de mon jeune âge, qu’elle invitait ses correspondants à capturer des oiseaux)… Je me souviens qu’un peu plus loin il était question d’un certain R…, mercier de son état, qui, bien que paraissant irréprochable sous tous rapports, en était « certainement un, lui aussi ».


« Un quoi ? » me demandai-je lorsque la voix de la Potvine me fit sursauter :


– Espèce de petit poison, veux-tu lâcher ça tout de suite ?

– Nan ! braillai-je en me cramponnant au cahier qu’elle tenta de m’arracher.


Je ne m’étais pas rendu compte que la machine à coudre s’était arrêtée depuis un moment. Bien que n’ayant jamais eu d’enfant, la Potvine savait fort bien qu’un loupiot qui cesse soudain de faire du bruit est probablement en train de faire des conneries. Ma grand-mère, mue par la même intuition, était arrivée sur ses talons et commençait à me faire les gros yeux. Elle eut toutefois un réflexe de bon sens et interrogea la Potvine :


– Enfin, ma tante, qu’est-ce qu’il y a de si précieux dans ce vieux cahier ?


La Potvine se troubla :


– Mais rien… Enfin, si. Des souvenirs de ton oncle Alfred.


Ma grand-mère me regarda comme pour me demander confirmation, puis écarta cette idée, si contraire à ses principes sur la place que devaient tenir les enfants dans les échanges entre adultes. De toute façon je restai coi. N’ayant pas vraiment compris ce que je venais de lire, je ne pouvais guère contredire la Potvine.


– Rends ce cahier à la Po…, à la tante, mon petit garçon, dit ma grand-mère.

– Nan ! répétai-je en tapant du pied.


Les deux femmes se tenaient face à moi et me barraient le passage. Derrière elles, la fenêtre de la chambre était grande ouverte. Le logement de la Potvine était un quatrième étage sur cour. La cour en question était un vrai puits, étroite, sombre même par temps dégagé, revêtue d’un pavé verdâtre et pourrissant d’humidité, parsemé de flaques d’eau vineuse qui ne séchaient jamais. Entre les épaules de ma grand-mère et celles de la Potvine, j’avais une fenêtre de tir idéale. Elles firent chacune un pas vers moi pour me prendre le cahier. Je le lançai alors de toutes mes forces. Le cahier vola par la fenêtre et, après quelques secondes d’un silence consterné, nous l’entendîmes s’abîmer au fond de la cour avec un « FLAC » qui résonne encore à mes oreilles.


La Potvine émit une sorte de couinement dont je ne saurais dire s’il était de désolation ou de fureur. Ma grand-mère fit alors peser sur ma minuscule personne ce que j’appelais, avec mon imagination de gamin, son « regard horrible ». Mon grand-père avait des yeux bleu acier (qu’il n’a d’ailleurs légués à aucun de ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, comme quoi ces histoires de gènes récessifs c’est bien de la foutaise, à mon humble avis), un de ces regards que toute une littérature vous présente comme froid, glacial même, pratiquement impossible à soutenir. Foutaises que ça aussi. Ma grand-mère avait des yeux bruns très foncés, et dès qu’il y brillait la moindre lueur de colère, de mépris ou d’impatience, ça n’était pas loin de me coller la chiasse. Je dois dire que même les adultes ne se sentaient pas à leur aise devant ce regard… Il n’y a vraiment que dans des yeux sombres que l’on peut lire la cruauté et la soif de domination à l’état brut. Et à ce moment précis le « regard horrible » de ma grand-mère m’apprenait que la menace devenait promesse : j’allais être battu.


Je reçus ma « bonne trempe » en serrant les dents et sans verser une larme. Qu’on n’y voie aucun courage. Pendant que les claques pleuvaient sur mes jambes la Potvine, mal assurée sur les siennes, indemnes mais nonagénaires, s’était résignée en geignant à descendre récupérer son précieux cahier. Je ne pouvais m’empêcher d’avoir un peu pitié d’elle, et pendant que je m’abandonnais à cette fugace compassion j’avais l’impression de moins sentir les coups. Mais quand après un long, très long moment, la Potvine reparut, elle était blême de rage. Un seul coup d’œil au cahier révélait qu’il avait morflé : il avait dû atterrir dans une flaque d’eau. Ma grand-mère, qui avait cessé de me corriger bien avant le retour de sa tante, jugea que le moment était venu pour nous de prendre congé, et le dit à la Potvine.


– C’est ça, ragea celle-ci, fous-moi donc ton camp avec ce petit rejeton de youpin !


Le regard horrible se fixa sur la Potvine qui sembla se décomposer quelque peu.


– Ma tante, si tu dis ça encore une seule fois, tu ne me reverras jamais ! énonça nettement ma grand-mère.


Mon expérience cuisante du moment m’indiquait qu’elle était toujours en mode promesse. Et ladite promesse ne pouvait que terrifier la Potvine : elle n’avait ni enfants ni amis, ses frères et sœurs encore vivants avaient cessé de la fréquenter depuis longtemps, ses autres nièces et neveux la boycottaient assidûment… Ma grand-mère restait la seule de la famille à se soucier encore de son existence. La Potvine se mit à pleurnicher :


– Je suis qu’une pauvre vieille, seule comme un chien…

– Au revoir, ma tante, fit ma grand-mère d’un ton bref.


Elle lui tourna le dos, me prit par la main, et nous quittâmes dignement l’antre de la Potvine.


Nous cheminions vers la station de métro Falguière. J’étais tourmenté par une grave question. Je levai la tête vers ma grand-mère et lui demandai ingénument :


– Dis, Mémé, c’est quoi un youpin ?


Elle s’arrêta net et me colla une claque sur les fesses. Puis, se penchant sur moi :


– Je ne veux plus jamais t’entendre dire ce mot, sinon je te fous une trempe carabinée.


Comme je sortais d’en prendre, je fermai mon bec. Mais à peine la rame de métro avait-elle démarré que je me mis à pleurer. Je crois n’avoir jamais autant chialé de ma vie. En sortant de la station Abbesses, je sanglotais encore. Les traces de la volée que j’avais reçue disparaissaient assez vite de mes jambes, contrairement à mes craintes, mais cela ne me fut d’aucune consolation. Je dégoulinais de larmes et de morve, sous les regards apitoyés de quelques voyageurs. Ma grand-mère, qui savait se montrer parfaitement hermétique aux jugements et opinions d’autrui, gardait les yeux fixés droit devant elle. Une fois ou deux, le regard horrible entra en action et fit se replier les bonnes âmes compatissantes et scandalisées par le spectacle du petit martyr hoquetant, qui sur son tricot, qui derrière son journal. Inlassablement, ma grand-mère tirait de son sac à main des mouchoirs (des vrais, en tissu – elle en trimballait toujours une cargaison quand elle m’emmenait avec elle). À peu près à mi-chemin du trajet, elle approcha un mouchoir propre de mon nez, en me disant, sur son ton habituel de philosophe désabusée :


– C’est ça, mon petit garçon. Pleure, tu pisseras moins.


Bien plus tard, devenu adulte, je me suis demandé si, parmi ces brouillons infâmes que la Potvine conservait pieusement, il n’y avait pas eu un courrier dénonçant l’époux de sa nièce préférée… Outre cette question qui restera à jamais posée, en subsistent d’autres également vouées à demeurer sans réponse : les lettres de la Potvine ont-elles été lues par leurs destinataires ? Ont-elles été prises au sérieux ? Combien de personnes ont été arrêtées, torturées, fusillées, déportées, massacrées, par sa faute ? On ne le saura jamais. Après sa mort, tous ses maigres biens ont été dispersés. Je n’ai plus jamais revu le cahier de moleskine noire.


Ma grand-mère retourna une fois ou deux voir sa tante, sans moi. Dans les premiers jours de juillet 1968, la Potvine tomba dans l’escalier de son immeuble. Elle mourut la nuit qui suivit son hospitalisation. Il paraît qu’elle n’a pas souffert.


 
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   Anonyme   
23/9/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Eh bien, chapeau. J'ai trouvé cette nouvelle intense, crédible et fort juste de ton.
Le narrateur est adulte, ce qui permet un niveau de langage soutenu, mais évoque un souvenir d'enfance qu'il éclaire de sa compréhension d'adulte ; exercice difficile, moi lectrice je pourrais me ficher des sentiments dévoilés, estimer les pensées relatées de l'enfant en décalage par rapport à son âge ou dérisoire ce qui le préoccupe. Pas du tout, ses affres m'ont remuée, et je pense qu'un élément qui a permis cela est le regard sans complaisance ni mièvrerie, mais non dénué de tendresse, de l'adulte qu'il est devenu. Je répète : chapeau. Pour moi, vous avez touché dans le mille. Et puis le récit m'a paru très bien écrit, clair, sa trajectoire bien dessinée, avec de l'humour.
Une seule chose m'a chagrinée, la facilité avec laquelle le mioche qui ne maîtrise pas encore vraiment la lecture déchiffre une écriture manuscrite qu'il découvre. Mais bon, disons qu'il est super fufute et très motivé.

J'ai apprécié aussi que les questions soulevées par la lecture du carnet ne soient pas résolues, à mes yeux ce mystère persistant a quelque chose d'élégant, voire de philosophique. La vie est ainsi, on comprend des choses, on lève un coin du voile, mais autrui demeure pour l'essentiel opaque.

   Ingles   
24/9/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,

Votre récit est une histoire terrible mais si bien narrée. J'aime beaucoup ce regard d'enfant mêlé à celui de l'adulte qu'il est devenu, sur un épisode en apparence anodin d'une visite familiale.

Une atmosphère matérielle dépeinte de façon juste et un arrière plan, mémoriel (?), familial, historique, qui s'étend sur quasiment un siècle, riche et efficace.

Tout est cristallisé, le rapport de l'enfant aux adultes de sa famille, les décalages de générations et de codes, les tensions que l'enfant percevait dans les rapports entre les personnes, le carnet de l'arrière-grande-tante et ses secrets enfouis. Je ne serai pas surpris que cela constitue l'acte fondateur pour le narrateur devenu écrivain !

Votre écriture est fluide. Une belle réflexion sur la lecture et l'écriture. Quelques aspects confus, le paragraphe sur le grand-père Henri, où on se perd un peu sur qui est qui (tante, belle-mère, arrière-grand-mère...). J'ai un peu de mal avec les termes vulgaires, mais ils ont bien leur place pour rappeler la violence des rapports des personnes entre elles et la violence de l'Histoire.

Au plaisir de vous lire !

Inglès

   cherbiacuespe   
16/10/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Formidable aveu d'une honteuse parenté. Certes pas au niveau d'un Goebels, mais que sont censé faire ceux qui succèdent avec un tel héritage. Je me suis moi-même posé cette question (y a-t-il, dans ma filiation, des coupables ?) et rien ne permet d'y répondre. Heureusement ou pas. La filiation est une chose, la personnalité en est une autre, et nous sommes tous différents, quelle que soit la parenté.

Texte d'une redoutable profondeur, qui remue les tripes.

Bien construit, écrit, réfléchi, étape après étape, on progresse vers une inéluctable déception qu'on se surprend même à refuser d'en deviner l'issue. Un régal de lecture.

En EL

   Anonyme   
15/10/2022
Bonjour Johan,

La moleskine est une toile de coton tissé serré, recouverte d'un enduit flexible et d'un vernis souple imitant le grain du cuir avec l'aspect d'un velours rasé, d'une peau de taupe (mole skin en anglais). Cette toile est largement utilisée en France pour fabriquer des vêtements de travail en raison de sa solidité.

Wikiblabla

24.000 signes, faut se les taper ! Allez, même pas peur !

Tout commence par une visite chez l’affreuse vieille tante Potvine, d’un intrigant cahier à la couverture de moleskine et d’un grand-père qui aime autant sa femme qu’un infirme aime son moignon. Ca digresse pas mal avant d’en arriver au cœur du sujet : l’attrait du narrateur pour ce cahier mystérieux et de sa stratégie pour s’en emparer. On repart sur des anecdotes qui font traîner un peu le suspens avant que le gamin ne se lance dans son plan à la machine Singer. Nous allons enfin savoir ce que recèle ce fameux cahier. Des horreurs de dénonciations collabos. C’est rigolo parce que j’avais pensé une seconde à des lettres comme dans Le Corbeau genre médisances sur le voisinage pour se venger ou discréditer. J’étais pas loin !

Le gamin récolte sa raclée. L’antisémitisme est de sortie et la vieille salope de larmoyer, ainsi le mélodrame renvoie enfant et mère-grand dans leurs pénates. La conclusion nous annonce la mort de l’horrible bonne femme.

Bon je m’attendais à un twist final plus puissant ou qu’on me laisse sur un questionnement troublant. Le seul qui me vient à l’esprit c’est pourquoi cette vieille bique a-t-elle gardé un truc aussi compromettant chez elle ?

C’est une bonne nouvelle, j’ai vraiment pris du plaisir à la lire et merci à toi de nous l’avoir proposé gratuitement.

Anna

   Jemabi   
15/10/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément
Un texte superbe à tous points de vue, tant sur le plan formel que dans l'évocation du souvenir d'enfance. On est d'abord pris par le mystère qui entoure le cahier de moleskine pour ensuite, une fois le mystère éclairci, être saisi d'effroi par ce qu'il révèle, cette part de secret enfoui dans bien des familles françaises. Une façon intelligente d'évoquer la guerre et sa part d'ombre. J'ai pris grand plaisir à me plonger dans cet univers très "vieille France", ces personnages dont la mentalité peut paraître aujourd'hui surannée, où se mêlent liens familiaux et haines viscérales et où les enfants n'ont guère droit à la parole. Le tout est parfaitement bien rendu.

   Angieblue   
15/10/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
J'ai trouvé les caractères féminins extrêmement bien décrits. On pense forcément à "la folcoche" d'Hervé Bazin.
C'est glaçant et on reconnaît également l'éducation stricte d'avant quand les enfants n'étaient pas roi.
Donc bravo pour cette maîtrise de l'art de la description, c'est ce qui me semble le plus difficile en littérature.
Les différentes actions aussi sont minutieusement décrites. C'est riche en détail et on visualise facilement les scènes.
Deux personnages féminins complexes: la grand-mère et l'arrière grand-tante "la potvine". Laquelle est la plus ignoble ?
Le "regard horrible", je l'aurais bien attribué à la Potvine en raison de son antisémitisme. : " Il n’y a vraiment que dans des yeux sombres que l’on peut lire la cruauté et la soif de domination à l’état brut".
L'antisémitisme, c'est ce que la Potvine a de plus que l'autre mégère. D'ailleurs, j'aurais aimé voir de l'humanité dans le regard de la grand-mère suite à la scène où le mot "Youpin" est lâché. Mais non, rien !
Mais, sa réaction traduit son rejet et sa désapprobation.
On devine que l'enfant est juif du côté de l'un de ses deux parents. Enfin, ça reste flou...La grand-mère l'est-elle aussi ? On peut se le demander...Y-aurait-il un rapport avec le passage sur les yeux bleus du grand-père qui m'a semblé un peu inutile et gratuit ? Enfin, ce passage m'a un peu embrouillée...j'y ai déjà fait référence plus haut.
En ce qui concerne l'âge de l'enfant, il m'aurait semblé plus crédible qu'il ait 7 ans ou 6 ans. Là, vu sa taille, il doit avoir 4 ans ou 5 ans.
En somme, j'ai apprécié ma lecture. Je n'ai pas du tout ressenti la longueur du texte . ça se lit d'un trait quand la qualité est là. J'en aurais même voulu plus.

   alvinabec   
15/10/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Johan,
Une petite goutte d'éternité bien enlevée, écriture délicieuse, tempo fluide, tout ça fonctionne très bien.
Ressort de l'intrigue somme toute assez classique, il semble que vous vous êtes fait plaisir à l'écriture du texte, tant mieux.
A vous lire...

   papipoete   
15/10/2022
bonjour JohanSchneider
Bien que les 24000 signes m'aient immédiatement dissuadé ( j'en profite pour tirer mon chapeau pour cette avalanche de caractères ! ) je me suis aventuré sur le chemin de cette aventure, autour d'un cahier forcément secret, puisque très bien caché !
le héros qui réussit à s'en emparer, pourrait y trouver des images scabreuses, ou autres billets-doux entre amants ? Non, ce n'est rien de tout ça ! seulement de la délation à l'ennemi, sur ces gens qu'on nommait " youpins "... Une Grande Inquisition ( sans le terme Sainte )
NB je ne me souviens pas ( trop d'écriture me fait perdre le fil ) de la subtilité de chaque ligne, mais la méchanceté de la " Potvine " envers cet enfant, sa cruauté se découvre peu à peu.
Je ne suis pas qualifié pour apprécier ce récit, aussi effrayant que si riche de souvenirs douloureux, si bien exprimés.
Mais je n'en dirai aucun mal, ne m'étant aucunement ennuyé, seulement perdu sans petits cailloux blancs.

   Cyrill   
15/10/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Johan,

J’ai beaucoup aimé ce regard d’adulte qui revisite, avec sa compréhension d’adulte, un épisode de son enfance, et qui révise et réajuste son jugement à la lumière de ses connaissances et de ses valeurs.
Malgré la gravité de ce qui est évoqué, la délation sous l’occupation, le narrateur se tient à une certaine distance de l’émotion grâce à l’ironie un peu grinçante avec laquelle il relate ses souvenirs. Cette ironie porte autant sur l’enfant qu’il était que sur ses proches parentes, et que sur l’épisode en question.
Grâce à ces aller-retours entre la pensée enfantine et la pensée mature, on assiste à la scène par les deux focales.
J’ai apprécié aussi que cette arrière grande-tante ne soit pas que mauvaise, qu’elle ait pu avoir des comportements respectables voire courageux, comme nous le montre la scène rapportée dans le métro. Nous évitons donc ici le manichéisme.
Tout comme j’ai apprécié que demeurent des questions sans réponses, que le narrateur lui-même ne tient pas tant que ça à tirer au clair : c’est humain.
Une bonne écriture, au service de l’histoire, merci pour la lecture.

N.B. Un détail m’a ennuyé :
« Mon grand-père avait des yeux bleu acier (qu’il n’a d’ailleurs légués à aucun de ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, comme quoi ces histoires de gènes récessifs c’est bien de la foutaise, à mon humble avis) … ». Ben justement, si les gènes sont récessifs, normal qu’il ne les ait pas légués, ses yeux acier, non ?

   Malitorne   
16/10/2022
 a aimé ce texte 
Bien
L’histoire est bien écrite malgré des passages parfois un peu alambiqués, le thème saisissant bien qu’à mon sens il souffre d’une grosse incohérence : pourquoi la Potvine a gardé ce cahier ? L’épuration, la chasse aux collabos après la libération auraient dû par mesure de prudence la pousser à le faire disparaître. Quelque chose ne tient pas la route ici, ou bien il faut se persuader que la vieille est tellement ignoble qu’elle reste fière de ses méfaits. Du coup on frôle la caricature, plus de subtilités auraient été bienvenue. Les antisémites ne sont, hélas, pas toujours d’affreuses personnes.

   plumette   
17/10/2022
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
j'ai trouvé cette nouvelle un peu trop diluée par rapport au point central.
Cette horrible arrière grande tante que l'enfant, intuitivement, déteste est une délatrice de la pire espèce alors même que sa nièce est mariée avec un juif. L'enfant ne comprends pas tout, mais avec le recul et la connaissance, il saura qu'il vient de vivre ce jour là un moment fondateur.
Sur le plan narratif, le fait de revisiter le souvenir avec désormais le recul de l'adulte est un bon procédé.
A mon goût, il y a trop de digressions qui nous éloigne du coeur de la nouvelle ( les culottes courtes par exemple ou alors toutes ces phrases que l'enfant a retenu qui m'ont semblée être là pour faire plaisir à l'auteur)
il y a une écriture soutenue, agréable, qui colle bien à l'époque.
Mais je suis très surprise que la tante ait conservé ce cahier après la libération et l'épuration! Même si elle ne se renie pas, ce qui est évidement le cas vu ses propos, elle aurait pu craindre d'être découverte!

   hersen   
19/10/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
C'est une très bonne idée que d'avoir placé l'adulte narrateur du petit garçon qu'il avait été. Il y a, tout au long de la nouvelle, un langage très crédible quant aux corrections infligées au gamin, qui d'ailleurs semblait les recevoir avec philosophie. ça lui chauffait les cuisses, mais finalement, ça chauffait aussi sous son petit crâne.
La nouvelle raconte une histoire du hasard, celle de l'enfant découvrant ce secret vraiment énorme et tentant d'en extraire des bribes.
La noirceur de la Potvine, dont on connait peu de chose finalement, à part cette énormité et son caractère de cochon et la candeur du petit garçon qui, sans le savoir, est au centre de cette haine, est habilement relié par la grand-mère.
On entre ici dans un secret de famille, sans trop savoir jusqu'à quel point, et pour quels membres, c'était un secret.
L'ambiance diffuse, délétère, est tout à fait bien retransmise.
le contraste de la "couleur" de la nouvelle est très réussi, entre le sombre d'un personnage et la lumière de l'enfance.
Merci pour la lecture.

   Louis   
19/10/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Cette nouvelle constitue le récit d'une découverte par un enfant de la lecture et de l’écriture, entre émerveillement ( « je lisais avec émerveillement, comme seuls, ainsi que l’écrivait Richard Wright, peuvent s’émerveiller le naïf et l’illettré ») et horreur du pouvoir de l’écrit poussé jusqu’à l’odieux ; de l’image à la lettre, de l’image au sens et à la signification.

Le texte commence par la rupture avec l’image, une image picturale : « Mon arrière-grand-tante Eugénie-Émilie, dite Potvine, ne pouvait pas me voir en peinture ».
Le narrateur-enfant se trouve ainsi réduit à une image, et refusé en tant qu’image.
Il n’est pas "sage comme une image’’, mais vu comme un enfant turbulent et perturbateur.
Il ne répond pas à qui est censé être une image, avec pour caractères la fixité, l’immobilité, par sa présence mobile, agitée, cinétique.
Mais il n’est pas conforme non plus au modèle, au cliché, à "l’image d’Épinal’’ de ce que doit être un enfant, selon les mœurs de l’époque et les préjugés de la grand-tante.
L’enfant ne répond plus à une image.
Il devrait être "image’’ pourtant, c’est bien ce que signifie paradoxalement la grand-tante. C’est bien ce qui lui est reproché : de n’être plus une image.
Or, "être une image", au sens de la grand-tante, c’est n’être rien. C’est ne pas exister, s’effacer, comme n’être rien. Sans vie et sans être vu. Une image comme un décor passif sur un mur, que l’on ne voit plus, que l’on ne remarque plus.
La grand-tante veut exister, sans altérité.

Ce qui est reproché à l'enfant, donc, c’est de n’être plus une image, de n’être plus une peinture, devenue invisible et sans vie. C’est d’avoir quitté le monde calme des images.
Le désir de la grand-tante n’est pas de favoriser le passage de l’image à l’écrit, c’est de rendre l’enfant « insignifiant », négligeable, et hors de tout signe, image ou parole. C’est de l’expulser du monde signifiant. Il est remarquable aussi qu’elle ne l’appelle jamais par son prénom. Il est désigné par : « celui-là ».

La grand-tante « potvine », à l’inverse, est présentée comme saturée de sens. Très signifiante.
À commencer par son nom : « Potvine », objet de "duplicités et hypocrisies verbales".
Ce qui fait sens, chez elle, ce n’est pas l’image, mais les signes oraux et les écrits.
Ce qui est remarquable, et remarqué par l’enfant, c’est un cahier, plein d’écrits, plein de sens, mais un cahier dissimulé.
L’enfant veut entrer dans le secret du sens que recèle l’écriture, dans toute l’épaisseur de la signification. Lui qui, on lui a fait savoir sèchement, n’appartient plus au monde de l’image, qu’il n’aurait pas dû quitter.

À ce refus d’être « vu », tel qu’il est avec ses « défauts », et pourtant sous surveillance, l’enfant oppose la vision de ce qui ne se voit pas immédiatement, dans le règne du signe ; on ne veut pas le voir, mais lui veut voir, veut rendre visible. Il n’est plus dans le monde de l’image, qui montre immédiatement, mais dans celui des signes et des symboles.
Il ne veut pas se rendre visible, mais rendre visible. Ou plutôt, se rendre visible, exister, en rendant visible ce qui se cache, ce qui se dissimule.
Il est, dit-on de lui, « d’une curiosité déplacée »,
Si l’image rend immédiatement visible une chose, si elle est présence immédiate de la chose dans le visible, il n’en est pas de même pour l’écrit.
L’écrit cache le visible et l’invisible, et il faut apprendre à le lire pour que le visible apparaisse, et rendre visible l’invisible.
C’est pourquoi il veut la voir, elle, sa grand-tante, dans son écriture.

« Un vieux cahier noir » l’intéresse particulièrement, objet doublement caché.
En lui-même, le cahier dissimule des mots écrits, des graphies, des lettres tracées.
En tant que cahier fermé, il n’est encore qu’une image. Mais il faut l’ouvrir et le lire. Passer de l’image à la lettre. Et de la lettre à l’image. Quelle image révèle-t-il de la grand-tante ? Que dit-il de cette femme ?
Il cherche son point faible, une faiblesse qui lui donnera un avantage dans le rapport de force établi avec elle.

Celle-ci, en effet, n’envisage les rapports humains qu’en tant que rapports de forces.
Dans ses relations avec le narrateur, elle fait preuve de « crises d’autorité » ; l’enfant doit se soumettre à la supériorité et aux exigences de l’adulte. Mais toute relation humaine, et pas seulement celle entre les "grandes personnes’’ et les enfants, est conçue comme rapport de pouvoir par la grand-Tante.
Ainsi, dans l’une des sentences qu’elle profère, entendues par le narrateur et qui le marqueront, sans qu’il y prête pourtant attention, elle déclare : « Dans la vie y a que deux sortes de gens : les paillassons et ceux qui s’essuient les pieds dessus ».
Les humains se divisent, selon elle, en puissants et soumis, en forts et faibles, en dominants et dominés. Les forts sont « propres », d’une propreté gagnée aux dépens des faibles, qui sont « sales », salis, dépositaires de la crasse des puissants.
La condition originelle de l’humanité serait la « saleté ». Il y a ceux qui se nettoient de cette noirceur, de cette crasse originelle, et ceux qui ont pour fonction le décrassage, foulés aux pieds, méprisés, embourbés dans la fange des puissants. Son système de valeurs est axé autour de l’opposition et de la discrimination entre le "propre" et le "sale".
Elle enferme les humains dans une alternative : pas d’autre choix : soumettre ou se soumettre ; se décrotter ou s’encrotter.
Le terme « paillasson » a son importance : "paille à son’’ : s’entend-il. Une paille : un presque rien ( comme l'est un "feu de paille’’), une misère, ( comme "être sur la paille’’) et le son, sonore : le son présupposé n’être qu’expressif, expression de douleur et de plainte, mais non significatif. Ceux qui sont des « paillassons » ne font pas sens, ils ne sont rien, des êtres misérables et "insignifiants’’.
Or le narrateur-enfant est présupposé « sale » :
« Je ne veux pas qu’il promène ses pattes sales partout comme chaque fois ».
Il ne peut que « salir », dévaluer, et la réduire, elle et son habitat, à un « paillasson »
En conclusion, elle ordonne : « Tu te tiens tranquille et tu ne touches à rien »
C’est-à-dire : sois une image inerte, la reproduction fidèle du modèle de "l’enfant sage’’, et fais-toi oublier.

La grand-tante aime les images, et fait usage d’images métaphoriques. Ces images qui reflètent un modèle type, une essence invariable, comme l’image du « paillasson », concrète représentation de l’essence même du « sale ».

Mais quelle est son image à elle ? C’est ce que l’enfant voudrait découvrir dans le cahier de moleskine noire.
Par ressentiment et vengeance, par désir de trouver une faiblesse chez la grand-tante, l’enfant veut la voir « en image », en "peinture". Est-elle ce qu’elle montre d’elle ?
« Si le cahier de la Potvine me fascinait, ce n’était pas tant pour voir ce qui était écrit dedans que comment c’était écrit » : déclare le narrateur.

L’enfant a compris que l’écriture graphique, avant d’avoir une signification référentielle, offre l’image de son scripteur. Par une pertinence graphologique instinctive, il avait déjà effectué un constat à propos de l’écriture de sa grand-mère, qui rendait une « image inversée de ce qu’elle était en tant que personne »
L’écriture lui apparaît comme un miroir du corps : « grande, fine et un peu penchée sur la gauche », un substitut du corps, de son comportement, mais aussi du caractère psychologique : « toute de douceur ».
Ce même décalage, entre « l’idéal et le concret » est-il constatable à propos de l’écriture de la grand-tante ?

C’est une machine à coudre qui va permettre à l’enfant de s’emparer du cahier. Ce n’est pas anodin.
Écriture et couture sont associées.
La machine est de marque « Singer », et se lit comme le verbe singer ; la machine à coudre imite, singe l’écriture.
Écrire, c’est nouer des liens entre les lettres, c’est construire une trame signifiante ; c’est coudre ou tisser une étoffe, et l’on sait la proximité sémantique entre « texte » et « tissu » ( « texte » a pour étymologie le mot latin "textus’’ : "tissu, trame ")

Sa quête de l’écriture cachée s’avère donc aussi la recherche d’une couture.
Il est très préoccupé par les « culottes courtes » qu’on lui fait porter, « motif de rancœur lancinante et vivace ». Elles sont perçues comme un signe de soumission et d’infantilisation, « le diktat du costume » lui paraissant : « le symbole du pouvoir absolu que détenaient les adultes sur les enfants ».
Lire ce qui est écrit, ce qui est cousu, est donc encore une rébellion contre le pouvoir des adultes, celui de sa grand-tante comme celui de sa grand-mère.
S’approprier ce qui est cousu, le texte écrit du cahier, c’est symboliquement s’habiller, se vêtir d’un pantalon de "grand’’, d’adulte ; c’est pallier sa faiblesse, et se donner du pouvoir.
Il fallait donc découvrir le cahier pour s’en couvrir.
Lire revient à déchiffrer, mais aussi à découdre, dans la reproduction symbolique de son acte de découdre ses ourlets : « Je me livrais à toutes sortes de tentatives de sabotages ingénieux pour découdre les ourlets et gagner un ou deux centimètres de longueur ».
L’enfant veut aussi ''en découdre’’.
Il est entré en plein dans le monde des signes, et donc du symbolique. Ses culottes courtes sont un symbole, elles signifient son infériorité, de même que ses jambes nues : « mes petites jambes restaient découvertes et exposées, ce que je trouvais insupportablement mortifiant », et de plus elles se prêtent à des marques infamantes, à des lettres rouges, comme une écriture : «des claques appliquées avec compétence sur les cuisses nues y laisseraient des marques rouges, durables » où pourraient se lire son humiliation.

À l’ouverture du cahier, recouvert de sa chemise noire, de sa veste noire de moleskine, apparaît à l’enfant, dans cette mise à nu, l’image graphique de sa grand-tante, fidèle cette fois à sa psychophysiologie : « une petite écriture rabougrie, sèche et mesquine, pour le coup bien à l’image de celle qui l’avait tracée ».
C’est pour lui sans grande surprise.
En revanche, l’horreur et l’incompréhension naît, quand les lettres graphiques laissent place aux lettres-missives, quand s’impose l’image odieuse de cette grand-tante à laquelle renvoie, non plus le graphisme, mais la signification des écrits.

La mise à nu, cette dé-couverte du cahier, va s’avérer choquante, obscène, plus obscène que la « pornographie ».
La lettre place une image sur le devant de la scène ( "l’ob-scène’’), qui aurait mérité, tant elle est crue, de rester hors scène, cachée, voilée.

Ce qui se révèle, partiellement et confusément chez l’enfant, dans ces brouillons de lettres de délation que la grand-tante a conservés, c’est l’image d’une femme de pouvoir dominateur, qui a participé, dans l’ombre, lâchement, à la volonté d’éliminer les juifs, les ’’sales’’ juifs, les juifs, répondant tous, selon son mode de penser, au modèle essentialiste du "malpropre’’ et du "malfaisant’’.
Par ses dénonciations, elle a rendu visibles ceux dont la judéité n’apparaissait pas suffisamment aux yeux du pouvoir, et les a exposés à leurs cruautés de "purificateurs’’.

L’enfant découvre encore que l’écrit, comme tout langage, est une "adresse à’’, s’inscrit nécessairement dans une interlocution ; qu’il est un acte aussi, et s’avère "performatif’’, et qu’en tant que tels, il peut être un instrument de pouvoir.

Il ne veut donc pas lâcher ce cahier, comprenant confusément qu’il détient entre ses mains un pouvoir, un pouvoir qui pourrait se retourner contre sa grand-tante. Il préfère le jeter par la fenêtre plutôt que de le rendre, plutôt que de se soumettre sans résistance. N’était-ce pas d’ailleurs un cahier à jeter ?

L’enfant devenu adulte considère qu’il a tenu entre les mains une chose « malpropre » : « « je vis avec la certitude d’avoir eu entre les mains, ce jour-là, un objet d’une malpropreté indicible, corrompu et maudit ».
Il ne rompt pas avec l’axe de valorisation de la grand-tante entre le propre et le sale, ( avec les relents qu’il véhicule du "péché’’ de la "souillure’’, de la "tache’’ ) il inverse seulement le jugement de valeur : le malpropre n’est pas dans ce qui est dénoncé, mais dans l’acte de délation et son auteur.

La grand-tante n’a apparemment jamais renoncé à voir dans son cahier un acte de nettoyage et de purification, comme l’atteste le lieu où elle l’a entreposé : « dissimulé sous une pile de gants de toilette ». Que serait-il de plus qu’un instrument de toilettes parmi d’autres!
Prudente pourtant, elle ne l’exhibe pas, elle le « dissimule », mais ne le renie pas, le conserve comme témoin d’un passé de force et de puissance.

L’anecdote contée sur son comportement dans le métro pendant l’occupation, dans la cohérence d’ensemble de la nouvelle, ne révèle pas une hostilité à l’égard du pouvoir de l’occupant nazi ; en mouchant un « jeune officier allemand », elle s’en prend juste à un individu singulier qui ne lui a pas laissé de place assise, comme elle aurait fait avec n’importe quel autre jeune homme, officier ou pas, allemand ou pas. Elle refuse juste de se « laisser marcher sur les pieds », de n’être qu’un « paillasson ». Mais elle veut avoir sa place, elle veut occuper une place plus généralement dans la lutte contre le « sale », et l’officier qui lui refuse une place dans le métro fait partie de ce qui est « sale », c’est un : « merdaillon ».
Alors que, selon l’une de ses propres sentences : « Les femmes sont des pas-grand-chose et les hommes des rien-du-tout », elle a voulu ne pas être rien ; elle a voulu exister, en propre. Elle a voulu faire de sa faiblesse, une force, dans la haine et le ressentiment ; elle a confondu puissance d'exister et puissance de dominer.

Merci pour ce texte au contenu intéressant, à de multiples égards

   Anonyme   
28/10/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Je suis un peu gêné de passer après le commentaire fleuve avant moi. Il ne me reste pas grand chose a dire sinon que je me suis vraiment régalé a lire cette histoire de carnet caché avec une écriture que j'ai trouvé très professionelle. Bravo !

   senglar   
28/10/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Bonjour johanSchneider,


Pour disposer de mon libre-arbitre je n'ai pas lu le fil consacré à ce texte sachant que j'allais le commenter quand un créneau se présenterait. Je le lirai dans un deuxième temps.



Derrière Louis, que je lirai après aussi, je me fait tout petit et je sais que mon commentaire sera très loin d'être à la hauteur. J'ai l'impression de ne me contenter que de quelques pistes. Mea Culpa !


Où une méchante est bien ce qu'elle paraît être : une vraie méchante !
Et où une autre méchante est le contraire de ce qu'elle paraît être : l'équivalent - à sa façon - d'une "Juste". Je retiens aussi l'épisode du mouchoir mais je ne suis pas du tout alors dans le même ordre d'idées.

La première est aussi vilaine que la couverture de son cahier : la moleskine ; moi ce mot me fait penser à "balatum ", et "balatum" me fait penser à "vieilles savates", pieds qui traînent et sol usé aux trouées noires bordées de goudron.
Beurk !
La seconde n'est vilaine que, parce qu'à l'époque, tous les adultes étaient vilains, d'une vilenie domestique routinière où les enfants n'étaient pas des adultes en miniature mais appartenaient à une espèce inférieure qu'il convenait de codifier et qui n'auraient le statut d'adultes qu'après le service militaire ou le mariage selon le genre.
Bien vu le short ! D'ailleurs le pantalon était une étape, le signe qu'on était sur le chemin qui permettrait de passer à autre chose, une étape.

Cette histoire n'est pas très morale parce qu'elle est réaliste, c'est-à-dire que les méchants ne sont pas punis. La vraie méchante retrouve son cahier avant tout autre dans la cour (pas de justice immanente), elle meurt relativement paisiblement après une chute dans l'escalier qui n'est pas un juge de paix et encore moins un justicier. Il faut mettre à son crédit qu'elle déteste autant l'officier allemand impoli que ses malheureuses victimes. C'est donc aussi et beaucoup le Régime de Vichy qu'il faut mettre en cause ici.

La mise en place est un peu longue et on cherche un peu (répétition) qui est qui dans un premier temps par trop généalogique (grand-mère, arrière-grand-mère, tante, grand-tante et les autres... ; ), quelques pistes auraient pu pu être être données plus tôt quant à Henri, personnage bien complexe et bien mystérieux qui semble tombé du ciel, on ne dit rien de son histoire (pas facile et très délicat je sais, mais c'est vous l'écrivain donc à vous de vous débrouiller. lol) Mais (répétition) quand tout est en place - après le premier tiers du récit approximativement - cela fonctionne et même plutôt bien et on a un haut le coeur quand on comprend ce qu'est ce cahier à la couverture de moleskine.
Et l'on se dit qu'il est heureux que cette matière ait disparu.
On reconnaît que c'est du bon travail, de l'authentique. Le sujet ne permet pas de jubiler. On a passé un rude moment.

Il eût fallu prévenir en exergue : "ATTENTION CELA NE RIGOLE PAS !"


Senglar

   JohanSchneider   
29/10/2022

   Blitz   
3/11/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Superbe texte. Cela me rappelle le Sac de Billes de Josef Joffo. La façon de placer les phrases sur la Singer est très astucieuse et donne un rythme très agréable.
Comme écrit dans certains commentaires, il est un peu difficile d'imaginer un enfant aussi jeune puissant déchiffrer une écriture "en attaché". Il y a peut-être un truc à trouver pour le rendre plus véridique, ou vieillir un peu l'enfant (oui, mais les culottes courtes?).
Un bon moment de lecture, merci.

   placebo   
22/12/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour JohanSchneider,
J'ai d'abord lu quelques uns de vos commentaires en forum, puis les commentaires de votre autre nouvelle et suis arrivé ici.
Un texte qui rappelle des livres et une écriture d'une autre époque, très bien rendus.
Je ne connaissais pas "des heures de rang".
J'ai bien aimé le thème de l'écriture qui révélerait la personne, par une sorte de graphologie intuitive - je n'ai pas vécu la grand-mère comme d'autres commentateurs, pour moi son fond est bon. Les relations adultes-enfants sont bien traitées et à nouveau me rappellent de nombreuses lectures.
Bonne continuation,
placebo

   Marite   
23/12/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Agréable lecture d'une tranche de vie enfantine revue par l'adulte qu'il est devenu. L'écriture porte bien l'histoire sauf qu'à chaque fois que les parentés étaient évoquées, j'en perdais un peu le fil sans envie d'y revenir car ma curiosité pour la suite des évènements était prioritaire. La description des relations entre les personnages principaux est amusante car elle reflète ce qui est, très souvent une réalité au sein des familles. Ce cahier noir à la couverture de moleskine contenait le secret, peu avouable, de l'arrière-grand-tante ... pour quelle raison le conservait-elle ? Peut-être pour se rappeler le pouvoir et l'importance qu'elle détenait à l'époque avec son activité favorite : la délation. Reste qu'un mystère ne semble toujours pas éclairci pour l'adulte d'aujourd'hui au sujet de la disparition de son père quand il était enfant ...

   Tadiou   
1/1/2023
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un récit qui prend son temps, installe les ambiances et les actions; avec charme et parfois humour; à travers les yeux d'un enfant, revisité par l'adulte, ce qui est crédible grâce à une écriture adéquate et sobre.

Évidemment le(la) lecteur(trice) attend de savoir ce que contient le cahier; après s'être interrogé(e) sur le titre mystérieux de cette nouvelle (qui connaît la moleskine ?) Il (elle) est alors renvoyé(e) à des heures noires de notre Histoire. Et on tombe dans l'immonde.

Récit captivant et terrible. De la belle ouvrage.


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