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Fantastique/Merveilleux
jypel34 : Le grand bleu
 Publié le 19/01/25  -  3 commentaires  -  4154 caractères  -  19 lectures    Autres textes du même auteur

Comme il est difficile de créer !


Le grand bleu


Claude Faucheux était un peintre de renom. Du moins c’est ce qu’il croyait. Il s’était réfugié dans le luxe discret d’un hôtel à Gstaad, espérant que le calme alpin raviverait une inspiration vacillante. Sur le balcon, face aux cimes brumeuses, il tenait son pinceau d’une main et sa palette de l’autre. La montagne, majestueuse et silencieuse, semblait le défier de capturer sa beauté insaisissable.


Mais ce fut une tache bleue, infime et scintillante dans la neige, qui attira son attention. Une lumière étrange, presque surnaturelle, dansait sur le flanc de la montagne. Intrigué, il suspendit son geste, le pinceau à la main dans un doute presque religieux. Une chaleur oppressante l’envahit, comme si cette lueur avait touché quelque chose de profond en lui. Puis, soudain, elle disparut.

Était-ce un caprice de lumière ? Une hallucination née de son désespoir créatif ? Faucheux ne pouvait l’accepter. Une impulsion le poussa hors de sa contemplation. Abandonnant tout, il dévala les marches de l’hôtel, le cœur battant, comme s’il poursuivait un fantôme. Dans sa tête, il l’avait déjà baptisée : son « étoile bleue ».


Les rues enneigées de Gstaad étaient particulièrement animées à cette heure avancée de la journée. Le peintre bouscula au passage des badauds en goguette et des jeunes femmes élégantes, qui se pavanaient sous de lourds manteaux en fausse fourrure de zibeline. Mais Claude ignora les regards surpris et les éclats de voix. Seule, la lueur l’appelait, bien que son origine restât incertaine. Il atteignit les abords de la forêt, où les arbres enneigés formaient un tunnel mystérieux. Le silence s’épaissit. Chaque pas était une lutte contre la neige profonde et le vent mordant.

Quand il émergea enfin dans une clairière, elle était là. Une flamme bleue, éclatante et irréelle, semblait jaillir du sol comme une torche céleste. Faucheux s’approcha, mais la neige cédait sous ses pas, l’enfonçant jusqu’aux genoux. À bout de forces, il s’arrêta et contempla l’illumination, hypnotisé. Elle semblait vivante, palpitante, presque moqueuse.

De retour à l’hôtel, il tenta de recréer la couleur. Mais ni ses pigments ni son pinceau ne parvinrent à capter cette nuance. La toile, blanche et muette, le défiait. Dans un accès de rage, il la lança par-dessus la balustrade, ses espoirs s’écrasant dans la neige en contrebas.


Cette nuit-là, la lueur bleue hanta ses rêves. Lorsqu’il s’éveilla, il se précipita dans la forêt avec sa palette et son pinceau, comme un pèlerin en quête d’une révélation. La lumière était de retour mais elle avait changé de place et se situait à présent sur le flanc de la montagne comme une chandelle accrochée à un mur. Elle était bien trop loin pour qu’il puisse s’approcher davantage. Désespéré, il improvisa. Trempant son pinceau dans les pigments, il tenta de capturer la couleur directement dans le creux de sa main. Il courut ensuite vers l’hôtel, sa paume ouverte comme on tient un saint sacrement.

Mais, devant son chevalet, il fut incapable de reproduire cette teinte. Chaque coup de pinceau le ramenait à un échec. En proie à une frustration grandissante, Faucheux se jeta dans une frénésie destructrice. Il peignit, repeignit, puis, incapable de supporter son incapacité, balaya tout d’un geste furieux.


C’est alors qu’il vit les murs blancs de sa chambre. Une idée folle le traversa. Il se mit à peindre directement sur les murs, laissant son esprit guider ses gestes. Des scènes de vie, des paysages, des êtres fantastiques, prenaient vie sous son pinceau, dans un tourbillon de couleurs éclatantes.

À l’aube, l’hôtel entier avait été transformé en une fresque monumentale.


Lorsque les premiers rayons du soleil pénétrèrent dans la pièce, ils surprirent le peintre épuisé mais exalté en train d'apposer la dernière touche à son œuvre. Et dans la clarté naissante d’une aube hivernale, il se tourna enfin pour contempler le résultat de ses efforts. Mais quand il vit le fruit de son labeur, il ne put retenir un cri d’effroi où se mêlaient la terreur et la rage. Tous les murs de l’hôtel ainsi que le sol et les plafonds étaient recouverts d’une seule et unique couleur bleue.


 
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   Cyrill   
15/1/2025
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
Bleu comme la paix, la sagesse, l’immortalité, la Vierge... Il faudrait écouter ou lire Michel Pastoureau, historien des couleurs. « Bleu, histoire d’une couleur ».
Mais je m’égare… On a donc le choix de la symbolique. Toujours est-il que la couleur est présentée ici comme un Graal pour le protagoniste, je la comprends comme l’inspiration perdue.
Le peintre échoue dans sa quête de la beauté puisque les murs se révèlent, au matin de sa fièvre créatrice, peints en un bleu uniforme. Serait-ce à dire que l’art est une illusion, la création une chimère dont on se réveille le matin avec la gueule de bois ?
Le titre est le même que celui d’un film où il était question de plongées en apnée dans la beauté des fonds marins. On peut y voir une relation avec la recherche de l’artiste, cherchant en lui.
Sauf que j’ai vraiment du mal à me le représenter, cet artiste, à le voir en trois dimensions (Il a un nom à coucher dehors, ou du moins qui incite à la plaisanterie. Je trouve étrange ce choix d’auteur, sans me l’expliquer). Faucheux, un arachnide ? De ce que j’en lis, c'est un peintre lambda. On ne connaît pas son style, ni sa recherche artistique. On assiste à sa rencontre avec la lueur bleue, mais elle me semble un peu trop générique pour camper une personnalité. Le mysticisme me semble la seule vraie ligne directrice dans ce récit, et cette notion est exploitée a minima, dans sa seule dimension visuelle.

   Cornelius   
21/1/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
Bonjour,

Cette nouvelle aurait-elle été inspirée par l'oeuvre du peintre Yves Klein, le créateur du bleu qui porte son nom IKB. Ses bleus monochromes étant eux mêmes inspirés par la couleur bleu outremer.
Rien à voir cependant avec le film de Luc Besson.
Ici il s'agit des profondeurs de la forêt et de la montagne.
Un autre titre aurait peut-être mieux convenu, mais cela n'est bien sûr qu'un avis personnel.

   Cleamolettre   
21/1/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour,

J'ai bien aimé cette quête frénétique d'une flamme qui, pour moi, est celle de l'inspiration. Le crescendo est bien là, dans une sorte de fièvre de recherche qui se heurte à une voie sans issue : que la flamme bleue soit toute proche ou plus lointaine, et malgré les obstacles (la neige profonde, etc.), le peintre s'y accroche comme à un dernier espoir, celui de voir jaillir, enfin, son oeuvre.
Le titre me laisse penser qu'il se plonge en apnée dans sa frénésie de peinture, croyant tenir une fresque monumentale, avant de constater qu'il s'est noyé dans la couleur de la flamme.
A trop vouloir être inspiré nait une obsession dans laquelle on se noie ? Si telle est la morale voulue, elle est bien rendue. Ainsi que le rythme et le style qui permettent d'être embarqué dans le tourbillon.

Ce qui me manque peut-être est de mieux connaitre ce peintre, son passé, son oeuvre précédente, sa vie, ce qui l'anime et le détruit. Avec le peu indiqué, je me sens plus dans une allégorie qui pourrait arriver à n'importe qui que dans l'histoire particulière d'un personnage susceptible de m'émouvoir.


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