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Sentimental/Romanesque
KarlRuhe : L'autre, celui qui est parti avec l'amour
 Publié le 10/10/12  -  6 commentaires  -  9802 caractères  -  98 lectures    Autres textes du même auteur

Voyage professionnel à Lugano. Un homme se rend compte du vide qui le sépare de sa femme.


L'autre, celui qui est parti avec l'amour


La chambre d’hôtel semble inhabitée, nous y passons juste, pas le temps d’y faire un nid d’amour. Parfait, la chambre est froide, nous sommes à Lugano pour des raisons professionnelles. Nous tentons de nous convaincre mutuellement mais pour ma part ça ne prend pas. Mara fait semblant d’être comédienne et je fais semblant d’être photographe.

C’est la deuxième fois que nous nous trouvons à Lugano. Nous nous rappelons avoir fait l’amour dans un grand hôtel, plus chaleureux, nous voudrions retrouver cette flamme. Mais nous sommes pressés, après une douche express nous sortons de la chambre et longeons le couloir. Au fond une grande glace, je me vois de loin et j’ai du mal à me reconnaître. J’ai changé, je suis plus costaud, aussi j’ai l’air juste assez négligé pour paraître profondément cool. En fait je suis frappé, surpris… je ressemble à un autre… il y a cinq ans une fille que j’aimais terriblement m’a quitté pour cet autre. Un étudiant en cinéma, vraiment cool. Nous changeons de couloir. Je jette un coup d’œil à Mara, elle aussi s’est regardée dans la glace mais celle-ci m’est restée opaque.

Je suis troublé. Dans le train pour Lugano, j’ai lu un article concernant le libre arbitre. Un scientifique londonien affirmait que celui-ci n’existait pas, que nous répondions uniquement à des stimuli et que nos choix étaient entièrement dépendants de notre environnement.

Nous marchons dans la rue aveugle, Mara répète son texte à haute voix, nous nous dirigeons vers le Grand Théâtre. Alors je me concentre sur mon appareil photo, un Canon 5D Mark II. Une fois arrivé dans la salle, je le sors de mon sac. Mara elle part se costumer. La salle est à moi, j’installe mon appareil sur un monopied, fais quelques tests de lumière. Tout fonctionne. Mara a disparu, elle chauffe sa voix dans les coulisses.

Cet appareil, je l’ai acheté le matin même, à crédit. C’est la première fois que j’achète à crédit… j’ai déjà des dettes. Je me demande si je ne suis pas en train de me détruire. Je sors de la salle, veux boire une bière. À proximité je trouve un restaurant chic, trop chic. J’y pénètre, me dirige au bar et commande un Canadian Club dans un italien catastrophique. Le barman semble agacé. Il me suit lorsque je sors pour m’installer sur la terrasse, probablement étonné par ma présence.

Lugano est une ville pour les riches et les vieux, je ne fais partie d’aucune de ces deux catégories, je ne fais partie d’aucune catégorie. Je ne ressens rien, je ne pense rien. Le Scotch me brûle la gorge. J’attends que le spectacle commence. Face à moi un terrain de foot synthétique éclairé aux LED. Je me lève et le prends en photo. Une première photo très symétrique. J’ai l’impression de faire de l’art contemporain. L’autre aurait fait tout autant bien.

Je suis retourné dans la salle et me tiens au milieu du public. Avec mon appareil monté sur son monopied. Mon cadre est à nouveau symétrique. Mara entre dans le champ, elle est dans son personnage, un caractère secondaire. Je ne fais probablement pas la différence. Le spectacle se déroule, je cadre comme il faut. En fait je ne vois rien – juste des taches de lumière qu’il me revient d’ajuster dans l’organisation du plan. Le spectacle se termine, je range mon appareil. J’embrasse Mara, la félicite et rentre à notre hôtel. Je suis pressé. Arrivé dans la chambre je me précipite au minibar et prends une bière. J’allume la télévision et cherche les chaînes francophones. Je m’arrête sur TF1 et regarde Secret Story.

Julien, un des candidats finalistes, m’apparaît singulièrement fatigué. D’abord par ses cernes, ensuite par la manière dont son regard brille et peine à se fixer. Face à lui, sur un écran géant, l’animateur Castaldi ressemble à un robot sympathique. Julien lui fait d’ailleurs remarquer que sa tête est particulièrement carrée. L’animateur Castaldi cache son agacement mais n’en semble pas moins vexé. Alors comme pour se venger, il annonce à Julien qu’une surprise l’attend dans la chambre aux secrets. Julien coopère nonchalamment, il traverse une pièce qui ressemble à un cimetière new age avant d’atteindre la porte de la chambre. Celle-ci est branlante et Julien manque de la casser en l’ouvrant. Une femme l’attend à l’intérieur, peut-être sa copine. Julien ne semble pas surpris de la voir. C’est une poupée blonde, maquillée et habillée. On devine que son corps est recouvert de tatouages. Julien se dirige vers elle et l’enlace avant de s’effondrer. Ils se parlent à l’oreille… j’ai l’impression d’assister à une scène rare.

Julien et la jeune fille sont toujours enlacés. On comprend quelques mots échangés : « Tiens bon, c’est bientôt fini. » « Tiens bon de ton côté aussi », « j’espère que ça va ». Julien remarque que son amie possède deux nouveaux tatouages. Je me mets à sa place, voilà deux mois qu’il est enfermé à la télévision, que ses ressources psychologiques vont en s’amenuisant. Maintenant il a face à lui cette personne connue et les seuls indices pouvant marquer sa sensibilité, ce sont de nouveaux dessins, sur la chair. Comme pour lui signifier qu’ailleurs la vie continue et qu’elle se marque délibérément, sans qu’il puisse la comprendre.

Après cette scène je me dirige à la fenêtre, mes yeux se perdent dans la nuit, je fume une cigarette. Aussi je suis heureux de ne plus avoir le vertige, je me penche très en avant. Je vois Mara entrer dans l’hôtel, elle porte ses costumes et ses accordéons. Elle va venir dans la chambre. Je ne sais pas ce que nous allons nous dire. Je m’installe à nouveau devant la télévision et j’attends.

J’attends.

Je voudrais mettre en scène, je change de chaîne, tombe sur du porno, change à nouveau et m’arrête sur Arte. Une émission sur la politique africaine. Mara entre dans la chambre. Je me retourne calmement vers elle. Nous nous sourions puis elle me dit qu’il faut se dépêcher, qu’il faut aller manger avec le reste de l’équipe, que le metteur en scène nous attend. Elle n’en a pas envie mais il faut le faire.

Je la suis dans la rue, nous cherchons le restaurant du Commerce. Arrivé devant je me rappelle avoir mangé ici lors de notre premier séjour. C’était un soir d’hécatombe, des milliers de moucherons venaient mourir dans nos assiettes. Ça avait été une soirée magique. Je demande à Mara si elle aussi s’en souvient, elle acquiesce simplement. Ce soir une pluie fine et muette nous accompagne. J’aimerais rester face à cette terrasse et ne plus bouger.

Au restaurant nous retrouvons les comédiens ainsi que le metteur en scène. Il nous présente sa femme, une personne discrète. Les pizzas sont servies, je mange pendant que les autres animent la discussion. Mara parle, je sais qu’elle voudrait se taire aussi. On me demande si je connais l’italien, je mens en disant que je n’y comprends absolument rien. Apparemment le reste de l’équipe préfère la discussion à la pizza, j’en profite pour terminer leurs assiettes. Si vraiment je pouvais, j’aboierais. Au lieu de quoi je me mets moi aussi à parler, tente quelques phrases en italien et me résous au français. Je suis extraverti, ne me reconnais plus. Complètement autre. Alors je deviens cynique et charmeur. Bientôt c’est le moment de sortir son smartphone et de partager les photos de ses enfants. Enfants autour d’une paëlla, enfants sur la place Rouge de Moscou, enfants dans le jardin. La nausée me prend. Mara est partie aux toilettes, je m’accroche à ma chaise. Je n’aurai pas d’enfant avec elle… je peux la prendre en photo, lui faire l’amour, mais tout semble s’arrêter là. Derrière il y a de la fumée, et après la fumée je pressens un grand vide. Ça tombe à l’intérieur et aussi au-delà de Mara. Loin derrière.

Cela me rend léger. Je ne veux pas l’entendre. Je suis léger parce que je porte mon masque avec candeur. Comme un ami retrouvé. Après le restaurant nous abandonnons la troupe pour déambuler dans les rues. Mara est très préoccupée par son projet théâtral, énervée elle critique sans relâche. J’abonde dans son sens : « Tu devrais dire j’arrête, j’arrête ce projet il ne me convient pas. » Mais apparemment cela semble inimaginable. Trop d’intérêts, d’attentes. Je lui demande ce qu’elle désire vraiment faire, qu’attend-elle d’elle-même ? N’en a-t-elle pas assez d’être toujours le faire-valoir des autres ? Pourquoi ne devient-elle pas une artiste à part entière, ne développe-t-elle pas ses propres compétences ? Mes paroles semblent la toucher.

La pluie s’est accrue, nous rentrons à l’hôtel. Mara parle sans cesse maintenant. Je me sens soudain extrêmement fatigué. Ne pense plus ni à mon appareil ni à l’autre. Arrivé dans notre chambre je m’effondre sur le lit pendant que Mara prend une nouvelle douche. La porte des toilettes est restée ouverte et j’aperçois le corps gracieux de Mara à travers la paroi translucide de la cabine. Mara parle toujours, toute seule cette fois. Elle parle puis elle chante. Je confonds parce que je m’endors. J’ai soudain très envie qu’elle vienne me chercher tout au fond, qu’elle me déloge des abysses. Déchire les masques, voie au-delà. Mais Mara est en roue libre, elle sort de la douche et me demande si elle n’est pas trop agaçante à parler sans cesse. Je lui réponds par l’affirmative. Elle continue, elle n’a peut-être pas besoin de moi – je vais m’endormir et je ne retiendrai rien de sa logorrhée…

Qu’a-t-elle vu dans la glace, là où je me suis perdu ? Mes dernières pensées s’en vont à cet endroit, là où Mara se constitue en mots et en images. Dans sa volonté de briller, j’erre muet, en observateur attentionné. Je me dissipe et bientôt je n’aurai plus de sens. Il restera probablement un peu de stimuli, de l’interdépendance çà et là… Est-ce que mon âme est troublée ? Je n’ai plus d’âme, je suis devenu l’autre. Celui qui est parti avec l’amour. Mara n’en sait rien. Peut-être est-ce mieux ainsi.


 
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   Anonyme   
14/9/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Le sujet ne me passionne pas vraiment, mais en l'occurrence je trouve convaincant ce portrait d'un narrateur à la fois inquiet et désabusé. Le texte me paraît bien mené, son mouvement net ; j'ai apprécié ce que j'ai cru comprendre qu'on me donnait à voir : un personnage qui ne se sent pas vraiment exister, qui voudrait se convaincre de son être.

"Lugano est une ville pour les riches et les vieux, je ne fais partie d’aucune de ces deux catégories, je ne fais partie d’aucune catégorie" : cette phrase est intéressante, je la prends comme une tentative du narrateur de réaffirmer l'idée de sa liberté intrinsèque mise à mal (l'idée) par l'article du scientifique de Londres comme quoi le libre arbitre n'existait pas.

   Palimpseste   
24/9/2012
 a aimé ce texte 
Pas
Un gros gros gros travail de récriture et d'histoire à faire.

Côté orthographe, il faut vraiment y passer un énooooorme coup d'huile de coude. ça dénote sans doute un jeune auteur qui n'a pas encore beaucoup lu, car on y trouve des erreurs d'écriture de mots.

Concernant l'histoire, la base n'est pas mal.. Le coup du miroir "(...) qui m'est resté opaque" est très bien. Il y a des progrès à faire dans la progression et les descriptions d'ambiances, mais c'est un bon départ.

Au total, une bonne façon de débuter mais impubliable en l'état (à mon sens, en tout cas), surtout à cause d'un français encore trop déficient.

   AntoineJ   
30/9/2012
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Au fond une grande glace, je me vois de loin et j’ai du mal à me reconnaître. ... Je jette un coup d’œil à Mara, elle aussi s’est regardée dans la glace mais celle-ci m’est restée opaque.
=> elle = mara ou la glace ? glace = miroir ?

je me concentre sur mon appareil photo, un Canon 5D Mark II.
=> c'est important que ce soit un Canon ? Alors que juste aprés : "je l’ai acheté le matin même, à crédit" ...

Après on cherche à suivre entre l'autre (non dit), l'histoire de Mara auquel on ne ne comprend pas grand chose et les activités de l'homme (le passage sur TF1 apporte vraiment quelque chose ?)

Bref ... le style est correct sans plus (on n'est pas transporté), l'histoire mériterait d'être mieux scénarisée en mettant en avant la fin (que l'on devine vite) ...

   alvinabec   
4/10/2012
 a aimé ce texte 
Pas
Bonjour,
Ce texte nécessite un gros travail de relecture, une redéfinition de l'alpha et l’oméga dont veut nous entretenir l'auteur.
J'ai cru comprendre au début du texte qu'il s'agissait du libre arbitre revisité par un auteur anglo-saxon et finalement nous assistons à plusieurs scènes successives dont je ne vois quel fil peut suivre le lecteur.
Le narrateur ressent des émotions très contradictoires auxquelles j'ai du mal à adhérer car elles sont mises en enfilade dans la même phrase bien souvent et cela ne facilite pas la compréhension du récit.

   Perle-Hingaud   
7/10/2012
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
J’ai longuement hésité à commenter ce texte, à savoir si ses qualités l’emporteraient, pour moi, sur ses points à revoir.
On va commencer par ces derniers, on sera débarrassé. L’écriture souffre de scories, de lourdeurs, d’approximations. Quelques exemples :
- « C’est la deuxième fois que nous nous trouvons à Lugano. » La répétition de « Lugano » avec sa première mention, un peu plus haut, se voit, je trouve.
- « elle aussi s’est regardée dans la glace mais celle-ci m’est restée opaque. » : pas très clair.
- « Mara elle part se costumer » : problème de ponctuation. Il y a aussi des soucis dans l’orthographe, mais qui seront corrigés en cas de publication.
- « elle est dans son personnage, un caractère secondaire. Je ne fais probablement pas la différence. » : pas compris, désolée. La différence entre un personnage principal et un secondaire ?
- « Aussi je suis heureux de ne plus avoir le vertige, » aussi ? un non-dit qui m’échappe.
J’arrête là. Rien de vraiment rédhibitoire, mais des choses à réécrire.
Passons à ce que j’ai aimé.
- Le titre. Au départ, je n’ai pas compris. A la fin, le sens s’est éclairé.
- Les pensées, vagues, incertaines, du narrateur. Son regard sur lui-même et sur cet autre qu’il est devenu, capté par hasard dans un miroir. Ses réflexions sur son quotidien, les achats à crédit, le rapport aux autres. Je trouve cette déambulation dans ses pensées très réussie. Les phrases sans effet de style, courtes, banales, collent au personnage. Il n’est même pas sympathique, simplement terriblement humain.
Voilà ce qui fait l’intérêt de ce texte, selon moi. La matière humaine extraite, brouillonne, inquiète, tâtonnante, nostalgique.

   brabant   
11/10/2012
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour KarlRuhe,


Ce texte fait très scénar (fouillé car c'est écrit mais il y a des plans) ou nouvelle (psychologie, rapport/non rapport, frôlements/évitements entre les personnages) ex nouvelle vague et ce qui en a suivi en quelque sorte, très existentialiste (Truffaut/Lellouche et d'une autre façon Fellini. C'est mon ressenti hein).
Qu'a-t-on là ? Un couple qui s'est mis à tourner à vide, un homme désabusé qui se regarde le nombril et une femme qui voudrait bien qu'on photographie le sien. Une fuite à rebours pour l'un, une fuite en avant pour l'autre. Mais tous les deux savent que c'est vain. Il n'y a pas de pellicule dans l'appareil et il n'y a pas de dialogue dans la pièce.
Et tout cela parce qu'il n'y a plus d'amour. Passée la parade d'amour le feu a perdu son artifice. Cinq ans et ceux-là se sont perdus !

N'y aurait-il pas par hasard une fontaine à Lugano ?

Hormis cette solution je ne peux rien pour eux !

Ceci dit, dans le genre c'est bien fait.


ps : A propos, tant à faire entrer la téléréalité comme élément de l'histoire (pourquoi pas ?...) je serais plutôt allé voir du côté de Castaldi père, lui du moins a une "gueule" !


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