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Sentimental/Romanesque
Lagomys : L'horloge
 Publié le 17/01/13  -  8 commentaires  -  16538 caractères  -  172 lectures    Autres textes du même auteur

Guignons² de vies…


L'horloge


Pays du Bessin, janvier 1990

Un toit de chaume, quatre murs.


Mur côté cour :

– Une porte d'entrée inhospitalière endeuillée de brou… (Que nous aurons franchie, malgré tout.)

– Une fenêtre à deux battants, vue trouble sur le puits : cristallin limoneux et moucheté sous des paupières vichy (gris/almandin¹).

(NB : de même un carreau sur la porte, sans rideau, mais cataracté lui aussi, et pour le coup impénétrable.)

– Contre l'allège¹, sous le rejingot¹ et sous la crasse : un évier en carène calfaté par la vase culinaire.


Sur le mur d'en face : la cheminée carbonifère crachant suie tant que chauffe ; une cuisinière à l'émail gratiné.

Mur côté ouest :

– À gauche : au pas de la "carrée" du vieux et de sa "vueuille"² on aperçoit, sous un crucifix graisseux, un pieu pansu d'un édredon constellé d'auréoles séculaires.

– À droite : l'entrée d'une souillarde masquée d'un rideau à lanières tricolores.

– Entre les deux : le portrait en pied sur papier glacé – sous verre et encadré – d'un poilu ramenard dans sa capote de drap horizon, tendu et gourmé¹ à lui en faire les reins concaves, les poings dans le creux martial et le menton volontaire partant casser du "Boche", un regard de mitraille dans l'ombre de la visière Adrian¹, la bouche en pédalier sous un guidon villeux.

(Tout d'même, il avait de l'allure, l' Pé² en 14 !)


Mur de droite (donc à l'est) : au centre, une porte verrouillée ; à côté, le buffet des aïeux, noyé sous la cire et noyer aux éraflures.


Voilà les murs et le décor plantés…


Ah, j'oubliais !

Pontifiant entre la porte close et le bac à graillons : la Comtoise gainée de sapin (cadeau d'épousailles), inexorable cœur mécanique prisonnier du chaume et de la chaux, qui balance à hue et à dia en décomptant l'amour qui s'évade en gouttes cliquetantes.


Accessoirement, j'ajoute quelques menus détails qui auront peut-être leur importance plus tard :

– Dans la cheminée : un feu asthmatique et cacochyme qui grignote en fumeronnant un rondin charbonneux ; tout contre : deux ou trois margotins, un ligot vermoulu ; sur le bandeau, pêle-mêle : un transistor emmailloté de cuir bistré, un missel écorné, l'almanach Vermot 1940, une blague à perlot¹ (gris caporal) et un briquet tempête, la photo d'un biffin¹ renfrogné, une gamelle en alu cabossée, une boîte à biscuits en métal piqué, capitonnée d'un poussier décennal, contenant bobines, aiguilles et boutons divers.

– Couronnant d'inanité le vaisselier : trois napperons cendrés où s'éternisent une soupière, un compotier et la huche à chignons².

– Sur la gazinière : la soupe qui refroidit et le café qui "bouille".

– Au milieu de la pièce : une table mélaminée vermillon, deux chaises bardées de moleskine, les vieux sur les sièges.


Un gémissement sous la table…


Tac vvvtoc, vvvtacvvvtoc, vvvtacvvvtoc, iiil'horloge…




La mère épuisée avait rapporté un cruchon : "Nom-des-os, i va bère d' lio, l'grichu ! Cha clouss'ment l'giābe asteu, s'i le v'lé s'n side, va falleir qu'i l'crille li même al cave !"³

Elle n'avait d'amour

Que sa bouille de pomme

(De celles qui ont empli les aigres tonneaux),

Ronde, lisse, amarante comme le vin chaud,

Blette d'un long hiver de nèfles.


En face d'elle,

Mine de carrare,

Droit comme une hampe,

Craquetait le vieux croûton,

Les yeux dans la soupe,

Du gras au menton.


De ses globes barbacanes¹ le barbon fusillait les lentilles :

Il écoutait le dehors…


Sous un clairon tortu,

Le crin des bacchantes en bataille (comme se hérissent les baïonnettes),

Vestige des années grenaille disputant aux vibrisses¹ le partage d'un butin glutineux,

N'avait plus aujourd'hui d'autre gloriole

Que celle de l'épouvantail chanci au milieu d'un lopin guéreté.


Le factionnaire s'était mortifié de la flanelle de ses noces (ces planqués de l'arrière avaient réquisitionné les tenues triomphantes) mais arborait, tout au moins, la fourragère qui nourrissait son vain orgueil, au ruban d'un honneur crucifié.

À ses pieds, le regard en méfiance,

Un chien de faïence, roide¹ comme le Rouen¹,

Guettait l'arrivée des coups,

La tête dans le cou.


Le vieux écoutait le dehors…

La nuit achevait sa "drôle de guerre" :

La tempête* – ourdie sur l'Anglage² – avait débarqué à l'aube sur les plages paisibles, puis s'était répandue en cohortes ravageuses sur le bocage engourdi.

Tout le jour, les salves implacables avaient fauché des bataillons de bosquets insouciants, décimé des régiments de futaies surprises dans la torpeur hivernale ;

Des sections entières de boqueteaux au cœur de la dormance valsèrent comme fétus dans la tourmente ;

Évacuant les breuils¹ assiégés, la bleusaille¹ de poils et de plumes qui s'était retranchée dans les halliers¹ avait fui sous la mitraille des taillis pulvérisés et s'était repliée vers les champs de bataille alentour que jonchaient des carcasses encrouées¹, de longs corps déracinés vautrés sur leurs moignons, des bras dérisoires qui ne brandiraient plus leurs boucliers de printemps.


Mais quelle était donc la rancune tenace qui nourrissait cette vesse démiurgique, cette vindicative réminiscence d'une revanche déjà consommée ?

Le vieux, lui, le savait. Il était prêt !

Cette fois, il n'y aurait pas d'armistice, pas de reddition : faudra tout raser, faudra leur faire payer !


Il se rengorgeait en lissant son toupillon morveux, guindé par la certitude du devoir accompli ;

Sa vieille engluait un regard déserteur sur la hotte suiffeuse, elle secoua les épaules ;


Le roquet pruriteux¹, torturé par un tête-à-queue ankylosé, mâchouillait une puce sournoise…


Tacvvvtoc, vvvtacvvvtoc, vvvtacvvvtoc, iiil'horloge…




Un sourire de herse,

La vue au fond des douves,

La bon' femme échouait ses pensées

Sur les remparts de la vie meurtrière.

Ensevelie de noir, des guêtres jusqu'au fichu,

Confiant son vague à l'âtre

De son rictus crénelé,

Elle marmonnait des souvenirs

Fourgonnés au cœur des cendres chaudes.


Un sifflement sinistre surgi de la cour l'extirpa des tisons et mêla pour un temps ses divagations à celles du belligérant qui savourait la victoire escomptée bien que sa rancune n'eût pas eu raison de l'exécré bastion et qu'il ne fût pas lui-même emporté par les ailes coléreuses.


En moins de temps qu'il n'en faut pour recharger un "Lebel", les hordes furibondes avaient fondu sur la citadelle de bauge et de paille.

Elles déferlèrent sur la resserre à demi délattée qui s'arc-boutait tant que peut à la masure ébouriffée ; les rafales acharnées lui arrachaient des mèches ondulées.

Des trombes s'engouffraient par la pelade et noyaient les reliques reniées :

Sur la charrette, cérusée par la sueur des ans puis remisée dans l'arche submersible, dégoulinait un chagrin monstrueux.

Le tombereau de tant de peine après tant d'espérance…

"Le carrosse" – comme disait le père, jadis – qui avait bringuebalé la noce au train du brave Clovis, dispensé de brabant ce jour-là (Clovis a depuis belle lurette quitté l'étable pour rejoindre l'étal) :

Le griffton¹ victorieux paradait au bras de sa dulcinée, et dans leur sillage la compagnie enjouée s'esclaffait : "Por cha oui, i manqui pu qu'ieun tiot poulot na chés deux-lo !"⁴

Les prunelles des deux vieillards platinés s'embuèrent de la même désolation…


Le front cyclonique s'était déporté vers l'est, mais des bourrasques d'arrière-garde harcelaient encore les dernières résistances.

La lune sentinelle en quartier d'hiver, camouflée sous son halo macabre, chaulait l'hécatombe.

Des spectres démembrés dodelinaient sur l'horizon chenu ;

En vain, les peupliers survivants balayaient le gris ;

Deux ou trois pommiers moribonds, coriaces et Curiaces, pendouillant sous les derniers assauts, craquaient de toutes leurs arthroses en affrontant l'orage ;

Au découvert de la cour, avant-poste des "gueules cassées",

Le chêne désossé,

Vétéran des quatre vents et décidu¹ toutes saisons,

Main croche suppliante à bout de tronc,

Tentait d'attraper la brune en grinçant son agonie…


Une tôle sortie de l'enfer, et pour un temps cramponnée à la margelle du puits, sonna le glas, puis, capitulant, sombra dans les profondeurs glauques.


Dernier salut, endimanché :

Le vieux, au garde-à-vous des trépassés,

Les mains à plat sur le formica

Et la moustache baignant entre ers et tapioca,

Prenait le bouillon

Pour extrême onction.


Sous la table, les yeux émoustillés par un rêve de lard, le cabot s'étirait de toute sa couenne…


Tacvvv…,vvvtacvvv…,vvvtacvvv…,iiil'horloge…




De la table désertée, la mère occupait l'endroit du vieux, face au potage et à l'arrogance des temps illusoires.


Elle avait enterré son homme au matin.

À l'heure des freux, le corbillard avait bivouaqué dans la cour qui craqueta de tous ses os au passage du sapin, puis s'était ébranlé sous la fanfare des derniers souffles tourmentant les funèbres abattis¹ :

Le dernier transport de troupes !


… Pas grand-monde aux couleurs du calanché,

Pas un seul rescapé pour clouer le clapet :

Le briscard serait donc de la dernière tranchée !


Le regard sépia de la vieille qui flottait sur le tranche-montagne¹ s'en alla barguigner vers l'avaloir des méditations fumigènes.

Osant alors assouvir son obsédante volition, elle abandonna un brouet dédaigné pour rejoindre le capharnaüm poussiéreux.


Ses doigts gourds, à tâtons sur le précieux bric-à-brac, effleurèrent le paroissien¹ radoteur, s'attardèrent un instant sur le cadre dépoli par la colluvion des jours, renversèrent la radio aphasique, survolèrent fébrilement la gâtine de calembours calendaires pour enfin saisir avidement la cantine gibbeuse.

Elle secoua le trophée qui la rassura d'un tintement de campane, puis versa le trésor convoité dans sa paume tremblotante.


Le vieillard obstiné avait décidé que personne, plus jamais, ne tripoterait la Clé !


La veuve, désormais affranchie, transporta sa pitoyable jubilation jusqu'au seuil du sanctuaire.

La serrure se libéra d'un grinçant soulagement ;

Les gonds exhumèrent une plainte captive ;

Puis la porte s'effaça sur la prévisible déception :

Ses yeux de charbon n'ajoutaient que noirceur à l'obscurité !

Aux glanes de l'existence, à la lueur d'une rancœur vespérale, la pauvre femme ne distinguait plus que son pâle dedans.

Son cœur cacophonique pompait le silence.

Elle ne grappilla qu'une bouffée de rance.

"Na quay bon, soupira-elle en tirant une porte de plomb, i rest' mais qu' piau d'chagrin !"⁵


Dernière étape d'un long chemin de croix :

À la traîne de la canne, ses turgides arpions pantouflés de hêtre, aussi raides et pesants que le soc du diable, raclaient les miettes sur la tomette.

La suppliciée, rabattue à l'équerre, semblait picorer : sa caboche ataxique piochait à la cadence des sabots.

Péniblement, elle becqueta jusqu'à la chambre.


À l'appui du berce-gisants¹, et dans un effort pachydermique, elle s'agenouilla sous le "troc-misère"¹ de poisse et d'airain avant de hoqueter un "Notre Père" suppliant, les yeux perdus sur le Jésus impassible.

Cette fois, entendrait-il ce dernier vœu, lui qui négligea tant de prières ?

Le sauveur riveté ne broncha pas !


Alors, dans un ahanement arthritique, la mendigote souleva tout le fardeau d'une vie, puis s'étendit sous la bedaine rêvophage, les mains jointes sur son ventre félon ;


Le corniaud miteux et torpide grattait à la porte…


iii…,iiiiii…,iiiiii…,vvl'horloge.




Au-dessus des chaumes, bien au-delà, il n'y a pas de murs, ni de vents sauvages à repousser, non plus d'Amour qui part ailleurs.

Dans l'infinie quiétude, c'est sur une brise tiède que flottent les tarlatanes nuptiales.

Au fil de la transcendance, sa chevelure de tulle et d'or ondoie sur un sourire de vingt ans.


Le Marcel est là…

Son enfant, sa raison, son bien arraché une nuit de Wehrmacht, Marcel est là, devant elle !

Il sourit : "Te v'là enfin, la Mé, cha fé eun bout qu'j' t'attends !"⁶

La recrue archangélique patrouillait impatiemment sur le quai des plénitudes, désespérant depuis la débâcle des heures.

" L' pèr' ée tout près, i manquait pu qu' tei… Allei, approch' donc, l' Pé !"⁷

Aussitôt, une nue s'allume, un gaillard épanoui apparaît dans l'azur comme fleurirait, d'un coup, d'une sève empressée, un charme luxuriant sur un arpent de lin.

Son écorce de nacre rayonne de ramilles étincelantes : du cotret desséché a germé un brandon de joie prêt à embraser les âmes endolories.

Le fils, comblé, contemple ses parents retrouvés : " No r'v'la co tous les treis, fini lé temps adirés, asteure, ensemb', no vai vêquir tout' eune mort."⁸


La suite défilera l'espace d'un soupir :

Les bienheureux, réunis à l'orée du royaume des âmes, se subliment jusqu'aux confins de l'orgasme, poudroient dans la neige galactique, entremêlent leurs houaches lactées, papillonnent quelque peu tels les flocons du corail, se rassemblent à nouveau pour un tout, puis se fondent en un panache de comète virevoltant.

Alors le ciel ouvre une bouche démesurée et gobe l'escarbille !


En bas, un hurlement à demi édenté chicaille² le silence…





* Les 25 et 26 janvier 1990 la tempête "Daria" a frappé le nord-ouest de l'Europe (elle s'amorce sur les îles Britanniques, traverse le nord de la France et la Belgique, pour enfin s'éteindre en Allemagne). C'est l'une des pires dépressions météorologiques qu'ait connu le continent jusqu'alors : elle a été responsable de la mort de plus de 95 personnes et de la chute de 3 à 4 millions d'arbres.


GLOSSAIRE :


¹ ABATTIS : obstacle formé d'arbres abattus et entremêlés

ADRIAN (casque dit : "Adrian") : casque de la 1ère guerre mondiale (possédant une petite visière)

ALLÈGE : pan de mur placé entre le sol et le bas d'une fenêtre

ALMANDIN : de couleur grenat-vermillon

BARBACANE : meurtrière

BERCE-GISANTS : le lit

BIFFIN : bidasse

BLEUSAILLE : (armée) ensemble des jeunes recrues

BREUIL : bois fermé de haies, servant de refuge au gibier

DÉCIDU : caduque

ENCROUÉ : en parlant d'un arbre qui s'est enchevêtré dans un autre arbre lors de sa chute

GOURMÉ : affectant une gravité présomptueuse

GRIFFTON : simple soldat

HALLIER : gros buisson, cachette du gibier

PAROISSIEN : missel

PERLOT : tabac

PRURITEUX : (médecine) soumis aux démangeaisons

REJINGOT : appui fenêtre

ROIDE : qui manque de souplesse

ROUEN : faïence de

TRANCHE-MONTAGNE : bravache (le poilu encadré)

TROC-MISÈRE : le crucifix

VIBRISSES : poils des narines


PATOIS NORMAND (environs de Bayeux) :


² ANGLAGE : côtes d'Angleterre ; CHICAILLER : déchiqueter ; CHIGNON : morceau de pain ; GUIGNON : bout du pain (croûton) ; MÉ : Mère ; PÉ : père ; VUEUILLE : vieille


³ "Bon sang, il va boire de l'eau, le grincheux ! Ça souffle comme le diable à l'heure qu'il est, s'il veut son cidre, il faudra qu'il aille le chercher lui-même à la cave !"


⁴ "Pour sûr, il ne manque plus qu'un petit gamin à ces deux-là !"


⁵ "À quoi bon, (soupira-t-elle en tirant une porte de plomb), il ne reste plus que peau de chagrin !"


⁶ "Te voilà enfin, maman, ça fait un bout que je t'attends !"


⁷ "Le père est tout près, il ne manquait plus que toi… Allez, approche donc, papa !"


⁸ "Nous revoilà de nouveau tous les trois, fini les temps égarés (: fourvoyés), maintenant, ensemble, nous allons vivre toute une mort."



Les personnages sont purement imaginaires, le toutou itou.


 
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   Artexflow   
2/1/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Alors, franchement chapeau c'est une réussite... Je n'ai pas grand chose à dire finalement, parce que c'est maîtrisé, original et fort.

Peut-être pourriez-vous traduire les dialogues entre parenthèses juste après les avoir écrits et non en fin de texte ? Cela dit... Je comprends très bien votre choix, et puis j'ai ouvert un bloc notes sur le côté pour ne pas me perdre en aller-retours.

Le vocabulaire très fouillé et riche ne dessert absolument pas le rythme, c'est à mon sens un tour de force, je dois vous féliciter pour ça.

Je dois avouer avoir été totalement séduit par le style narratif de cette nouvelle, nouvelle ou poème, je pencherais plutôt pour le second choix parce qu'il permet plus de liberté mais définitivement la question peut se poser, alors peut-être que ça, quelqu'un vous le reprochera, mais c'est un choix que je soutiens !

La fin est à mon sens un peu expéditive, et franchement c'est dommage, mais alors quelle maîtrise dans ce récit...

J'ai été... Soufflé !

Bravo, bravo !

   alvinabec   
4/1/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,
Après un début de lecture (moitié de texte) enthousiaste, je ne sais pourquoi l'intérêt retombe quelque peu, est-ce dû à ce sans faute trop brillant où l'auteur a tout balisé?
Il me semble qu'une petite maladresse ici ou là aurait rendu ce récit plus proche de votre lecteur...Trop c'est trop, même servi par une stylistique impeccable, il y manque, comment dire, la faille.
Le glossaire, même s'il est utile à bien des égards, peut donner l'idée que l'on est là entre soi, que seuls les spécialistes du patois normand auront le bénéfice du sel de cette histoire...

   Anonyme   
9/1/2013
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Un texte difficile à lire, à traduire dirai-je, tant son vocabulaire est d'une richesse étonnante. Entre patois et vieux français, il m'a fallu reprendre plusieurs fois les phrases pour bien les comprendre. Je suppose que ce texte a dû vous demander un gros travail de recherche, c'est tout à votre honneur. Il n'est pas courant de voir célébrer ainsi des dialectes et des formes verbales plus ou moins délaissées.

Peut-être d'ailleurs en faites-vous trop, tombez dans la surenchère lexicale, ce qui alourdit considérablement le style. Il n'est pas une phrase qui ne soit tournée d'une manière opulente, démesurément surchargée. Un peu plus de simplicité dans l'expression n'aurait pas nui au récit et certainement tempéré cet effet de grandiloquence.

Néanmoins l'exercice de style est réussie et l'histoire bien en phase avec ce choix, particulièrement le passage sur les dégats occasionnés par la tempête.

   brabant   
17/1/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Lagomys,


Voilà l'exemple même de ce j'appelle un texte-jubilation (à écrire) et un texte-jubilatoire (à lire) selon le point de vue. Audiard et Dard ont trouvé ici un baveux à leur démesure (ça ne doit pas être pour leur déplaire) avec en plus une dimension de terroir où l'un est trop citadin et l'autre pas assez campagnard. Le patois c'est du Maupassant non revu et corrigé par Flaubert ; quel malheur que celui-ci ait pris un maître ! Les maîtres sont des tuteurs ! Et les tuteurs sont rigides sinon ils ne seraient pas des tuteurs ! Je suis heureux de voir que tu n'as pas commis la même erreur Lagomys. Ah ! être son propre maître. Ceci dit Maupassant était quand même son propre étalon ! Un sacré étalon ! Mais oui toi-aussi !... :))

Si je te disais que je ne savais pas ce qu'était un brabant [ Wouah ! Bravo ! et Merci pour le clin d'oeil ! Mais si je suis discret... Mais non je ne me tais pas... Merchi ! Merssi ! Ah non pas de mer... de pitié :) ] quand j'ai sorti ce pseudo du fond de ma mémoire, et voilà que mon vieux pote Alex, puis ChatotJP, puis toi-même le remettez au sillon, et quel sillon, j'en suis plus remué que la terre que le brabant retourne. Sniff ! Hue Dia !

Oui, voilà donc un florilège et cette horloge, digne de Goupi Mains Rouges. C'est simple, à un moment jai cru me retrouver chez moi, à dix ans, où chez mon grand-père, ce qui revient au même, chez ma tante, chez mes voisins. Y avait eu des guerres aussi, et des photos de poilus, et des cheminées, et des crucifix, et des obus, et... (A propos t'as lu "La potée" ? 'hé'hé, continue de creuser mon sillon moi - forcément ! Un brabant ! lol -, et toi Artex tu te dépêches d'aller la commenter, et Renaud ?...) et y avait eu eun' tornad' auchi, avec eun'tôle qui s'était envolée de la brasserie voisine et avait failli décapiter min père. Je n'ai pas de conseil à donner à l'orfèvre que tu es, mais tu plantes et disposes ici des troncs comme des torses et des branches comme des membres,... Et Si tu plantais plutôt des torses comme des troncs et des bras, des jambes comme des branches, des langues comme des feuilles et des yeux comme des airelles ? Quel bouillon hein ! Quelle nature !

Texte surprenant, texte loufoque,texte invention/inventif,... Euheueuuuuh... euuuffff... mais pourquoi mon clébard me regarde comme ça ? Ah oui je lui marche sur la queue. Rends-moi le texte, sale clebs ! Rends-le moi ! Rends... ! Gentil toutou... Zut ! Il m'a mordu !
Voilà où ça mène de lire du Lagomys ! Suis remonté comme une horloge comtoise moi !

Bravo !

Merci !

tac toc tac toc tac...

:))))))))))))

   AntoineJ   
26/1/2013
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bravo !
Ça c'est du boulot !
J'aurais aimé une "pause" dans cette érudition savante, sortir de la chaumière délétère, voir un peu de soleil
Il me manque du souffle pour apaiser la puissance épique et détendre l'atmosphère
Je serais assez intéressé par lire la même histoire dans une version moderne pour la mettre en parallèle

   Lagomys   
8/2/2013

   Anonyme   
9/2/2013
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
"...mais arborait, tout au moins, la fourragère qui nourrissait son vain orgueil, au ruban d'un honneur crucifié.
A ses pieds, le regard en méfiance,
Un chien de faience, roide comme le Rouen,
Guettait l'arrivée des coups,
La tête dans le cou"

Waow !
j'espère, Lagomys, que vous êtes plus que fier de ça.
C'est superbe, sans charre !

moi qui n'avais conservé de la Normandie que le souvenir d'un froid sans espoir...

vous m'avez cru, un jour, ironique à votre encontre parce que je n'avais pas aimé quelque chose de vous.
Là, j'espère avoir le droit de me moquer un de ces jours parce que, cette fois, j'ai vraiment Tout Aimé, de la forme au fond et jusqu'à cette cruauté sans méchanceté qui m'a rappelé la triste Normandie.

J'aurais plein de citations à faire mais on ne peut pas copier-coller et ce que j'apprécie est souvent dans la longueur, le rythme...

allez, un petit encore :

"La veuve, désormais affranchie, transporta sa pitoyable jubilation jusqu'au seuil du sanctuaire"

C'est beau, ça. Simple et beau.

Un texte tout en images (mais sans clichés), un langage jubilatoire (même si le parler normand m'échappe, forcément. Mais, quand on n'y songe plus, qu'on se contente de dire, on comprend, forcément); une alternance de chant doux près de l'âtre (on dirait Cosette, un peu, par moments) et de narration descriptive d'une précision chirurgicale ("Le corniaud miteux et torpide grattait à la porte..", une image qui glace et qui gêne en nous l'humanisme bêlant...), tout y est !

"En bas, un hurlement à demi édenté chicaille le silence..."

Je suis impressionné.
Tout du bon !

Vous avez du talent.

N.B : J'oubliais : Bravo !

   Anonyme   
9/2/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Salut Lagomys... Faut qu'j't'explique ! J'étions passé d'vant ton horloge sans la voir, c'est ça les vieux, tu verras plus tard...
C'matin, grâce au micdec et son Exceptionnel, j'ai enfin décidé d'prendre l'heure chez toi et là, ô surprise, m'suis r'trouvé chez l'oncle Alfred d'y a cinquante ans. Même décor, mêmes personnages ou presque, même ambiance.
J'en avais presque la larme à l'oeil ! T'as vraiment sorti là un p'tit chef d'oeuvre, de la bel ouvrage qu'aurait dit l'Alfred qui avait fait 14 et m'en parlait encore la veille du grand départ... Vingt ans plus tard, la Mado, sa moitié qu'était aussi ma tatie, l'a rejoint et depuis j'avais oublié jusqu'au tic-tac de leur Comtoise...
Tiens, tant pis, j'écrase une larme sans oublier de te remercier pour cette tranche de vie plus vraie que nature ! Sacré conteur le Lagomys, fera son ch'min c'gars là !


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