Extraits sonores retrouvés quelque part dans une grotte connue de personne :
« Clic… C’est étrange. Je me suis fourvoyé dans ce tunnel et me voilà piégé. Stann m’avait bien dit de ne pas venir dans cet endroit. C’est un tunnel maléfique, rempli d’une atmosphère malsaine et puante. J’ai du mal à respirer dans cet air chaud et humide. Je me sens comme englué dans du yaourt et mes bras et mes jambes ont mal à chaque mouvement. Stann m’avait dit de ne pas venir. J’aurais mieux fait de l’écouter pour une fois. Maintenant, je suis dans le pétrin. Quelque chose me retient. Je ne trouve plus la sortie et l’obscurité semble se rapprocher de moi. Quand je tourne la tête par-dessus l’épaule, je ne vois rien d’autre que le noir. Ma lampe est intacte et j’ai encore de l’autonomie pendant trois jours si je ne suis pas gourmand de lumière. Dans ce noir, j’ai besoin de voir où je vais, où je mets les pieds, sinon je vais péter un plomb. En plus, je n’arrive pas à trouver la sortie. C’est con à dire car le tunnel est fait d’une seule galerie. Il n’y pas encore eu de carrefour. Donc, logiquement, si je vais tout droit, je vais voir une lumière au loin. Ce sera le bout du tunnel… Clic »
Hey, Bill ! T’as entendu ça ? Quelqu’un est déjà passé dans ce tunnel. Il a perdu une cassette de dictaphone. Coup de bol que j’ai le mien ! Ça nous fera de la compagnie jusqu’à ce qu’on trouve la sortie. En plus, il a pas tort : ça pue ici et y fait chaud. J’ai mal aux jambes. Ça fait un moment qu’on marche. Viens, suis-moi, qu’on ne s’éternise pas dans cet endroit à la con.
« Clic… C’est dingue ! Je ne n’arrive pas à éclairer le fond du tunnel. Ma lampe halogène est puissante mais l’obscurité l’est encore plus. Je commence à me demander si c’était une bonne idée de venir ici. Je n’aurais pas dû écouter ce guide et plutôt écouter Stann. Je marche depuis plus de sept heures d’affilée. J’en peux plus. Je vais faire une halte et je me remettrai en route dans quelques minutes… Clic »
Y m’énerve avec son « Stann ». On dirait qu’il te ressemble ce Stann, Bill. Toujours méfiant, toujours rabat-joie. Le guide m’avait l’air sympa à moi aussi. Il m’a pas dit que le tunnel était aussi long et chiant. Moi aussi, je commence à être fatigué.
« Clic… Il y a de drôles de peintures rupestres sur les parois de cette grotte. On y voit des hommes qui courent et un nuage noir semble les suivre. Les hommes ont l’air affolés. On dirait qu’ils essaient de fuir quelque chose. Le guide ne m’avait pas parlé de dessins avant mon départ. C’est la seule chose qui vaille le coup de se déplacer dans cet enfer souterrain. Je commence à douter des paroles de mon guide. Il m’avait dit qu’il avait déjà fait la traversée. Mais il ne s’est attardé sur aucun point concernant le voyage et ce que j’y trouverais. Je lui demanderai, en sortant d’ici. Je vais me remettre en route pour sortir le plus rapidement d’ici. Pas de lumière, pas de bruit, pas d’air et pas de caméra. C’est bête, je vais devoir revenir ici pour filmer tout ça sur les murs. Il y a des dessins de chasses, d’hivers, de batailles et de nuages noirs un peu partout. Si les hommes de Cro-Magnon ont réussi à sortir entiers, je vais réussir aussi… Clic »
Hey, Bill ! Regarde les murs. Les dessins dont nous parle cet abruti de scientifique, sur la cassette. C’est moche… Attends une seconde, Bill. J’ai trouvé la cassette un peu plus tôt. Comment ça se fait que je vois ces peintures que maintenant ?! Bah ! Il a dû faire demi-tour et perdre cette cassette en route. Moi, je suis pas venu pour ça mais pour trouver un trésor que des vieux de la vieille auraient peut-être enterré ici, pas des peintures de gosses. De l’or, des pierres précieuses, j’en sais rien ; quelque chose, quoi ! Bon, tu viens ?! On va pas s’éterniser ici. J’ai envie de sortir.
« Clic… J’ai soif. Ce guide ne m’a même pas conseillé de prendre des vivres pour la route. Il m’a juste dit que je trouverai des trésors paléontologiques. Je vais faire au plus vite pour sortir. Je reviendrai avec toute mon équipe et un semi-remorque de matériels de labo et de vidéo. Et une citerne d’eau. Et aussi des groupes électrogènes. Cette obscurité se rapproche de plus en plus, j’ai l’impression. Et plus je regarde par-dessus l’épaule, plus elle me semble proche et profonde. Ma lampe a déjà du mal à éclairer les parois du tunnel. J’espère que la batterie va tenir jusqu’au bout, sinon je vais me sentir mal… Clic »
C’est vrai ça. Regarde Bill ! Ma lampe n’éclaire presque plus les bords. Je sens que je me suis fait avoir, comme ce type sur la cassette. J’irai lui dire deux mots, à ce guide qui m’a conseillé. Y va entendre parler du pays, cet abruti. Qu’est-ce qu’il dit par la suite…
« Clic… C’est du sport, cette traversée. J’ai l’impression que le tunnel est sans fin. Ça doit bien faire trois heures depuis ma dernière pause que je marche. Il n’y a plus de peintures sur les parois et plus aucune trace de pas ou de vie ; même ancienne. Je me demande si les hommes de Cro-Magnon n’ont pas fait demi-tour avant la fin. J’ai terriblement chaud et j’ai vraiment du mal à mettre un pied devant l’autre, un peu comme si le sol montait. D’après mon altimètre, le niveau n’a pas changé depuis que je suis entré dans ce tunnel. Et ma boussole est cassée, elle n’indique plus le nord. De toute façon, je l’ai perdu depuis un bon moment, ha ! ha ! ha ! J’ai du mal à rire avec aussi peu d’oxygène… Clic »
Vraiment pas marrante, sa blague. J’ai pas envie de rire. Je suis essoufflé comme une baleine. J’en ai plein les bottes. Je crois que je vais faire demi-tour. Si ce bonhomme a trouvé ce qu’il cherchait, tant mieux, ça me fait une belle jambe. Mais moi, je vais rentrer, boire une bonne bière bien fraîche et j’irai taper sur la gueule du guide si y me rembourse pas. Viens, on fait demi-tour, Bill. Bill ?! T’es où ?
HEY, BILL !
Bon Dieu ! Il dit vrai cet enfoiré. Le noir me suit et se rapproche.
« Clic… Je suis tout essoufflé. C’est ahurissant. Je viens de courir et l’obscurité me suit toujours. Plus je la regarde, plus elle est là. Elle est à mes talons. Elle colle mon dos. Je n’ose plus me retourner, je trace. Je regarde droit devant moi sans jamais tourner la tête. J’ai vraiment peur… Clic »
Bon sang de bonsoir ! Putain ! Qu’est-ce que je fais ? Qu’est-ce que t’as fait, toi, pour t’en sortir ?
« Clic… Dès que je sors d’ici, j’empêcherai par tous les moyens que quelqu’un d’autre entre dans ce trou de balle de Mère Nature. Seigneur, si tu m’entends, aide-moi. Me laisse pas tomber. Je la sens, elle est là. Elle est froide et elle veut me dévorer. Je sens ses dents qui accrochent mes vêtements. Ma lampe ne sert plus à rien. Elle n’éclaire pas assez fortement. Merde ! Clic »
Quoi ?! C’est tout ?! Saloperie de cassette! Tu sers à rien. Comment j’fais, moi, pour sortir d’ici ? Tiens, prends ça, cassette de merde ! … … Les peintures. Elles sont là ... encore !
* * * * *
Extraits sonores retrouvés dans une grotte connue de presque personne :
« Clic… Je m’appelle Murray. Moi et mon copain Bill, on a fait confiance à un guide. C’est mes derniers mots sur cette cassette. Si tu les écoutes, étranger, c’est que toi aussi tu t’es fait avoir par ce guide. N’espère pas sortir d’ici. C’est trop tard… tu tournes en rond dans un endroit sans issue... Clic »
- Qu’est-ce qu’il raconte sur cette cassette, Al ? Tu l’as trouvée où ? - À terre, pardi. Heureusement que j’ai pris mon dictaphone. - Regarde, chéri. Ma lampe n’éclaire pas le fond…
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