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Fantastique/Merveilleux
Lariviere : La lettre à Amélie
 Publié le 27/05/22  -  11 commentaires  -  17370 caractères  -  151 lectures    Autres textes du même auteur


La lettre à Amélie


Chère Amélie, voici quelques nouvelles depuis que nous nous sommes vus tantôt lors de mon passage chez toi à Saint-Tropez. Pourquoi, dis-je lors de « mon » passage, alors que Bernard m'accompagnait, je ne sais pas. Pourquoi dis-je aussi qu'il m'accompagnait comme si je parlais d'un flirt de vacances ou d'un simple guide de musée, je ne sais pas non plus… Peut-être que toi avec tes nouvelles résolutions, ton nouveau départ et cette chance incroyable que tu as toujours eue dans ta vie, tu pourrais m'en apprendre un peu plus sur moi-même, ce qui est quand même assez humoristique…


Mais reprenons le fil de mes intentions. Merci encore pour ton accueil si chaleureux. Bertrand et moi étions ravis de faire la connaissance de ton amiral, bien que je doive te l'avouer, ce sujet a été à l'origine de véritables disputes entre Bernard et moi. La raison de notre querelle est un désaccord entre nous deux à propos de celui que tu nous as présenté gracieusement : Bernard soutient mordicus que c'est un amiral, alors que moi je suis sûre d'avoir été présentée à un Américain, mais me diras-tu, on peut être amiral et américain et tu auras raison… Enfin, vous avez vraiment une villa magnifique. Et la décoration de la marina avec ses petites tortues de mer est d'une exquise originalité. C'est quand même pratique le personnel de maison. J'ai dit à Bernard que j'ai trouvé vos employés exemplaires, surtout la petite naine qui m'a beaucoup fait rire et le majordome à qui j'ai fait un effet fou d'après Bernard. Mais c'est le cas pour tous les hommes qui me croisent je crois… hihihi… Bref, c'est vrai que seul pour s'occuper de tout, les choses ne sont pas les mêmes et la moindre course se révèle être d'une contrariété extraordinaire. Du coup nous hésitons, à la mort de Véronique, nous ne voulions pas entendre parler d'une autre cuisinière, mais maintenant nous ne savons plus. Avec Bernard nous réfléchissons et nous avons décidé d'en choisir une en prenant en compte son âge car nous ne survivrons pas au chagrin d'une nouvelle disparition. Aussi si tu as une idée de l'espérance de vie d'une domestique, n'hésite pas, je te serai extrêmement reconnaissante de nous en faire part.


À propos de Bernard je ne sais pas si tu te rappelles, mais personne ne se serait douté à l'époque que nous serions un jour mari et femme, que j'abandonnerais mes études d'histoire de l'art pour m'enticher d'un clerc de notaire qui n'avait pas encore son étude à lui, et surtout pas cette garce de Suzie, qui est avocate maintenant, tu te rends compte cette petite péronnelle qui avait une flaque d'eau à la place du cerveau, c'est sûr elle a eu la chance d'avoir ses parents au barreau, pour lui assurer une carrière… remarque, avocate, ça lui va bien, comme ça elle peut pérorer du haut de son perchoir, comme la sotte perruche qu'elle a toujours été finalement. Enfin je te dis ça, je m'égare… Revenons-en à nos moutons et à la chirurgie plastique. Comme Nancy, moi aussi je pense que j'aurais eu recours aux opérations si cela s'était avéré nécessaire. Tu me connais, moi et mon corps nous avons une relation particulière. Je n'aurais aucune hésitation à me faire artificiellement belle, pourtant figure-toi que même si j'approche de la cinquantaine et que parfois j'ai du mal à m'y faire, d'un point de vue esthétique, je n'ai pas à me plaindre !


À ce propos l'autre jour nous étions à la réception des Durand qui fêtaient l'anniversaire de leur fils, tu sais celui qui passe son bac cette année et que son père destine déjà à une grande carrière de commerce. Il faisait chaud, c'était une très belle journée et tu m'aurais vue avec ma petite robe de chez Dior, c'est bien simple le jeune Durand n'a pas arrêté de me lorgner, tellement qu'il ne se souciait même plus de ses invités, entre ma poitrine généreuse et mes longues jambes et le fait que j'ai encore un sacré déhanché tu sais, je pense qu'il n'a pas dû profiter de grand-chose d'autre à part du buffet pour s'enlever l'eau à la bouche hihihi !… Enfin le pauvre garçon, je ne compte pas lui tourner autour et je vais le laisser passer son bac d'abord, ensuite on verra… Oh, je te prie de m'excuser, il ne faut pas que tu te fasses du souci pour Bernard, il n'y a pas de risque qu'il soit jaloux, car en fait, il est mort il y a quelques mois. Oui, je sais, je suis désolée je n'ai jamais su annoncer les nouvelles, les bonnes comme les mauvaises d'ailleurs et je ne savais pas trop comment m'y prendre car je me rappelle que Bernard et toi aviez été assez proches à un moment de votre vie, c'est même toi qui me l'as présenté, et je suis d'autant plus gênée de t'avouer que je me sens libérée d'un poids étrange et que sa disparition n'est pas si difficile pour moi à supporter, finalement, je m'aperçois que je vis très bien en son absence, je pense même pouvoir dire que je suis mieux comme ça. Pourtant tu sais au début ça n'a pas été facile…


Tu vas rire mais j'ai mis plusieurs semaines à me faire à l'idée de son décès, disons à accepter les évidences, mais je crois que j'étais dans le déni, car c'est vrai que cette situation n'était pas normale, le cuir chevelu, les traits, l'odeur, tous ces bruits étranges qui provenaient de Bernard, ou plutôt de sons corps, lui qui a toujours été d'un savoir-vivre et d'une hygiène impeccable, c'est vrai que c'est ça qui aurait dû me faire comprendre que quelque chose n'allait pas et c'est quand même cette histoire d'odeur corporelle qui a fini par me mettre la puce à l'oreille. Oh, si tu savais ! Cette odeur était vraiment insupportable, bien sûr j'ai essayé de la masquer et de la faire disparaître en l'aspergeant régulièrement de Chanel n° 5 mais sans succès, j'ai essayé ensuite un parfum plus musqué mais il n'y avait rien à faire, malgré tous les parfums et tous les produits de droguerie l'odeur tenace persistait et cette odeur étouffante je crois qu'elle ne me quittera plus jamais, je l'ai ancrée dans ma mémoire olfactive.


Donc oui je ne vais pas te mentir ça a été très dur au début… Je crois que j'aurais pu mourir de solitude, je t'assure. C'était comme un vertige qui n'en finissait plus. Et puis aujourd'hui, tout ça est derrière. Je me sens légère, très légère, aussi légère qu'un papillon, comme je ne l'ai jamais été avec Bernard. Oui en y réfléchissant, je me sens libérée d'un poids, d'un énorme poids, j'ai retrouvé l'insouciance qui me caractérisait dans mes jeunes années, tu te rappelles… Je ne devrais pas le dire aussi crûment, mais je crois que la mort de Bernard a été ma cure de jouvence. Hihihi… Et puis ce petit corps malingre qu'il fallait pousser, traîner partout, car Bernard n'a jamais été mondain, tu dois t'en souvenir toi aussi. Tout ça était assez épuisant… Aujourd'hui, je revis avec une certaine béatitude et je sens en moi pousser de nouveau les ailes de la liberté. C'est comme si soudain, j'avais retrouvé ma force, mon énergie, comme si un immense oiseau bleu était venu me libérer de cette enclume de sang et de méninges qui s'était attachée à moi jusqu'à présent ; comme si on m'avait arrachée d'un parasite gigantesque, car en fait je m'aperçois avec horreur que Bernard était un parasite pour ma nature profonde ; une espèce de grosse sangsue qui vivait accrochée à mon cœur. Au fait je ne t'ai pas dit à propos de sangsue ! la semaine dernière, j'en ai mangé pour la première fois… Je te jure si mon coach en diététique me voyait, je ne crois pas qu'il serait content de mon nouveau régime. Mais j'ai décidé aussi de ne plus me laisser guider aveuglément et de prendre ma vie en main. Tu sais je me suis aperçue que je vivais à l'ombre des choses et des êtres, de Bernard pour ne pas le citer, mais de beaucoup d'autres personnes qui avaient une emprise qu'elles n'auraient pas dû avoir sur moi, car je suis une personne à part entière avec sa personnalité qu'il faut respecter. Aussi j'ai décidé de me passer de tous ces coachs qui jusqu'à présent ont jalonné mon existence de leur soi-disant bon sens, coach sportif, coach minceur, coach en développement personnel, coach en diététique, ah oui c'est certain ce dernier s'il voyait mes menus actuels je crois qu'il s'arracherait les cheveux mais que veux-tu, je vis une véritable passion culinaire, on peut le dire comme ça je crois, pour les insectes. Fourmis, termites, coléoptères, libellules et même limaces et vers de terre sont devenus mes mets favoris, mes plats de prédilection ! Hihihi… Je crois que c'est en lien direct avec mon nouvel état. Car bien sûr il faut que je te parle de ça, mais de gros bouleversements se sont opérés à l'intérieur de moi à l'occasion de tous ces évènements difficiles qui ont mis, quoi qu'on en dise, mes nerfs et ma santé mentale à rude épreuve.


Chose positive avec mon nouveau régime, je tiens la ligne comme jamais auparavant et sans aucun effort, et si je suis bel et bien radieuse de l'extérieur, à l'intérieur je me sens comme revenue à la vie après un long sommeil. Un sommeil de trente-deux ans avec Bernard hihihi !… Je crois qu'à ce stade de ma lettre et de mes confidences je peux te parler de tout ça au risque de passer pour une folle, mais je suis en train de changer, de vivre une certaine métamorphose. Je ne sais pas comment dire, mes goûts alimentaires ont changé, je ne perçois plus les couleurs et les odeurs comme avant, même les sons ne sont plus ce qu'ils étaient, c'est formidable ! Même si c'est aussi un peu épuisant, tout est plus puissant, plus fauve, plus excitant, j'ai l'impression d'avoir retrouvé une intensité de perception qui n’aurait jamais dû me quitter, comme si mes sens étaient devenus ce qu'ils n'avaient jamais été mais qu'ils auraient dû toujours être. Le fait que je change dans mes habitudes et mes comportements, voire dans ma morphologie et ma façon de voir et de ressentir, m'amène à penser ou à sentir, que je suis en train de vivre en moi une transformation importante.


Je ne sais pas si tu réalises vraiment quel type de transformation s'opère en moi et si ce n'est pas le cas, j'avoue que je ne sais pas comment te le dire franchement, sans que tu t'inquiètes pour moi. Je suis juste en train de vivre, je le sens plus que je l'explique, une espèce d'aboutissement ultime et de résurrection. Et ce nouvel état doit être considéré dans mon moi intérieur mais aussi sur le plan physiologique et spirituel. Je ne suis plus l'épouse d'un notaire, je ne suis plus une épouse, je ne suis plus une femme futile comme je l'ai toujours été et je ne crois même pas appartenir à l'espèce humaine ou en tout cas pas au sens où nous l'entendons communément. Mais qui suis-je réellement ? Je t'avoue que je ne sais pas mais je m'en moque, je n'ai jamais été aussi bien de ma vie…


Et dire que je ne pouvais pas voir les insectes avant tout cela ! Aujourd'hui j'en raffole ! La première fois que j'en ai mangé je me rappelle très bien, c'était le soir de l'enterrement de Bernard. Il faisait froid. Dans les allées du cimetière, l'air gelé me glaçait les os. Tout était froid, le silence et la procession. L'atmosphère de l'hiver et le recueillement donnaient un climat morbide, tu me diras c'est normal pour un enterrement… la chaleur blafarde des rayons prenait dans le bleu délavé du ciel des allures de glaives blancs. Oui l'air était froid, d'une pureté exaspérante. À l'intérieur, je me sentais aussi glacée que ces statues de pierres qui gardent les tombeaux. À plusieurs reprises je me suis sentie vaciller. C'est Jean-Michel, notre ami médecin, qui était à mes côtés, qui m'a empêchée à plusieurs reprises de tomber.


Quand je suis rentrée, j'étais complètement vidée, épuisée. Une fois les derniers amis enfin partis, Jean-Michel m'a aidée à me coucher car je n'arrivais même plus à me relever du fauteuil où je m'étais affalée en rentrant. Il m'a accompagnée jusque dans la chambre à coucher, je me suis déshabillée et mes gestes étaient anormalement lents, je me sentais parcourue par de drôles de sensations inhabituelles. J'ai réussi à me passer péniblement une nuisette et je me suis couchée. Jean-Michel m'a demandé si tout allait bien et si j'avais encore besoin de quelque chose puis il est parti en me souhaitant une bonne nuit. Lorsque je me suis retrouvée seule dans cette chambre, dans cette vaste maison, quand j'ai vraiment pris conscience que j'étais seule, j'ai failli perdre pied. Je me suis alors levée brusquement et je suis allée dans la salle de bains pour chercher une boîte de médicaments. Je me suis recouchée et j'ai pris quelques comprimés de somnifère et je me suis endormie, tombant dans un sommeil profond.


J'ai été réveillée soudain par un bruit à la fois calme et assourdissant. C'était comme des milliers de petits battements d'ailes qui bruissaient, battaient, et voletaient dans une espèce de grésillement étrange, qui me caressaient de toute part. Au début je pensais que c’étaient des bestioles qui me frôlaient et puis j'ai compris que c'était moi, moi face à mes sens, moi qui étais seulement en vie pour la première fois…


Alors, c'est vrai, la première fois j'ai subi totalement. Maintenant je commence à trouver mes repères, à prendre mes marques dans ce nouvel espace, l'espace d'un monde à redécouvrir totalement. J'arrive de mieux en mieux à prédire le moment de la modification, j'apprends doucement à maîtriser mes nouvelles capacités de perception, à les domestiquer en quelque sorte. J'ai remarqué qu'il faut déjà un contexte : une grande fatigue ou au contraire une trop grande exaltation. Les crépuscules sont un moment important. Alors j'ai l'impression que mon nez s'aplatit… Les cloisons se dilatent et l'air rentre avec d'étranges saveurs, des odeurs inconnues d'humus et de fleurs des champs… Des senteurs jusque-là indescriptibles s'engouffrent dans mes narines… Mes doigts semblent s'allonger en de fines membranes qui filtrent la moiteur de la nuit. Je sens et je ressens le moindre battement de cils, le moindre bruit infime. Je ne suis plus qu'un feu follet, un tremblement, du haut des épaules jusqu'aux poignets, je me sens pousser des ailes. Je sens dans mes veines couler le fluide vital à un autre débit, à une autre température. Mon cœur s'accélère. Mes ongles se changent en petites griffes. Ma bouche semble se tordre et mes lèvres s'affinent, mes dents poussent et se recourbent en éléments pointus, ma peau semble plus douce et se transforme en duvet gris et soyeux, j'ai l'impression de devenir minuscule tout en restant immense.


Voilà, chère Amélie, ce que je vis pratiquement toutes les nuits… Je t'avoue que moi-même je ne comprends pas un traître mot de ce qui m'arrive. J'ai conscience de l'aspect irrationnel, incroyable de ce que je vis mais, comment te dire, je crois que j'assiste à l'éclosion de mon nouvel être, de mon nouvel état sur le plan physique et psychique, et je dirais que toute cette révolution de ma chair et de mon âme me terroriserait allègrement comme toi je pense rien qu'à la lecture de tout ça, si en même temps, ce nouvel état ne réussissait à me combler au-delà de toutes espérances, tout est tellement plus simple comme ça, c'est effarant.


Bien sûr tu t'imagines bien que je n'ai pas pu parler de tout ça à Jean-Michel… La dernière fois que j'ai essayé d'évoquer le sujet, ce mufle a voulu me faire prendre de grosses gélules de lithium. Mais enfin est-ce qu'il m'a bien regardée ? Est-ce qu'il me prend pour une vulgaire montre détraquée pour vouloir me faire avaler des piles ?


Autant te l'avouer avec une légère crainte, c'est que je ne sais pas qui je suis ou quoi réellement. J'ai l'impression d'être une créature tout droit sortie d'une peinture de Gustave Doré ou de Moreau ce qui est assez comique finalement. Enfin là encore je ne sais que choisir. Je crois que je ne saurais jamais me décider… La seule chose que j'ai faite sans hésitation, c'est d'épouser Bernard. On voit où j'en suis aujourd'hui ! Hihihi… Bref, là encore, je ne sais pas. Mais pourtant je n'aurais pas besoin de coach parce que je me moque désormais de nommer les choses. De poser un nom sur tout ça. Ce qui se fait toujours de façon vulgaire, ma chérie, superficielle, fausse, finalement…


J'ai découvert que dans le silence apparent du monde, il y a tout un tas d'êtres multiples jusque-là invisibles qui bruissent et qui respirent. Je suis aujourd'hui sensible à cette vie grouillante, à l'écoute de ma nouvelle peau et de mon nouveau tempérament.


Aujourd'hui je suis bien… Fini les salades vertes et les régimes amincissants, fini les UV et les bains de soleil exténuants, fini les cosmétiques et les rivières de diamant, les tenues de soirée étouffantes, les rouges à lèvres et les mascaras collants, fini les sorties culturelles rasantes, les pièces de théâtre soporifiques et les expositions qui n'en finissent plus, fini cette villa si triste, fini cette vie ennuyeuse, fini la vie futile, fini Bernard, oui fini cette vieille croûte puante… À moi le cuir brillant au firmament des vraies étoiles. À moi le vent et l'infini de la nuit. Mes papilles sont en extase, mes paupières fermées. Je sens la fraîcheur qui écarte le voile blanc des rideaux. J'entends comme jamais l'écho des battements amplifiés de mon cœur. Je suis légère de l'intérieur. Je suis libre. Je prends enfin mon véritable envol…


Mais je vais te laisser, chère Amélie, j'ai une envie irrésistible de me faire une friture de sauterelles et de moucherons…


 
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   Anonyme   
29/4/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Cette phrase :
Aussi si tu as une idée de l'espérance de vie d'une domestique, n'hésite pas, je te serais extrêmement reconnaissante de nous en faire part.
Un bijou !
J'ai beaucoup aimé le ton de votre nouvelle, la manière dont elle passe de la frivolité absolue de sa narratrice à l'horreur. J'ai même rencontré des vampires heureuses ! La narration s'étend peut-être un peu trop sur la fin à mon goût, quand la situation est établie ; à vous de voir bien sûr, auteur ou autrice.

Un élément me manque toutefois : en quelles circonstances la narratrice a-t-elle pécho sa vampiritude ? Je suppose qu'avec sa vie mondaine elle a pu croiser la route d'un habitant des Carpates, mais j'aurais aimé juste une chtite allusion à l'événement fondateur.

   Anonyme   
2/5/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour,

Un vrai bonheur que de tomber sur ce genre de nouvelle. J’ai été portée de bout en bout par ce récit à fausses pistes et cette curieuse Amélie qui nous en raconte tant et plus avant de nous asséner un férocement drôle « il ne faut pas que tu te fasses du souci pour Bernard, il n'y a pas de risque qu'il soit jaloux, car en fait, il est mort il y a quelques mois. » Et là, on se dit que l’auteur joue avec nos nerfs. Mais je n’en dirai pas plus pour ceux et celles qui iront la lire après moi, il faut garder le suspens intact. Une écriture solide et déjantée(à peine) très riche et vivante, bref je n’ai pas vu la longueur relative de la nouvelle défiler. C’est un signe…

Anna fan d’Amélie en EL

   chVlu   
12/5/2022
 a aimé ce texte 
Vraiment pas ↓
Je me suis appliqué à lire méticuleusement, mais malheureusement cette lecture est resté technique et laborieuse. La trame, l'histoire, ne m'a jamais transporté j'ai toujours dû puiser dans ma volonté de lire pour avancer.
L'histoire se construit de façon trop prévisible.
La structure des phrases avec des propositions en cascades ou gigognes comme des poupées russes a rajouté de la confusion.
Je crois avoir perçu ce que la nouvelle veut raconter :
l'histoire d'une femme qui libéré d'un mariage étouffant se sent pousser des ailes. Et pour le coup la sensation de confusion que m'a procuré la structure des phrases a aussi jeter une brume épaisse sur le sens du texte.
les Hihihi peu raccord avec la forme lettre.
Bref l'ensemble m'a semble maladroit et confus.
L'idée me parait intéressante, et je crois avoir aperçu des effets qui auraient pu me plaire :
l'idée d'être libéré du mariage au point de l'effacer même des instants partagés est intéressante. De la femme artificielle mutant en oiseau (on ne peut plus libre et naturel) m'a plu. Pourtant dans la transcription en lettre je n'y ai pas trouvé mon compte.

   Donaldo75   
12/5/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Allez, une petite pour la route : Bernard se prénomme Bertrand au début du second paragraphe ; je crois qu’il y a comme une boulette. Et puis c’est pas grave puisqu’il est mort, le Bernard. Quelques autres coquilles émaillent ce texte. La relecture n’a pas été complètement attentive, je suppose. Pourtant, il y a une vraie tonalité dans cette lettre et elle raconte une histoire, celle de la femme qui s’accomplit, pas forcément en tant que femme au sens littéral du terme – et encore, ça se discute – mais en tant qu’individu au-delà des conventions et du rôle que la société lui a conféré. Elle le dit à plusieurs reprises dans sa lettre et ce point lui semble important. Elle n’est pas la femme de Bernard et elle ne succombe plus au convenu de sa situation sociale. Le passage concernant le jeune qui la dévore des yeux en est une illustration. Cette lettre semble longue – et elle l’est si je me réfère au nombre de caractères espaces comprises – mais elle se lit facilement car elle est prenante et le lecteur – en l’occurrence ma pomme – a envie d’en savoir plus, ce qui est un très bon signe en termes de narration.

   Angieblue   
27/5/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Très intéressant le fait que l'émetteur de la lettre soit une femme devenue vampire. La métamorphose est incroyablement bien décrite, riche en détails avec les modifications de la perception, le sentiment de liberté. Les passages sur les êtres invisibles qui grouillent sont très réussis. Il y a de belles tournures littéraires:

"la chaleur blafarde des rayons prenait dans le bleu délavé du ciel des allures de glaives blancs."

"Mes doigts semblent s'allonger en de fines membranes qui filtrent la moiteur de la nuit."

Et excellent ce passage de métamorphose:

" Mes ongles se changent en petites griffes. Ma bouche semble se tordre et mes lèvres s'affinent, mes dents poussent et se recourbent en éléments pointus, ma peau semble plus douce et se transforme en duvet gris et soyeux, j'ai l'impression de devenir minuscule tout en restant immense."

Très réussie également cette scène finale:

"Je sens la fraîcheur qui écarte le voile blanc des rideaux. J'entends comme jamais l'écho des battements amplifiés de mon cœur. Je suis légère de l'intérieur. Je suis libre. Je prends enfin mon véritable envol…"

Et puis, bien malsain, ce rire sadique "hihihi" qui revient régulièrement dans le texte. Au début, j'ai pensé à une folle...mais avec les repas d'insectes, j'ai commencé à comprendre...
Il y a des passages qui retournent bien le cœur.

Par contre, il y a un passage que je n'ai pas bien compris. A un moment, la narratrice parle de l'odeur inconvenante de Bernard. J'ai cru, en fait, qu'elle l'avait tué et vivait avec son cadavre sans réaliser qu'il était mort...ça aurait été bien glauque et morbide. Mais non, puisqu'on apprend par la suite qu'elle est seulement devenue vampire après l'enterrement...Enfin, je n'ai peut-être pas bien compris...Il faut que je relise le texte...

En somme, c'est plutôt une totale réussite, c'est très riche, atmosphère, descriptions des changements physiques et des perceptions, le choix de la forme...

Mais le texte mérite quand même d'être un peu retravaillé, il y a quelques répétitions qui sont à supprimer. Par exemple:

"Lorsque je me suis retrouvée seule dans cette chambre, dans cette vaste maison, quand j'ai vraiment pris conscience que j'étais seule,"
Répétition de "seul". Il y a pas mal de répétitions de ce genre qui alourdissent la narration...

Et attention, il y a également un souci avec l'emploi des virgules qui sont souvent manquantes...

   papipoete   
30/5/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
bonjour larivière
Une histoire de nénette au début qui ne se croit pas " merde ", à dénigrer ce personnel de maison, qu'il faut absolument avoir pour servir au mieux, une femme " aussi parfaite que moi "
Et puis le récit bascule dans l'irréel à la mort de son Bernard, quand elle découvre l'exquise nourriture, que sont les insectes ! il n'y a plus que ça qui compte !
NB " tu devrais goûter ", c'est extra ! On sourit devant cette pimbêche qui en vient même à devenir dans son esprit, chauve-souris ou autre ou autre bestiole " façon château des Carpates "
Mais en même temps, le récit peut ouvrir les esprits sur cette nourriture si importante, mais peu ragoutante ( pas pour moi, qui suis prêt à ne pas mourir de faim... )
On ne s'ennuie pas un instant, mais dans la première partie, y'a des baffes qui s'perdent !
Vite, je dois passer à table !

   Cyrill   
31/5/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Salut Lari,
J'ai bien aimé cette nouvelle en même temps qu'elle m'a énervé. Certainement que la structure des phrases y est pour quelque chose. Elles sont souvent trop longues, mais cette critique n'en est pas vraiment une car elles suivent la pensée de la narratrice et correspondent exactement, à mon avis, aux relations épistolaires par e-mail. On ne sait pas ponctuer par des points, en découle une suite interminable de propositions séparées par des virgules et encore des virgules. La pensée ne supporte pas de se poser, tout fait lien.
Alors bien sur rien ne me dit que cette correspondance se fait par mail, mais c'est le sentiment que j'en ai. Pas de critique donc, bien au contraire, ce style est respecté tout au long du message, avec quelques expressions bien typiques : "hihihi","Tu vas rire mais", "Donc oui"...
Donc oui, c'est énervant du point de vue de la vraie vie, mais ça fait partie de l'histoire.
Énervante aussi cette femme à l'esprit prosaïque, qui semble bien superficielle, uniquement préoccupée de son petit égo, et ne manque pas de glisser l'air de rien son succès auprès de la gente masculine.
Mais on sort de cet ennui grâce au tournant fantastique que prend la nouvelle, presque fortuitement : ah oui c'est vrai, Bernard est mort ! Et ça ne semble pas indisposer plus que ça la dame, hormis les problèmes d'odeur.
Je vois dans la suite du texte la description d'une sorte de métamorphose mais je n'ai pas repéré d'indice qui me permette de conclure en faveur du vampirisme, comme je l'ai lu dans les commentaires précédents. La description de son aspect physique et de ses sensations me fait penser à une créature étrange sans que je sache la nommer, et ça n'a pas vraiment d'importance à mon avis.
Ce qui est intéressant c'est la question de la réalité : comment on se voit, comment on peut échapper aux conventions, comment les autres nous voient et à quel moment on peut être considéré comme fou, ayant besoin d'être médicamenté pour rejoindre un monde normatif.
Au final, j'ai aimé ma lecture et les questions qu'elle m'a posé.

   Pepito   
3/6/2022
Bonsoir Larivière,

Écriture impeccable, quelques trucs au cas où.
“ce qui est quand même assez humoristique…”... heu, comme quoi il faut de tout. ^^
“Bertrand et moi étions ravis”... c’était pas Bernard au début ?
“surtout la petite naine qui m'a beaucoup fait rire”... oups ! Heureusement que je sais à qui j’ai affaire. ^^
“ je ne compte pas lui tourner autour et je vais le laisser passer son bac d'abord”... pourquoi j’ai une impression de déjà vu ? Excellent, ça ! ;=)
“plutôt de sons corps”... “son” non, ou jeu de mot ?
“ en train de vivre en moi une transformation importante.” … “quel type de transformation s'opère en moi”... ça redonde un poil, là.
“ que j'en ai mangé (virgoule)je me rappelle très bien,”
“ je me suis couchée”... répet
“lithium”... “piles”... ;-)

Un truc m’a semblé curieux : “c'était le soir de l'enterrement de Bernard.”. Vu le début, je le voyais mourrir/pourrir dans un fauteuil en rotin sous la terrasse.

Bien sûr on pense à Kafka, mais la lente transformation de cette mégère, désagréable et pédante, est un vrai régal. Trouver un accomplissement à une vie futile dans la dégustation et les sensations d’insectes divers et variés est une bonne idée.
Un grand plaisir à lire cette nouvelle vraiment bien menée.

   Anonyme   
5/6/2022
Bernard pourquoi pas, j'aurais dit Kévin ou Jean-Charles pour coïncider avec la mode de l'entomophagie. Que dire d'autre ? Toutes les idées sont à leur place, chaque phrase légitime, donc un bon texte. Mais le monothématisme et cette répétition forcenée du pronom "je" m'ont semblé franchement lassants et j'ai sauté quelques lignes.

   widjet   
10/6/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↓
D'ordinaire, je ne suis pas très client des textes épistolaires, mais celui-ci est plutôt bien troussé, le vocabulaire est riche et varié, les descriptions efficaces.
Le principal attrait vient du ton du personnage principal qui laisse parfois le lecteur dans une espèce d'inconfort. Cela est du à cette femme et à son psychisme où, derrière un air presque adolescent et candide, flirte la démence et donc la dangerosité à l'image d'une Annie Wilkes dans MISERY.

Comme soque, j'aurai apprécié un déclencheur à cette lente mutation, mais peut-être suis je passé à côté d'indices.

W

   Anonyme   
27/7/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Bon, mon Laridou en sucre, j'essaie d'oublier que finalement c'est moi la narratrice et que la lettre à Amélie c'est un peu ma mienne d'abord...
na...

Je ne noterai donc pas, puisque la genèse, l'exagenèse et l'antigenèse je les connais un poco, I'm the muse tout ça... hahaha ça me rappelle Les Lézards :) et puis si, je vais noter, parce que l'inspiration n'a rien à voir avec l'écrit en soi, et que je l'ai ni lu avant ni bossé avec toi, je note donc...

Bon plus prosaïquement, à propos de ta bafouille à Melaï.

J'adore tout simplement la manière dont tu développes le personnage, même si j'aurais aimé que tu ailles encore plus loin dans la démesure et le surréalisme. Je l'aurais fait éclater de rire à un moment tsais... un truc plus kiwiesque justement, plus visiblement glauque dès le départ (bien qu'en paragraphe 2 la remarque sur l'espérance de vie des domestiques est parfaite, par exemple)

Sinon tu as choisi le bon axe de développement, la manière dont petit à petit on se rend compte qu'il y a un souci quelque part, c'est agréablement distillé.

On commence par se dire qu'elle est un peu perchée et on finit par dire mais non !

Merci, après 5 ans de suspense, de m'avoir laissé lire la Lettre à Amélie, elle m'a plu. Amélie la kifferait aussi :)


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