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maria
27/3/2020
a aimé ce texte
Passionnément
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Bonjour,
"Sur le carrelage froid et stérile de leurs salons s'étalait à perte de vue des surfaces sans fin... ...aux murs végétaux de leurs chambres à coucher ils pendaient des amertumes et des lézards en fer-blanc" Voici un aperçu de ce qui attend le lecteur : un feu d'artifice de métaphores. "L’homme s'est mis en tête de décrocher le ciel, à toucher aux étoiles... ...les Dieux ne purent que constater les derniers méfaits de l'homme...leurs retirèrent toute lumière naturelle." Mais "on savait bien que tout cela n'était qu'une fable". En fait "un jour par accident ou par folie meurtrière, l'homme avait mis le feu à la planète.. mais les allumettes de l'homme à ce moment était nucléaire" "Mais certains ne se satisfaisaient d'aucune de ces explications...et qu'en réalité la vie existait en dehors des dômes artificiels" Voilà, j'ai préféré en guise de commentaire reprendre des passages du texte, car je ne saurais mieux que l'auteur(e) parler de "les hommes sans ombre". Une nouvelle d'une qualité exceptionnelle tant sur le fond que sur la forme, et j'invite tous ceux qui, comme moi ne sont pas férus de S.F. d'y jeter un œil. C'est de la littérature, tout simplement. Bravo et merci à l'auteur pour ce grand moment de lecture. Maria en E.L. |
Anonyme
1/5/2020
a aimé ce texte
Un peu
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Bonjour Larivière,
Je ne vais pas le cacher, je n'ai pas tout lu : le côté 'branlette cérébrale pour intellos' m'a rebuté. Science Fiction ? Non. Anticipation ? Non. Plutôt une histoire de l'humanité sans concession, un constat, un je ne sais quoi d'inéluctable dans ce scénario catastrophe mais si réaliste, hyper réaliste... un brin, juste un brin Cynique. Fatal. Et radical. Dugenou. Edit : bon, j'avoue, j'ai pas compris grand chose... et le peu qui est passé à ma portée m'a déplu. Depuis que je suis sur Oniris je me découvre un côté 'connard bas du front' qui me déplaît et que je ne me connaissais pas. Alors je complexe et je suis méchant alors que c'est pas justifié. Bravo. |
Anonyme
29/4/2020
a aimé ce texte
Beaucoup ↑
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Bonjour Larivière,
Confinement oblige je lis des nouvelles, j'ai du temps à perdre, où me dis-je , en lisant la vôtre, à gagner... La description de l'intérieur de ces hommes sans ombres est d'une grande sagacité. Ce n'est pas de la 'branlette', Dugenou. C'est le fruit d'observations fines, transposées. L'idée pour moi précieuse qu'à l'auteur, par exemple, de dire qu'un petit monument est érigé à chaque moment frappant de la vie, est visuellement et spirituellement une belle innovation. Le texte est truffé de ces détails. Je ne vais pas tous les reprendre, ici, même si j'ai du temps à perdre. Ce qui est sûr, c'est que que je vais en profiter, chez moi, jusqu'à peut-être la fin du confinement, tant il y a de choses à rapprocher. Pour moi une nouvelle marquante, même si ce qu'elle dénonce est inconsciemment ou non dans toutes les têtes, les têtes ouvertes ou fermées. Merci. |
wancyrs
29/4/2020
a aimé ce texte
Beaucoup ↑
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Bonjour Larivière,
Pour commenter l'un de mes textes dernièrement tu as dit que j'avais du talent, mais ce talent, pour moi, devient terne devant toutes les métaphores de ce texte ; et c'est ce qui en fait sa force, en plus de son réalisme. Je peux comprendre ceux qui parlent de cynisme, car l'humain ne veut pas comprendre, ni imaginer que son obsession à vouloir tout posséder, et à n'importe quel prix, va finalement lui ravir son ombre, car le moment arrive vraiment, et est même déjà arrivé, où les humains vont voler cette foudre divine pour réduire tout en poussière... l'histoire est amenée d'une manière remarquable ; les détails sont si bien exposés qu'on voit le film de ce drame se dérouler. J'ai beaucoup aimé le paragraphe des livres qui racontent la vie d'antan, mais que certains balaient d'un revers de la main en évoquant la fable... être sans mémoire et sans ombre, quel triste destin ! Merci pour le partage, Lari, je n'ai pas ce talent de commentateur qui exalterait ta nouvelle à sa juste valeur, alors je l'ai apprécié en silence, car elle rejoint ma pensée sur l'avenir du monde, les détails et la précision en moins... Wan En te lisant, je m'imaginais comme ça que si tu réécrivais le tout avec une intrigue amoureuse ou n'importe quelle intrigue, le résultat serait magnifique ! |
Anonyme
30/4/2020
a aimé ce texte
Passionnément
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Ma première impression et celle d'un tableau foisonnant au lyrisme riche et coloré où se joue de la comédie humaine New age ayant perdu sa spiritualité.
C'est jubilatoire de se laisser embarquer dans ce grand capharnaüm, véritable caverne d'Ali Baba étincelant au soleil comme mille miroirs byzantins aux arabesques et volutes enflammés, sous lesquels on ressent que se joue de la grande tragédie façon antique. Le narrateur soudoie un lyrisme riche qui bondit et caracole, rebondit pour jaillir encore et encore, et touche les étoiles de ses mille pinceaux pour allumer des images superbes, puis revient en rase-mottes époustouflants pour arracher des étincelles aux moindres grains de poussières, pour s'envoler encore plus haut, toujours plus loin... Un véritable feu d'artifice de métaphores qui laisse éclater sa vie sur fond de tableaux impressionnistes. Je pense à certains tableaux de Kandinsky dans sa série des contes de fées, par exemple ''la vie mélangée'' ou encore ''le bleu du ciel'' et d'autres encore dont je ne retrouve pas les noms, mais où les couleurs, ici, seraient plus au cœur d'un été brûlant que de l'automne, plus enluminées encore, plus flamboyantes... J'adore ! On pourrait rapprocher les Hommes sans ombre de la SF de Ray Bradbury, en ce sens que dans cette nouvelle le narrateur ne semble pas préoccupé de réalité scientifique pure et dure, mais plutôt de fantastique poético-dramatique de la situation engendrée par ces hommes qui sont devenus des califes vivants à la place du calife. Par ses images fortes et poétiques qui rebondissent sans cesse dans un effet de chaos fin du monde, le ton a la fougue de la harangue, le côté prêche et réprimande en moins. Il tient de l'inventaire à la Prévert, en plus exalté, plus riche encore, qui n'aurait ici, qu'un sujet unique : ce qu'est devenu l'Homme une fois qu'il a volé/tué la lumière. L'atmosphère est à l'urgence. Ou plutôt au danger, à l'alerte. Comme le cri de la sirène dans la nuit qui annonce son approche imminente. En même temps, elle est à la désolation, à l'inexorable, à laquelle vient se rajouter in extremis une touche d'espoir, pour peu que l'on veuille teinter d'optimisme la dernière phrase : les hommes sans ombre. Au final, j'ai l'impression que les hommes semblent avoir trouvé le vrai bonheur, pourtant il y a ce relent de malheur qui rôde et persiste et empeste le tableau... Merci pour le voyage, Larivière. Comme tu l'auras compris j'aime beaucoup +++ cette envolée pleine d'une poésie à nulle autre pareille, unique et passionnée. Je retourne lire et relire encore, car mes premiers passages ne sont pas rassasiés de toute les richesses contenues dans et entre les lignes. Deux extraits parmi tant d'autres qui ravissent l'esprit : « Dans le hall d'entrée de leur maison, ils avaient des guéridons avec des phrases toutes faites et de petites guillotines, pour couper court à tout ennui, un cendrier, pour les échanges qui s'éternisent, une paire de dés pour avoir l'illusion de contrôler le destin, ainsi qu'une boîte d'allumettes et un atlas d'anatomie pour disséquer les intentions... » « Il n'y avait pas plus d'enseignement véritable, mais il y avait encore des marelles tracées à la craie, dans les cours d'école. D'ailleurs, la terre et le ciel étaient des mots d'enfants. » Cat |
Anonyme
1/5/2020
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J'avais beaucoup aimé les oiseaux lunes...Et donc lorsque j'ai vu une nouveauté signée Larivière, je me suis précipité pour lire...Au bout du compte petite déception...Donc pas de note pour ne pas "pénaliser" ce travail foisonnant de trouvailles et autres originalités...mais sur les trois quarts du texte on a une description interminable, aucune action ! littéralement et absolument aucune !!
se répétent : Ils avaient.......Sur/sous/Dans....A l'intérieur IL y Avait.....il n'y avait pas... etc etc Une longue description de l'environnement qui dure, des lignes et des lignes, pour expliquer la genèse du tout...un enchevêtrement enchâssé d’objets aussi hétéroclites que divers, et variants, un bazar de perceptions extra sensorielles, un capharnaüm de digressions etc etc qui rend la lecture presque éprouvante... Vous m'avait fait penser à W.Gibson ou K.Dick tant la lecture est ardue...foisonnante à souhait, même un peu trop...pour les non avertis. J'ai trouvé qu'il y avait aussi un côté "biblique" et quelque chose de Steinbeck dans "Les Raisins de la Colère...avec ses longues descriptions... |
Vincente
2/5/2020
a aimé ce texte
Bien ↑
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L'extra-proposition construisant par ses multiples parallèles ce "multimonde", originaire du notre, est pleine d'abondances. Que ce soit dans la forme stylistique, dans la structure narrative, dans l'abstraction "existentielle" ou par ses dévers poétiques, il y a profusion de "valeurs". Valeurs dans notre monde équivaut à richesse, mais ici comment le lecteur peut-il s'en emparer sans spolier l'auteur-narrateur, omnipotent instigateur de cette réflexion, libérée ainsi d'un personnage central qui aurait étriqué son propos dans la focale d'un individu. Car nous évoluons dans cette "nouvelle SF" dans une macro-réflexion.
J'ai trouvé le regard investisseur de l'auteur conquérant, très intéressant dans le fondement de sa pensée. Les transpositions foisonnantes qui nous font apparaître depuis notre condition d'homme d'aujourd'hui ces "hypothèses", bien visibles, accessibles, compréhensibles, de ce que pourrait être notre futur, notre par-delà vers une "hyper-thèse" civilisationnelle, tend ses ponts avec constance entre ces deux entités, ces deux époques, mais aussi ces deux façons d'envisager notre existence. La relation entre ce qui se vit aujourd'hui et ce que l'auteur/narrateur nous fait entrevoir est vraiment forte, insistante, mais à raison. D'un point de vue narratif, je m'interroge sur l'espace temps depuis lequel se raconte l'évocation : qui est ce raconteur de l'histoire des hommes ? Il vit dans une époque postérieure, mais l'emploi dans la phrase finale de l'imparfait "C'était les hommes sans ombre" semble confirmer que ceux-ci sont morts. Et pourtant, l'on peut penser que c'est un homme qui raconte, un "homme avec ombre" donc. Je trouve qu'il manque une toute petite incise donnant une orientation appuyant d'un peu de réalisme (elle ne serait pas de trop pour faire contrepoids au niveau "d'abstraction" très élevé du récit). L'ordonnancement des séquences (état depuis le monde d'après le "point zéro" – évocation de "l'avant" celui-ci – l'originel avec les dieux, etc… puis le "nucléaire etc… et retour aux "[i]hommes sans ombre" désormais éteints !) m'est apparu judicieux. Un mot du titre très politico-poétique. Des hommes sans relief, sans consistance sur lesquels la lumière spirituelle n'aurait pas d'accroche, de salut, ni de réflexion, ni même de coloration, des êtres pâles et fades… Très forte expression très appropriée au propos. Concernant les percutions des champs réalistes et abstractifs dans les descriptions, elles concourent sans nul doute à la richesse de la "démonstration", elles lui amènent une dimension "supérieure", je pense même que cette posture rhétorique très mélangeuses de genre et de notions (des plus physiques au plus poétiques) "permet de dire" plus que de raison et donc de dépasser le "raisonnable" ; celui qui fait parfois bien des dégâts ou qui empêche "d'aller plus loin". Il faut saluer l'audace de l'auteur sur ce plan, d'autant que ces invitations se justifient le plus souvent dans leurs termes mêmes. Toutefois, j'ai trouvé longs, rébarbatifs, les paragraphes d'une phrase immense où s'empilent (le plus souvent de cause à effet, mais…) à n'en plus finir les couples d'oppositions d'objet ou de faits descriptifs. Autant pris un à un et même deux par deux, ils sont séduisants, riches de sens, dans ce qu'ils notent du regard, autant la quantité d'images qu'ils convoquent est finalement dépréciatrice ; oserai-je dire, dans ce registre valorisant, que le rare est bien souvent le plus cher… ! Plus globalement, je garde aussi cette sensation du besoin d'un resserrement du propos. Un peu comme s'il fallait choisir de modifier le dosage entre l'efficace et le joli, ou entre le pertinent et le lyrisme. Et puis, d'une façon très subjective, je reste un peu réservé sur la justesse du développement en lui-même pour servir cette idée très inspirée dans son principe ; je parle là des articulations de la démonstration (j'y vois une sorte de démonstration, mais peut-être n'en était-ce pas une ?) que j'ai tenté de retenir ; mais cela étant tellement discutable… |
Louis
8/5/2020
a aimé ce texte
Passionnément
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« Au commencement était l’action » ( « Im Anfang war die Tat » ): écrit Goethe dans Faust,
« Au départ fut le verbe Avoir » écrit l’auteur dans ce texte, pour désigner l’origine, ou plutôt le fondement, d’un monde fictif, d’un monde de lumière, où vivent des « hommes sans ombre ». Une première partie du texte dresse le tableau de ce monde fictif. Tout, dans cette partie est descriptif. Parce que dans cet univers il ne se passe plus rien, il ne peut être que dépeint. Ce monde, en effet, est celui de la fin de l’Histoire et de toute histoire, cette partie se conclut et se termine par ces mots significatifs : « Il n’y avait plus de récit, plus de trame » Le texte dans ses débuts n’est donc pas un récit, il n’est que le tableau d’une fiction, puisqu’il nous plonge dans l’époque de la fin du roman, dans un âge sans narration possible, sans « récit », et sans « trame », parce qu’il n’y a plus rien à raconter dans ce monde, puisqu’aucune aventure, ni épopée ni odyssée ne peuvent plus y être vécues. L’Histoire est à son achèvement, et « plus personne ne suivait les hommes qui prônaient les changements, les révolutions. Les fous n’existaient pas plus que les idéalistes. » La quasi-absence des verbes d’action, dans cette première partie, confirme l’idée. Les verbes d’état dominent. Le verbe avoir est le plus utilisé ; de ce monde, il est dit ce qu’il y a, ce qui lui est présent, ainsi que ce qui est (ici « être » et « avoir » ne s’opposent pas, mais se confondent ) mais non ce qui se passe, non ce qui arrive, car il n’arrive rien, et qu’aucun événement ne se produit plus. Dès la première phrase apparaît le verbe « avoir » : « Ils avaient des intuitions et des colonnes à bulle », ce verbe reviendra en de nombreuses occurrences par la suite, et sera aussi très fréquemment utilisé en tant qu’auxiliaire. Son usage en tant que verbe indique des propriétés rapportées à un sujet collectif : « ils », propriétés à la fois au sens des attributs de ce sujet, et celui de leurs possessions. Leurs attributs subjectifs : « les intuitions », un peu plus loin les «souvenirs » sont mis sur un même plan que les objets possédés : «des souvenirs luisants, des divans blancs, et des frigos qui faisaient des glaçons… ». Il semble n’y avoir nulle distinction entre ce qui est interne à ces sujets et ce qui leur est externe. L’intériorité personnelle ne demeure plus cachée, dans une zone sombre, obscure, impénétrable à autrui, dans une zone d’ombre, mais semble projetée hors de soi, dans l’extériorité, en pleine lumière. Les autres verbes de cette partie peignent le tableau d’un monde étrange. Ainsi, par exemple : « Sur le carrelage froid et stérile de leurs salons s’étalaient à perte de vue des surfaces sans fin… » Quand il est fait usage de verbes apparemment d’action, il s’agit en réalité d’évoquer des gestes, des mouvements corporels, des déplacements et des agitations : « Aux murs végétaux de leurs chambres à coucher, ils pendaient des amertumes et des lézards en fer blanc », des gestes quotidiens, répétitifs, figés, et non des actions. Tout semble en effet pétrifié et sclérosé, et les gestes désordonnés, insensés ou répétitifs équivalent à une fixité, où tout change pour que rien ne change. Prolifèrent dans ce monde les « statuettes », les « silhouettes amorphes faites de chairs d’os et de pulsions », les «mannequins humains », des « postures catatoniques ». On se croirait plongé dans les tableaux d'un temps figé à jamais du peintre De Chirico de l’époque surréaliste et « métaphysique ». Le temps, , du monde de lumière est, en effet, comme mort, et les montres doivent y être aussi molles que dans le tableau de Dali, intitulé « Persistance de la mémoire. Quand « avoir » est utilisé en tant qu’auxiliaire, c’est toujours pour indiquer un passé, des actions passées, qui ont pris fin : « Ils avaient dominé la matière. Ils avaient maté les atomes, soumis les électrons. Démasqué le boson et découvert l’orbore, le radium, le lithium…puis ils avaient creusé la terre… ». Mais l’histoire du monde qui nous est dépeint est parvenue à sa fin, et à ses fins, ce monde du bout de l’histoire ne vit plus qu’au présent, se poursuit dans un perpétuel présent, sans but, sans téléologie : « Délivrées du passé, comme de l’avenir, leurs existences étaient un instant perpétuel, un mouvement sans fin. » De façon étrange, les verbes d’état ou descriptifs sont aussi conjugués au passé, à l’imparfait, alors que la logique voudrait qu’ils soient conjugués au présent. Le monde utopique qui nous est décrit se trouve dans un rapport particulier à la lumière. L’éclairage y joue un rôle important. Dès la première phrase apparaissent les références à son propos : « Ils avaient… des murs de lumière… des éclairages de toutes sortes ». Ce monde baigne dans une clarté intense, artificiellement produite : « Sous les puissants néons… » ; « Dans les mégalopoles baignées par la lumière éclatante des gighalogènes… » ; « … sous la lumière aveuglante du multimonde » ; « … comme des amas d’étoiles aux puissantes lumières, les villas et les monuments brillaient de mille feux précieux… c’était comme un roulement à billes géant et scintillant, qui se tenait à la place de la voûte céleste et que l’on sentait gouverner mystérieusement de ses phares gigantesques et arrogants l’ensemble de l’univers et des destinées ». Cette luminosité éclatante ne laisse aucune zone d’ombre, et même les nuits ne sont plus le règne de l’obscurité : « Ils vivaient sous l’éblouissement permanent, baigné de lumière » ; « Leurs sentiers étaient toujours lumineux… » Ce monde sous une lumière permanente est un immense panoptique. Tout y peut être vu, rien n’y peut être caché. Ainsi : « Partout, la lumière était inquisitrice ». La lumière scrute tout, rend tout visible, rend tout contrôlable. La lumière pénètre jusque dans l’âme des hommes, pour la rendre transparente. Ce qui ne se voit pas en elle, ce qui constitue aussi ses profondeurs obscures, inconscientes, invisibles pour les autres comme pour soi-même, se trouve "ex-posé" en pleine lumière, non par une "intro-spection", mais par une sorte d’ "extra-version", par laquelle l’intériorité se trouve projetée sur des écrans lumineux, et ainsi rendue visible : « La nuit, ils projetaient les désirs interdits de leur conscience qui ruisselaient le long des parois de vinyle blanc trop brillant, au-dessus de leurs lits embués de frissons ». L’abstraction de cette intériorité se manifeste dans les objectivations concrètes des « animaux domestiques », des « statuettes », des « idoles ou hologrammes », des « petits monuments en forme de mémorial » etc. Aucun jardin secret n’est plus possible. Leur « jardin » se dresse hors des hommes, devant eux et devant tous les yeux, sur les «murs végétaux de leurs chambres à coucher », qui n’est plus un espace d’intimité, parce que l’intimité a disparu dans l’éclairage universel et la transparence généralisée des hommes, à l’image des « immenses tours de verre », ces tours qui « sonos géantes reproduisaient la complainte du vent » ; humains comme les tours, pleins de vent, inconsistants, sans distinction entre intérieur et extérieur, sans profondeur. Dans ce monde de lumière, où prolifèrent les écrans, les images dominent, règne en maître le spectacle, et « Tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans une représentation » : comme écrivait Guy Debord dans "La société du spectacle". Ce passage est significatif à cet égard : « à l’intérieur tout était disposé à la façon d’un petit théâtre… Parfois, dans le cercle des intimes, ils jouaient des drames ou des comédies écrits à partir de leurs mœurs personnelles et le décor comme les acteurs changeaient en fonction des modes et des humeurs… ». La vie n’est plus vécue, mais représentée dans une vaste mis en scène. Ce monde lumineux et sans histoire demande, comme dans toute civilisation, une histoire au sens d’une genèse, au sens d’un récit des origines. Même au monde sans histoire, il faut une histoire de son apparition, qui ne peut être dans une génération spontanée. Le monde lumineux croit d’abord la trouver dans un mythe. Le mythe n’est ni la légende ni la fable, mais le récit d’une genèse, il raconte comment une réalité est venue au monde par des événements qui surviennent dans un univers surnaturel où vivent des êtres doués de pouvoirs prodigieux. L’histoire racontée dans de « vieux livres » qui aboutit au « point zéro » du monde lumineux en possède tous les caractères. Elle fait intervenir des êtres surnaturels : les « dieux ». Ces démiurges sont doués du pouvoir de créer tout un monde, ils ont donc créé « toutes choses vivantes, c’étaient les créateurs de l’homme ». De même que dans le mythe biblique, mais sans son monothéisme, ces dieux créent l’homme à leur « image », en font un mixte qui associe une parcelle divine et une parcelle animale. Ce récit mythique présente, en effet, la même structure que d’autres grands mythes antiques bien connus. Comme le mythe grec des «Androgynes », ces humains primitifs disposant d’une unité qui ne séparait pas le féminin et le masculin, ces humains orgueilleux qui avaient décidé de gravir les cieux jusqu’à l’Olympe pour prendre la place des dieux et qui furent pourfendus par le châtiment divin de Zeus, rendus ainsi incomplets, séparés d’une part d’eux-mêmes pour toujours, toujours en proie aux désirs. Comme le mythe biblique de la Tour de Babel, quand les hommes décidèrent d’élever une tour jusqu’aux cieux, de s’élever jusqu’au monde du divin, et qu’ils subirent le châtiment du dieu unique de la Bible, par lequel les hommes se mirent à parler des langues très différentes les empêchant de se comprendre et de coopérer. Dans ces mythes, l’homme à chaque fois subit un châtiment divin, origine de son malheur, par orgueil, par une démesure en lui, son «hybris » disaient les Grecs, qui le pousse à ne pas accepter sa condition humaine et la finitude qui lui est liée. Le mythe présent dans le texte relate une "vanité" des hommes, à partir d’une tension en eux entre leur côté animal et leur côté divin, qui les pousse à s’égaler aux dieux, et à refuser ainsi leur condition humaine : « Alors l’homme, cet être impulsif et vaniteux, car il était à la fois un animal et un dieu, créa les machines, afin de se débarrasser de sa condition de bête, afin de ne plus dépendre des dieux, afin d’être aussi puissant, aussi riche et rayonnant, aussi libres qu’eux. » Par les sciences et les techniques, les « machines », l’homme acquit alors un pouvoir démesuré sur la nature, mais au lieu de se détacher de son côté animal, il fit de la technique un moyen d’amplifier ce côté en lui, qualifié de « bestial », ce côté violent, cruel et destructeur. Une suite est donnée à ce mythe, qui le rapproche d’un autre grand récit mythique, le récit prométhéen. De même que Prométhée avait dérobé le feu divin pour en faire don à l’homme, les êtres humains décidèrent de s’approprier la « foudre divine » : « ils montèrent dans les appartements des dieux, où ils rentrèrent comme d’habitude par effraction, par une porte céleste laissée entrouverte ou une fenêtre de constellation mal fermée. Sans un bruit, ils s’emparèrent de la foudre divine… » Le feu dérobé n’est pas celui, constructeur, de la forge d’Héphaïstos, le dieu forgeron, feu symbolique du génie des arts, des techniques artisanales, mais le feu que l’on attribue plutôt à Zeus, celui de la foudre (ou du foudre), arme redoutable reçue par Zeus des Cyclopes et qui assure sa toute-puissance. Les hommes firent bien sûr un usage dévastateur de la puissance que leur donnait le feu divin. Comme Prométhée, ils furent châtiés, non pas en étant enchaînés à un rocher, et subissant chaque jour la torture d’avoir le foie dévoré par un oiseau rapace, aigle ou vautour, mais enchaînés à leur condition animale « …pour les punir…les laisser pour l’éternité dans leur état initiale de mammifères ». Mais surtout, pour avoir voulu dérober la lumière divine, ils furent enchaînés à l’obscurité, à un manque permanent de lumière naturelle : « Pour châtier les hommes une bonne fois pour toutes, les dieux leur retirèrent toue lumière naturelle, et les enveloppèrent d’un grand voile noir. » Ainsi les hommes furent condamnés : « à vivre comme le plus vil des animaux, dans la terreur des ombres et de l’obscurité », dans le même temps qu’ils sont infligés aussi d’une perte de mémoire collective : « ils n’auraient plus de souvenir ni du passé ni de la raison même pour laquelle ils agissaient ». Ainsi le mythe rend compte de la situation dans laquelle vivent les hommes, contraints de produire artificiellement une lumière que la nature leur refuse par décret divin ; contraints de vivre dans un halo de lumière enveloppé des ténèbres les plus noires et les plus obscures. En dehors de ce récit mythique, on peut trouver aussi dans le monde lumineux des récits historiques, qui racontent la « vraie histoire ». Le savoir historique se distingue du mythe, en ce qu’il est moins fondé que lui sur l’imaginaire, repose plutôt sur la rationalité : « la vraie histoire, celle qui expliquait comment… » et des documents vérifiables. Si une histoire est possible, c’est qu’il y a eu un avènement de la société lumineuse, c’est qu’il y a eu un avant de ce monde dans lequel le temps n’a plus cours, et donc un temps vivant : « une époque lointaine où le temps existait encore ». On y apprend que « l’homme a mis le feu à la planète » par « folie guerrière », il a joué avec le feu, comme un enfant, ou plus exactement, il a joué à l’apprenti sorcier (un autre mythe encore que celui de l’apprenti sorcier, dont une version a été reprise dans l’animation Fantasia de Walt Disney, mais un mythe n’est pas pure fantaisie et dit des vérités de façon symbolique et imagée). Ce feu s’avère être le feu « nucléaire ». S’ensuivit un « grand cataclysme » qui a mis en péril toute vie sur terre, l’orbite elle-même de la planète en a été changée. Paradoxalement, les hommes n’ont trouvé leur salut que dans ce qui a tout détruit : l’énergie nucléaire. La lumière nucléaire porte à la fois leur vie et leur mort. Ils vivent désormais dans des « bulles » qui tirent leur énergie et leur lumière totale et permanente du nucléaire, à l’abri d’une nature et d’une atmosphère dévastées. Ils ont tout détruit et tout recréé, « selon leurs désirs », et désormais : « toute chose, tout objet, tout animal, tout ce qui existait sur la terre était un produit de l’homme ». Pour éviter tout nouveau cataclysme, les hommes ont alors instauré les moyens d’une paix : « C’était le règne de la paix universelle ». Une paix qui sacrifie la liberté, une paix fondée sur un système eugéniste, d’une part : « en sélectionnant, aidés par les avancées impressionnantes de la maîtrise du génome, les individus les plus doux, les plus dociles, les plus aptes à vivre dans le nouveau monde tel qu’il allait être constitué », et d’autre part sur un système de contrôle et de surveillance généralisés : « surveiller la masse et les populations, dans leur moindre intimité, pour veiller à la santé at au bien-être de chacun ». De nouveau, il s’agit de rendre les hommes transparents, et inconsistants. D’autres hypothèses circulent, qui affirmant qu’en dehors des dômes ou des bulles, il y aurait une vie sous un ciel bleu, une vie sous le soleil. Il y a divers mondes possibles, qui semblent coexister, de façon réelle ou fantasmée, en parallèle. Un miroitement d’univers qui se reflètent imparfaitement. Les hommes sans ombre croient vivre dans le ‘’meilleur des mondes’’ : « ils réussissaient à vivre, et même à vivre mieux, pleinement satisfaits d’eux-mêmes ». Ils croient avoir réalisé enfin leur aspiration à s’égaler aux dieux : « Ils étaient les nouveaux et les seuls véritables dieux de leur monde. Ils en avaient conscience… et conquérants et radieux, ils en étaient très fiers ». Ils vivent toujours dans la lumière radieuse, attribut du divin. Pourtant, sous leur dôme, « la nuit restait sans arche, sans étoile, sans rêve, étreinte d’angoisse » Nous avons bien affaire à une dystopie. « L’espace était désenvoûté », est-il ajouté, au sens où il n’y a pas de voûte céleste, noire de nuit mais percée de la lumière des étoiles ; au sens du désenchantement dans un monde sans rêve et sans charme. Si dans le monde lumineux, l’histoire et son récit ne sont plus possibles, il en est de même pour la poésie dans un monde où rien n’intrigue, rien ne charme, rien ne fascine ; où rien n’envoûte ; où rien n’enchante. Les hommes sans ombre, sans part obscure, qui n’est pas forcément la part du mal, vivent dans un monde sans charme, sans cette part d’imaginaire qui laisse place au rêve et à l’enchantement, dans un monde sans histoire et sans poésie, dans un monde angoissant. La lumière totale et permanente ne valent pas mieux que les ténèbres profondes sans la moindre lumière. Le texte présente l’hypothèse de divers mondes possibles. Ces possibles semblent être ceux d’un choix : que voulons- nous ? Voulons-devenir des hommes sans ombre ? Ce texte nous interroge. Nous qui sommes sans doute à la croisée des chemins. Nous qui sommes parvenus sans doute à un point crucial de notre Histoire, il nous faut rapidement choisir. Et remettre l’action au départ de nos vies. Le texte écrit au passé signifie sans doute que ce monde lumineux fantasmatique peut être considéré comme un possible de notre destin, un possible qui doit prendre fin, avant qu’il ne devienne notre futur, tant notre présent présage bien des aspects du monde spectaculaire de la lumière crue, et cruelle. Merci Lariviere. |
jfmoods
10/5/2020
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Que dire après la brillante analyse de Louis ? Rien, sinon que le titre rappelle le roman fantastique de Chamisso. Peter Schlemihl vend son ombre au diable contre la fortune. Il comprend bien vite que l'argent ne suffit pas : son fatal handicap l'exclut de la société des humains. Il acceptera son sort et refusera toujours l'autre proposition : retrouver son ombre en échange de son âme.
"Les hommes sans ombre" ont vendu leur ombre et leur âme dans un même marché de dupe. |
MARIAJO
12/11/2020
a aimé ce texte
Beaucoup
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Larivière bonjour,
Tout d'abord merci pour ce texte. J'avoue avoir eu besoin de le lire trois fois. Comme la première partie fait preuve de beaucoup d'abstraction je n'arrivais pas à aller au bout. Je suis très heureuse d'avoir insisté. A la fin de la partie de description du monde des hommes sans ombre, j'ai été heureuse d'avoir reconnu notre monde. D'un coup la lecture devint légère, parce qu'on s'y voit, on s'y reconnaît. On comprend tout à fait que les hommes sont châtiés par la colère de Zeus. Prométhée avait déjà volé le feu à Zeus pour le donner aux hommes... Les hommes insatisfaits de leur condition humaine cherchent à s'égaler aux dieux, leur volent la foudre dans un tube... C'est franchement très intéressant. Nouvelle de haute qualité riche de références aux mythes. |