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Science-fiction
Leandrath : Wild Settlers
 Publié le 28/11/11  -  4 commentaires  -  57638 caractères  -  67 lectures    Autres textes du même auteur

Une aventure rétro-futuriste sur le thème de la colonisation spatiale.


Wild Settlers


Au mois de Mercurius de la quatrième année de la fondation de Fartown, le gouverneur Jacob Hendley fit apposer sur toutes les poternes, les panneaux publics, dans tous les établissements où se rassemblaient la population, l’avis suivant :


"Sera pendu quiconque se trouvera reconnu coupable de meurtre sur un habitant natif de Jericho 7 au terme d’un procès légal ; le ministère central de Spacehington a reconnu aux populations intelligentes des colonies le droit de vivre au même titre qu’à tous les citoyens de la Confédération Terrienne. Pour le District de Fartown, l’honorable Juge Moriarth se chargera personnellement des affaires impliquant des non-humains. Le Marshall Planétaire Matthews et ses Rangers ont reçu des consignes spécifiques pour l’application d’une politique ferme à l’encontre des contrevenants éventuels.

Nous rappelons à toute la population que la prospérité de notre belle cité dépend avant toute chose de notre capacité à fraterniser avec les populations locales, dont Jericho 7 est le foyer séculaire, et qui, par conséquent, sont les mieux à même d’assister les experts gouvernementaux dans l'exploitation des ressources nouvelles qui s’offrent à nous. Ces atteintes à la productivité seront traitées avec sévérité."


Les réactions ne se firent pas attendre. L’immense majorité des prospecteurs d'Argonite et de Gaz Igné avaient pour habitude de nettoyer leurs parcelles avant d’en commencer l’exploitation, ne souffrant aucune contestation quant à la légitimité de leurs droits, et surtout pas par des mammifères inférieurs. Les exploitants agricoles, sûrs de leur force puisqu’ils participaient en première ligne à l’autosuffisance de la colonie, fondèrent un Comité de Défense des Propriétaires Terriens. Ils utilisaient abondamment la main-d’œuvre locale, car les quotas de colonisation limitaient le nombre de nouveaux arrivants sur Jericho 7 chaque année. Les esclaves nègres étaient devenus un luxe que seuls les plus riches pouvaient s’offrir.

Un parti HRG – pour Human Rights Guard – vit le jour au sein de la coalition municipale. Les positions de certains colons se radicalisèrent. Rapidement, des groupes secrets, opposés à la reconnaissance de droits aux natifs de la planète, furent fondés. On vit fleurir sur les murs de la ville des inscriptions sans équivoque, telles que "Pouvoir aux Hommes" ou "Ces terres sont à nous". Des ressources furent mobilisées pour agrandir la modeste prison de la ville, les juges débordés par le nombre de cas à traiter mettant souvent plusieurs semaines pour rendre une décision.


Malgré l’interdiction des armes létales sur l'ensemble du territoire de la colonie, les meurtres d’indigènes s’intensifièrent.


Totalement dépassé par les événements, le gouverneur de Fartown donna l’ordre aux Rangers de lancer de vastes campagnes de recensement afin de placer les zones continentales occupées par les T’rydah sous statut particulier. Des Rangers furent retrouvés morts dans la jungle après avoir tenté d’empêcher des prospecteurs de poursuivre leurs activités dans ces régions.

Le nombre d’exécutions devenant inquiétant, les autorités revinrent sur leur décision initiale, et la construction d’un pénitencier fut amorcée.


Au mois d’Eridanus de la septième année, le ministère central releva le gouverneur Henley de ses fonctions et envoya, en même temps que son successeur, Tread Murphy, des hommes chargés de rendre sa stabilité à la colonie de Jericho 7. À cette époque, Fartown se trouvait au bord de l’émeute et les T’rydah avaient incendié plusieurs exploitations éloignées, ainsi que leurs propriétaires. Le pénitencier de Woodsnakes, mis en activité avant l’achèvement des travaux était tombé aux mains des prisonniers lors d’une mutinerie sanglante. Ils occupaient désormais le bâtiment comme une forteresse inexpugnable, un défi ouvert au gouvernement des colonies.


Les chantiers ferroviaires demeuraient à l’abandon, faute de travailleurs pour oser s’aventurer dans la jungle luxuriante. Ce qui avait été la plus belle promesse pour l’essor de l’Humanité devenait un véritable bourbier engloutissant les capitaux et les forces vives de la nation. Pour une simple question de génétique.



Fartown



Tout avait commencé en 1837 quelque part au Kansas avec la découverte de ce que les soldats de l’Union avaient qualifié de site sacré autochtone. Mais ce qu’ils avaient pensé être des totems de bois sculptés n’étaient en fait que la partie supérieure d’un édifice enseveli, et dont la composition n’avait que peu de rapport avec des troncs d’arbres dressés. Des mois furent nécessaires au dégagement des parties les plus importantes de cet ouvrage d’architecture étonnant, fait d’un matériau dur comme la pierre mais chaud comme le bois, et agencé à la façon des plus anciennes cités visitées par les Espagnols, trois siècles plus tôt.

Au terme de ces fouilles, un savant européen découvrit qu’au cœur du bâtiment le plus vaste se trouvait une salle, dont toutes les alcôves étaient des Portes d’un genre totalement inédit. Des portes vers d’autres Terres. Une expédition fut mise sur pied. Des colonies furent installées. Vingt ans plus tard, Fartown vit le jour au-delà de la septième porte, sur une planète nommée Jericho, pour l’image biblique qu’elle inspira à son découvreur. Il était devenu évident que l’Argonite découverte sur Jericho 7 et les autres colonies était un minéral révolutionnaire. Recherché au même titre que l’or. Il ne put y avoir de ruée vers Fartown cependant, car après avoir permis le passage d’une certaine quantité de personnes ou de biens, la Porte cessait de fonctionner pour un temps.


Mais les découvertes qu’elles permirent changèrent la face du monde en une décennie à peine.

Il fallut moitié moins de temps à l’homme pour transformer un nouvel Éden en taudis mal famé.


Lorsque l’expédition de sir Riley s’installa sur Jericho, ils pensèrent être les nouveaux habitants d’un monde vierge. Ils se trompaient. L’idée de se trouver dans un autre endroit après avoir traversé ce qui ressemblait à une simple arche de pierre n’avait pas été facile à accepter. Encore plus délicate à assimiler avait été celle que ces endroits ne se trouvaient pas en d’autres points de la Terre, mais bien ailleurs dans l’univers. Le fait d’y trouver de la vie intelligente n’avait même pas été pris en compte lors de la mise sur pied des premières missions d’exploration. L’histoire ne donnait pas de leçon.


Les T’rydah ne s’étaient pas immédiatement révélés aux hommes. Ils ne sortaient que la nuit, vivaient le jour dans des cités troglodytes. Ils avaient dompté le Gaz Igné pour obtenir chaleur et lumière et propulser leurs véhicules mécaniques. Au départ, ils ne furent que des spectres, évoqués par les rumeurs de forêts hantées. Des ombres dans la nuit de Jericho 7. Les premiers colons accrochaient des bouquets de plantes et des fétiches en Argonite devant leurs portes pour éloigner ces mauvais esprits.


Les archives officielles sur le premier contact entre les agents de sir Riley et les T’rydah furent classées confidentielles par Spacehington. Mais si les communiqués parlaient de contacts cordiaux malgré la barrière du langage, des rumeurs circulèrent rapidement sur des massacres en règle. Les défenseurs de la cause indienne, craignant une répétition des erreurs du passé, militèrent enfin avec force pour que les milices armées de Riley, qui maintenaient l’ordre dans les installations de Jericho 7 avant même qu’il ne fût question d’y fonder une véritable cité, soient remplacées par des agents gouvernementaux avec des mandats précis. Après tout, sir Riley avait entamé son périple avec pour équipage une bande d’aventuriers et de mercenaires. Des personnes dont la présence était appréciée lorsqu’il s’agissait de voyager en territoire inconnu et potentiellement dangereux. Moins lorsqu’il fallait mener des négociations pacifiques. Les Rangers de Jericho furent ainsi créés.


Les communautés humaines se développèrent, les exploitations grandirent au fur et à mesure que les besoins en Argonite augmentaient. Les pionniers engagèrent des T’rydah pour leur connaissance du terrain et leurs habitudes troglodytes. Fartown devint une ville coloniale, un gouverneur fut nommé, Riley honoré. L’explorateur avait la bougeotte et partit bientôt vers une autre terre vierge à découvrir grâce à la Porte. Ses hommes de main héritèrent de vastes concessions et devinrent presque tous des hommes d’affaires influents. Fartown fut considérée par tous comme un modèle de colonisation réussie, comptant une dizaine de milliers d’habitants, de plusieurs nationalités et des quatre races ; Humains, Peaux-Rouges, Nègres, et T’rydah. Mais les mines empiétèrent rapidement sur les territoires souterrains occupés par les natifs. À partir de cette époque, la situation de la colonie ne fit que se dégrader.



Jared McAlister



Traverser la Porte était comme s’enfoncer dans une nappe de brouillard lumineux. À partir d’un blanc étincelant, des formes commençaient à émerger, des sons étouffés parvenaient aux oreilles du voyageur. L’éclat diminuait à chaque pas, et le brouillard finissait par se déchirer, révélant un autre monde. Étrangement les odeurs et les sensations ne revenaient qu’ensuite. C’est à tout le moins la réflexion que se fit le jeune homme qui l’emprunta ce jour-là, parmi d’autres colons de retour d’un voyage en métropole, ou de nouveaux travailleurs sous contrat avec le gouvernement – les volontaires se faisaient rares à cette époque – et quelques caisses de matériel.


Il portait un chapeau de cuir sur lequel étaient passées ses larges binocles filtrantes, à foyers multiples, un manteau de voyage au-dessus duquel il avait enfilé le harnais qui supportait ses différents instruments dans leurs pochettes. Il tenait à la main un simple bâton cerclé, histoire de se conformer aux réglementations en vigueur, pour aussi bafouées qu’elles fussent par ailleurs. En cas de besoin, une bonne partie des ustensiles qu’il entreposait sur lui pouvaient se muer en armes aussi létales qu’illégales. Mais il espérait ne pas avoir à s’en servir.


En fait de jeune homme, il ne l’était plus tant que ça, malgré l’insolente juvénilité de ses traits. Pour combattre ce caractère qui le conduisait souvent à ne pas être pris au sérieux, il se coupait les cheveux à ras et se laissait souvent manger le visage par une barbe de quelques jours.


C’était son troisième voyage sur Jericho 7. La première fois, il accompagnait Riley l’explorateur. Il était effectivement jeune alors. La seconde, il avait servi deux ans parmi les Rangers. Les souvenirs de cette période étaient encore vivaces.


Il ne conçut par conséquent nulle surprise devant l’homme en uniforme vert foncé qui attendait que les nouveaux arrivants présentent leurs cartes perforées. Il identifia immédiatement le masque cuivré, et le colt en Argonite, qu’un mince câble reliait à un discret réservoir de Gaz Igné accroché à la ceinture du Ranger. Le gaz avait remplacé la poudre, et l’Argonite avait supplanté l’acier. Mais les projectiles restaient en plomb.


Le Ranger dut le reconnaître, car il effleura le rebord de son chapeau quand il eut inséré sa carte dans une machine qui émettait des cliquètements presque frénétiques. Avec le masque, impossible pour Jared de savoir qui était l’officier. Le nom sur la poitrine ne lui disait rien. Il passa son chemin et arpenta la route pavée qui menait à Fartown pendant une demi-heure avant d’apercevoir les premiers faubourgs. Il y avait bien sur le chemin quelques saloons et relais de mécanipèdes, mais rien qui retînt son attention. Les dernières nouvelles, il les connaissait.


La ville était telle qu’il s’en rappelait. Organisée en cercles concentriques autour de l’hôtel de ville, de la chapelle et du bureau des concessions ; les trois édifices qui délimitaient la place centrale ; elle était traversée par deux avenues perpendiculaires. La plupart des bâtiments étaient en bois local, matériau qui s’était avéré aisé à travailler, mais donnait aux constructions une teinte grise et terne.


Elles s’étendaient sur une superficie de deux kilomètres carrés. Contrairement aux cités de la métropole et même aux capitales d’autres colonies moins riches en Argonite, les rues de Fartown étaient encombrées de véhicules clinquants, presque baroques, aux rouages rutilants, et qui se mouvaient sans l’intervention d’aucune force animale ou humaine. Il y a quelques années à peine, la ville pouvait se passer de rues pavées. L’affluence d’automotrices avait creusé de telles ornières en quelques semaines, que des travaux de grande ampleur avaient été nécessaires. On s’y déplaçait dès lors à pied sec presque partout, grâce aux efforts conjugués d’ingénieurs humains et de travailleurs T’rydah.

Mais ces derniers temps la condition des natifs s’était détériorée, à l’image de l’état des rues, c’était le moins qu’on pouvait dire. Et c’était la raison du retour de Jared sur Jericho 7.


Spacehington, trois semaines plus tôt.


Dans une vaste salle circulaire du Capitole, un amphithéâtre aux pupitres de bois précieux où s’étalaient en lettres dorées les noms d’illustres représentants de la nation, sous les regards sculptés des statues de marbre, se tenait une conférence bien particulière. En lieu et place des intellectuels distingués auxquels cet endroit était accoutumé, se tenait là un auditoire clairsemé d’hommes aux allures empruntées dans leurs costumes de ville, dont les jabots irritaient le cou, les cravates étranglaient, et les redingotes évasées gênaient les mouvements.

Ils avaient tous en commun ce regard acéré et cette impression de vide à la hanche. Et tous écoutaient avec attention le Marshall Planétaire Matthews dans son uniforme d’apparat aux armes des Rangers.


La cinquantaine athlétique, moustache aristocratique et port militaire, il exposait à ces hommes sélectionnés avec soin par le ministère central le contenu de leur mission.


– Vous avez tous pu analyser les rapports qui vous ont été transmis. Vous savez donc à quel point la situation de Jericho 7 est préoccupante. Le nouveau gouverneur Murphy va prendre ses fonctions dans quelques jours. La moitié d’entre vous sera du voyage au titre de garde rapprochée. Étant donné le contexte tendu, cela n’étonnera personne. Durant le mois suivant, les autres seront envoyés sporadiquement, informés par leurs collègues déjà sur place. Un pli vous a été remis à votre arrivée à Spacehington, il contient votre affectation et votre couverture le cas échéant. Ouvrez-les.


Un concert de papier s’ensuivit. Jared avait tiré l’enveloppe brune de sa poche, brisé le sceau de l’Aigle, et déplié la lettre.


– Damnation, je vais jouer les gardes du corps, murmura son voisin. Pour un rond-de-cuir. Et toi ?


L’homme se pencha, complice, pour écouter la réponse, ou pour essayer d’apercevoir l’information sur la feuille.


– Trois semaines, répondit-il simplement.


Ils n’étaient pas les seuls à évoquer le sujet, des chuchotements se faisaient entendre dans tout l’amphithéâtre.


– Vous vous en doutez, reprenait la voix de basse du Marshall, votre mission est d’une importance capitale. La dernière tentative avant l’envoi de troupes régulières. Et nous savons tous comment les armées règlent les problèmes. Vous avez été choisis pour votre connaissance de la colonie. Vous y avez servi. Trouvez les meneurs des mouvements racistes de rébellion. Découvrez où se cachent les insurgés T’rydah et ramenez-les à la raison. Il est de l’intérêt de tous que la colonisation de Jericho retrouve une pente ascendante. Vous êtes des messagers de paix, messieurs. Des facteurs d’ordre et de stabilité.

– Et de prospérité… marmonna quelqu’un.


Matthews n’entendit rien. Ou à tout le moins s’abstint de réagir.


Les noms et les visages des hommes présents étaient, en majorité familiers à Jared. Il s’agissait en grande partie d’anciens Rangers. Lui cependant se demandait ce qu’il faisait là. Non qu’il fût étonné d’avoir été convoqué. Ses états de service parlaient pour lui. Mais il se demandait pourquoi il avait quitté le Montana pour se rendre à la capitale.


Un homme bien se levait à l’aube, travaillait jusqu’à ce que l’ouvrage soit accompli, construisait une maison pour sa famille, apprenait à chasser pour la nourrir, à se battre pour la défendre, et n’avait pas peur de prendre son arme pour protéger son pays. C’était ce qu’il avait toujours pensé, et ce à quoi il s’était employé depuis que son père lui avait montré comment pister un cerf. Cependant il estimait aussi qu’après un certain temps, un homme avait le droit de profiter de ce qu’il avait bâti, élevé et protégé, avec le sentiment du devoir accompli et du travail bien fait. Mais il avait néanmoins répondu à l’appel d’une nation qui ne lui avait enseigné, alors qu’il servait sous son drapeau, qu’un nombre presque malsain de façons différentes de tuer son prochain. Il avait pensé qu’il trouverait un certain réconfort dans l’idée que, une fois tout ceci terminé, il pourrait retourner dans le Montana, près de White Creek, où l’attendaient sa petite ferme et sa famille, qu’il n’aurait plus à se soucier que du prix auquel il achèterait son grain. Il n’en était rien.


Le cours de ses pensées s’interrompit, le Marshall Planétaire projetait une carte du continent où se trouvait Fartown. À l’aide d’une longue baguette, il indiquait les endroits où des troubles étaient signalés, où des investigations devaient être conduites. L’énumération paraissait interminable. Chacun trouverait dans son enveloppe les coordonnées de différents contacts au sein des Rangers, qui leur permettraient de faire circuler les informations.

Quelqu’un demanda :


– Serons-nous autorisés à faire usage de nos armes ?

– En dehors des cas de légitime défense, vous devrez vous conformer à l’interdiction des armes létales, répondit Matthews. Le but de votre mission n’est en aucun cas d’éliminer les fauteurs de troubles. Vous n’êtes plus des Rangers sous mandat. Vous êtes rattachés directement au service des Marshalls, et vous devrez veiller à honorer l’étoile que vous porterez. Même si vous ne la porterez qu’au sens figuré du terme. Vous disposerez de moyens de vous défendre le cas échéant.


La réunion se poursuivit plusieurs heures durant. Lorsqu’ils furent libérés, il ne leur restait que le temps de se rendre à la gare pour rejoindre le Kansas, La Porte…


Sur les marches du Capitole cependant, quelqu’un le héla :


– McAlister ! Jared McAlister !


Un individu affublé d’un monocle improbable et d’un gilet horriblement voyant descendait vers lui. Il avait dû l’attendre à l’ombre des colonnades.


– Je vous connais ? demanda simplement l’interpellé, se retournant.

– Pas personnellement. Je suis Henry Ayvel. Du Congrès, ajouta-t-il avec un air important.


Un air que Jared avait déjà entendu maintes et maintes fois. Et il pouvait facilement deviner ce qui allait suivre.


– Vous n’êtes pas du Montana.

– Non, effectivement. Pourquoi cette question.

– Ce n’était pas une question. Je ne vous connais pas, vous ne représentez pas le Montana ; vous ne me connaissez donc pas non plus. Vous pensez peut-être qu’un homme dans mon genre peut accomplir toutes sortes de sales boulots. Vous avez peut-être raison. Mais je ne suis pas "dans mon genre" si vous voyez ce que je veux dire. Bonne journée, monsieur.


L’honorable membre du Congrès resta un bref moment interdit. Mais il dévala rapidement les marches à la suite de Jared.


– Précisément, monsieur McAlister. C’est précisément pourquoi nous devons absolument discuter. Vous êtes probablement pressé. Je dispose d’une de ces nouvelles automotrices, je vous accompagne où vous voulez, et à l’arrivée, vous déciderez si cette conversation en valait la peine.


L’homme n’était pas très âgé, les cheveux encore abondants et bruns, des favoris volumineux. Et un sourire engageant de politicien.


Il pilota son invité vers un véhicule très ornementé, aux grandes roues de fer. Nul animal ne le tractait. Au lieu de ça, un mécanisme compliqué de tuyères et d’échappements occupait l’espace arrière. Jared reconnut immédiatement l’odeur du Gaz Igné. Il s’installa cependant sur la banquette rouge capitonnée de l’habitacle.


La route était cahoteuse mais à l’intérieur de l’engin, il régnait suffisamment de calme pour s’entendre. Ils n’avaient pas atteint le tiers de Pennsylvania Avenue que l’homme parlait déjà comme un vieux complice. Il appartenait à la Commission des Affaires Raciales, qui se trouvait en grande partie responsable de l’initiative qui conduisait Jared à retourner sur Jericho 7. Mais il prétendait que Matthews ne leur avait pas tout dit.


– En effet, monsieur McAlister, certains d’entre nous ont la conviction que plusieurs industriels titulaires de grandes concessions sur Jericho ont pour plan concerté de procéder à l’élimination des T’rydah en vue de s’approprier définitivement les territoires placés sous statut spécial. Ils ont fait venir, sous de fausses identités de travailleurs, plusieurs mercenaires et autres déserteurs ou porte-flingues de l’ouest. Des rapports préoccupants indiquent des possibilités de détournement des ateliers locaux à des fins de construction d’armes utilisant le Gaz Igné à des fins totalement ignominieuses. Et interdites.


À l’entendre on aurait dit que c’était ce dernier point qui était de loin le plus grave. Il reprit :


– Il importe que quelqu’un soit au courant de ces manœuvres dans le but de pouvoir agir efficacement contre elles.


Il débita une suite de noms de personnes et d’endroits, en précisant à Jared la gravité des soupçons qui pesaient sur eux. Il ne lui remit aucun document, ne lui proposa pas de prendre des notes. Il parla abondamment de l’importance de la poursuite d’une colonisation pacifique. Et en guise de conclusion, juste comme il déposait l’ancien Ranger devant son hôtel, il déclara avec emphase :


– N’oubliez pas : cette conversation n’a jamais eu lieu. Bonne chance, monsieur McAlister. Et bon voyage !


Retrouvant les pavés sous ses pieds, Jared retint un instant la portière.


– Une dernière question : pourquoi me confiez-vous ces informations et cette soi-disant mission ?

– Croyez-moi, monsieur McAlister, il faut que ce soit vous.


La portière claqua, l’automotrice démarra en trombe dans un grand nuage de vapeur.


– Et il espère que je vais me satisfaire d’une réponse cliché comme ça ?


Au moment de franchir la porte de son modeste hôtel non loin de la gare, Jared avait déjà décidé que cette conversation n’avait effectivement pas eu lieu.



Bourbon Local


Les paroles du membre du Congrès flottaient dans l’esprit de Jared alors qu’il parcourait les rues peu fréquentées de Fartown. Il avait eu beau décider de les ignorer pendant les trois semaines qui avaient précédé son départ, elles prenaient maintenant une autre dimension. Confronté à la réalité, l’état déliquescent de la colonie, il était taraudé par le sentiment que quelque chose de plus grave se tramait. Il avait toujours été intuitif, instinctif presque. Et ce caractère lui avait été utile par le passé.


Les deux Lunes de Jericho 7 se levaient dans le ciel. De taille respectable, il était impossible de les manquer, même en pleine journée. Le jour était légèrement plus court que celui de la Terre, il y avait donc un décalage entre les deux côtés de la Porte. Il se trouvait alors suffisant pour expliquer que, bien que Jared eût quitté le Kansas à l’aube, l’après-midi de Jericho était bien avancée.


La plupart des citoyens de Fartown devaient donc encore se livrer à leurs activités professionnelles. Pourtant, nombre d’enseignes affichaient portes closes. Des bâtiments endommagés ou vandalisés étaient présents où que le regard se pose.


Non décidément, cela n’avait rien d’encourageant.


Il prit une inspiration et se dirigea vers l’édifice qui abritait la Chambre de Commerce et le Comptoir Marchand de Fartown. Malgré la température clémente, les volets étaient fermés et à l’intérieur tournoyait une hélice cuivrée accrochée au plafond. Un seul préposé, derrière un guichet de bois, attendait les visiteurs. En dehors de celui-ci, le hall était vide.


Jared posa son bâton près de l’entrée et s’avança. L’homme avisa ses bottes aux épaisses semelles et un air réprobateur plissa ses traits. Jared se frotta les pieds sur le tapis, soulevant davantage de poussière.


– Le ciel est clair, lança le bureaucrate.

– Mais les étoiles sont invisibles, répondit Jared comme convenu, bien qu’il trouvât l’emploi de codes aussi désuet qu’inefficace. D’autant qu’ils étaient visiblement seuls.

– Je suis cependant sûr qu’elles ne confondent pas l’artisanat local avec un paillasson, elles. Jebster Floyd, à votre service. Vous êtes ?

– McAlister, répondit Jared en ignorant la pique.

– Ce pli est pour vous, et voici la carte qui marque l’emplacement de votre concession. Vous travaillerez dans le secteur de prospection 23. Celui de Declan Stride. Dans l’enveloppe se trouve un coupon de réquisition pour un mécanipède, et un laissez-passer en règle. Bienvenue sur Jericho 7, Colon McAlister.


Il tira d’un tiroir deux godets et une bouteille sans étiquette. Il en versa un liquide roux et boisé puis tendit un verre à Jared.


– Production locale, ça ne vaut pas un bon vieux Kentucky straight mais ça se boit. Santé et prospérité à vous !


Il vida son verre d’un trait. L’ex-Ranger considéra le sien avec méfiance. Il n’y avait pas encore d’alcool local lors de sa dernière visite. Sous le regard insistant de l’homme, il finit néanmoins par se lancer. C’était brûlant et il craignit un instant de devenir aveugle.


– Bonne soirée, sir, conclut-il en posant son godet vide sur le bureau.


Il glissa les papiers dans la poche intérieure de son manteau, récupéra son bâton et sortit. Il leva les yeux, fit glisser sa langue le long de ses dents et reprit son chemin.


Il n’avait pas fait dix pas qu’une explosion violente secouait Fartown. Une colonne de feu et de fumée s’élevait du centre de la ville.


Presque par réflexe, il se mit à courir.

Le bureau du Sheriff était en flammes.


– Et autant pour les armes non létales, pensa Jared en se joignant aux premiers hommes qui s’organisaient pour jeter des seaux.


Un mot passait de lèvres en lèvres : T’rydah.


D’après ce qu’il put glaner en participant à l’effort collectif, Jared comprit que les hommes du Sheriff avaient arrêté un natif soupçonné de meurtre dans le secteur 17. Il avait été lynché par la foule en colère. Il s’agissait maintenant des représailles, à n’en pas douter.


Le Service Incendies de la colonie arriva rapidement dans un véhicule garni de rouages. Les verticaux assuraient la mobilité de l’engin, et les horizontaux permettaient le fonctionnement d’une lance sans intervention manuelle. Jusqu’à la nuit, tous furent à pied d’œuvre. Le feu ne se propagea pas aux bâtiments voisins. On trouva à Jared une petite chambre au-dessus du saloon le plus proche.


Le lendemain à l’aube les Rangers examinaient déjà les ruines encore chaudes. Mais le nouveau venu savait déjà ce qu’ils allaient trouver : des traces de dynamite et les restes d’un dispositif d’horlogerie rudimentaire. Car contrairement au gaz terrestre, le Gaz Igné émettait une odeur particulière. Les habitants originels de Jericho 7 n’avaient probablement rien à voir dans cette explosion. Par contre ils risquaient fort de se retrouver impliqués dans ses conséquences.


Jared avait consulté ses cartes et le secteur 17 se trouvait sur sa route. Il décida donc de commencer son travail par là.


Durant son petit déjeuner sommaire et son trajet vers l’atelier de mécanipèdes, il put constater que toute la ville ne parlait que de l’attentat de la veille.


Une heure plus tard, il suivait une longue piste qui traversait la jungle entourant Fartown. Les arbres tortueux, aux feuillages écarlates ou dorés, aux troncs d’un gris presque anthracite, abritaient toute une faune exotique de lézards et de petits mammifères, mais très peu d’oiseaux. Il y faisait plus chaud, plus étouffant. Comme si les végétaux rayonnaient de chaleur et d’humidité.


Juché sur son véhicule mécanique, doté de six pattes à triple articulation, dont le réservoir hydraulique sifflait et suintait, Jared se faisait l’effet d’un voyage sur le trône du roi des araignées.


L’engin se dirigeait grâce à un complexe panneau de commandes hérissé de poignées et de manivelles, et encombré de cadrans. Le loueur lui avait bien expliqué de n’y prêter aucune attention tant que les aiguilles n’entraient pas dans la zone rouge de la jauge. La seule aiguille qui l’intéressait était celle de la boussole. Les secteurs avaient été redéfinis plusieurs fois depuis son dernier voyage, et se perdre dans la forêt était la dernière chose dont il avait envie.

Si tout se passait bien, il atteindrait le 17 avant la fin de la journée.



Secteur 17


Si Jared s’était attendu à trouver un paisible campement de colons se regroupant après une rude journée de prospection, il aurait été déçu. C’était un vaste complexe minier, composé de hangars de stockage pour les marchandises et les machines, de chaînes industrielles de traitement, et de dortoirs longs comme des églises. L’air était lourd de la poussière que crachaient les extracteurs installés au-dessus des puits, et résonnait du bruit des forages. Malgré l’heure avancée, il n’y avait aucun signe de ralentissement de l’activité. Des affiches placardées sur les bâtiments incitaient les gens à se méfier des T’rydah. Certaines tenaient de la propagande, d’autres étaient purement et simplement des avis de recherche.


Jared passa devant le panneau où étaient apposés les avis officiels. Toutes les condamnations concernaient des natifs. Il n’était pas fait mention de leurs noms, mais on pouvait difficilement croire qu’il se fût agi d’une seule et même personne.

Il avait à peine réussi à stopper son engin infernal devant le bureau principal qu’un groupe d’hommes armés de gourdins l’entourait. Ils portaient tous la même jaquette, qui devait les identifier comme membres de la milice. L’un d’entre eux, le plus âgé, le salua :


– Étranger. Vous arrivez de Fartown ? Il paraît que ces saletés de rats de caverne ont fait sauter le bureau du Sheriff. Vous y étiez ?


La réponse adaptée surgit d’elle-même :


– Pour sûr. Toute la ville a tremblé. Jamais vu ça. Ces pourritures ont utilisé de la dynamite qu’ils ont dû voler quelque part. J’espère que vos réserves sont bien protégées. Ça veut dire une chose : on doit se méfier. Parce que les Rangers ne peuvent rien faire pour nous. Ils sont à la botte du gouverneur, des amis des animaux en quelque sorte.


Les miliciens se détendirent :


– Bien parlé, étranger. Qu’est-ce qui t’amène dans notre mine ?


Jared produisit le document idoine.


– Je suis en route pour le Secteur 23, j’ai reçu une petite concession là-bas. Comme c’était sur ma route, je me suis dit que je trouverais peut-être de quoi me loger cette nuit.

– Vas-y, entre. On va bien te trouver une petite place, répondit l’homme en lui serrant la main et en l’invitant à pénétrer dans le bâtiment.

– Je m’occupe du mécanipède, proposa un autre milicien, plus jeune.

– T’avise pas de le bousiller comme le dernier, monsieur a de la route à faire demain ! lui répondit un troisième.


Jared et son guide entrèrent, accompagnés par les rires du dehors.


Les langues se délièrent facilement, Jared tenant son rôle presque à la perfection. Il apprit que les mineurs de la région refusaient de se plier aux règles iniques du ministère central, et faisaient tout ce qui était en leur pouvoir pour faire déguerpir les parasites qui nuisaient à leur activité. Leur difficulté principale venait du fait que cette lutte leur prenait tellement de temps que la production diminuait. Le responsable des concessions du secteur, Gideon Stride, frère de Declan, était furieux et assimilait les natifs à de dangereux terroristes. Il se vantait d’avoir confondu l’un de ces ennemis de l’humanité, qui se dissimulait parmi les travailleurs de la mine pour se livrer à toutes sortes de forfaits. Les événements récents, impliquant les hommes du Sheriff, étaient en fait les derniers d’une longue série. D’habitude, les autorités n’avaient même pas connaissance des solutions apportées par la milice au "problème T’rydah".


Après une soirée passée en compagnie de ces hommes, Jared avait la nausée, et ce n’était pas dû au tord-boyaux qu’on lui avait servi. Mais il lui paraissait évident qu’un complot visant à déclencher une guerre raciale ne pouvait venir de leur niveau. Si un homme avait bien commandité l’explosion de Fartown, comme Jared le soupçonnait, il se trouvait ailleurs.

Le lendemain il reprit son périple. Mais il quitta rapidement la route principale. Il se dirigea vers un endroit qui avait été évoqué dans les conversations de la veille, une sorte de crique accidentée qui se trouvait dans le coude d’une large rivière, en deçà d’une saillie rocheuse qui la dissimulait aux regards.


Jared descendit de son véhicule, qui n’aurait jamais supporté la pente, et gagna la crique moyennant quelques acrobaties. Une fois en bas, il passa ses volumineuses lunettes et ajusta une molette sur leur côté. L’inspection ne fut pas longue avant qu’il ne trouve les traces qu’il cherchait. Brasiers, un anneau massif fixé dans un rocher, taches peu équivoques ; il était aisé de deviner les activités auxquelles se livraient les habitants du secteur 17. L’ex-Ranger se demandait combien de corps mutilés de T’rydah ils avaient déjà renvoyés à la rivière depuis leur arrivée ici. Comme celle-ci s’enfonçait à nouveau dans la jungle, il n’était pas étonnant qu’on n’ait jamais retrouvé de restes.


Un éclat bleuté qui, dans ses lunettes, indiquait la présence d’un métal non oxydé attira son attention. Sous un caillou à demi immergé, il découvrit une étoile de Ranger.


Écœuré par ce que cela impliquait, il la serra dans son poing ganté. Il consigna chacun de ces éléments dans un petit calepin doté d’une serrure à codes, et il regagna le mécanipède. Il se hâta de mettre de la distance entre cet endroit et lui.


Durant la journée il ne croisa que deux groupes de colons sur la route. Tous portaient des bâtons ou des matraques.


La concession attribuée dans le secteur 23 n’était qu’une façade pour l’opération. Il était censé y retrouver un de ses prédécesseurs. Il gagna donc directement l’endroit, sans passer par le bureau principal. Il aurait bien assez tôt l’occasion d’aller poser des questions aux hommes de Declan Stride.


Son nouveau foyer n’était guère plus qu’une cabane adossée à une falaise, non loin d’un torrent aux eaux violettes. Cette coloration provenait d’une sorte d’algue particulièrement envahissante, qui tapissait tout le lit de la rivière.


Immédiatement, des détails lui mirent la puce à l’oreille. La porte de la cabane était entrouverte, une casserole pendait au-dessus des restes d’un petit feu. Une ceinture était accrochée à un clou planté dans une des poutres de l’auvent. Une lampe-tempête brisée gisait au sol. Quelque chose clochait. Il aurait dû y avoir une personne vivant ici.


Il glissa à bas de la machine et s’avança lentement, bâton à la main. Du bout de son arme, il poussa la porte qui grinça. La pièce était petite et extrêmement sombre. Sa main montait vers ses lunettes quand une silhouette bondit hors de la cabane en tentant de le renverser.


D’abord déstabilisé par l’apparition et le choc, il se reprit rapidement. Assurant son équilibre grâce à son instrument de bois, il ceintura d’un bras son agresseur, pivota sur lui-même et se jeta au sol, atterrissant sur le dos de l’homme. Le maintenant plaqué au sol avec son genou, il libéra sa main et en ôta la cagoule noire qui dissimulait les traits de l’homme.


– Un T’rydah ! laissa échapper Jared sous le coup de la surprise.


Au cours de ses pérégrinations antérieures, il avait déjà aperçu des membres de la race originaire de Jericho 7, bien que ce ne fût jamais d’aussi près. Ce spécimen lui parut immédiatement amaigri, vieux peut-être.


Comme les humains, les T’rydah disposaient de deux bras, deux jambes, de pouces opposables, d’une paire d’yeux. De leurs arcades sourcilières montaient deux arêtes qui traversaient leurs tempes et se rejoignaient au sommet du crâne. Il avait été établi que cet ergot faisait office de récepteur auditif et olfactif. Leurs mains et leurs pieds étaient pourvus de quatre doigts potelés, intégrant des coussinets semblables à ceux de certains animaux de la Terre. D’ordinaire leur peau était grise, striée de nervures d’un rouge foncé. Plus l’âge du T’rydah avançait plus son épiderme dessinait un motif écailleux, et plus les lignes tendaient vers le noir.


Sous le vêtement vaporeux et sombre, celui-ci portait un simple pantalon de toile et une chemise usée. L’ensemble était visiblement de facture humaine. Il s’agissait donc d’un esclave ou peu s’en fallait.


La large bouche dénuée de lèvres du natif s’ouvrit sur deux rangées de dents pointues.


– K’ekh meht ! K’ekh meht èn Soo-la.

– Minute, papillon.


Jared se releva tout en laissant son bâton dans le dos du T’rydah, l’immobilisant dans la boue. Il avait, longtemps auparavant, appris quelques rudiments de la langue locale. Mais ça ne lui était d’aucun secours.


– J’ai rien compris, avoua-t-il… Zula c’est ton nom ?

– Soo-la, oui Maître. Tue pas. Le Maître à l’étoile cachée a dit que Autre venir.

– Tu parles notre langue, ça va nous aider. Mais je ne comprends pas davantage ; l’homme à l’étoile cachée ?

– Ici est maison.

– Tu savais donc que celui qui occupait cet endroit travaillait pour les Marshalls ?


Une intense réflexion se peignit sur les traits grisâtres de Soo-la. De toute évidence, l’échange serait difficile.


– D’accord, intervint Jared en ôtant son arme des reins du natif avant de l’aider à se relever.


Une fois qu’il se tint face à lui, il se désigna de la main :


– Jared, dit-il. Étoile cachée. Je viens vous aider. Où se trouve l’homme dont ici se tient la maison ?

– Dj’areth ? Grand nom ; signifie Protecteur dans la langue-mère.

– Ravi de l’apprendre, rétorqua ironiquement l’intéressé. Réponds à ma question.


Soo-la secoua la tête.


– Parti vers la maison de fausses pierres.


Il avait déjà entendu cette expression. Elle désignait le pénitencier de Woodsnakes.


– A-t-il laissé quelque chose derrière lui ?


Le T’rydah sortit de sa manche une montre à gousset. Il la tendit à Jared.


– Que faisais-tu ici ? demanda-t-il en examinant machinalement la montre.

– Le Maître à l’étoile cachée a sorti les T’rydah des cages des maîtres fourbes. Voulait savoir où trouver les chefs des clans. Impossible à dire. Conduit dans les anciennes grottes, vides à cause des maîtres fourbes. T’rydah se cachèrent un moment. Mais les maîtres fourbes cherchaient dans la jungle et dans les grottes. Gyydyon S’ryhd à leur tête.

– Stride ? Le chef du secteur ?


Soo-la hocha la tête et poursuivit :


– Maître à l’étoile cachée montra à Gyydyon S’ryhd qu’il savait qu’il était un mauvais maître. Alors Gyydyon S’ryhd parla de la maison de fausses pierres. Mais quand le Maître à l’étoile cachée est parti, les maîtres fourbes sont revenus. Soo-la vint se cacher dans la demeure. Pour attendre l’Autre. Et donner la Carte du Temps.

– Ça ? interrogea Jared à propos de la montre.


Nouveau hochement de tête.


– Eh bien nous sommes dans de drôles de draps, marmonna-t-il pour lui-même.


Le T’rydah disparut à nouveau à l’intérieur de la cabane et revint avec un linge plié, qu’il étendit sur les épaules de Jared.


– Nouveau drap, Maître.


Jared se demanda longtemps si le T’rydah l’avait réellement mal compris…



Le Protecteur


Grâce à ce guide providentiel, Jared gagna un temps précieux. En effet, l’endroit où se dressait le pénitencier avait été choisi pour sa capacité à décourager les évasions : une jungle épaisse, hostile, peuplée d’une faune venimeuse et rampante. D’après les spécialistes, les T’rydah s’étaient adaptés à leur mode de vie souterrain, choisi par leurs lointains ancêtres pour échapper à des prédateurs massifs et redoutables, l’équivalent des dinosaures terriens, que les paléontologues déterraient dans les Badlands. Et qui, à leur instar, s’étaient éteints, laissant la surface de Jericho 7 gagner en luxuriance alors que, dans ses profondeurs, une race intelligente prospérait.


En empruntant force tunnels et passages invisibles pour le voyageur non averti, Soo-la conduisit l’humain sur les traces de son prédécesseur. Et en seulement une journée de voyage, ils arrivèrent dans le secteur de Woodsnakes.


Le T’rydah leur trouva un emplacement sûr pour établir un bivouac. Jared mit cette occasion à profit pour examiner la montre qu’il lui avait remise la veille. De prime abord, elle n’avait rien d’exceptionnel, et l’ex-Ranger examina en vain le dos et l’intérieur du couvercle. Il se demandait ce qu’il était supposé comprendre. Car il ne voyait aucun lien entre Jericho et cette montre. Heureusement pour lui Soo-la était un compagnon de voyage silencieux. Il avait réussi à lui poser quelques questions durant la journée, mais le T’rydah émettait la plupart du temps des réponses brèves, et affirmatives, comme on l’attendait d’un esclave efficace.


Dans le cas présent, seuls les crépitements du feu de camp venaient troubler sa concentration. Il était sur le point de renoncer, lorsqu’il remarqua que la trotteuse avait un soubresaut aux environs de la 32ème seconde. Il fouilla dans ses propres affaires et en sortit un gantelet de cuir sur lequel était greffée toute une série d’ustensiles de précisions, raccordés en majorité à une petite jauge qui indiquait le niveau hydraulique des micro-vérins qui activaient certaines des mandibules de cette main métallique et insectoïde.


La montre s’ouvrit, comme sous l’effet d’une passe de prestidigitateur, dans un cliquètement mécanique. Jared ajusta les lentilles de ses lunettes pour agrandir les rouages d’horlogerie qui poursuivaient leur course. Le léger raté dans l’écoulement des secondes venait du fait qu’il manquait une dent au rouage en question.


Il soupira de déception. Il allait refermer la montre quand il remarqua que la dent n’était pas à proprement manquante, mais que le rouage était mal usiné. Il utilisa le zoom de ses lunettes au maximum des capacités de l’objet. Et fit un constat étonnant : ce n’était pas un rouage mais une bobine microfilm travestie en innocent mécanisme. Grâce au gantelet, il extirpa facilement la pièce étrangère.


Sous le regard curieux du natif, il sortit un étui de son sac, et le déplia pour révéler un véritable tapis d’instruments cuivrés, argentés ou dorés, brillants dans la lumière des flammes.

En un tournemain il eut assemblé un petit appareillage qui émettait une lumière diffuse par deux cylindres qui semblaient destinés à accueillir les yeux. Jared inséra la minuscule bobine dans le dispositif. Puis il se pencha comme pour regarder à l’intérieur par les deux tubes et actionna une petite manivelle sur le côté. Plusieurs déclics se firent entendre.

Il étudia pendant un long moment ce qui s’avéra être les comptes rendus, compilés et étayés, de Brett Hawlford, comme lui volontaire désigné pour cette opération de la dernière chance. Dieu seul savait comment, Hawlford avait percé à jour un véritable complot visant à faire accuser les T’rydah du meurtre du gouverneur. Il avait gravé sur microfilm, outre ses propres notes, des pages entières de documents dont il s’était emparé. La liste des responsables continentaux impliqués dans cette affaire était longue comme le bras. Et contrairement à ce que Jared aurait pu penser, si Hawlford se rendait à Woodsnakes, ce n’était pas parce qu’il s’agissait du cœur du complot, mais bien pour trouver de l’aide parmi les prisonniers félons contre les traîtres, malheureusement si haut placés que toute intervention des autorités se trouverait immanquablement entravée. Tout était là. Pas étonnant que l’agent ait préféré laisser cette trace derrière lui. Le problème était que Jared s’était mis à sa poursuite et avait emmené ces données précisément là où elles n’auraient pas dû se trouver. De plus une question demeurait : où Brett Hawlford avait-il pu trouver le temps et le matériel nécessaire à la constitution d’une microbobine de cette ampleur ? Si un dispositif de lecture pouvait être peu encombrant, l’appareil servant à l’impression des microfilms était impressionnant. C’était une technologie d’avant-garde, permise uniquement par l’utilisation de bains d’Argonite.


Ce degré de miniaturisation n’avait pu être obtenu que par une installation presque révolutionnaire.


– Dis moi, Zula ; l’autre homme à l’étoile cachée t’a-t-il dit d’où venait cette montre ?

– Était à lui, répondit le T’rydah en hochant la tête.

– Et aurait-il fait un séjour dans un endroit garni de nombreuses machines humaines ? Un endroit à l’écart, sombre, à la forte odeur d’Argonite et de graisse pour rouages ?

– Soo-la l’ignore Maître. Elle n’a pas conté de voyage à Soo-la.

– Elle ? Tu disais que c’était un homme.

– Oui, homme d’Espèce. Mais le Maître à l’étoile cachée était Femelle.

– Quoi ? Mais Brett Hawlford est un nom d’homme. Qu’est-ce que ça signifie ?!


Il y eut un craquement, comme une branche qui se brise sous le pas d’une botte. La jungle alentour de leur petit campement prit soudainement des allures menaçantes pour Jared. Le T’rydah perçut sa tension et se leva :


– Danger, Maître ?


Derrière lui, Jared aperçut un éclat bref entre les feuillages. Il bondit au-dessus du feu.


– À terre, cria-t-il en se jetant sur Soo-la.


Ils s’écroulèrent tous les deux. Un instant plus tard, un tronc gris volait en éclats sous la force d’un impact de balle. Il n’y avait pas eu de détonation. Arme au Gaz Igné, sans doute.


L’homme et le natif de Jericho 7 rampèrent tous deux à couvert.


– Damnation ! Mon sac, se retourna Jared, avisant son matériel déballé près du feu.


Toute cette peine pour dissimuler des armes prohibées en pièces détachées dans du matériel scientifique ou de prospection, pour rien.

Le T’rydah réagit à nouveau en serviteur dévoué :


– Soo-la s’en occupe, Maître.

– Non, bougre d’âne ! voulut-il le retenir.


Mais d’un mouvement vif, proche de la reptation, son guide avait déjà saisi le coin du paquetage déplié et le ramenait vers eux, alors que d’autres projectiles se perdaient sur leur campement.


C’était un piège grossier et ils s’étaient jetés dedans.


Soo-la exposa sa prise avec un air triomphal ; Jared marmonna un remerciement et entreprit immédiatement d’assembler la première de ses armes. En quelques secondes des morceaux de métal devinrent un pistolet baroque, long et parfaitement adapté à la main. Son seul inconvénient était d’être à un coup. Jared inséra la balle profilée dans la chambre, et la petite cartouche de Gaz Igné dans la crosse. Un de ses instruments d’observation devint une lunette qui se greffa sur le canon, et grâce à ses propres optiques, les ténèbres environnantes s’éclaircirent bientôt. Sans compter que la vision de Soo-la était naturellement adaptée à l’obscurité. Et il put lui indiquer d’où venaient les tirs. Dès qu’il aperçut un mouvement, il fit feu, ses réflexes de combattant prenant le dessus. Un cri lui indiqua qu’il avait fait mouche.

Il put abattre ou blesser – il n’en savait rien – deux autres assaillants et mettre un coup dans le vide avant que ces derniers ne se rassemblent pour fondre sur le campement. C’était des hommes en tenue de chasse, équipés d’armes à feu et de lames totalement contraires à la réglementation. Par chance, le bâton était une arme idéale pour se défendre contre plusieurs adversaires. Et Soo-la était loin d’être sans défense.


L’homme et le T’rydah combattirent un moment dos à dos, brisant nez et poignets. Mais le bâton cerclé ne fit pas long feu contre les machettes des agresseurs. Jared projeta les deux parties qui lui restaient en main au visage d’un des hommes, qui esquiva. Momentanément désarmé, il saisit un autre combattant à la gorge, le retourna et s’empara du Colt à Gaz Igné, modèle standard des Rangers de Jericho, qui pendait à sa ceinture. Il était encore chargé. Il fit feu à trois reprises, deux hommes tombèrent. Puis un autre riposta et tira à travers son compagnon qui devint un poids mort pour Jared. Il le lâcha. Pendant ce temps, Soo-la avait saisi une pierre et, d’un lancer précis, désarma le dernier tireur. Jared se jeta sur lui et la lutte se poursuivit au sol.


Il semblait à l’ex-Ranger que son adversaire avait des briques dans les mains, ses coups étaient de véritables impacts de marteau. Il voyait déjà des étoiles, et il n’était pourtant pas de constitution fragile.


Le natif intervint à nouveau de manière opportune. Il asséna un violent coup de branche sur la nuque de l’homme. Désorienté par le choc, il hésita un instant. Ce qui permit à Jared de se saisir du couteau dissimulé sous la sangle de sa ceinture. Un empan d’acier s’enfonça dans l’œil de l’homme qui le battait comme plâtre. Après un dernier borborygme, le calme revint.


– Maître ? s’enquit Soo-la tendant la main vers l’humain.

– Ça va, ça va, répondit-il en se relevant seul. Merci pour ton aide. Mais revenons à ce que tu disais : le Marshall avant moi était une femme ?


Il se souvenait vaguement de deux femmes présentes lors de la réunion qui s’était tenue à Spacehington. L’une d’elles, vêtue comme un homme, s’était attiré quelques regards désapprobateurs et quolibets. Il avait pris la seconde pour une secrétaire ou une assistante quelconque. Les femmes de manière générale avaient été amenées à prendre davantage de responsabilités dans la société depuis la découverte de la Porte. On parlait même de leur accorder le droit de vote.


La description que lui fit Soo-la ne l’aida en rien ; pour les T’rydah tous les "Maîtres" se ressemblaient physiquement. Comme l’agent dont ils parlaient était dépourvue de nervures écarlates, elle aurait tout aussi bien pu être une statue ou un tableau, le natif de Jericho en aurait fait le même portrait.


Ce n’était donc pas elle qui avait encodé le microfilm.


Ils entreprirent de fouiller leurs agresseurs. Certains portaient des vestes de travail des secteurs 17 et 23, ce qui indiquait clairement leur provenance. Dans la doublure d’une poche de celui qui devait être le chef, ils découvrirent une pleine poignée de microfilms. Une analyse approfondie révéla que tous étaient des copies du document caché dans la montre.


– Le piège est encore plus vaste, plus vicieux que je ne le pensais, Zula. Tes maîtres fourbes tentent d’envoyer tous les hommes de Spacehington dans la gueule du loup. Ils en ont clairement les moyens. Nous ne pouvons même pas nous fier à ce qu’il y a là-dedans.


De dépit, Jared jeta quelques microfilms dans le feu.


Ils avaient néanmoins une certitude : les hommes qui les avaient attaqués travaillaient pour les frères Stride. Il y avait donc aux moins deux personnes qui pourraient répondre à des questions.


– Demi-tour, mon vieux. On ne la retrouvera probablement jamais. S’ils ne l’ont pas tuée dans la forêt, les rebelles de Woodsnakes s’en seront chargé.

– Oui, Maître.

– Cesse de m’appeler de cette façon. Jared, ça suffira.


Le T’rydah parut hésiter.


– Oui, Dj’areth.


Deux jours plus tard, ils atteignaient le domaine personnel de Declan Stride. Dans la brume de l’aube, la vaste demeure coloniale se détachait, silhouette incertaine dans un décor industriel au repos. Tout paraissait étrangement calme.

Ils traversèrent l’exploitation minière et ses longues avenues d’entrepôts, passant parfois devant un saloon ou un dortoir où rien ne bougeait. À tout moment ils s’attendaient à voir surgir des hommes cagoulés, brandissant des armes improvisées. Sans plus se soucier des consignes initiales, Jared avait assemblé toutes celles dont il disposait. Plus personne en cet instant n’aurait pu douter de son passé militaire. Ils longèrent un sentier qui les amena devant la vaste terrasse de la demeure principale. Les jardins semblaient sinistres sous la brume fine qui s’accrochait aux chevilles des visiteurs.


Des lampes à gaz brillaient toutefois derrière les fenêtres. Le bois local qui garnissait la pergola grinça sous leurs pas. La porte lambrissée résonna sous les coups du heurtoir orné d’un blason aussi ostentatoire qu’usurpé.


Bientôt un domestique noir à la démarche raide se présenta devant eux.


– Messieurs ? demanda-t-il, flegmatique.


Ses yeux s’écarquillèrent imperceptiblement quand il se trouva face à la gueule d’un canon.


– Ton patron. Tout de suite, ordonna Jared.


Il n’avait pas de mandat officiel, il ne portait pas d’étoile. Il n’avait nulle autorité de laquelle se prévaloir, outre celle de ses armes.


– Je vais voir s’il est levé, messieurs. Vous pouvez patienter dans le hall.


Le calme de ce maître d’hôtel était digne d’éloges, il ne forçait même pas l’allure.


Quelques instants plus tard, une clochette retentit, ailleurs dans la vaste maison.


– Ça commence… songea Jared, renforçant sa prise sur la crosse de son arme.


Soo-la avait l’air aux aguets.


La bâtisse sembla soudain se remplir d’hommes de main armés. Tromblons cuivrés, fusils de chasse sciés et modifiés, couteaux, autant d’infractions que de participants à cette petite réception d’accueil. Jared s’attendait à une réaction de ce genre en brandissant un revolver sous le nez du portier.


En haut du grand escalier, la silhouette massive de Declan Stride apparut.


– Vous ne manquez pas d’audace, monsieur, tonitrua-t-il. Vous présenter chez moi avec une de ces créatures, menacer mon valet, exiger des choses ; vous mériteriez que j’ordonne à mes hommes de vous donner une bonne leçon. Mais j’ai ouï dire que des agents gouvernementaux se trouvaient sur Jericho 7, et votre matériel me le confirme. Souffrez, pérora-t-il en descendant les marches, que je vous adresse ce simple conseil : ne vous trompez pas de réponse à la question suivante. Que voulez-vous de moi, monsieur...


C’était le tout pour le tout. Jared ne pourrait de toute façon pas éliminer plus de deux ou trois gardes du corps avant d’être abattu.


– Jared McAlister, ex-Ranger sous mandat de Marshall Planétaire pour Jericho 7. Pardonnez le caractère cavalier de ma démarche, mais il m’est parvenu des preuves vous impliquant, vous ainsi que d’autres industriels et politiques de la colonie, dans une série d’affaires illégales.


La grosse carcasse de Declan fut secouée d’un rire pétroleur.


– Et vous venez m’arrêter sans doute ?

– À vrai dire, non. Des gens répandent des preuves évidentes, sur microfilm, tel que celui-ci.


Il remit un des petits cercles de métal au valet qui se tenait non loin de là.


– De multiples exemplaires du journal d’un agent qui n’existe peut-être pas. Le problème est que ces gens portent les vestes de vos employés, utilisent des armes prohibées, et n’aiment pas les gens comme moi. Nous avons été mis en garde contre l’existence de complots plus vaste qu’il n’y paraissait.


Ce disant, Jared se remémora l’étrange conversation qu’il avait eue trois semaines plus tôt.


– Je n’apprécie ni vos méthodes ni celles de vos gens, continua-t-il. Mais je ne crois pas que vous projetiez d’assassiner le nouveau gouverneur en faisant accuser les T’rydah. Murphy est strict, sans imagination, mais un homme juste et un excellent administrateur. Quelqu’un veut vous faire tomber, vous et tous les membres du parti HRG. Et vu la quantité de documents contrefaits, et leur qualité également, je crois que c’est plutôt du côté de la métropole qu’il faudrait regarder. Il y a bel et bien des mercenaires armés sur Jericho 7, mais leur présence ici n’est pas de votre fait. On les a laissé passer.


Il y eut un temps mort. Declan Stride, accusant le coup, était blême. Sa main étreignait la rampe.


– Que proposez-vous ? demanda-t-il.

– Je vous aiderai, monsieur Stride, à la condition que vous et vos coreligionnaires de HRG adoptiez des mentions plus favorables aux natifs, et plus conformes à la ligne directrice officielle de Spacehington. Si vous refusez, il ne vous restera qu’à prier pour que quelqu’un d’autre que moi mette un terme à ce complot avant qu’il n’ait été irrémédiablement porté atteinte à vos intérêts sur Jericho 7.

– Une alliance… Contre un ennemi plus grand et plus sinistre.

– C’est ainsi que ce pays fonctionne, monsieur Stride. Que l’on soit dans le Montana, ou dans les colonies spatiales.


Le riche propriétaire réfléchit un moment.


– Si ce que vous dites est vrai, monsieur McAlister. Il semble que nous n’ayons pas le choix. Laissez-moi contacter certains de mes amis. Quant aux T’rydah, conclut-il avec un signe de tête dans la direction de Soo-la, je suis sûr que nous pouvons trouver des solutions pour prospérer ensemble.

– Mettez-moi ça par écrit, et je suis votre homme.

– Dj’areth… commenta gravement le natif pour lui-même.


Bien qu’étant conscient de l’ampleur de la tâche qui l’attendait, l’ex-Ranger éprouvait un trop rare sentiment de devoir accompli. Quoiqu’il advienne désormais, il savait qu’il se battait pour une cause juste.



Wild Settlers – FIN


 
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   Anonyme   
28/11/2011
 a aimé ce texte 
Bien
Dommage, la fin, dommage ! J'ai vraiment eu l'impression d'une pirouette histoire de terminer, comme si d'un seul coup vous en aviez eu assez de votre texte. Moi j'aurais bien continué, j'adore l'esthétique "steampunk", ce mélange de dix-neuvième siècle et de voyages spatiaux. Tout se résout beaucoup trop vite avec le dénommé Stride, pour moi.
Bon, sinon deux aspects de l'intrigue me paraissent peu solides :
- le fait que la porte cesse de fonctionner quelque temps après un certain niveau de trafic ne gênerait-il pas gravement l'exportation de Gaz Igné sur Terre ? Je comprends que vous avez mis en place cette limite pour expliquer que la colonie ne se contente pas de faire venir de la main-d'œuvre jusqu'à avoir écrasé la résistance locale, mais pour moi ça ne fonctionne pas bien ; en plus je ne crois pas que vous ayez besoin de cet artifice, au dix-neuvième siècle il n'y avait pas tellement de monde et les colons avaient déjà fort à faire pour occuper l'ensemble du territoire des États-Unis... On peut très bien imaginer que le flux migratoire pour Jericho 7 soit naturellement limité ;
- je ne vois pas une espèce intelligente ne pas profiter de la disparition d'un prédateur pour réinvestir toute sa planète ; je crois qu'il faudrait trouver une autre raison à l'existence souterraine des T'rydah. Cela dit, je comprends bien que rendre leur anatomie trop éloignée de celle des humains empêcherait complètement des Américains du dix-neuvième siècle de les respecter en tant qu'espèce... C'est délicat, je suis d'accord.

Une histoire intéressante pour moi, aux personnages trop classiques à mon goût, archétypaux. Je pense que ce serait très intéressant de reprendre ce texte, le sujet a le mérite d'être original.

"La ville était telle qu’il se la rappelait. Organisée en cercles concentriques autour de l’hôtel de ville, de la chapelle et du bureau des concessions ; les trois édifices qui délimitaient la place centrale ; elle était traversée par deux avenues perpendiculaires. La plupart des bâtiments étaient en bois local, matériau qui s’était avéré aisé à travailler" : quatre fois "était" ou "étaient" en quelques phrases.
"la condition des natifs s’était détériorée, à l’image de l’état des rues, c’était le moins qu’on pouvait dire. Et c’était la raison du retour de Jared" : trois fois "était".
"une sorte de crique accidentée qui se trouvait dans le coude d’une large rivière, en deçà d’une saillie rocheuse qui la dissimulait aux regards" : je trouve ce bout de phrase maladroit à cause de la similarité de la structure des deux appositions.
"raccordés en majorité à une petite jauge qui indiquait le niveau hydraulique des micro-vérins qui activaient certaines des mandibules de cette main" : je trouve maladroites les deux relatives imbriquées introduites par "qui".
"un petit appareillage qui émettait une lumière diffuse par deux cylindres qui semblaient destinés à accueillir les yeux" : idem.

Edit pour rectifier quelques fautes de frappe dans mon commentaire.

   Anonyme   
28/11/2011
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
La nouvelle, dans le genre science fiction, est globalement assez intéressante. Le sujet fait, évidemment, ressortir ce pour quoi il est écrit : les éternels abus des conquérants et des colonisateurs.
Le style, sans être de qualité supérieure, est suffisamment bon pour ne pas rebuter le lecteur devant la longueur du texte.
Car le texte est long. Un peu trop, peut-être. Je crois qu’il aurait gagné à être un peu plus condensé, vu le scénario.
Mais c’est à la fin que j’ai eu ma petite déception. La chute me semble, elle, un peu trop condensée justement. Il manque quelques éclaircissements, notamment sur le sort exact de Brett Hawlford, ce « Maître à l’étoile cachée Femelle » et aussi sur ceux qui tirent réellement les ficelles du « vaste complot ».
Cela dit, l’ensemble est acceptable.

   Anonyme   
23/11/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Le lecteur pénètre dans un univers parfaitement établi. Les noms comme Jéricho ou Argonite sonnent déjà-vu, mais ici l'imagination est tangible. On a l'impression de ressentir le plaisir qu'a eu l'auteur à écrire la nouvelle.

L'humour est disséminé savamment. Les dialogues sont en équilibre avec les passages narratifs. N'en dépaise certaines phrases sont longues, mais ne rebute pas à la lecture.

L'auteur parait maitriser le genre steampunk auxquels son style et son écriture semblent répondre favorablement. Quelques fautes de 3ème pers du sing à la 2ème, mais rien d'énervant.

Le personnage et l'autochtone du monde parallèle sont bien implantés au décor, ils sont décrits avec une simplicité fine. Merci pour la lecture et bonne continuation.

   cherbiacuespe   
31/10/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Voilà qui me rappelle irrémédiablement l'arrivée puis les ravages des européens en Amérique du nord. Tout y est : faux accords, colons sans morale, jugement et conclusion sans surprises sur l'animalité des autochtones, stop, je m'arrête là.

L'histoire mélange deux époques, deux techno-sciences comme on en trouve parfois à la télé ou au cinoche, c'est amusant, je comprends qu'on s'y glisse, et c'est adroitement fait. Sur le récit, pas grand chose à dire, au lecteur d'imaginer la suite des événements. L'histoire nous apprend quand même que ce que veut le colon, il finit par l'obtenir surtout si le premier habitant n'est pas réactif ( et expéditif ) dès la première rencontre. C'est bien écrit, pas de fautes, je n'ai pas vu d'incohérences, un bon texte, intéressant. Le déroulement des faits porte le lecteur sans fatigue. Oui, un bon texte, je trouve.


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