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Réalisme/Historique
LeSaulePleureur : Seuls Nous Cinq - Chapitre 3
 Publié le 20/05/08  -  4 commentaires  -  15417 caractères  -  6 lectures    Autres textes du même auteur

Suite des chapitres précédents.


Seuls Nous Cinq - Chapitre 3


Ensemble


Vendredi soir, Place d'Italie. Tout le monde est là, Kevin a signé tous les papiers, chacun dépose sa valise dans le coffre spacieux du véhicule du même nom. Nous cédons la place du mort à Guy, puisqu'il est le plus grand. Jessica s'installe à l'arrière, entre Fanny et moi. Son parfum trop fort ou trop dosé me pique la gorge et les yeux. Kévin prend place derrière un tableau de bord inspiré du poste de pilotage de Saturne V. Je claque la dernière portière et nous décollons.


L'habitacle de l'espace est aussi silencieux que nous mais une excitation commune se dégage et se partage. Les candélabres de la capitale défilent derrière les vitres propres du véhicule. Fanny s'amuse avec sa tablette et découvre une multitude de petits rangements inutiles devant, derrière, dessus, dessous son siège. Guy se retourne souvent pour s'assurer que nous sommes bien installés, que nous ne sommes pas malades, que nous n'avons rien oublié, que nous sommes bien sûrs de ne pas vouloir passer devant. Kevin, très concentré, use tous ses sens pour s'extirper de ce chaos de rues, routes, ponts, carrefours, croisements, voies, panneaux, échangeurs, paysages, feux rouges, et autres queues de poisson. Le soleil fatigué nous abandonne derrière le skyline triste d'une banlieue grise. Jessica ne parle pas, sa cuisse caresse la mienne.


Les autoroutes sont incroyablement plates et droites. Il fait nuit et nous avons l'impression de partir en vacances à la mer. D'ailleurs, c'est peut-être le cas puisque nous ne savons pas où nous allons, Kevin tenait à nous en faire la surprise.


Alors que tout le monde commençait à s'endormir, la voiture s'arrête sur une aire de repos. Une éblouissante station service agrémente le parking de ses néons blafards et de son odeur d'essence. Nous échangeons quelques pièces d'un euro contre des gobelets de plastique remplis d'un liquide douteux mais qui réveille.


Personne n'ose demander quand est-ce qu'on arrive mais la question nous brûle tellement que nos lèvres semblent carbonisées. Chacun ravale sa patience et Kevin jubile. Je lui propose de conduire un peu, ce qu'il accepte à ma grande surprise. Ainsi, je démarre et m'élance, agrippé au volant rond, du haut de mon siège mœlleux. Les bandes blanches deviennent un long fil lumineux qui guide la petite troupe vers un paradis inconnu. Les phares sont des flashes éblouissants indispensables pour me tenir éveillé.


Je ne sais pas trop où nous allons mais une chose est sûre : vers le sud. Nous dépassons tout un tas de panneaux sans jamais emprunter la bretelle de sortie. Je m'assure de temps en temps que Kevin ne s'endort pas et qu'il reste attentif. Derrière, Jessica, Fanny et Guy discutent. Je n'entends qu'une nappe de conversation, aucune phrase, aucun mot, juste la musique apaisante de leurs paroles.


Soudain, Kevin annonce : "C'est là, à la prochaine". Le panneau indique "Marvejols". Nous sommes dans le Massif Central, nous ne verrons donc pas la mer... Je m'arrête et Kevin reprend le volant. Fanny passe devant, je m'installe à nouveau contre Jessica, qui sommeille sur mon épaule. Nous roulons encore quelques heures au cœur des forêts plongées dans l'obscurité. Dommage qu'il ne fasse pas jour, le paysage doit être magnifique.


La route déjà sinueuse se transforme brutalement en un chemin de terre. Puis, la voiture s'immobilise. Au loin, je ne vois que la lune et les étoiles. Je réveille Jessica d'une caresse sur la joue et ouvre ma portière. Je dépose mon pied comme celui de Neil sur le sol rocailleux. L'air froid agresse mes poumons de sa pureté indécente inhabituelle.


La voiture s'est arrêtée au milieu de rien. Épuisés, nous suivons Kevin dans un petit chemin escarpé, une tonne de bagages sur le dos. Une ampoule s'allume. Un mur de pierre nous surplombe. Un escalier de cailloux mène à l'entrée d'une bâtisse ancrée dans la montagne. Kevin nous informe enfin. Nous sommes dans les Cévennes, au Collet de Dèze, cette maison appartenait à ses grands-parents.


Nous entrons dans la cuisine. La pièce est vaste, vide et froide. Kevin nous fait visiter la demeure. Nous traversons des tas d'étages et de pièces. Chaque porte s'ouvre sur un univers différent. Il y a des marches, des recoins, des meubles, des fenêtres, des plafonds hauts, des plafonds bas, des plafonds pentus. Nous finissons la visite par les chambres. Une large mezzanine suspendue par une charpente apparente est abondamment fournie de couchages. Une demi-douzaine de lits nous attendent. J'ai l'impression de me retrouver dans un dortoir de colonie de vacances. Tous ébahis par la magie du lieu, nous nous effondrons sur les sommiers grinçants. Exténués par la semaine parisienne et la traversée de la France, nous plongeons dans un sommeil profond sans précédent. Chacun se réveillera dans la nuit pour se dévêtir et s'engouffrer dans les délices des draps propres.


C'est un rayon de soleil qui me réveille au petit matin. Il dessine une voie lumineuse qui traverse le volet pour venir mourir sur mon oreiller. Je suis le dernier, autour de moi, des lits vides, sous des couvertures entassées, des sacs éventrés éparpillés sur le sol. Je descends prudemment les marches de bois qui craquent sous mes pieds nus. Dans la cuisine, autour d'une table ronde, quatre têtes dans le pâté me regardent avec le sourire. Une odeur de café et de croissants chauds me chatouille les naseaux. La porte d'entrée grande ouverte laisse entrevoir une terrasse immaculée de soleil. Bonjour tout le monde, je vais visiter les alentours, gardez-moi un fond de café, je reviens.


Il fait froid, certes. Mais il y a des arbres, des feuilles, des herbes et des oiseaux. Il y a la montagne et la rivière dans son creux. Des chemins sillonnent les coteaux, quelques bâtisses pointent le bout de leurs toits rouges à travers la canopée. Il y a le ciel aussi, gris, bleu, rose, rouge, rayé de brumes blanches. Il y a un sentier qui contourne la maison, adossé à la montagne par un mur de pierres sèches. Il fait trop froid, je rentre.


Ce bol fumant est le plus savoureux de tous les bols de café que je n'ai jamais eu l'honneur de goûter.


- Alors, qu'est-ce qu'on va faire ? demande Jessica.

- Ben je sais pas, répond Kevin, ce que vous voulez. On pourra se promener cet après-midi mais le matin, il fait encore froid.

- Se promener ? Pour quoi faire ? demande-t-elle.


Kevin monte ses yeux au ciel et personne ne bronche. Jessica nous regarde tous un par un, en attente d'une réponse, en vain.


- Sérieux, vous voulez tous aller vous promener ?

- Qu'est-ce que tu comptais faire d'autre, toi ? s'aventure Guy.


Elle hésite. Je redoute sa colère. Je sens monter le conflit, elle va craquer.


- Bon d'accord, finit-elle par articuler.

- Je vais préparer le repas de midi, annonce Fanny, j'ai apporté des courgettes et des poivrons.


Jessica fait une drôle de moue mais ne dit rien. Peut-être pour éviter tout commentaire, elle s'enferme plusieurs longues minutes dans la salle de bains.


J'ai remarqué une bibliothèque dans un salon au sous-sol, je m'y plonge quelques instants. Je dévore une vieille bande dessinée de Sylvain et Sylvette à la lumière d'une petite lampe de chevet poussiéreuse. Cette maison est bourrée d'histoire. Des centaines d'objets abandonnés témoignent d'une vie fanée qui s'est déroulée entre ces murs. Des petits enfants qui deviennent vieux, laissant leurs jouets cassés comme souvenir aux générations futures.


Je ne savais pas que la salle de bains se trouvait aussi au sous-sol. Jessica sort, toute maquillée parfumée, une énorme trousse de toilette sous le bras, une serviette sur l'épaule. Elle vient s'asseoir près de moi et, sans un mot, parcourt les images du livre avec moi. Je l'attends en bas de chaque page et nous rions des mêmes gags. Son parfum ne m'agresse pas comme hier. Sans doute parce qu'aujourd'hui, cette odeur représente quelqu'un. Son parfum est déjà un souvenir, un bout de ma vie, un voyage dans le sud de la France avec des amis. Des amis, j'espère. En général, nous parlons peu. C'est peut-être ce qui nous lie... Mais j'ai peur que cela nous empêche d'approfondir nos relations. Guy est probablement le plus timide d'entre nous. Il est aussi le plus gentil mais n'est jamais sûr de lui, ce qui le rend encore plus attachant d'ailleurs. Kevin est un peu froid mais je suis convaincu qu'il est absolument charmant. Trop...


Il est déjà midi, Fanny chante "À table !" à tue-tête. Tous bluffés par ses talents de cuisinière, nous avalons sa préparation sans oublier de la complimenter, chacun son tour en essayant une phrase originale. Une pause, un café, une pause et c'est l'heure d'aller se balader. Kevin insiste pour que Jessica échange ses talons vernis pour une vieille paire de baskets dénichée dans le grenier. Après un difficile débat, il réussit à la persuader.


Le soleil a déjà réchauffé la terre et marcher nous protège du froid. Le chemin est assez large mais très sinueux. Depuis quinze minutes, nous montons. Personne ne parle, déjà trop essoufflé. Jessica propose une pause, ce qui nous amuse tous.


Sur ma gauche, le paysage est captivant. Tout un pan de montagne se dessine, écrêté par sa connexion dentelée avec le ciel. La forêt s'impose sur tout mon champ de vision, illuminant avec subtilité toutes ses nuances de vert. Les arbres viennent mourir en contrebas, probablement dans une rivière inaccessible. Sous mes semelles, les cailloux roulent, s'effritent. Quelques regards, quelques sourires se croisent au sein du petit groupe. Un petit groupe de randonneurs du samedi, perdu dans la nature.


- C'est encore loin ? demande Jessica.

- Loin quoi ? rétorque Kevin.

- Ben, là où on va.

- Ah mais on va où ? réplique Kevin, une pincée d'ironie provocatrice dans la voix.


Jessica entrouvre les lèvres de sa bouche plus les referme. Elle ne tombera pas dans ce petit piège, ne rentrera pas dans son jeu. Elle se contente de baisser la tête et les bras. Elle traîne des pieds mais elle avance.


J'ai comme envie de la réconforter, de l'encourager, de la porter même. Je m'approche d'elle et lui tend la main. Elle s'agrippe à mes doigts et fait mine de se laisser hisser au bout d'une corde. Je tente une approche orale :


- Tu sais, on n'a qu'à les laisser partir devant, je ne suis pas pressé moi. On n'est pas venu là pour se laisser emmerder.


Elle esquisse un sourire. Pour un peu, j'ai l'impression qu'elle est une enfant qui renifle une dernière larme pendant que je la console. J'insiste :


- Viens, on va se poser là cinq minutes, moi aussi j'en ai marre de grimper.


J'ai eu l'excellente idée d'emporter une bouteille d'eau avant de partir. Nous partageons quelques gorgées bienfaisantes d'énergie qui rafraîchit et qui soulage le gosier. Elle s'enfile une rasade, quelques gouttes ruissellent de ses lèvres à son décolleté. Je prends bien soin de ne pas essuyer le goulot avec ma manche juste avant de boire à mon tour, juste pour qu'elle le remarque. Après moi, elle se verse une seconde gorgée dans la bouche, sans essuyer le goulot.

Les autres viennent de disparaître derrière un virage caché par le plus beau des châtaigniers. Sous mes fesses, quelques petits cailloux me piquent. Je gigote pour me mettre à l'aise... ou pour faire quelque chose... Je m'étends sur le dos et ferme les yeux. Je réalise ainsi qu'une infinité de bruits caressent les vents alors que je ne leur avais pas encore prêté la moindre attention. Il y a les feuilles qui frémissent, les branches, les écorces et les brindilles qui craquent, les insectes qui gratouillent, la route en contrebas qui ronronne, la terre qui sèche, ma montre qui trotte et Jessica qui respire.


- Elles sont vraiment immondes, ces chaussures, s'exclame-t-elle.

- C'est vrai... Et c'est peut-être pour ça que j'aime bien te voir dedans.


Elle ouvre des yeux énormes, outrée, vexée, blessée, touchée, coulée. J'essaie de me rattraper :


- Enfin, je veux dire... Non mais, ne le prends pas mal, c'est juste que... Tu vois je... Parce que... Enfin, je... Tu vois, c'est juste que... Des fois... Enfin, je veux dire... Et merde !


Elle s'esclaffe de rire, à ma plus grande surprise. Plus incroyable encore : elle me passe la main dans mes cheveux en marmonnant quelque chose qui a l'air d'un "T'es con..." Je rougis, je baisse les yeux. Puis elle dit :


- Allez, on continue ?


Alors elle se lève, me tend la main, me tire, me lève, se dépoussière les fesses et marche. Elle a l'air bien à l'aise dans ses baskets. Le chemin devient de plus en plus plat. Nous arrivons au sommet d'un vaste plateau. D'ici, la vue est encore plus saisissante. D'ailleurs (Straits, lol), nous sommes saisis. Un panorama se dévoile sur trois cent soixante degrés. Une minute pour profiter du paysage et nous poursuivons notre route.


Plusieurs chemins s'offrent à nous et, de fourche en fourche, nous faisons des choix. Il nous paraît improbable de retrouver les autres, ce qui n'est pas dramatique. J’espère toutefois qu'ils ne nous en voudront pas...


L'après-midi se déroule, nous multiplions les pauses pour se reposer mais aussi pour discuter. Jessica n'a jamais mis les pieds en dehors de la région parisienne, exception faite d'un voyage scolaire en Bretagne quand elle était en quatrième. J'ai l'image d'une fille restée séquestrée vingt et un ans entre les barreaux d'une banlieue morose. Alors forcément, cette excursion montagnarde ne peut la rassurer. Comme un hamster qui n'a jamais eu l'idée de ce que pouvait être la liberté, il se retrouve apeuré, déposé dans l'herbe du jardin par un petit enfant trop attendri. Il se fera engloutir par un chat, une chouette avant la nuit.


- Tes parents ne voyageaient pas ?

- Si, parfois. Mais ils partaient seuls, moi je restais chez ma tante, à Créteil. J'ai passé presque toutes mes vacances à Créteil.


Une buée de tristesse voile le vert de ses yeux. Une vague de pitié me traverse. Je tente une réaction :


- Ben, faut voir le bon côté des choses, il ne te reste plus qu'à découvrir le monde...

- Ouais, même pas... Tu vois, je suis là, j'en rêvais et puis... Je ne sais pas, ça ne me fait rien. Tous ces arbres, la nature, tout ça, c'est comme les cartes postales et voilà... C'est juste des cartes postales, ça ne m'évoque rien de plus... Je suis une fille de la ville... C'est moche mais c'est comme ça, c'est ma vie. Je ne pourrai pas m'en débarrasser.


Je reste bouche bée. Incrédule et compréhensif. Ce qu'elle ressent m'est tout à fait inconcevable et en même temps, tellement logique et naturel... Ses baskets boueuses et trouées lui donnent un air pathétique et ridicule. Je ne sais pas quoi dire, elle regarde au loin, dans le vide, nulle part. C'est comme si sa vie était foutue d'avance, sabotée par ses parents.


- Je vais quitter mes parents dès lundi.


Elle me dit ça froidement, sans ménagement. Je crois qu'elle vient de prendre cette décision à l'instant même. Une décision nette, franche et définitive. Aussitôt, je pense à moi, à mon engagement. Moi aussi, je dois suivre, je dois quitter mon boulot. Dès lundi.


- Oh... Mais c'est... génial... Et tu t'es... organisée ? Où est-ce que tu vas aller ?

- Je ne sais pas... J'ai deux jours pour y réfléchir.

- D'accord. Bon, ben, je tiendrai ma promesse, je démissionne lundi.

- Tu n'es pas obligé.

- Si.


Et nous voilà engagés dans le plus grand bouleversement de notre vie... ensemble.


 
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   Anonyme   
20/5/2008
Eh bien, je commence à accrocher à l'histoire, moi.
Pour tout dire, le premier épisode ne m'avait pas franchement emballée. Je le trouvais assez maladroitement écrit, et je ne voyais pas très bien où tout ça pourrait mener le lecteur. J'ai néanmoins suivi le second, déjà meilleur pour moi, restant encore dans l'expectative, pas tout à fait convaincue.

Et puis ici, je trouve que l'écriture s'est vraiment améliorée, le récit prend un peu de légèreté et d'ampleur en même temps, les personnages commencent à devenir familiers, attendrissants et énervants comme peuvent l'être des gens pour qui on éprouve un peu d'affection. Ils prennent de la consistance.

Bon, il y a bien encore quelques maladresses d'écriture, quelques transitions un peu surprenantes ou mal menées, mais dans l'ensemble tout coule déjà beaucoup mieux qu'au début je trouve.
Bref, j'ai lu ce récit avec plaisir, et je lirai certainement la suite.

   clementine   
20/5/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Ce troisième volet est très agréable à lire.
Ce petit voyage dans les Cévennes me fait le plus grand bien à moi!
J'en avais besoin.
Ah le charme des vieilles maisons de campagne! Bien décrit.
Les personnages sont émouvants et l'identification est facile.

Quelques maladresses dans l'écriture, c'est sûr mais qui ne gâchent pas le plaisir.
Par exemple:
"elle me passe la main dans mes cheveux ", non soit c'est: elle me passe la main dans les cheveux. Soit c'est: elle passe la main dans mes cheveux.
J'ai aimé,à suivre donc.

   strega   
20/5/2008
 a aimé ce texte 
Bien
Ah Marvejol... Que de souvenirs. Bref.

Ben oui, à suivre, honnêtement, j'ai été un poil déçu par cet épisode. En fait, je commençais à m'habituer à l'analyse fine des caractères, ça me plaisait bien cette autopsie des vivants moi.

Là c'est un peu mou je trouve. Presque un peu facile, mais sachant que c'est une histoire à épisodes, il faut certainement préparer le lecteur non...?

   Bidis   
22/5/2008
 a aimé ce texte 
Bien
Je n’ai pas lu les épisodes précédents mais cela ne m’a pas vraiment gênée.
Cependant, l’on se trouve en voiture avec des gens extrêmement mal définis, qui ne vivent pas vraiment. Par exemple, si l’un des personnages ramenait sans cesse une mèche de cheveux qui lui tombe sur le nez, il se mettrait à vivre, à exister, et j’aurais envie d’aller voir plus avant ce que l’on en dit.
Je me permets de faire quelques petites remarques dont j’espère l'auteur ne me tiendra pas rigueur :

- « Chacun ravale sa patience » : on ravale normalement quelque chose de négatif, donc ici « son impatience » serait plus correct
- « de sa pureté indécente inhabituelle » : je trouve que ce serait plus fort et évident d’écrire : « de sa pureté inhabituelle, indécente. »
- « un sommeil profond sans précédent » : même chose - j’aurais trouvé mieux d’écrire « d’une profondeur sans précédent »
- « que je n'ai jamais eu l'honneur de goûter. » : je n’ai jamais eu l’honneur de goûter = je n’ai jamais goûté. Or ici, il a goûté et il fait la comparaison. Donc, il fallait écrire « que j’aie jamais eu l’honneur… »
- « Kevin monte ses yeux au ciel » : on ne monte pas les yeux au ciel, on les lève et le possessif est, sinon incorrect, du moins lourd, peu heureux, donc, je trouve qu'il faudrait écrire "Kevin lève les yeux"
- « J'ai remarqué une bibliothèque dans un salon au sous-sol, je m'y plonge quelques instants. Je dévore… » : répétitions des « je »
- « Jessica entrouvre les lèvres de sa bouche plus les referme » : D’abord , il n’est peut-être pas utile de spécifier « de sa bouche », et « plus » serait avantageusement, sinon plus correctement, remplacé par « puis »
- « emmerder » : expression trop vulgaire pour le contexte, fort policé jusqu’ici
- « Je prends bien soin de ne pas essuyer le goulot avec ma manche juste avant de boire à mon tour, juste pour qu'elle le remarque. Après moi, elle se verse une seconde gorgée dans la bouche, sans essuyer le goulot. » : tous, adolescents, on a fait ces petites choses idiotes. Il faudrait savoir les rendre touchantes et drôles pour intéresser le lecteur. Ici elles sont dites avec sérieux, c’est leur donner une importance un peu ridicule.
- « Je gigote pour me mettre à l'aise... ou pour faire quelque chose... Je m'étends sur le dos et ferme les yeux. Je réalise… » : de nouveau, trois fois « je » à la suite
- « Il y a les feuilles qui frémissent, les branches, les écorces et les brindilles qui craquent, les insectes qui gratouillent, la route en contrebas qui ronronne, la terre qui sèche, ma montre qui trotte et Jessica qui respire. » : lourd et facilement rectifiable : « Les feuilles frémissent, les branches, les écorces et les brindilles craquent, les insectes gratouillent, la route en contrebas ronronne, la terre sèche. Ma montre trotte et Jessica respire. »
- « Elle s'esclaffe de rire » : même si étymologiquement, ce verbe vient du provençal « esclafá, éclater », s’esclaffer veut dire « éclater de rire », donc on ne remet pas « de rire » sinon c’est un pléonasme.
- déjà relevé par Clémentine : « elle me passe la main dans mes cheveux » : elle passe la main dans mes cheveux ou elle me passe la main dans les cheveux mais pas un double possessif
- « Mais ils partaient seuls, moi je restais chez ma tante, à Créteil. J'ai passé presque toutes mes vacances à Créteil. » : répétition , on aurait pu écrire « en banlieue » à la place d’un des deux Créteil

Je termine ce relevé féroce par quelque chose de très positif :
« Tous ces arbres, la nature, tout ça, c'est comme les cartes postales et voilà... C'est juste des cartes postales, ça ne m'évoque rien de plus... Je suis une fille de la ville... C'est moche mais c'est comme ça, c'est ma vie. Je ne pourrai pas m'en débarrasser. » : voilà qui est simplement vu, touchant de simplicité et poignant.


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