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Fantastique/Merveilleux
liryc : Mare Nostrum
 Publié le 31/12/11  -  5 commentaires  -  5760 caractères  -  96 lectures    Autres textes du même auteur

Quatre jours qu'ils attendent, et toujours rien : pas un seul mât visible sur toute l'Adriatique.


Mare Nostrum


Ravenne, an 547. Port "in Classe".


Le monarque devance en amont les dignitaires et le général, avance de quelques pas encore contre les bourrasques, s'arrête puis scrute l'horizon.

Sa pensée l'emporte un instant vers Byzance et aux ordres de l'empereur.


Quatre jours qu'ils attendent, et toujours rien : pas un seul mât visible sur toute l'Adriatique.

La tempête fouette leurs étoffes orientales, agite cette mer en furie, couverte de nuages trop étirés, comme le temps.


Dans la basilique récemment édifiée, les artistes attendent, eux aussi, la livraison des plus belles mosaïques de marbre des îles d'Eubée et de Paros pour les dernières finitions. Les grondements de l'océan secouent les rivets et les battants de l'entrée… Mais ils veulent encore y croire, se préfigurent l’application délicate des tesselles en tracés figuratifs et colorés, sur les courbes de l'abside et sur les panneaux latéraux : des œuvres qui témoigneront à travers les temps de la foi qui les habite, et de la grandeur de l'art qui les anime.


Depuis peu cependant, le prêtre lance avec effusion des prières répétitives et sa verve ascendante pour toucher le divin. Mais Neptune et Poséidon réunis ont rompu leur pacte pour un autre choix… Celui de s'en prendre à l'équipage en mer qui voit venir l'inimaginable...


Le tronc d'arbre, un énorme cèdre fendu en biseau à sa base, fonce telle une lance démesurée vers les cinquante mètres de coque du dromon. Les rameurs ont beau virer de toutes leurs forces à tribord, impossible de l'éviter. Les blindages de métaux sont-ils à l'épreuve de tout éperonnage ? Nous nous cramponnons. Le gouvernail émet un grincement… Et soudain c'est l'impact ! Les cris... Les armatures craquent. Les entrailles du navire sont envahies. C'est l'apocalypse.


Des hurlements se mêlent aux chutes des poutres. Le mât vient de se casser. La tour centrale et la catapulte s'effondrent. Une terrible douleur me saisit, je bascule dans les flots, le pied coincé dans une pièce métallique de la carcasse qui m'entraîne dans les flots. Impossible de me dégager.

Pas d'autre choix : j’emplis mes poumons avant d’être à mon tour aspiré par les fonds.


La lumière diminue par bribes successives, le clair-obscur se dégradant vers les abysses. Deux chaloupes sont jetées à l'eau pendant que les trésors du voyage se déversent toujours ; le tout s'échappe comme une saignée ; rames, casques et armes se mêlent aux essaims de mosaïques qui, par milliers, terminent ici leur voyage dans une lente descente.


Je suis en apnée.


Je vois mes compagnons pêle-mêle, soldats et rameurs, gesticuler comme des pantins et tenter de se maintenir en surface. Des bancs entiers d'anchois filent. Dorades et mulets se débattent dans les mailles d'un filet, et laissent échapper quelques bulles qui m'envoient le reflet condensé de ma propre vulnérabilité : j'y parais minuscule, comme avalé, réduit à ma juste échelle dans ce vaste univers aquatique. La catastrophe, lointaine, s'efface. Une myriade de micro-organismes se pare de sa plus belle robe et défile dans un lent ballet… Un cortège passe… Suivi d’un autre…


Des poissons me sourient et me baptisent du nom de « Bob ». C'est du moins ce qu'indique le mouvement ralenti de leur bouche. Je balaie alors l’eau, pour saisir une maille, mais en vain : le plancher sous-marin se dessine toujours plus proche dans ses esquisses bariolées... Je suis condamné, mais la marge imprécise qui sépare deux certitudes couvre l’instant d'une intensité inconnue.

La mort ? Peut-être en fin de compte qu'une simple traversée en apnée jusqu’à la prochaine vie ; un stop imposé jusqu’au prochain départ !


Le naufrage devient un vague souvenir, l'obscurité quasi totale se ponctue de petites notes d’éclaircies fugaces... Un voile, une fine pellicule, s'approche... Incrédules, mes doigts palpent cet écran qui épouse quelque peu leur galbe ; c’est alors que des rappels de ma vie intra-utérine se réaniment, avec des sons et des ébauches de mots maternels : je me revois en spectateur dans le liquide amniotique, à l’aurore d’une vie qui me semble pourtant étrangère. Quel est ce delirium ?


Dans un effort surhumain et déterminé, je tente d'écarter l’emprise de la pièce métallique. À la deuxième tentative elle desserre ses mâchoires, suffisamment pour que je parvienne à me dégager. Mes battements cardiaques ont pris le rythme de l’hibernation, entre joie, sommeil conscient et léthargie. Ne pas mourir. Non. Je dois m’en sortir, provoquer un déclenchement vital.


Les mosaïques se teintent alors d’un reflet étrange…


Ma place est encore libre en haut... Allez, dit la voix, encore un effort !!! D’un déploiement brusque mes jambes obéissent, me renvoient et me détachent de ce phénomène durant la remontée… Toutes les tesselles s'élancent soudain dans une trajectoire inversée. Dans un pétillement de pixels désordonnés tout d’abord, avant de regagner leur juste place sur les tracés figuratifs et colorés… des parois ! Ravenne, les mosaïques…

Où suis-je ?


C'est l'ascension verticale, rapide, avec la surface, et toutes ses promesses d’oxygène…


Top chrono ! Je me remplis d'air et braque le temps écoulé : 7 minutes 13 secondes dans les profondeurs !!! Record personnel battu !

Une multitude de nageurs pataugent dans la piscine... Certains s'appliquent à l'exercice de leur hobby, plongés dans leurs pensées, leur fantaisie, ou comme moi, dans leur rêverie profonde.


Je caresse quelques instants la douce illusion d’avoir revu le jour ici-bas, tandis qu’en amont le maître-nageur s'avance pour scruter le quadrillage zigzaguant des flots. Apaisé, son esprit l'emporte dans les bribes du temps qui passe et, peut-être, en d’autres contrées lointaines…


Bruxelles, an 2011.


 
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   David   
9/12/2011
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour,

Je crois que j'aurais préféré un "vrai" récit de naufragé à une sortie de rêve finale comme ici. J'aimais bien cet idée en tout cas. J'ai trouvé la narration correcte, mais pas non plus réellement enveloppante, captivante. C'est une certaine alchimie dont je n'ai pas les clés, mais je crois qu'il ne faudrait pas que le narrateur ressemble à un guide touristique ou un professeur d'histoire, même si le personnage semble instruit dans le contexte, il manquerait un peu de vie à mon goût.

   Anonyme   
21/12/2011
 a aimé ce texte 
Un peu
J'ai lu et je n'ai pas aimé du tout. Je trouvais ça très confus. Je me demandais comment je pourrais commenter, avec la certitude néanmoins de coter sévèrement.
Et puis, j'ai lu une seconde fois et j'ai mieux apprécié.

Bon, au final, j'ai cru comprendre qu'il s'agissait de l'entrainement en piscine d'un "Jacques Mayol".

Il me faut essayer de comprendre et décrire pourquoi je n'ai pas aimé en première lecture.
Je vois plusieurs choses :
1. Il est évident que pour faire entrer le lecteur dans une histoire qui n'est pas celle de la chute, l'auteur doit l'ancrer dans une "fausse piste", mais j'ai été perturbé par le changement de narrateur vers le début, lorsqu'on passe d'un narrateur omniscient à un narrateur incarné, présent d'abord par un "nous", ensuite par le "je". Du coup, j'ai perdu mes repères : je trouvais inconséquent le fait d'être à la fois sur un bateau et sur la terre ferme (basilique). Ceci m'a gêné durant tout le reste de la lecture. Le texte étant court, je suis arrivé à la fin en restant encore sur mon interrogation du début.
2. J'ai été gêné par l'une des pires choses contre lesquelles un lecteur doit lutter pour accepter l'histoire que l'auteur tente de lui faire vivre : la représentation spatiale. Ceci m'est d'abord apparu comme un problème de point de vue. Alors que nous sommes déjà résolument dans le "je", il semble que nous revenions à un narrateur omniscient lorsque je lis "Deux chaloupes sont jetées à l'eau pendant que les trésors du voyage se déversent toujours". J'ai l'impression que l'auteur décrit la vision d'un narrateur situé en surface, alors qu'il a déjà entamé sa descente en profondeur. J'ai dû faire un effort pour accepter que le héros puisse voir les coques de ces chaloupes en levant la tête vers la surface et qu'il voit les "trésors du voyage" couler en même temps que lui. Finalement, ça tient la route, mais ceci vient en contradiction avec un autre gros problème qui apparait d'abord sous la forme d'un souci de vocabulaire. Certes, la diminution progressive et rapide de lumière est réaliste, mais le terme "abysses" me parait extrêmement malheureux. Il ne suffit pas de quelques dizaines de mètres pour parler d'abysses, très loin s'en faut. Certes, le narrateur ne prétend pas s'y trouver, dans les abysses, mais étant donné l'obscurité qui y règne, il ne pourrait pas les voir; il ne pourrait que les imaginer de par la connaissance précise qu'il aurait de la topographie locale. Ceci nous extrait donc un moment du "vécu" pour entrer dans l'intellectualisation. Je trouve ça très malheureux, alors que nous sommes précisément dans une partie du récit qui ne devrait pas détourner le lecteur de l'action en cours. L'auteur insiste ensuite sur le plancher sous-marin qui se rapproche, l'obscurité quasi-totale,…, mais il nous décrit malgré tout des scènes précises : " Une myriade de micro-organismes se pare de sa plus belle robe et défile dans un lent ballet…" et " Des poissons me sourient et me baptisent du nom de « Bob »." D'ailleurs, cette dernière phrase détonne, je trouve. De quel Bob s'agit-il ? Bob l'éponge ? Certes, je peux comprendre qu'il s'agit d'un délire du héros, mais cette situation me parait tout de même trop burlesque.
3. Les termes "écran" et "pixels", qui paraissent incongrus dans le déroulement du récit, m'ont fait m'interroger : le héros est-il en train de rêver devant son écran d'ordinateur ? D'ailleurs, le terme "rêverie" est utilisé explicitement plus loin. Je me suis alors dit : ça y est, on me refait le coup lu mille fois du gars qui est en train de rêver. Finalement, il ne s'agit pas de ça, ou pas tout à fait. La chute réelle est beaucoup plus originale que ça et, précisément, je trouve dommage de m'avoir entraîné un moment dans cette direction du rêve.
4. Je me retrouve à nouveau avec un gros problème de représentation spatiale à la fin. Je crois comprendre qu'il s'agit d'une plongée en apnée, effectuée en mer en profondeur relativement importante, ce qui me permet de crédibiliser tout ce qui précède, en particulier la diminution progressive de clarté. Or, on se retrouve finalement dans une piscine ! Déception, donc !

C'est moins gênant que le reste, mais j'ai tiqué aussi sur le souvenir de la vie intra-utérine qui me parait très moyennement crédible.

En deuxième lecture, après avoir saisi l'intention de l'auteur, je parviens à suivre le récit en faisant plus ou moins abstraction des éléments décrits ci-dessus. Je suis donc beaucoup moins sévère que je ne l'aurais été en me contentant d'une seule lecture, mais il me semble que le texte gagnerait beaucoup si l'auteur corrigeait les défauts relevés (qui m'apparaissent comme tels, du moins), ce qui, après tout, ne demanderait pas de le chambouler de fond en comble.

Malgré les défaut que je trouve au texte, je salue néanmoins la capacité de l'auteur à installer un univers dans un texte pourtant très court.

Incognito

   Palimpseste   
31/12/2011
 a aimé ce texte 
Pas
Je ne peux que rejoindre David et Incognito...

J'ai plutôt bien aimé le début de ma lecture, même si j'ai trouvé des trucs qui m'ont chiffoné comme le "Neptune et Poséïdon réunis (...)", la crédibilité historique des défenses métalliques sur des navires grecs (ou romain? ou Byzantin?) ou la présence de chaloupes, etc.

Et puis à un moment, je me suis retrouvé paumé entre une scène historique à terre (les prêtres), le banc de nage d'un rameur, un plongeur, une piscine... Et là, j'ai pas simplement détesté ce déroutage: je me sui trouvé floué d'un texte fort sympathique sur la mort par noyade en échange d'un texte cryptique sur son intention...

Je reste un garçon simple qui aime les histoires bien linéaires, sans doute... Je suis un peu désolé de mettre "Faible", ça reflète ma perception de cette déception, pas les qualités d'écriture du texte, tout à fait honorables.

Je reprendrai volontiers une louche d'un texte dérivé sur une trame plus historique et racontant la noyade (et peut-être le sauvetage) d'un marin antique...

   Anonyme   
4/2/2012
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Le décor est beau, mais c'est un peu laborieux à lire. Peut-être faudrait-il simplifier un tout petit peu le vocabulaire ou la tournure des phrases pour toucher le public? Il faut relire avant de comprendre ce qui se passe.

   widjet   
7/2/2012
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Je suis étonné et déçu que personne n’ai souligné la qualité de l’écriture ; celle-ci est variée et élégante. En tout cas, le style est plaisant et lui-même m’a porté sans effort pour parcourir ce texte court, confus par instant même si je me demande si cette confusion n’est pas volontaire voire nécessaire car elle reflète un peu le trouble de notre perception dès lors que l’oxygène nous manque. De plus, nous sommes là en catégorie "fantastique/merveilleux", je ne suis donc pas surpris que l'on bascule entre deux mondes ou deux époques. Ce revirement est du reste un autre atout de ce texte qui mérite mieux.

L’auteur aurait même pu y ajouter des hallucinations que ça m’aurait pas vraiment gêné.

J’ai apprécié ce texte plutôt maîtrisé dans sa forme, non dénué d’humour d’ailleurs (« Des poissons me sourient et me baptisent du nom de « Bob ».) et qui est peut-être un écho à Apnée, un des précédent opus de l'auteur.

Merci, donc.

W.


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