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Sentimental/Romanesque
Louis : L'ordre du jour
 Publié le 27/11/23  -  10 commentaires  -  20793 caractères  -  166 lectures    Autres textes du même auteur


L'ordre du jour


« Il faut porter en soi un chaos

pour pouvoir mettre au monde

une étoile dansante. »

Nietzsche


Je veux éviter ce côté du monde par où tout dégringole, fuir le chaos des jours, et la tombée des nuits.

Je veux prendre la vie du bon côté, celui où tout se tient.

Non, je ne me laisserai pas emporter dans les égouts de l'existence, là sous les pieds de la vie, avec les eaux sales, avec la lie des petits dégoûts, et le ramas des gros dégâts, j'ai trop peur de cette fuite par où ma vie s'en va, trop peur de ce côté fêlé par où suinte l'eau pure qui fait de l'existence une source claire, ordonnée et limpide.

J'ai choisi mon ordre du jour, mon ordre pour aujourd'hui : « Courage, sois courageux. » J’obéirai.

Chaque matin, je m'ordonne, je me donne un ordre, c’est ainsi que je construis ma vie, que je la mets en équilibre. C’est ma façon d’éviter de m'égarer, d'errer dans le sable des jours et la poussière noire des nuits.

Chaque journée bien ordonnée, et chaque jour est un bon jour : c’est mon adage, ma formule de vie, mon théorème.

Parce que, il faut bien le reconnaître, j'avais tendance, ces derniers temps, à me laisser aller. Je laissais aller ma vie. Où ? Je ne sais pas, mais j’allais pas bien. Je vivais au jour le jour, désordonné. Je ne savais pas plier ma vie sous une règle, belle et bonne. Maintenant, je sais. Enfin j'ai trouvé le moyen de me bousculer, de me pousser à vivre, d'apprendre à exister. Parce que, il faut bien l'avouer, je ne savais pas, je n’ai jamais su par quel côté il faut exister.

Parce que… Suffit ! Je ne dois pas laisser courir mes pensées, c'est dangereux. Je crains trop les mots qui filent, et les idées qui les suivent se bousculant, les errances qui s'ensuivent, et tous les égarements. Il me faut mettre de l'ordre là aussi, dans mes idées. Alors, j'écris parfois sur mon cahier, avec application. Pour tout mettre en ordre. De temps en temps, j'aime faire de belles phrases. « Je voudrais faire briller l'or donné d'un jour magnifié sous la maxime d’une grande vertu » que j’avais écrit, je ne sais plus quel jour, mais j’ai tout raturé, c’était vraiment trop… trop guindé. J’essaie d’écrire mes pensées en abscisses et ordonnées, pour les mettre sur de bons axes.

Pourtant, le plus souvent, je suis comme un crayon sans mine.

Hier, j'avais mis le sourire à l'ordre du jour. Il faut savoir sourire à la vie, et puis à la face du monde ; savoir être avenant, tout bienveillant avec les gens rencontrés sur son chemin ; quitter son air renfrogné, triste et geignard, sérieux et pleurnichard. Sourire, quoi ! Alors, j'ai souri quand le réveil a sonné et m'a tiré par les oreilles hors du sommeil, m'a poussé hors d'un rêve étrangement beau et m'a mis au bas du lit tout chaud ; j'ai souri en arrivant au bureau, souri à mon patron lorsqu'il a gueulé, une fois de plus : « Encore en retard, Jean-Robert ! Vous exagérez. Je vais sévir. » ; souri à mes collègues de travail mal réveillés, les yeux dans des poches profondes à en creuser tout le visage, les mains glissantes sur les cheveux pour indiquer combien la surcharge de travail est grande, et le ras-le-bol aussi ; j'ai souri face à l'écran de la machine quand je me suis assis devant elle, pour notre face à face quotidien, le reflet flou qu'il m'a renvoyé avant qu'il ne s'illumine a été le seul à me rendre un sourire. J'ai souri toute la journée.

Bizarrement, mon ordre du jour a semblé faire désordre. « T’as vu Jean-Robert ! Il a l'air un peu con, hein, avec son sourire niais », a chuchoté Mélanie, tout bas, à l'oreille de sa voisine de bureau. Mais j'ai entendu, et j'ai perçu aussi le rire moqueur de Christine, la confidente de Mélanie, et sa répartie : « Oui, et il a toujours l'air bizarre, Jean-Robert ! »

Mon patron a hurlé, encore, une fois de plus : « Travaillez, Jean-Robert, au lieu de sourire aux anges ! » Aux anges ! Quels anges ? Mon ange gardien ? Je n'en ai pas. Ou alors, s'il y en a un par hasard à mon service, il se dérange pas pour moi. Fait très mal son travail. Je lui botterais bien les fesses, tiens, à celui-là ! Ferait bien de faire un peu de zèle. Parce que le zèle des anges, c'est… oh, comme leur sexe. D'ailleurs, ils rendent jamais le sourire qu'on leur donne, les anges. Un jour, quelqu’un m’a dit : « Oh ! t’es véritablement un ange. » Bah, je ne l'ai pas cru ! Y croient ceux que ça arrange.

J'ai souri encore quand je suis rentré du bureau. À ma femme. À cette femme qui est ma moitié. Ma moitié, que dis-je ? Mon trois quarts ! « Souris pas bêtement, t'as l'air idiot, qu'elle m'a dit, mon trois quarts d'ego, avant d'ajouter : dépêche-toi, y a le repas à préparer ». Je n'ai rien dit, j'ai continué de sourire. Un ange est passé probablement, mais alors sans s'arrêter, hein, sans même un regard pour moi, moi qui offre généreusement des sourires à tous les dieux du ciel ; et puis il s’est défilé sans le moindre salut. Non, rien. C’est trop malappris, un ange.

J'ai un peu écrit hier soir dans mon cahier. Difficilement. Mine déconfite. On ne comprend pas mes efforts. Je ne veux pas me mettre à l'ordre du jour, je veux mettre de l'ordre dans mes jours. Mais ça ne fait rien. Je ne renonce pas à ranger ma vie dans le bien-ordonné, dans le droit chemin. Leur ordre si pervers, et leur malignité à eux tous, me laissent chaos. Il le faut alors, absolument, que je mette mon grain de sel dans le sable des jours, que je trace le chemin avec ces petits cailloux blancs quand ils me font prendre, tous, ces affreux détours, suivre tant de lignes tordues, tant d’axes si fous, et si mal foutus ; oui, des grains de sel, comme un petit poucet qui cherche sa raison, non, plutôt sa maison de vivre. Je ne veux pas me perdre, me disperser, décousu, déchiré en lambeaux d'existence flottant aux quatre vents, sur les fils suspendus entre des horizons multiples et confus. J'ai écrit tout cela sur mon cahier, dans un terrible brouillamini. Je crois que je suis malade des mots. Ils vont en tous sens, les mots, ils ne m’obéissent pas, et moi j'en perds le sens. Je perds le fil conducteur, c'est pour ça. Pour ça que je dois conduire mes jours et mes pensées, et mes phrases aussi ; pour ça que je dois mettre de l'ordre.

Mais il faut bien pointer la chose : j'ai toujours peur. Je fuis le jour, je fuis la vie. De tous côtés, je fuis. Je ne suis pas assez rangé. Trop dérangé. Mon ordre du jour en découle logiquement : courage, n'aie pas peur. Pas peur du jour qui commence. Pas de crainte aujourd'hui du lendemain. Pas peur d'arriver en retard au boulot. Pas peur des engueulades du patron. Pas de crainte du regard des autres. Non, pas peur de dire à la face du monde ce qui pèse sur le cœur. Pas peur de ce qui dévie le cours régulier des vies. Et de cette solitude si grande au milieu des autres, pas peur. Pas peur de crever ce soir.

Le réveil m'a fait sursauter ce matin de mon aujourd'hui sans peur. Il a retenti comme une sirène d'alerte : attention danger ! Et moi qui dois être sans crainte et tout courage ! Le jour n'est pas à mon ordre, tout arrive comme je ne le voudrais pas, mais je veux être courageux, je veux vaincre ma peur. Je ferai de l'ordre, dans mon jour à moi.

Je suis là sur le quai du métro. Je regarde passer les rames. Les unes après les autres. Je ne monte pas. Dans aucune. Je suis en retard. Au bureau, le patron doit hurler déjà. Qu'est-ce qu'il fout Jean-Robert ? Ah, il va m'entendre en arrivant ! Sur le quai de la station de métro, immobile, à regarder les trains qui vont dans un sens, dans un autre, toujours le même itinéraire, je n'ai pas peur. Je pourrais descendre, là, sur les rails, me mettre sur la voie en attendant la prochaine rame, je ne tremble pas. Mais je ne descends pas, ce n'est pas dans l'ordre des choses. Il y a cette cohue autour de moi, ce tohu-bohu, ces pas en tous sens, ces montées et ces descentes, ces mots par bribes, ces cris, tout ce charivari et moi, debout, figé, sans peur, ordre immobile dans le tumulte, point fixe dans le mouvant, statue inflexible dans la tourmente. Il n'y a que des lignes, je suis un point. Crayon sans mine planté dans le sol silencieux. S'il m’en restait un peu, dans mon cahier j’écrirais : « Je ne m'aligne point. » Mais je ne laisse pas de traces. Je suis là, tout seul, comme un con, au centre fixe d'une spirale de chaos, et je n'ai pas peur. Pas peur.

Passent les jeunes gens amoureux, s'embrassent à la sauvette, ils passent ; le dos plié sous les âges, elle tire sa valise sur roulettes, s'évanouit doucement dans un lointain ; lui, en plein quai, roule sur des patins, flèche entrevue ; ils causent affaires, bureau, valises à la main, et puis s'en vont ; ils rient, ils crient, et puis rien ; une chansonnette, une mélodie sifflée du bout des lèvres, et puis rien.

« T'as pas un euro, m’sieur ? » Quoi ! Euh, je n'ai rien, je n'ai que mon ordre, je n'ai que mon jour. Je n'ai que moi. Je donnerais bien, comme je me suis donné à tout, l'autre jour, quand l'ordre était : « Sois généreux. » J'avais vidé mes poches, j'avais vidé mon sac, et vidé mon cœur. Oh ce qu'elle avait hurlé mon trois quarts d’ego quand elle a su que j'avais vidé les quatre quarts de mon porte-monnaie et tout notre compte bancaire ! Je suis pas un euro, je suis pas un heureux, et pas peureux. Et qui voudrait de moi ? Mais j’ose rétorquer, à ce quémandeur hasardeux d’un malheureux euro – parce qu’aujourd’hui je ne dois pas manquer d’audace, et que je dois avoir du cran : « T'aurais pas un peu de courage à me donner ? »

Des heures sans doute debout sur ce quai. Je ne bouge pas, mais le temps, lui, il avance quand même. Il ne veut pas s’arrêter avec moi.

Quelque chose pourtant bouge au fond. Ça gronde au fond. Je m'en aperçois, je le sens bien : ce n’est pas le temps en moi qui s’impatiente, mais un magma informe et chaotique qui cherche à remonter jusqu’à la surface ; des secousses sismiques font frissonner tout mon corps tremblant… Cette étrangeté inquiétante, au fond… ce bouillonnement… Et ces bulles d'angoisse… ces vapeurs vertiges… Mais la croûte d'ordre de mon sol tient encore, pas encore de cratère ouvert. Non, je n'ai pas peur.

Une main dans la mienne. C'est d'une douceur si rare. Qui se tient tout près de moi ? Qui a mis un peu de sa vie dans la paume de ma main ? Je ne tourne pas la tête, pour voir, pour savoir. Ce n'est pas parce que je n'ose pas, non, non. C'est autre chose. C'est un ange ? Ah, non, pas un ange ! Je ne veux plus qu'on me parle de ces bêtes-là qui, elles, ne parlent pas, jamais, ça les dérange. Il y a une chaleur qui m'entraîne, une tendresse du bout des doigts qui me sort de mon état immobile et froid. Au-dedans pourtant si bouillonnant. Il y a un cœur sur ma main. Doucement il m'emmène jusqu'au bout du couloir de la station de métro. Le brouhaha, et tout le vacarme métropolitain laissent place, peu à peu, à une rumeur plus ordonnée, plus régulière, plus profonde : devant moi, au bout du sombre couloir, apparaît un… horizon éblouissant ; se dévoile… une immensité bleue, … là-bas, oui, là-bas… s’ouvre un infini, là devant moi, là : l'océan. C'est si grand, si beau, l'océan. J’en ai les larmes aux yeux. Je contemple longuement les vagues indéfiniment répétées. Mesure et démesure, ordre et désordre, en harmonie. Mon esprit se fait rivage, plage de sable fin, mes grains d'esprit, mes bouts de vie. Un rivage où vient vivre l'eau écumante. Hier le sourire mourait sur la plage de mes lèvres, en marée basse, aujourd'hui des flots viennent m’inonder, et c’est la joie immense d’une grande marée.

La délicatesse d'une main m'entraîne à nouveau ; sans elle, je serais resté là une éternité. Je traverse un ténébreux couloir de souterrain métropolitain. Je suis très en retard au boulot, mais je lui dirai au patron, j'’étais là-bas, dans le métro station Porte d’Océan, et, vous comprenez, l’océan, il m'attendait depuis si longtemps. Un appel, et j’ai pris la mer, oui forcément, alors la rame de métro, elle, je ne pouvais pas la prendre.

Une pièce éclairée faiblement par un petit abat-jour apparaît au bout du couloir. Je ne discerne rien d'abord, puis nettement une table et deux individus sans visage. Ils jouent aux cartes. Ils les battent longuement, ils mettent tout, c'est affreux, dans le désordre ; par leurs gestes tranquilles d’apparence, mais violents véritablement, ils fabriquent du hasard, ils produisent un effrayant méli-mélo. Deux artisans des aléas et du chaos et, heureusement, une main douce, toujours dans la mienne, alors je ne crains rien.

Les joueurs étalent sur la table, face cachée, les cartes tirées du paquet tout chamboulé, tout embrouillé, tout emberlificoté, et puis les retournent l'une après l'autre : sept trèfles, sept instants, et un as de cœur, et une dame qui pique, surgit le cavalier, combattant courageux, et un valet noir, de nuit.

As de cœur, et sept carreaux, une dame des trèfles, et neuf carreaux ; puis un valet, une dame encore, un dix, un as.

Pique cherche pique, roi cherche roi, cœur cherche cœur.

Noire et noire, rouge et rouge, le grand jeu, pique, quête d'ordre, carreau, une réussite, cœur, et des échecs, noirs, et l'ordre qui naît du hasard ; pique micmac, noirs aléatoires en vrac, rouge sang à neuf.

Longtemps, je reste devant le rouge, devant le noir ; longtemps, je contemple la dame qui sort du hasard, le roi qui rentre dans l'ordre des couleurs.

Longtemps, et les cartes se brouillent, mes yeux ne discernent plus ces fragments des réalités humaines sur papier à jouer, battus, dérangés, arrangés ; déclassés, classés ; mêlés, démêlés. Ne représentent plus, ces bouts de pêle-mêle, que des signes informes, indéchiffrables. Et ma main est froide. Une rame de métro. Je suis sur le quai, debout, pique planté sur le carreau de la gare devant des cœurs affolés, des as stressés, en tous sens des dix et des cents, des dames pressées, des valets partout. Je suis là, et maintenant si las de toute cette agitation.

J'essaie d'étouffer les grondements au fond. J'écoute l'océan derrière le chahut que font tous ces gens. Je revois les vagues, et le cœur des vagues ; je vois des bateaux de cartes qui dérivent, et la dame des mers, et le roi des flots, quelques bouts de papier emportés par l'onde, et ma vie qui tangue depuis si longtemps. Un grain, la tempête. Je suis un marin sur un frêle esquif, souffle le vent, non, je n'ai pas peur. Je ne ferai pas naufrage, non. Parce que ce jour-là, quand mon ordre m’avait prescrit « sois prudent », je m’étais fabriqué des bouées plein la tête, dans la matière des pensées en mesure, toutes en prévoyances et précautions. Je suis paré, je suis protégé pour ne pas couler, pour ne pas me noyer.


Je suis resté sur le quai toute la journée, on m'a bousculé, on m'a jeté de drôles de regards, on a ri. Je suis resté impassible. Je ne suis pas allé travailler. Je passerai un sale quart d'heure quand mon trois quarts saura, quand je verrai mon patron. Je m'en moque, je ne m’alarme pas.

Parce que c’est à l’ordre de mon jour : ne pas s’effrayer.


Je voudrais faire un pas, monter, sortir. Mais j'y pense : au-dessus de ma tête, au-dessus du plafond de ce souterrain, il y a tout ce trafic, ce mouvement incessant des voitures, des bus, des vélos, et des motos, et des piétons dont on ne sait pas où ils vont, dont on ne sait pas d'où ils viennent ; cet erratique trafic bruyant, cet incroyable fourmillement, ce capharnaüm effrayant. Plus haut encore au-dessus de ma tête, les nuages brouillons poussés par le vent, leur course insensée à travers le ciel. Il s'affaisse le monde d'en haut, il s'abaisse, s'écroule. Le ciel me tombe dans la tête, j'ai les nuages dans la tête, je suis dans le brouillard ; le trafic est dans mon esprit, mes idées roulent en tous sens. Moi qui voulais monter… m'élever jusqu'aux étoiles… tourner comme un astre, tourner… prendre place dans une harmonie universelle.

Depuis combien de temps je suis là ? Cette foule… les nuages dans ma tête, moi sous terre, sous temps, sous vide. La dame de pique est plantée là, toute nue avec ses bas noirs… cette vie en confettis de gens très avertis… ça gueule partout comme un patron… la terre est en haut, le ciel en bas… le travail attend le métro… Oh, ce… ces derniers jours… apeuré comme un enfant. Non. Faut pas. Amère, la vie comme partout hurlent tes soucis c'est pas comme ça qu'on se sort du trou mais c'est pas la peine tout est foutu amer le goût la vie cul par-dessus tout et tête en dessous à mer la galère la vie tout à l'envers à l'infini retourné à mer à vie à temps plus qu'imparfait la tête dans les trèfles et l'azur sur le carreau foutu damné paumé efforts boulot chaviré sous les flots crayon sur les flots bateau dérive prend l'eau mine d'eau…

Vautré dans la disproportion, affublé de démesure, chaos infligé, homme sans ailes, tout craque. Tout, démesuré, démembré, déchiré. Tout s'entremêle, s'entrechoque, s'embrouille.

La vie c'est un grand foutoir. Un grand bazar. Un grand repoussoir.

Toutes ces turbulences… Ce n'est pas mon jour. C'est ton jour. Je tremble. Tu ne trembles pas. Je ne sais plus quand le jour commence, quand il finit. Tu sais quand le jour finit, quand il commence. Tout est déréglé. Tu te donnes des règles. Plus rien ne va droit, tout va de travers. Rien ne va de travers, il n’y a pas de droit. Je suis l’ombre d'un rêve. La vie n'est pas un songe. Il me faut pour vivre un grand ciel bleu bien ordonné. La lumière naît de la nuit, le bleu court dans tes yeux, la terre s'invente un ciel.


La station de métro, subitement, s'est vidée. Étrangement, il n’y a plus personne. Je suis seul sur le quai silencieux. Les trains passent, dans un sens, dans un autre, sans s'arrêter, vides. La lumière se fait plus forte, elle devient presque aveuglante. Un enfant apparaît. Il s'assoit au centre du quai. Il joue. L'enfant joue avec des cubes. Des cubes de toutes les couleurs. Il les place les uns sur les autres, dans une ordonnance géométrique. La construction s'élève rapidement, très haut, alors elle vacille. L'enfant cherche l'équilibre. Il ajoute un cube encore, inquiet. Ses gestes sont maîtrisés, il procède méticuleusement, avec habileté. Encore un cube placé précautionneusement et l'ensemble ne s'effondre pas. L'enfant hésite. Encore un ? Encore un cube, peut-être l'un de ceux taillés dans le fer et dans le sang ? Dans le marbre peut-être des vies les plus dures ? Ou dans la douceur tendre des vies fragiles ? Lequel sera de trop ? Lequel produira le grand effondrement ? Parce qu'il y aura ce moment de la chute. C'est inévitable. Où s'arrêter avant qu'il ne soit trop tard ? Avant que tout craque. Où ? « Je veux construire une tour qui monte jusqu'au ciel, et des escaliers jusqu’aux étoiles », dit l'enfant. Je le sais, il le sait aussi, tout s’écroulera, tout se dispersera dans le désordre. Je regarde, fasciné, l'enfant qui sait et pourtant ajoute un étage à la tour déjà penchée, branlante, vacillante. Pas un souffle de vent, pas un souffle de notre respiration coupée, moi et le jeune garçon dont la main ne tremble pas. Et par cette loi naturelle, inviolable, fatale, indépendante de toute volonté humaine, tombe avec fracas la tour qui voulait grimper vers les hauteurs du ciel rêvé. Mais l’enfant, lui, ne se démonte pas. L’enfant rit ! Il rit aux éclats ! Et reprend son œuvre, son architectonique construction. Il recommence patiemment, Sisyphe enfant, à pousser les cubes vers le haut. Certains ont des coins brisés. Il sait pourtant, il sait. Mais il n'a pas peur. Il sait qu'il faut aller très haut, que l'important, c'est d'aller haut, toujours en équilibre, avant la chute fatale. Il n'a pas peur, ses mains ne tremblent pas. Et dans les chutes répétées, des cubes se sont effrités. En mille grains de poussière sur le sol du quai dispersés, près des voies, près des trains qui passent, inlassablement, toujours vides, et qui soulèvent les particules infimes, granulées, et les font voltiger. Un jour, l'enfant ne jouera plus, il n’y a aura plus de cubes, plus de jeu, restera un tas de sable que le vent emportera dans les déserts, près des trains qui passent.

Je m'en vais, je ne reste plus là. Je sais que le jour a une fin. Je sais que la nuit vient. Je sais un lendemain possible. Aujourd'hui, je n'ai pas eu peur. Jamais plus, je n'aurai peur. Demain, j'irai me baigner dans l'océan ; demain, sans crainte, j'étalerai mes cartes, je ferai des réussites, je traverserai les échecs ; demain, je mettrai dans un cube ce qui gronde au fond de moi. Demain, les cubes seront des sphères, les courbes sont si belles. Désormais, je sais qu’il y a une matrice féconde, j'ai mon ordre du jour pour demain, et pour toujours : « N’aie pas peur ; non, ne t’effraie pas du chaos. » Et quand ça dégringolera, je rirai fort, je rirai aux éclats.


 
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   Geigei   
27/11/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Le narrateur est Jean-Robert.

Le titre ne nous trompe pas. Il contient le cœur du propos, l'ordre.
Jean-Robert nous conte un rêve (éveillé ?) qui le mènera - spoiler alert - du cube à la sphère.
Il rêve de pouvoir accepter le désordre et rire au chaos.

La forme est très poétique. L'onirique est poétique.

Le métro, c'est le désordre : "cohue", "tohu-bohu", "charivari"
Jean-Robert ne monte dans aucune rame.

L'océan : "vagues indéfiniment répétées. Mesure et démesure, ordre et désordre, en harmonie.".
Et le jeu de carte : "Pique cherche pique, roi cherche roi, cœur cherche cœur.
Et les deux visions mêlées : "je vois des bateaux de cartes qui dérivent"

Le lexique est riche.
Les émotions liées à la crainte du désordre, ou, en creux, à l'obsession de l'ordre, sont si bien évoquées qu'elles en deviendraient communicatives :-)

Un bon moment de lecture.
Ou comment passer du temps dans le métro sans s'ennuyer :-)

   jeanphi   
27/11/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour,

Nous sommes plongés dans les pensées du narrateur, mais aussi dans sa conception du monde en transformation et peut-être nous faites-vous voyager quelque peu à travers son subconscient.
Un texte bouleversant, plein d'esprit, de sagesse, de fraternité. La personnalité du narrateur paraît très contemporaine, dans sa manière ouverte et extrêmement critique d'envisager l'existence, le rapport social, ...
Je vois une critique de l'immediateté, de l'exubérance, de l'excessivité, de l'individualisme et du conformisme ; plein d'humour, de drame et d'ambivalence. En même temps qu'un grand message de confiance en la force de l'être qui, confronté aux question de l'homme moderne développe des expériences et des modes de compréhension nouveaux.
L'écriture est poétique, reposante et vous dépeignez la profondeur de la relation d'un humain avec son temps, au moyen d'un vecteur simple et intéressant. Vous amenez le lecteur à se comprendre mieux, ou du moins à s'observer dans ses propres mécanismes d'adaptation au monde.

"Je ne veux pas me mettre à l'ordre du jour, je veux me mettre à l'ordre dans mes jours."
Toutes les phrases sont à citer, vous me permettrez de vous relire !?.

   Jemabi   
27/11/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
Un texte qui séduit par sa belle écriture au service d'un thème contemporain, l'ultra moderne solitude à laquelle n'échappe pas l'individu noyé dans l'anonymat des grandes villes. Plus il y a de monde autour de soi, plus on se sent seul. Le métro et son décor froid est un bon exemple de l'isolement qui guette le personnage principal, prisonnier de son "métro, boulot, dodo", comme bloqué sur ce quai dont il ne semble pas pouvoir décoller. Dans cet environnement, la moindre trace d'humanité attire son regard désabusé, et puis son esprit s'échappe, ses pensées divaguent. Ce qui se passe ensuite, entre rêve et réalité, intrigue car on quitte soudain le naturalisme pour entrer dans une dimension poétique. Même si la métaphore de la fin, l'enfant et sa construction de cubes, ne me convainc qu'à moitié., et que le dernier paragraphe est trop explicatif, l'ensemble reste d'un haut niveau.

   Catelena   
28/11/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
D'emblée le ton est donné. Le monde se présente par son bon et son mauvais côté.

L'ordre du jour en titre - où l'on peut comprendre l'ordre du rangement avec son côté ordonné, mais aussi l'ordre en tant que consigne et impératif- joue le fil conducteur d'une histoire où l'on risque à tout moment de basculer là où l'on ne le veut pas.

Le narrateur n'est dupe de rien. Il connaît la turpitude du milieu où il évolue. Il choisit son camp comme l'on s'accroche à une bouée de sauvetage qui ne tiendra pas ses promesses.

Tout commence par un long monologue d'auto-persuasion, où l'on assiste à cette bagarre entre la volonté de se maintenir en équilibre au bord d'un abyme omniprésent, dans lequel, tôt ou tard pourtant, tout finira par basculer.

C'est du moins ce sentiment qui se dégage à ma lecture. Le texte n'est pas facile à aborder, à pénétrer...

Le personnage, faux naïf lunaire, comme serait lunaire tout ce qui se tient au-dessus et en même temps au cœur de la réalité, donne une ambiance surnaturelle au tableau. Une ambiance floutée aux accents irrémédiablement oniriques. Les anges omniprésents rajoutent leurs charmes en souriant tous azimuts.

Comme d'habitude, je me suis laissé envoûter par la richesse de l'écriture, et des vastes images qui se donnent sans compter, avec une précision d'arpenteur méticuleux qui fouille les moindres recoins de la nature humaine avec un cœur immense.

Comme d'habitude, j'attends avec intérêt de connaître les intentions de l'auteur. Celles qui m'ont échappé.

J'ai bien aimé, entre autres, le chaos dans « Leur ordre si pervers, et leur malignité à eux tous, me laissent chaos », et aussi « ma moitié, mon trois quarts d'ego »

Cela m'a valu quelques sourires en retour.

Merci, Louis.


Cat-Elena,
sœur de Jean-Robert (sans rire)

   Annick   
28/11/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
C'est un monologue intérieur.
Le locuteur se fixe un but : éviter le chaos du monde, prendre le contrôle de sa vie.
Il croit être libre en choisissant son propre ordre du jour : " il faut savoir sourire à la vie." Mais il reproduit pourtant les codes de la société. C'est un sourire forcé qui ne fonctionne pas. C'est un comportement bien éloigné de sa propre sensibilité, de son affectivité.
Il prend peu à peu conscience des choses. La dernière partie du texte, celle du souterrain du métropolitain est une étape importante où l'onirisme, la poésie surréaliste émerge en même temps que sa prise de conscience. Comme une libération, un séisme, une éruption volcanique. C'est ce à quoi cela me fait penser car cela vient de l'intérieur.
"La délicatesse d'une main" semble être son ange gardien, son subconscient. Les peurs s'effacent.
Le texte se termine par un ordre du jour définitif. Il découvre alors son propre chaos, son moi pluriel, pulsionnel, instinctif, affectif, source de vie.

C'est un très beau texte où l'on s'attache à ce personnage qui nous ressemble.
.

   Eskisse   
28/11/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Louis,

Un héros timoré dont la quête est de vivre, de trouver sa place dans l'existence.

Pour moi la clé du personnage Jean-Robert ( qui a quand même le même prénom qu'un dictionnaire ) est dans son langage à l'instar des personnages de Proust qui sont caractérisés par leur façon de parler.

Et il ressort que le langage de cet homme est "enfantin" : il repose sur des inversions de termes, des échanges de mots, " rangé / dérangé", des expressions en miroir, des paronomases : "des bateaux de cartes" comme dans La belle lisse poire du Prince Motordu de Pef.
Quand il emploie une expression qui relève du patrimoine culturel ( La vie est un songe de Caldéron /La vie n'est pas un songe- encore une expression détournée) c'est comme si le bagage culturel s'effaçait derrière la bonté du personnage.

C'est un homme qui ne sait par quel "côté" exister dit-il au début, les côtés de ces cubes qui symbolisent la vie effondrée dans la vision finale.
Le narrateur parvient finalement à s'émanciper grâce à son parcours au travers des cartes à jouer ( image du hasard ou du destin) et grâce à sa pensée, à sa détermination et au langage .
C'est un "magicien" qui sait désormais transformer les cubes en sphères, ses étoiles dansantes.

C'est finalement en détournant les expressions, en faisant le détour par les mots de ce monologue, donc par la courbe, que J-Robert trouve son salut et sa sphère.

   EtienneNorvins   
29/11/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Une prose très poétique, pleine de trouvailles, dont l'humour fait d'abord irrésistiblement songer à l'univers de Sempé. Cela fonctionne presque comme la mécanique musicale d'une montre ou d'une horloge - sauf qu'elle va en se détraquant, jusqu'à une fin qui me semble être faussement lumineuse : la citation en exergue et un récent commentaire de votre part m'invitent à lire dans cette nouvelle comme la "naissance d'une tragédie".

Jean Robert est pris au piège des mots, dont il est comme marqué au front. Il porte en effet le patronyme d'un dictionnaire (merci Eskisse) - tout en étant Mr JEAN / Mr GENS donc Mr Tout-Le-Monde en puissance ?

Par un jeu qui semble parodier le Pater Noster, il semble recevoir du ciel son 'mot quotidien', qu'il utilise comme une colonne vertébrale pour donner une ligne rouge à chacun de ses jours : Courage, Sourire, Prudence, etc...

Mais cela échoue à chaque fois. De sorte qu'avant même que soit mentionné le nom, lors de l'apparition de l'enfant, Jean Robert est un Sisyphe. Seule variation : il commence chaque jour avec une pierre qui lui semble nouvelle, mais qui se fracasse invariablement sur l'ordre des autres, sorte d'ordre apollinien qui tourne à vide, jusqu'à rester littéralement à quai.

Il est en effet de plus en plus paralysé intérieurement par un autre ordre, pulsionnel, dionysiaque, qui rend la réalité commune d'une 'inquiétant étrangeté.

Cette allusion freudienne, faite comme en passant ("Cette étrangeté inquiétante, au fond… ce bouillonnement…") fait pointer vers l'inconscient l'origine du détraquement progressif de la machine Jean Robert. A sa décharge, l'ordre politico-économico-socio-sentimental ambiant (ah ! la tyrannie du trois quart d'égo, comme s'il était écrasé par un surmoi femelle...) lui interdit toute sublimation - sinon aberrante : et c'est là que le texte verse de l'étrangeté dans l'inquiétant.

Depuis le début, Jean Robert semble présenter des troubles un peu autistiques - ainsi prend-il chaque mot 'au pied de la lettre' et reste incapable de s'adapter à des variations (scène du quémandeur : "Euh, je n'ai rien, je n'ai que mon ordre, je n'ai que mon jour.")

Mais cela bascule peu à peu de l'autre côté du miroir, jusqu'à ces apparitions 'Carolliennes', dont la scène du jeu de Cartes semble le sommet quasi métaphysique, qui rappelle Alice aux prises avec la Dame de Coeur, en même temps qu'elle introduit le lecteur dans le 'coeur nucléaire' de l'univers Jean-Robertien...

(Aparté : le réveil matin est-il une allusion au lapin blanc avec sa montre - et son obsession de ne pas être en retard ; ce qui fait suggérer que chaque matin, Jean Robert suit un lapin blanc dans une sorte d'anti-Monde des Merveilles, qui est notre quotidien ?)

Alors il semble bien que depuis le début, on a dérivé lentement mais logiquement (la folie ayant sa rationalité particulière - une rationalité intransigeante comme l'ordre du jour que Jean Robert s'assigne arbitrairement chaque matin : "Je ne veux pas me mettre à l'ordre du jour, je veux mettre de l'ordre dans mes jours") vers cette sorte de longue bouffée délirante, hallucinatoire, mêlée des sentiments océaniques, qui semble coaguler pour devenir un univers alternatif, où va se réfugier/sombrer le narrateur.

(2ème aparté : la main qui le prend, le mène soudain, m'a donné le sentiment qu'il y avait du Mouchette chez Jean Robert. Lui qui s'interroge sur les anges, n'est-ce pas là un démon - fût-il son démon intérieur ?)

Ainsi, les routines de Jean Robert étaient-elles peut être comme autant de digues contre l'invasion de ces bouffées délirantes, qui virent finalement à une rire futur très ambigu - le mot final "éclats" peut indiquer une libération comme un effondrement...

Merci pour ce texte aussi agréable à lire que subtil dans sa structure, et dérangeant dans sa possible peinture de le condition de l'homme moderne, pris au piège entre deux univers, l'un inhumain et l'autre déshumanisé - au point peut être de n'avoir d'autre alternative que d'aller se pendre au cou d'un cheval dans une rue de Turin ?

EDIT :
M'est revenu entre temps le souvenir du chapitre des 3 Métamorphoses dans le Zarathoustra : du chameau qui dit tu dois, en lion qui dit je veux, en enfant qui est l'innocence du Oui au Devenir. Le parallèle est sensible dans le texte, et permet d'envisager une lecture plus 'triomphale' - plus en accord avec 'la mise au monde d'une étoile dansante'.
J'avoue qu'elle ne me convainc pas vraiment...
Je reste donc dans l'attente de vos lumières.

   Vincente   
30/11/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
J'ai été gêné dans la première moitié de la nouvelle, jusqu'à "Une main dans la mienne", par une discordance entre le ton et l'expression de la sphère de pensée du narrateur. Le personnage est un "petit bonhomme" bringuebalé par la vie, il subit toutes ces contingences qui lui permettent d'exister, mais aussi qui le meurtrissent petit à petit avec une telle force récurrente qu'elles le meurent à petit feu. À côté de ça, son besoin de survie lui intime de réfléchir, comprendre ce qui lui arrive, tenter ce qui se révèle comme des échappatoires (voir cette bonne résolution de sourire à la vie benoîtement qui ne lui apportera que des déboires…).
Ce qui m'a gêné, c'est que je n'ai pas pu entendre comme venant d'un même individu ces deux champs d'existence, la pensée à la fois un peu simplette et aussi très introspective du "p'tit bonhomme" et son phrasé, sa compréhension de ce qu'il est et de ce qui lui arrive, fin et élaboré.

Je trouve que le récit gagne toute sa maturité justement à partir de cette "main" qui vient prendre locuteur et lecteur et les mène vers une plénitude très bien endossée par les images océaniques qui nous accompagneront alors. J'ai été vraiment emporté dans ce premier paragraphe de la deuxième partie, et alors j'ai pu me laisser accaparer par tout ce qui enflamme le récit jusqu'à la fin :

- La formidable association entre le symbolisme des cartes de jeu, aux couleurs et formes qui se retrouvent et justifient des éléments de l'environnement urbain et métropolitain : " Et ma main est froide. Une rame de métro. Je suis sur le quai, debout, pique planté sur le carreau de la gare devant des cœurs affolés, des as stressés, en tous sens des dix et des cents, des dames pressées, des valets partout. Je suis là, et maintenant si las de toute cette agitation."

- Et surtout l'excellente analogie du jeu d'empilement de l'enfant (toujours plus haut pour apprendre à accepter que de toute façon il y aura écroulement, mais où chaque brique posée est un grandissement précieux, tout cela étant très excitant, etc…) avec l'empilement de nos éléments de vie.

Dans ce final, la nouvelle prend une dimension puissante dans une fantasmagorie très poétique mais d'un réalisme cru et fou. Vraiment impressionné par ces deux derniers paragraphes ! Jusqu'à leur chute extrême où avec Jean-Robert l'on voudrait pouvoir en "rire aux éclats".

Pour revenir à cette première partie, j'ai l'impression qu'elle gagnerait à devenir plus modestement introductive, en quantité (bien plus courte) et en qualité (peut-être en gommant le côté un peu benêt du personnage).

   Eki   
3/12/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Quel voyage extra ordinaire dans le quotidien de Jean Robert !
Voici un homme fantasque dégingandé qui sème la pagaille dans son cerveau...mais ses désirs ne font pas désordre.

Tout semble désarticulé dans ce remue méninge mais pas que...aucun mot n'est laissé sur le carreau même dans ce jeu de cartes tout chamboulé...

J'aime tout...de ce Jean Robert qui devient monsieur même pas peur dans ces turbulences aspirées par la spirale du chaos.

Bravo, bravo...pour ce monde onirique que vous nous dessinez !

   in-flight   
4/12/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
On retrouve la capacité de l'auteur à plonger son lecteur dans un univers fantastique (cf: "Sangomar" ou " La chose" du même auteur).

Ce renversement du quotidien, cette remise en cause de l'ordre des choses (ici de l'ordre du jour) est toujours aussi bien retranscrite, la scène de l'enfant jouant aux cubes sur le quai est éloquente.

J'ai toutefois trouvé qu'un texte plus court aurait mieux servi le propos et aurait eu un effet plus frappant dans mon esprit. Même si nous sommes toujours influencés par l'environnement extérieur dans le que le nous lisons le texte.


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