La donner, la perdre, la reprendre. Ou bien encore, la donner, la perdre donc la reprendre. L’avoir perdue et tenter pourtant de la redonner… quelle souffrance… Donner sa confiance n’est jamais quelque chose de simple, même si, bien souvent, on y arrive sans trop de mal et plus ou moins naturellement. La reprendre parce qu’on ne croit pas en la sincérité de l’autre, laisse des traces dans une vie, mais la perdre parce qu’on a été déçu, trahi ou blessé, accentue ces mêmes traces, en failles dans le cœur.
Pour avoir confiance en les autres, en la vie qui nous entoure, il faut acquérir un minimum de confiance en soi. C’est un peu comme un oisillon qui rêve de quitter son nid. S’il n’a pas un minimum de confiance en lui et en ses capacités, il sait qu’il ne vivra pas longtemps. Alors il va attendre, patienter jusqu’au bon moment... Et là, il va s’élancer et narguer l’inconnu. Pour nous, c’est la même chose. En grandissant, on apprend à se faire confiance, à savoir ce qui est bon pour soi ou pas. On sait ce que l’on recherche et ce que l’on veut à tous prix éviter. Et petit à petit, on gagne en assurance. Il y a des moments dans la vie où l’on se sent fort d’avoir dit « Non » alors qu’avant, pour la même chose on avait l’habitude de dire « Oui » pour satisfaire autrui. Un peu comme un fumeur à qui l’on tend une cigarette par habitude, mais qui, cette fois-ci, la refusera parce qu’il est en train d’arrêter. Le simple fait de la refuser va faire grandir cette force en lui, qu’il est capable et donc, par conséquent, il va automatiquement être fier et prendre confiance en lui. Ce sont bien souvent des petits gestes ou des petits moments insignifiants, qui font qu’au bout du compte, on arrive à savoir qui l’on est et à avoir confiance en soi. Alors, on peut aisément sortir la tête haute dans la rue et se sentir pousser des ailes en regardant le visage des gens autour de nous, plutôt que leurs pieds. On accepte plus les regards des autres sur soi et on est moins dérangé par notre propre image.
Puis, petit à petit, sans même s’en apercevoir, comme une mécanique naturelle, la confiance en soi ouvre la porte à la confiance en les autres. Doucement, on va continuer dans la lancée. Parce que se faire confiance c’est important, mais c’est encore mieux si quelqu’un d’autre partage ce sentiment. Inconsciemment, on va se lancer dans la quête de cet autre à qui on pourra donner de l’amour et partager ce trop plein de confiance en attendant qu’il nous le rende bien. Puis on va trouver cet être si spécial, de qui on veut tout apprendre, tout savoir, tout connaître dans les moindres détails. Cet être pour qui on donnerait tout, jusqu’à une confiance aveugle... Et c’est peu dire... quand on voit les années que l’on a mis pour apprendre à savoir qui l’on est ! On la lui tend, comme une offrande. On a longtemps hésité, on s’est longtemps tourné autour, puis finalement on se découvre d’un fil, puis de deux... puis c’est carrément notre peau que l’on ôte, pour offrir son âme. Et normalement, l’autre en face joue le jeu et fait la même chose.
S’installe alors un climat de sérénité, de bien-être incomparable : l’intensité d’une fusion et la plénitude de ce qu’elle apporte. On connaît l’autre, on sait ce qu’il pense, ce qu’il imagine, ce qui lui plait et ce qu’il n’aime pas. On sait ses peurs, ses joies, le plus beau jour de sa vie et ce qu’il redoute. On sait comment l’aimer, le rendre heureux, on sait ce qui le blesse et comment le faire souffrir. On sait autant de cet autre que l’on sait de soi-même. On s’immisce dans la vie de l’autre parce qu’il nous y a fait entrer et on apprend à ressentir ce qu’il ressent, à respirer comme il respire, à aimer comme il aime et à pleurer pour les mêmes souffrances. Petit à petit, on s’imprègne un peu de cet autre qui nous manquait, pour compléter notre vie.
On l’a choisi lui parce qu’il nous a semblé à un instant qu’il nous était complémentaire et qu’il saurait ouvrir des portes, que nous nous sommes juré de condamner à jamais. On a choisi cet autre parce qu’à un moment donné, on a suspecté qu’il pourrait nous apporter ce qu’il nous a manqué et qu’il nous manque encore. On l’a choisi parce qu’on a estimé à un instant de notre vie, que la confiance qu’on lui donnerait, il saurait la protéger comme quelque chose de précieux et l’honorer aussi longtemps que possible. Donner sa confiance, c’est donner son âme, c’est donner sa personne parce que la confiance est le seul sentiment qui a grandi et qui s’est modifié en même temps que chacun d’entre nous. Alors, quand on la perd, il est facilement compréhensible que l’on perde une partie de nous également... surtout parce que la première chose à assumer c’est que l’on s’est trompé...
Cette confiance modifie notre vie, notre façon de voir les choses, de paraître et d’être. C’est probablement la raison pour laquelle la perdre nous fait si mal. En effet, perdre la confiance que l’on avait donné à cet autre, c’est perdre une partie de soi, perdre cette assurance que l’on avait mis tant de temps à apprendre et dont on était pourtant tellement fier. Mais comment la perte de cette confiance survient-elle ? Tout simplement lorsque l’engrenage de la plus agréable des routines déraille. Lorsqu’un des protagonistes agit égoïstement, en sachant qu’il va à l’encontre des croyances et des convictions établies à deux. Lorsqu’un des protagonistes se détache progressivement et tente de se raccrocher à un autre maillon. Ou bien encore lorsque l’un des protagonistes ne joue plus LE jeu mais UN jeu... et ce, sur un tableau différent. Lorsque cette trahison est tue et bien gardée, la confiance reste intacte, mais lorsqu’elle est démasquée, la corde, pourtant solide de la confiance s’effiloche progressivement, jusqu’à ne tenir qu’à un fil et rompre à force d’usure et de patience. Perdre confiance en cet autre, entraîne inévitablement une remise en question profonde de tout : du passé vécu, du futur à vivre (bizarrement, pas du présent), de sa vie, de l’autre et même jusqu’à soi. C’est en quelque sorte une petite mort. Celle-ci offre la chance de renaître encore plus fort, mais elle ne demande pas moins d’efforts et de moments douloureux.
Bien souvent, on dit que perdre confiance en soi ou en les autres est irrévocable. Et que seuls quelques piètres miracles permettent d’en regagner un minimum. Mais il arrive que les amis « volonté » et « courage » nous aident à passer le cap déstabilisant de la solitude et de la psychose. Cette psychose qui fait que l’on finit par mettre tout le monde dans le même sac, qui nous fait faire du mal aux autres parce que nous-mêmes avons souffert, comme si « les autres » étaient responsables de nos échecs... Et donc par conséquent, qui nous fait dire des phrases comme : « J’agis comme ça parce que je n’ai pas confiance en les femmes » ou encore « Tous les hommes sont les mêmes alors à quoi bon ? ». C’est alors pour cette raison qu’il est bien souvent difficile de redonner confiance à ceux qui nous ont blessés. Parce que l’on devient des persécutés. On a l’impression que tout est identique et que rien ne pourra plus jamais nous rendre ce bonheur que l’on a pu vivre un jour. Un peu comme un couple qui vient de rompre et dont le partenaire trahi, se dit qu’il ne retrouvera plus jamais l’amour. Une barrière se dresse, puis avec la magie du temps elle se fortifie suffisamment pour se transformer en mur... bien trop haut pour être escaladé.
Mais quand bien même on cherche à redonner à une même personne cette confiance qu’on lui avait pourtant déjà offerte mais qui a été brisée pour x ou y raisons... c’est plus qu’impossible. C’est un challenge, c’est une déformation de soi, de son âme. Est-ce que recoller un vase cassé en mille morceaux le rend plus solide ? Certes, il aura la même apparence qu’avant, mais il sera toujours plus fragile qu’avant... Comment être sûr qu’il ne se brisera pas à nouveau si on le laisse au même endroit que celui où il a été cassé ? Redonner ce que l’on a déjà donné, de la même façon, sans rien changer, alors que la personne qui recevait s’en jouait... Qui est capable de le faire ? Qui est capable de se dire : « Il (ou Elle) a brisé ma confiance, mais ce que je fais aujourd’hui avec cette même personne, même si c’est identique à ce que je lui donnais hier, n’aura plus les mêmes conséquences demain ? ». Qui est capable d’agir comme hier sans se poser de questions ? Même l’amoureux le plus transi ne saurait pas faire cet exercice... Pourquoi ? Parce que la confiance, c’est comme un être humain... Elle naît unique, elle vit et elle meurt mais ne ressuscite jamais...
Croire en cet Océan fusionnel et Nager dans la Fertilité de l’Insouciance vis à vis de l’Autre, donne Naissance à un des plus beaux Cadeaux que l’on puisse s’offrir : l’Éternité des sentiments.
|