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Réalisme/Historique
Luz : Feux sous la lune
 Publié le 22/12/24  -  4 commentaires  -  7012 caractères  -  18 lectures    Autres textes du même auteur


Feux sous la lune


La nuit semblait verser des filets de sang noir entre les aulnes du ruisseau. Quand la lune ronde traversait un rare nuage, les chardons du champ en friche s’effaçaient ; seuls subsistaient les feux électriques : trois rouges alignés et un blanc, formant un « L ». Des lambeaux de brumes rosées et argentées serpentaient entre ces lumières étranges.

Henri Coudert, alias Crochu, était posté à l’orée d’un bois avec trois compagnons dont il était le chef. Plusieurs équipes avaient cerné l’ovale d’une lande sur laquelle allaient être largués des conteneurs par un Halifax britannique.

Roger Mercier, alias Manille, était le responsable des parachutages sur un secteur couvrant plusieurs maquis au nord de la Corrèze. Il n’y participait pas physiquement, mais en était le coordinateur. Il gérait également la répartition des armes, munitions et équipements réceptionnés vers les différents camps.


En ce début décembre 1943, le froid vif de trois heures du matin recouvrait les épaules des hommes. Face à la bruyère et au ciel, ils attendaient depuis minuit et commençaient à trouver le temps long.


– C’est normal, Crochu, que l’avion n’arrive pas ? chuchota Philippe Artigeas, alias Boby.

– Mais bon sang ! Barjat vient de nous dire qu’il fallait patienter ! L’Angleterre, tu sais, c’est pas la porte à côté.

– Eh oui, Boby, « nuit blanche sous la pleine lune blanche… », comme d’habitude, plaisanta Féréol.

– Donne-moi donc une cigarette plutôt que de raconter des conneries, répliqua Boby.

– Moi, je vais faire des allers-retours le long du ruisseau, on gèle de la tête aux pieds dans votre putain de pays, annonça Gadjot, le Toulousain.

– Et c’était quoi le message, avant-hier, à la BBC ? s’inquiéta encore Boby.

– « Mon grand frère est petit », je crois. Manille a confirmé à Barjat que c’était pour nous, cette nuit.

– Ben j’espère que le frérot va finir par se pointer, poursuivit Boby à voix basse. Transbahuter tout le bazar, ça prend du temps. Je sais pas si les English sont au jus…

– Surtout qu’on n’est pas d’ici : le maquis est à plus de douze bornes, à se farcir à pattes ! rajouta Féréol.

– Vous inquiétez pas, faites confiance à Barjat. « Mon grand frère est petit », ça doit vouloir dire qu’on n’aura pas une grosse livraison, une quinzaine de conteneurs à tout casser.


Un quart d’heure plus tard, ils entendirent le ronronnement de l’avion au-delà des sapins, puis, presque aussitôt, les cris rauques de Barjat et les chocs sur le sol de la cargaison éparpillée en plein milieu de la lande. Trois équipes récupérèrent au plus vite huit conteneurs et cinq paquets, ainsi que les toiles des parachutes et les feux électriques. Ils chargèrent les charrettes de trois paysans, résistants hors clandestinité, des « légaux », venus prêter main-forte avec un cheval et deux ânes. Les trois chefs de groupe et Barjat les accompagnèrent ensuite vers leurs fermes où seraient cachés les armes et le matériel parachutés, en attente de leur distribution aux différents maquis du secteur. Les autres réfractaires s’en retournèrent vers leur sape à travers bois et pacages. À leur arrivée, la lune parut se briser contre les premiers rougeoiements de l’aurore. La lumière naissante alluma au bord du chemin les toiles d’araignées tendues entre les chardons.


De parachutage en parachutage, de sabotage en sabotage, d’embuscade en embuscade, de compagnon tombé, remplacé par « un ami qui sort de l’ombre », s’écoulèrent près de deux mois. Le froid rude de l’hiver rendit très difficile la vie dans les maquis. Noël et le Nouvel An n’améliorèrent que très peu l’ordinaire.

Un soir de fin janvier, une neige clairsemée voletait devant l’entrée d’une grange isolée. La joie égayait un bal clandestin, pourtant interdit par le régime de Vichy, au même titre que toutes festivités, en signe de solidarité envers les prisonniers français en Allemagne. Il semblait cependant bien naturel que les jeunes puissent s’amuser, vivre un tant soit peu ; il leur était demandé tellement de sacrifices et certains d’entre eux couraient de si grands risques.

Les villageois avaient tous apporté une petite musette de victuailles. Quelques maquisards en permission avaient quitté leur camp pour les rejoindre. L’accordéon chantait les monts de bruyère, l’amour et le vent. Philippe Artigeas regardait sourire le doux visage de Denise, belle de vie, de joie ; belle d’amour qui lui offrait ses mains, ses lèvres. Ils dansaient dans l’insouciance et la force de leurs vingt ans.


À minuit, brutalement, des soldats allemands et des miliciens pénétrèrent dans la grange, avec leurs cris, leurs fusils, leur haine. Quelques jeunes, dont Henri Coudert, purent se sauver depuis l’étage donnant sur un verger situé en lisière d’un bois. Philippe n’eut pas la présence d’esprit de s’enfuir ni de se débarrasser du morceau de toile de parachute qu’il gardait, tel un fétiche, dans la poche de sa chemise. Il protégea Denise qui parvint à se réfugier avec ses amies derrière des gerbes de paille. Les soldats jetèrent une quinzaine d’hommes dans des camions bâchés.

Philippe fut interrogé, torturé, ainsi que trois autres jeunes suspects, par la Milice, puis par la Gestapo de Limoges. Le fragment de parachute, qu’il ne parvint pas à faire disparaître, le désigna évidemment en tant que terroriste. Dans son délire d’épuisement et de douleur extrêmes, dans un état proche de l’inconscience, il laissa échapper ces trois mots : « Manille…, viens Manille… » Il resta prisonnier quelques semaines, puis fut déporté à Auschwitz. Il mourut le mois suivant, abattu par les soldats SS entre deux rangées de barbelés. Il avait tenté de s’enfuir, ou plutôt de se suicider tant son désespoir était devenu insupportable face à la violence et à l’inhumanité absolue du camp. Devant ses yeux et en son cœur éclatèrent la mémoire de Roger Mercier, son ancien instituteur, qu’il avait dénoncé dans son délire, au pied d’un mur de souffrance ; la mémoire de sa mère et son père tant aimés ; la mémoire de Denise, dont il vit une dernière fois le regard se refléter sur la glace d’Auschwitz.


La Gestapo, aidée par la Milice, découvrit rapidement quel homme se cachait derrière le pseudonyme « Manille ». Il fut repéré un mois plus tard, bien qu’ayant changé de refuge à trois reprises. Lorsqu’un groupe de soldats allemands approcha de sa tanière pour l’arrêter, Roger Mercier avala le contenu d’une capsule de cyanure. Il avait décidé depuis longtemps d’utiliser ce moyen radical pour ne pas risquer de laisser échapper un nom ; il en avait de si nombreux à taire.

Barjat remplaça Manille au même poste, dans ce secteur qu’il connaissait parfaitement : vallons et collines, routes et chemins, le moindre ruisseau, le moindre bosquet…, et les hommes.

Certaines nuits de pleine lune, les feux de l’espoir continuèrent d’éclairer les landes.


 
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   Vilmon   
8/12/2024
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
Bonjour,
Le début laisse présager un récit d'action où le lecteur est plongé comme un acteur dans la scène par la description du paysage et de la longue liste de personnages avec leur nom et surnom. Puis, basculement, on tombe dans une narration descriptive et détachée. J'ai décroché, la suite est un résumé historique de faits dont je n'ai pas réussi à m'y plonger. Le récit est passé d'une échelle de temps rapproché à la minute jusqu'à celle d'années et de mois. C'est comme s'il s'agissait d'un plan pour l'écriture d'un récit beaucoup plus long plutôt que d'un court récit immersif. Le texte reste évasif à propos des maquis, pour quelles raisons on s'y cache, comme si tout était l'évidence même alors que cette histoire se déroule il y a plus de soixante-dix ans.
Vilmon en EL

   plumette   
12/12/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
un texte bien écrit qui rappelle opportunément que certains donnèrent leur vie pour nous permettre d'être libre aujourd'hui.

La première partie avec l'attente des "livraisons" m'a paru moins intéressante et touchante que la seconde qui parle de la vie en temps de guerre et de l'arrestation et du destin funeste de Philippe.

je ne sais si l'auteur a voulu rendre hommage à des personnages réels mais le fait de citer beaucoup de monde sur un texte court m'a empêchée de me repérer.

le fond du texte est nécessaire , sa forme pourrait sûrement être améliorée, non pas sur le plan de la langue mais plutôt du côté de la construction.

Bonne continuation!

   Robot   
22/12/2024
trouve l'écriture
perfectible
et
n'aime pas
Ce récit d'un fait de guerre manque d'unité. Le dialogue du début qui nous présente des personnages dont on ne reparlera plus par la suite m'a laissé assez indifférent. On passe rapidement d'un évènement ponctuel (l'attente d'un avion) à un récit insuffisamment développé pour donner de la force et de la conviction à l'histoire.
Plus qu'une nouvelle construite on nous propose ici un documentaire, une simple relation de faits, qui sans être inintéressants, manquent d' épaisseur et de chair pour arriver vraiment à saisir et provoquer l'émotion.

   Dameer   
22/12/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
Hello Luz,

Un récit qui fait appel aux souvenirs du lecteur, souvenirs acquis à travers des documentaires et par la télévision et le cinéma.
C'est un peu le défaut de cette nouvelle, car celui qui n'a pas cette culture historique a du mal à comprendre ce que font tous ses personnages, et il y en a trop pour qu'on retienne des noms !

Je comprends tout de même le côté tragique du destin de Philippe, qui se détache de cette multitude.
Sa fin dans un camp à Auschwitz est triste, mais je n'ai pas eu le temps de m'attacher à lui pour vraiment le regretter : l'émotion attendue n'est pas au rendez-vous.

Du coup l'ensemble de cette nouvelle ressemble trop à un cours d'histoire sur la résistance en France durant la 2ème guerre mondiale, sans âme véritable..


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