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Réalisme/Historique
Luz : L’exode [concours]
 Publié le 28/05/23  -  11 commentaires  -  17664 caractères  -  62 lectures    Autres textes du même auteur

Une petite fille et sa maman lors de l’exode de juin 1940.


L’exode [concours]


Ce texte est une participation au concours n°33 : L'ombre et la lumière

(informations sur ce concours).



Une foule se serrait et ondoyait depuis des heures dans la gare d’Austerlitz. Impossible d’obtenir un billet de train pour quelque destination que ce fût en ce 10 juin 1940.

Au vu de la situation, Gabriel et Joséphine Berkovitch décidèrent que cette dernière partirait le lendemain avec Sarah, leur petite fille de quatre ans. Joséphine prendrait son vélo et Sarah s’installerait dans la carriole, à l’arrière, entre une valise et quelques paquets. Gabriel resterait à Paris. Étant infirmier, il ne voulait pas quitter son poste à l’hôpital du Val-de-Grâce. De nombreux blessés devaient être soignés, et ils afflueraient encore davantage dans les jours à venir, y compris des Allemands dès qu’ils entreraient dans la capitale ; ce qui, aux dernières nouvelles, ne tarderait guère. Les époux redoutaient les exactions probables de l’armée ennemie, comme ce fut le cas lors des deux guerres précédentes. Des témoignages, certains vrais, d’autres faux ou exagérés, étaient rapportés par les réfugiés en provenance de Belgique, de Hollande et du nord de la France. Il se disait, entre autres, que les « Boches » tuaient les enfants ou les attachaient à l’avant de leurs chars d’assaut. Joséphine était bien décidée à s’éloigner le plus possible en direction du sud ; elle rêvait déjà de l’Oranais, en Algérie, où vivait son vieil oncle Albert. Le voyage lui paraîtrait sans doute bien long, mais qu’importe, si elles pouvaient toutes deux se sentir ensuite en sécurité. Gabriel avait promis qu’il les rejoindrait dès qu’il le pourrait, et peut-être même les rattraperait en chemin.


À l’aube du 11 juin, après des au revoir déchirants, porte de Bercy, Joséphine s’élança avec courage sur la route de l’exode, tentant de progresser au sein d’une file ininterrompue de camions, voitures, charrettes à bras, vélos ou simples marcheurs. Après avoir beaucoup pleuré en quittant son père, Sarah s’adapta rapidement à cette aventure commençante. Elle lançait des coucous et présentait son mouton en peluche aux gens qui doublaient sa carriole ou que celle-ci dépassait. Les embouteillages succédant aux ralentissements, elles ne parvinrent qu’à midi à Villeneuve-Saint-Georges ; Joséphine sut alors que le voyage serait bien plus long qu’espéré.


À chaque fontaine, Joséphine veillait à compléter le niveau d’eau du bidon de la carriole. Elle achetait du pain, du pâté, des fruits, quelques légumes à manger crus. Les gens dormaient le plus souvent à la belle étoile dans les prés ou les sous-bois. Joséphine préférait l’abri d’un toit, elle trouva refuge successivement dans une grange, une école, un hangar, puis une église.

Ces premiers jours leur parurent assez calmes, à part le passage peu rassurant d’avions de reconnaissance. Des explosions résonnaient parfois, au loin, vers le nord. La fatigue de Joséphine s’accentuait au fil des jours, avec cette cohue presque incessante, ces côtes interminables, tellement raides qu’elle devait souvent mettre pied à terre. Elle traînait alors le vélo et sa carriole sous un soleil de plomb, Sarah l’aidait en poussant l’attelage de toutes ses faibles forces. Des cloques se formaient sur le goudron — petites bulles scintillantes éclatées par les roues et les pas.


Au matin du 15 juin, alors qu’elles progressaient au-delà de Gien en direction de Cosne-sur-Loire, des « Stukas » fondirent sur leur colonne en tirant des rafales de mitrailleuses. Sarah vit surgir devant elle l’ombre d’un avion précédée d’étincelles sur le bitume. Toute sa vie resterait gravée l’image de cette ombre qui explosait en grêlons de lumière sous le bruit terrifiant des sirènes des bombardiers en piqué. Joséphine avait, un instant avant, précipité son vélo dans l’entrée d’un pré où elles se plaquèrent contre un chêne. Après avoir semé la panique de longues minutes sur cette route de campagne, effectuant plusieurs demi-tours, les « Stukas » s’éloignèrent en direction de Gien, répétant de semblables carnages sur leur trajet. Laissant filer un peu de temps, Joséphine et Sarah repartirent en tremblant, retrouvant la file de l’exode d’où montaient des lamentations et des cris. Les morts avaient été allongés sur les talus herbeux, pleurés par leur famille, un ami, ou tout simplement abandonnés. Les blessés, hagards, recevaient quelques semblants de soins dans les prés. Les animaux, eux aussi, n’avaient pas été épargnés, en particulier les chevaux. Quelques-uns, morts ou agonisants, gisaient au long de la route. Recroquevillée dans sa carriole, Sarah avait mis en lieu sûr son mouton sous la couverture. Elle gardait les yeux fermés, ses paupières filtraient la lumière. L’ombre rouge cerise qu’elle percevait la rassurait un peu.


Joséphine roula des heures et des heures, le regard vide, exclusivement fixé sur les quelques mètres de goudron fondant devant elle. Elles ne mangèrent pas à midi, à peine s’abreuvèrent-elles de fontaine en fontaine. Joséphine voulait s’éloigner du danger, s’enfuir plus vite que l’aviation allemande qui grondait par intermittence. Elle regrettait tellement de n’avoir pas eu la force de couvrir une plus grande distance les premiers jours. Enfin, à bout d’épuisement, Joséphine s’arrêta, au soir, à l’entrée d’une ferme. Les prés alentour semblaient si tranquilles en ce mois de juin, si beaux, comme insouciants. Divaguant quelque peu, elle se demanda si elles n’étaient pas parvenues au paradis, après l’enfer du matin. Elles allèrent se reposer à l’ombre d’une allée d’aubépines, près de la source que leur avait montrée un paysan. Elles mangèrent leur reste de pain et des carottes dans l’odeur apaisante du foin coupé. La fermière vint les retrouver à l’heure de la traite des vaches. Sarah, qui paraissait miraculeusement remise du chaos du matin, lui offrit le bouquet de fleurs rouges qu’elle avait cueillies le long de la haie.


– Merci, ma petite Sarah. Je connais ton nom : j’ai entendu ta maman qui te disait de ne pas t’approcher de la source.

– Oui, Sarah, et lui c’est Nuage, répondit-elle en lui tendant son mouton.

– Il est beau, ton Nuage blanc. Moi, j’ai des vaches, blanches aussi, des charolaises. Nous irons à la ferme quand vous serez reposées, vous prendrez un bol de lait chaud, ça vous fera du bien.

– Oh, merci beaucoup, madame, c’est vraiment gentil. Nous sommes bien fatiguées et pourtant nous n’avançons pas très rapidement, articula Joséphine d’une voix rendue monocorde et triste par l’épuisement.

– Il est pas venu, papa, rajouta Sarah. Lui, il roule vite à vélo parce qu’il a de gros mollets.

– Il n’a pas voulu quitter Paris, il est infirmier dans un hôpital, précisa Joséphine.

– C’est bien de faire son devoir, approuva la fermière. Un de mes fils aussi est resté à Paris : bien obligé, il est gardien de prison… Allons à l’étable, le pépé a dû commencer à traire !

– D’accord, j’amène mon mouton, il aime les vaches ! s’enthousiasma Sarah.


Elles apprécièrent vraiment ce grand bol de lait moussant, prélevé au pis d’une belle charolaise : leur première boisson chaude depuis le départ. Les paysans les firent dîner, puis les invitèrent à dormir dans la réserve à foin de l’étable. Sarah se sentait protégée dans la pénombre, près des vaches qui ruminaient et, de temps à autre, agitaient leur chaîne. Un soldat, rencontré la veille, lui avait dit que les « Stukas » ressemblaient à de gros corbeaux : des choucas. Pourtant elle les aimait bien ces oiseaux noirs qui se teintaient de bleu dans la clarté du matin. Elle s’amusait à les compter dans les champs – jusqu’à dix, les nombres au-delà lui étaient inconnus.


Joséphine avait été très émue par l’accueil de ces paysans, contrastant tellement avec ce verre d’eau que lui avait fait payer un meunier à proximité de Montargis. Au petit matin, après avoir mangé des œufs au plat et du fromage de la ferme, Joséphine et Sarah repartirent en direction de Cosne-sur-Loire. La ville baignait dans une brume bleue à moins de trois kilomètres. Elles la traversèrent, sans autre difficulté qu’un embouteillage, et parvinrent à l’entrée du pont routier. Les vaguelettes de la Loire transportaient à la fois l’ombre et la lumière du vent. Elles s’engagèrent sur l’ouvrage en béton au milieu d’une foule compacte. À la moitié du franchissement, une sirène retentit et la DCA se mit en action. La panique gagna immédiatement toute la colonne. Certaines personnes firent demi-tour pour tenter de se protéger dans la ville, d’autres foncèrent en avant, déterminées à passer coûte que coûte pour rejoindre la campagne et la route de Bourges. Les avions de la Luftwaffe grondaient dans le ciel bleu, Sarah apercevait déjà les choucas d’acier étincelant au soleil. Elle se blottit avec son mouton au fond de la carriole. Entraînée et bousculée par la foule, Joséphine progressa de quelques dizaines de mètres, puis fut bloquée par les gens affolés, les bicyclettes, les charrettes, les brouettes et les bagages abandonnés. Joséphine regrettait de ne pas avoir rebroussé chemin lorsqu’il en était encore temps, maintenant elle ne pouvait ni avancer ni reculer. Sarah pleurait et gémissait, Joséphine implorait qu’on la laisse passer avec son enfant quand, tout à coup, deux soldats les soulevèrent brutalement.


– Lâchez votre vélo ! Les bombardiers nous surplombent ! Il faut traverser, vite, vite ! ordonna l’un d’eux, faisant pivoter Joséphine contre son dos.

– Tiens ta peluche, dit le second à Sarah en lui fourrant Nuage entre les bras.


Joséphine n’eut pas le temps de réagir, mais Sarah cessa immédiatement de pleurer, collée contre la poitrine du soldat. Ils se frayèrent un chemin à travers la foule, enjambant les obstacles, jetant, quand ils le pouvaient, les vélos par-dessus le parapet ou écartant les charrettes afin de dégager un couloir pour les gens de l’arrière. Ils criaient vers l’avant, ordonnant de lancer dans le fleuve tout ce qui encombrait le passage. Lorsque les bombes explosèrent sur la première partie du pont, la panique devint indescriptible ; quelques personnes allèrent même jusqu’à sauter dans la Loire. Les deux hommes foncèrent de plus belle et parvinrent à atteindre la rive opposée, entraînant une file désarticulée derrière eux. Quelques instants plus tard, un tiers du pont s’effondra. Ils progressèrent encore d’environ trois cents mètres et s’abritèrent au bas d’un talus boisé pour reprendre leur souffle. Ils s’éloignèrent ensuite de la route à travers des fourrés, puis se terrèrent au milieu d’une cépée de bouleaux. Les avions lâchèrent encore quelques bombes, puis filèrent vers le sud. Dans les bras de Joséphine, Sarah ne cessait d’observer le ciel à travers le feuillage lumineux des arbres. Elle détestait le soleil qui avait attiré les « Stukas » et fait briller dans l’air les petites bombes blanches. Elle savait que l’ombre la protégeait, bien plus, peut-être, que sa mère et que ces deux soldats qu’elle s’imaginait avoir vus jaillir des eaux du fleuve pour les sauver. Elle remercia à sa manière l’homme qui l’avait portée :


– Je tiens toujours mon mouton, il est pas mort.

– C’est bien, tu as été très courageuse. Je m’appelle Émile, et toi ?

– Sarah, et lui c’est Nuage. Et puis ma maman Joséphine.

– Et moi, c’est Pierre. Excusez-moi, madame, je vous ai bousculée tout à l’heure, mais il fallait passer et dégager toute la colonne.

– Merci, monsieur…, messieurs, ne put qu’articuler Joséphine.

– Nous avons combattu dans les Ardennes : une débâcle totale pour notre régiment, précisa Émile. Nous marchons depuis douze jours. Nous rentrons chez nous, Pierre à Pontgibaud et moi à Limoges. Et vous, où allez-vous ?

– Le plus au sud possible. Mais les Allemands nous ont rattrapées, je ne sais plus…

– Nous pouvons faire un bout de route ensemble, si vous voulez, proposa Pierre. Vous n’avez plus rien, ni bagages, ni vélo.

– Merci, ça nous rassurerait vraiment, mais je crains de vous retarder.

– Mais non, voyons ! trancha Émile. Repartons, profitons de l’accalmie ! Nous devrons aller très vite sur deux ou trois kilomètres, une escadrille pourrait revenir pour achever la besogne ou harceler les fuyards. Vous pouvez courir ?

– Moi, oui, mais Sarah ?

– Je fais équipe avec elle et le mouton, décida Émile en souriant sous sa moustache.

– J’ai presque plus peur, maintenant, annonça Sarah, presque tranquillement. Quand j’ai peur, je ferme les yeux, ça fait le rouge.


Sarah, dans les bras d’Émile, observait la Loire. Les panaches de fumée qui s’élevaient sur la rive opposée formaient un rideau dont l’ombre se déployait en tremblant sur l’eau. Le courant charriait les feuilles des arbres dénudés par le souffle des explosions. Une odeur de poudre et de feu se diffusait dans l’air déjà chaud. Comme eux, les gens se sauvaient, presque sans cris, abasourdis, la peur au ventre. Certains faisaient subitement demi-tour, peut-être pour retrouver leur vélo, un bagage, un enfant ou une mère… Des roulements de tonnerre retentirent loin devant eux ; d’autres ponts, sans doute, étaient pilonnés sur la Loire.

Ils s’arrêtèrent à un carrefour. Émile consulta la carte que lui avait donnée un sergent rencontré près d’Auxerre. Il proposa de s’écarter du fleuve en empruntant des petites routes moins fréquentées et donc probablement plus sûres. Ils reprendraient vers le sud une vingtaine de kilomètres plus avant. Aux abords d’une ferme, des chèvres abandonnées broutaient l’herbe d’un talus. L’une d’elles les suivit, une heure durant, bêlant derrière Sarah et son mouton. Dans chaque village traversé, Émile et Pierre se renseignaient pour acheter chacun un vélo. Ils finirent par trouver leur bonheur dans un atelier de mécanique, mais au prix fort. Il ne leur resta plus, d’une solde ancienne, que quelques pièces qu’ils allèrent dépenser dans un café où Sarah apprécia plus que tout son cassis à l’eau et les fraises que lui donna l’aubergiste. Grâce aux vélos, leur allure fut presque décuplée, Joséphine sur le porte-bagages de Pierre et Sarah sur celui d’Émile, bien calée dans un petit siège que le mécano avait adapté derrière la selle. En fin d’après-midi, le grondement des avions s’estompa peu à peu dans le lointain. Au soir, ils traversèrent le Cher à Saint-Amand-Montrond. Une dizaine de kilomètres plus loin, ne trouvant pas d’abri, ils décidèrent de dormir à la belle étoile, dans un bois. Pierre affirma que la nuit serait douce. Le soleil se couchait, lui aussi, indifférent aux guerres des hommes.

Confortablement installée sur un tapis de mousse et de fougères, Sarah écoutait les bruits dans la pénombre : des petits animaux furetaient et des oiseaux lançaient parfois quelques trilles emplis de mystère. Elle entendait également le ronflement léger de Pierre qui la rassurait. Elle contemplait les astres qui scintillaient doucement dans le ciel de la clairière, se demandant si, comme le soleil, ils déposaient des ombres sous les arbres. Elle chuchota à sa mère qu’elle avait vu trois étoiles filantes au-dessus des sapins de la colline. Joséphine pensait qu’il s’agissait plutôt d’avions, mais elle dit à Sarah de faire trois vœux. Après concertation avec son mouton, dans un langage incompréhensible, elle se décida :


– D’abord que la guerre s’arrête tout de suite, et puis que je n’aie plus jamais peur, et puis que je rencontre mon prince charmeur au bout du voyage.

– Ce sont de magnifiques vœux, mon petit cœur, souhaitons qu’ils se réalisent bientôt. En attendant, dormons ! Nuage a sommeil.


Au matin, Pierre les quitta, continuant à pied vers Montluçon pour ensuite rejoindre Pontgibaud. Il avait hâte de retrouver sa famille, ses collines, la Sioule et surtout la belle Alice, sa fiancée. Émile jura à son ami qu’ils se reverraient un jour. « Pour mon mariage que j’espère prochain », lui annonça Pierre en donnant son vélo à Joséphine. Il coupa court aux protestations de celle-ci par ces simples paroles : « Si vous ne pouvez pas me le rendre, Dieu s’en chargera bien un jour, qui sait… »


Émile proposa à Joséphine de poursuivre ensemble le voyage jusqu’à Limoges. Elles pourraient être hébergées chez ses amis, dans une ferme, près d’Ambazac. Son logement de cheminot où il vivait avec son épouse était bien trop exigu pour les accueillir.


– Je suis très touchée, mais ça m’embête, je ne connais pas ces gens…, commença Joséphine.

– N’ayez crainte, Robert et Marie sont des amis d’enfance, l’interrompit Émile. Je réponds d’eux comme de moi-même. Ils ont une fille de sept ans et un fils de deux ans, très gentils, Sarah pourra jouer avec eux. Ne soyez pas gênée, vous retournerez à Paris lorsque la situation le permettra. Hier, vous avez bien entendu : des gens disaient que l’armistice était sur le point d’être signé.


Joséphine resta indécise quelques instants, mais devant l’optimisme d’Émile et le regard suppliant de Sarah, elle finit par accepter.

Dans un pacage, au bord de l’étroite route, les reines-des-prés exhalaient leur âcreté humide. Ils tournèrent le dos au soleil qui étirait à l’horizon une longue lame orange capucine et filèrent en direction de Châteaumeillant. Le matin balbutiait, la nature retenait encore sa lumineuse plénitude. À l’orée d’un bois, un renard bondit d’entre les ombres pour fondre sur un mulot. La vie resplendissait de nouveau devant eux, Joséphine espérait de tout cœur que le premier vœu de Sarah se réalise.


 
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   Angieblue   
15/4/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Un voyage à vélo semé d’ombres rassurantes et de périlleuses lumières. C’est subtilement bien écrit avec de la délicatesse dans les descriptions. On se représente facilement le décor. Les personnages sont également bien campés, et principalement la petite Sarah avec son mouton en peluche. Il y a beaucoup de tendresse.
Le thème est abordé avec parcimonie. Intéressant et très symbolique, le passage qui explique que la petite se sent plus en sécurité dans les coins où il y a de l’ombre. En effet, en plein soleil, la mère et sa fille sont en pleine lumière et donc vulnérables et à découvert. Le passage avec l’ombre de l’avion mitrailleur est également fort bien écrit, et j’ai trouvé très poétique le moment où la petite Sarah se demande si les astres créent aussi des ombres, sous les arbres, comme le soleil.
J’ai passé un excellent moment à la lumière de la plume d’un véritable auteur. Merci pour la magie, la poésie et la tendresse de votre récit alors que le contexte est on ne peut plus noir.

   jeanphi   
17/4/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
L'auteur s'attaque à un thème surexploité ces quatre-vingt dernières années. Mais aura-t-il un jour été dit assez à ce sujet ?
Étant donnée la qualité de la narration, vous contribuez d'un travail de mémoire capital.
J'ai juste relevé une faute, de frappe, sans doute :
" ... pourrait revenir pour achever la besogne où harceler les fuyards." le 'où', s'il signifie 'ou bien' ne doit pas comporter d'accent. Dans le cas où il s'agit de signifier le lieu du danger, j'aurais interverti les deux groupes "pourrait revenir où harceler les fuyards pour achever la besogne". Votre formulation reste très claire, mais elle me donne une impression bâclée. Après tout, c'est un dialogue. Le soldat épuisé ne pourrait-il l'employer.
Hormis ce détail, la lecture est vraiment réaliste à mes yeux, on passe de l'ombre à la lumière, une fois franchie l'historique ligne de démarcation.

   Donaldo75   
25/4/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Une période troublée. Un récit bien mené. Une écriture maîtrisée. Comme pas mal de nouvelles dans ce concours – et il en était de même en poésie – le traitement du thème est différent. C’est bien, cette diversité, cela prouve que la variété n’est pas un vain mot sur Oniris. Ici, le style classique fonctionne bien avec le récit. La narration tient la route. Les dialogues également. Les détails donnent de la consistance à l’histoire, à la manière dont elle est racontée, ce qui l’équilibre sans l’alourdir. Je ne suis pas allé vérifier le réalisme desdits détails – du genre, est-ce que le mouton machin est placé à gauche du panneau truc alors qu’il devrait être ailleurs, voyez – parce que je me suis laissé entrainer par le récit. Et c’est ça qui importe à mon avis dans une nouvelle. Se laisser embarquer par l’histoire. Pour moi, les meilleures nouvelles sont écrites par des conteurs, des personnes qui seraient capables de vous la raconter assis sur un pneu dans un village de fortune un soir de fin du monde et qui vous feraient oublier la merde que vous vivez. Pas des coupeurs de cheveux en mille-vingt-quatre qui voudraient styliser le récit à l’extrême au risque de le rendre indigeste parce qu’il ne serait pas soutenu par une vraie narration. C’est pour ça que l’écriture a été inventée à mon avis. Pas uniquement pour répertorier des morceaux de sable dans un désert en Mésopotamie. Je digresse. Ici, la nouvelle a un début, un milieu et une fin. La phrase finale est même bien vue et s’attache à un passage narratif qui remet en perspective l’intégralité de la nouvelle. C’est intelligent et vraiment littéraire.

   Anonyme   
28/5/2023
trouve l'écriture
convenable
et
n'aime pas
Je retrouve à relecture l'impression que j'avais eue en Espace Lecture, d'un récit lointain, désincarné, alors qu'il y a en principe de quoi me remuer ; le sort de Joséphine et Sarah ne m'émeut guère, sauf par anticipation : la famille Berkovitch peut s'attendre à une existence particulièrement difficile pendant l'Occupation.
Je ne sais trop pourquoi je n'accroche pas, peut-être l'écriture est-elle à mon goût trop « proprette », descriptive et détachée au vu des événements décrits. Et puis tout le monde apparaît fort raisonnable et civilisé, la colonne de fuyards bombardés évoquée de manière tout extérieure, il n'y a aucun « flash » sur une image sanglante qui marquerait durablement Sarah, bref en ce qui me concerne le récit n'est pas vivant, ceux et celles qui vivent cet exode demeurent à l'état d'ombres.

Tout ce que je peux dire, c'est que l'ensemble est correctement écrit. Peut-être est-ce là le problème pour moi.

   plumette   
28/5/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
j'ai beaucoup aimé ici la manière dont le thème du concours a été traité. Le thème est en filigrane, il ne nuit pas à l'histoire, il s'y intègre avec beaucoup de naturel.
L'histoire maintenant: sur un sujet mille fois traité, ce focus sur Joséphine et Sarah m'a procuré toutes une série d'émotion au fil des péripéties de ce voyage. le premier épisode avec les stukas qui est une sorte de baptême de la peur pour la petite, le réconfort auprès des fermiers, les bombardiers sur le pont et le sauvetage par les deux soldats.
Malgré la dureté de la situation, il y a la lumière des moments de solidarité. Et au milieu du désastre une enfant qui s'accroche à son mouton. j'ai trouvé beaucoup de justesse dans votre regard.

Bravo! et bonne chance pour le concours.

   Corto   
28/5/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Voici un récit dynamique, vivant, où les personnages sont bien incarnés. L'ambiance dramatique est bien rendue, les relations entre victimes de l'exode sont un peu survolées jusqu'à ce passage du pont dramatique.
La séparation du couple au tout début est bien décrite, puis Sarah petit être qui sans doute ne comprend pas tout de l'aventure devient élément déterminant.
L'apparition des deux soldats donne quelques éléments sur la société de l'époque, ce qui est un plus pour l'ambiance générale.
"Ombre et lumière" est évoqué à diverses reprises et sous plusieurs angles.

Au total un récit vivant, bien construit, crédible historiquement, auquel on adhère volontiers.
Bravo.

   Vilmon   
29/5/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
Je me range aux côtés de socque, un récit qui me semble plus une suite descriptive d'actions qu'à une histoire. Où est l'ombre ou la lumière? (Je me corrige après avoir lu le commentaire d'Angieblue) Effet contraire de nos perceptions naturelles pour la lumière et l'ombre, dans ce texte, le premier est un refuge et le second la menace, bon jeu ! On y retrouve aussi l'horreur et l'accalmie qui se côtoient de façon étrange, comme lorsque l'on descend une rivière en traversant des rapides, une alternance d'agitation et de calme. Je trouve la fin en queue de poisson, se terminant sur la description (peut-être symbolique) de la chasse d'un renard et l'espoir qu'un vœux se réalise. Aucune destination atteinte, on termine sur un vague qui laisse le lecteur sur sa faim. Comme socque, j'ai trouvé les gens trop gentils et civilisés pour une situation de crise, soutenu par des bombardements au loin. Bien d'accord que les malheurs unissent les gens et on y découvre de beaux gestes altruistes, mais ça m'a semblé trop net. J'ai bien aimé ce passage du bombardement du pont de la Loire, on y sentait l'adrénaline. Pour la structure du récit, je ne sais trop, ça m'a semblé une description parfois monocorde vue par un spectateur indifférent, comme trop détacher de la situation pour s'attarder à décrire les détails. Les dialogues donnent une humanité aux personnages, mais tranche avec le type descriptif de la narration. J'ai plutôt eu l'impression d'un documentaire avec reconstitution historique que d'un récit.

   Asrya   
30/5/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
Concernant la thématique, hum, moui, bon. J'ai bien compris que tout le monde n'avait pas la même vision des choses à son sujet, et je dois me fourvoyer.
Je ne comprends pas cette nécessité de faire apparaître les termes "ombre" et "lumière" aussi souvent. Ce caractère redondant est un leurre à mon sens, qui permet à la nouvelle de s'inscrire dans la thématique absolument.
Je n'adhère pas particulièrement à l'angle choisi ; le seul fait de fuir la guerre (ombre) pour s'en sortir, espérer qu'elle se termine (lumière) me paraît suffisant pour ne pas en faire des caisses.
Mais soit, puisqu'il en est ainsi.

Se lancer dans une nouvelle de ce genre est toujours un parti pris assez risqué, difficile de coller à la réalité, imaginer les sentiments, les sensations, ne pas en faire trop, être juste.
Ici, l'ensemble est plutôt satisfaisant et paraît réaliste. J'imagine que certains y trouveront leur bonheur.
Quelques lourdeurs, je n'ai pas pris le soin de les relever, une seule m'est restée à la lecture "talus herbeux" (talus aurait suffit).
J'ai apprécié le côté simpliste des dialogues de Sarah, chose qui n'est pas évidente que de coller au phrasé d'un enfant et que cela sonne vrai. Ici, le langage est peut-être un peu trop "poétique", mais surtout "surfait" en terme d'étalage. Après, il y a de tout chez les enfants, et si certains sont discrets, d'autres ne tiennent pas leur langue dans leur poche. Alors, oui, peut-être que cela est possible ; j'y aurais vu plus de timidité dans ce genre de contexte.
La cohérence des dialogues ne me paraît également pas évidente et je n'y ai pas vraiment lu de "conversation", plutôt des faits, juxtaposés, qui permettent à l'auteur d'ancrer certains éléments d'informations. En somme, ce ne sont pas les dialogues qui m'auront le plus convaincus dans ce texte.

Les parties narratives, descriptives, sont plus alléchantes selon moi. L'ambiance est plutôt bien amenée, les situations également, les brins de vie sont bien et suffisamment dosés pour que l'on arrive à se figurer l'ensemble des protagonistes.

Le fil de l'histoire est assez ténu, du moins l'intérêt que l'on peut y porter m'apparaît assez léger, cela ne m'a pas captivé plus que cela.
Peut-être également que les faits relatés sont trop tournés vers le "bien" (bienveillance des soldats, des gens), et que les "horreurs" ne sont pas suffisamment évoquées pour paraître vraisemblable (paysages déformés par les bombes, odeurs, vue macabre (même si j'ai bien compris que ce n'était pas tant l'effet recherché))

Une nouvelle qui plaira à certains je n'en doute pas, mais qui n'est probablement pas ma tasse de thé simplement ; les goûts et les couleurs...

Merci pour le partage et bonne chance pour le concours,
Asrya.

   Disciplus   
30/5/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
Lecture accessible, fluide, agréable.
Le style narratif simple et détaché limite l'empathie avec les protagonistes. Tout y est correctement décrit mais rien ne nous surprend. Les dialogues sont conventionnels. Les voeux de l'enfant logiques et conformes à l'attente. Nous avons les bons samaritains habituels, l'épisode du bombardement, l'ouverture vers des lendemains qui chantent, mais il nous manque le coup de poing à l'estomac.
Nous avons là un énième récit conventionnel. Tout est bienséant dans cet "enfer". Chaleur, sang, hurlement, proximité, mort, tout semble bien propre.
La "déferlante parisienne" (exode juin 1940) fut une triste période écrite, décrite, filmée dont nous avons tous une idée préconçue. Peut-être en prenant délibérément le point de vue de Sarah (ou de son mouton), aurait-on obtenu une nuance intéressante.
Note : Stuka est l'abréviation du mot allemand « Sturzkampfflugzeug " - Sturz (« chute »), Kampf (« combat ») et Flugzeug (« avion »). Il n'a pas de pluriel.

   Cyrill   
31/5/2023
trouve l'écriture
convenable
et
n'aime pas
Bonjour,
Cette nouvelle m’a laissé l’impression d’un début de quelque chose, nouvelle plus longue ou roman. En elle-même elle ne m’apporte que la re-connaissance d’un épisode vu et revu dans la fiction. Il y a beaucoup trop de personnages à mon avis pour qu’ils soient incarnés. On ne saura rien, mis à part en présentation, de Gabriel et de l’oncle Albert.
Je ne doute pas que vous, auteur, vous soyez documenté sur la période, et cela se voit un peu trop dans la façon appliquée d’aligner les noms de lieux, par exemple. L’histoire en elle-même est plate et servie par une écriture correcte mais sans grand relief pour en accompagner l’aspect angoissant. Cet exode a dû pourtant faire naître des sentiments extrêmes chez les protagonistes, or j’ai plutôt eu l’impression d’une promenade de santé. Les tirs de l’ennemi, pourtant décrits longuement, ne m’arrachent pas un frisson. Les évènements me paraissent relever d’une volonté d’historiciser, pas de raconter. Les dialogues ne relèvent guère la faiblesse de la tension dramatique, des politesses s’échangent comme autour d’un thé.
Des détails inutiles comme : « Son logement de cheminot où il vivait avec son épouse était bien trop exigu pour les accueillir » diluent le peu de vie que j’ai trouvé dans ma lecture, à savoir la relation de la petite fille avec sa peluche, qui reste en arrière plan.
Merci pour le partage.

   senglar   
2/6/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour,


Bien sûr cette nouvelle ne correspond pas au sujet tel que je le conçois, mais elle suit impeccablement une voie donnée comme possible : ombre/lumière et vice versa, traduites ici par l'ombre de la défaite qui entraîne l'exode et la lumière pour ceux qui sortent sains et saufs de cet incertain et périlleux périple avec toutes les péripéties qui y affèrent, autant d'onbre/lumière et vice versa subordonnées.
Le récit de cette aventure est irréprochable tant sur le plan du style que sur celui du découpage, de la clarté et de la facilité de lecture. L'auteur a opté pour la manière contenue, pudique, quasi journalistique, une sorte d'écriture dans l'esprit d'Hemingway qui avant tout rapporte mais jamais ne s'emporte, évitant les effets. Il n'imite pas Homère et se refuse à faire du Hugo. Point de héros demi-dieux ici ni de grognards et de dernier carré mais des personnes ordinaires dans une situation qui ne l'est pas, elle, ordinaire, et par là un peu (euphémisme) dépassées et qui subissent bien plus qu'elles n'agissent, bref qui font ce qu'elles peuvent, désespérément, pour s'en sortir. Pour me référer à un auteur contemporain je dirais qu'on est assez proche d'un Romain Slocombe, peut-être parfois plus sanglant mais jamais lyrique, dont je recommande la ''débâcle'' et la série des Sadorski. On retrouve donc l'effet de sidération produit sur une foule en fuite qui ne comprend pas très bien ce qui lui arrive et adopte presque malgré elle un comportement grégaire comme c'est le cas lors des grandes catastrophes.. La cruauté des agresseurs est bien présente aussi (on pourrait en discuter longuement les raisons) et les morts n'y sont pas oubliés jusqu'aux corps abandonnés. La mort des chevaux voire leur agonie hautement symbolique est elle-aussi mentionnée.
A ce niveau en ce qui me concerne ce récit est un sans faute car il a su rester pudique alors qu'il aurait été tentant de faire ici du tabloïd. Je sais que la comparaison n'est pas indiquée mais je pense également à ces héros anonymes qui plongent dans un canal pour sauver un inconnu, pénètrent dans une maison en flammes pour en sortir des enfants... et puis disparaissent sans revendiquer la gloire de ce qu'ils ont accompli, sans parader, sans frimer, modestes, trouvant cela naturel. Je me dis donc, grâce encore aux deux braves soldats, que c'est aussi et d'abord cela une société.

Merci à l'auteur(e) !


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