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Sentimental/Romanesque
Luz : La vie en noir
 Publié le 19/01/23  -  9 commentaires  -  10625 caractères  -  99 lectures    Autres textes du même auteur

Un aveugle à la campagne.


La vie en noir


Ernest se reposait, assis sur la racine-siège du chêne centenaire qui semblait monter la garde devant sa ferme. Il humait, au soir, l’air doux du mois de mai 1939. Son regard s’attardait vers le bas de la combe où s’incurvait la route de Delbech. Il tourna brusquement la tête – mouvement machinal et fréquent chez lui – en direction d’une haie de jeunes hêtres derrière laquelle il avait cru entendre un frémissement de pas dans les joncs et les herbes rêches. Il reconnut la marche rapide, dansante presque, de la fille Verviale. Elle va sans doute rendre visite à son vieil oncle, « l’ermite de l’Étang Roux », peut-être lui apporter du pain, pensa-t-il. Le regard usé d’Ernest s’éclaira lorsqu’elle dépassa la source : le vent d’ouest venait de déposer sur ses narines cette odeur naturelle qu’il avait souvent remarquée quand il la croisait, semblable à un parfum d’aubépines.


– Bonsoir demoiselle Francine ! Où donc es-tu partie au soleil couchant ? lança-t-il, alors qu’elle se trouvait encore distante de plus de vingt pas.

– Ah ça ! Vous m’avez reconnue, père Lagardy. Mais comment faites-vous donc ?

– C’est pas compliqué, quand même, il suffit de tourner la tête vers les jolies filles.

– Et comment savez-vous que je suis jolie, vous ne m’avez jamais vue ?

– Eh si, je te vois à ton pas léger, à ton parfum de printemps, aux oiseaux qui me chantent ton nom…

– Arrêtez donc vos grandes phrases ! Par hasard, ça serait pas le Henri, votre petit-fils, qui vous aurait dit qu’il me trouvait jolie ?

– Oh, tu sais bien que tu es la plus belle fille du pays, va, ne fais pas de manières…

– Je raconterai tout à la Lucette : elle vous en parlera du pays, aussi, et pas qu’un peu.

– Oh…, mais je plaisantais, Francine.

– Bien sûr, père Lagardy ! Alors bonne soirée, et arrêtez donc de toujours regarder les filles…


Le caporal Erich Müller s’était levé tôt en ce début d’automne. Le soleil bas réchauffait ses épaules et sa nuque. Dans l’air délavé par les averses de la nuit, le vent disséminait des fumerolles de poudre et de brume. Le sol tremblait de temps à autre, mais cela ne dérangeait nullement Erich tant il était concentré, faisant corps avec la terre et son fusil, un Mauser Gew. 98 surmonté d’une lunette Zeiss de haute précision réglée à sa vue. Grâce à elle, il lui semblait presque vivre dans la tranchée ennemie, distante d’une cinquantaine de mètres. Il attendait qu’une cible, sous la forme d’un casque, se présentât face à lui, dans l’interstice de deux parapets ; de la même façon qu’autrefois, il guettait le cerf, le chevreuil ou le sanglier dans sa Forêt-Noire natale.

Il vit défiler trois casques. Un quatrième marqua un temps d’arrêt, découvrant une partie du front et les yeux d’un soldat. Ajustant quasi instantanément son tir, tout en coupant sa respiration, son index écrasa d’un coup net la gâchette. Sans un cri, Ernest Lagardy s’effondra dans la tranchée, le 14 octobre 1915, en Artois. Le caporal Erich Müller venait d’ajouter une unité de plus à son « palmarès », le portant à quarante-huit victimes.

Pourtant, ce tir n’aurait pas dû être « homologué ». Ernest avait tourné brusquement sa tête, une fraction de seconde avant le coup de feu. La balle avait traversé son crâne d’une tempe à l’autre, déchirant son nerf optique. Allongé au sol, Ernest n’était pas mort, mais définitivement aveugle.

Sous le terrifiant hasard des « orages d’acier », la balle d’Erich avait préservé la vie d’Ernest. En effet, les douze jours suivants, la quasi-totalité de sa section fut décimée lors d’assauts obstinés, ordonnés par des généraux imbéciles. Erich Müller, paysan et chasseur tout comme Ernest Lagardy, n’eut pas le loisir de traquer d’autres gibiers humains. L’éclair d’une baïonnette lui déchira le ventre le lendemain de ce dernier tir. Ni Ernest ni Erich n’avaient demandé à participer à cette boucherie, ils avaient simplement essayé de survivre, chacun à leur façon, tentant dérisoirement de se protéger de la mitraille.


Dès les premières heures où il revint au monde après sa blessure, à l’arrière des tranchées, ses sens restants se mirent instinctivement à l’œuvre pour pallier quelque peu l’absence de sa vue. Il se tenait à l’écoute des sons, des vibrations, des voix, du moindre courant d’air. Son odorat fut extrêmement sollicité : le café, la soupe, la pourriture des rats ou d’autres chairs, les latrines, le sang, la poudre… Dès qu’il put marcher, il se déplaça à tâtons, d’obstacle en obstacle. Lorsqu’il se retrouva plus en retrait du front, le chant des oiseaux, les cris et les rires des enfants l’émurent jusqu’aux larmes. Elles roulaient sous ses yeux immobiles.

L’évacuation d’Ernest vers différents hôpitaux, en compagnie d’autres blessés, s’opéra progressivement, souvent en camion, mais parfois à pied. Les mutilés des yeux, par balles, éclats d’obus, projections diverses ou brûlures, ensemble rassemblés, avançaient dans le noir, une main posée sur l’épaule d’un camarade – longue file avec à sa tête un soignant guidant le groupe. Enfin, il fut admis dans une maison de convalescence, rue de Reuilly, à Paris.

Toute sa vie, il se souvint d’Éliette, l’infirmière qui s’était occupée de lui le matin de son arrivée. Il la distinguait entre toutes, les jours suivants. Il l’entendait venir vers lui, semblait véritablement la voir à son pas affairé, à son odeur de lilas que les substances médicamenteuses ne parvenaient pas à estomper. Il l’imaginait gentille et souriante, portant une égale attention à chaque blessé. Il aurait tellement aimé découvrir son visage, doux sans doute, avec ses yeux profonds qu’ont les femmes jusqu’au tréfonds de leur âme.

Ernest resta six semaines en convalescence rue de Reuilly, puis, un matin, le médecin-chef lui remit son livret militaire avec l’inscription finale : « Renvoyé dans ses foyers. » Le soir, il demanda timidement à Éliette la permission de lui serrer la main quelques secondes.


– Par amitié et reconnaissance : ainsi je vous aurai vraiment vue et ne vous oublierai jamais.


Éliette accepta, habituée sans doute à de tels souhaits au moment des départs.


– Rentrez bien chez vous, dans votre famille. Ce ne sera pas facile tous les jours, mais vous êtes courageux, vous vous adapterez rapidement à votre handicap. Vous savez…, j’aimais bien quand vous me racontiez votre vie à la campagne.


Il quitta Paris le lendemain, quelques jours avant Noël. Il avait glissé dans une pochette de son sac la brochure d’une association : « Le retour à la terre du soldat aveugle. » Son fils pourrait toujours la lui lire, mais il se demandait bien qu’elle pouvait être l’utilité de ce bréviaire…


Ernest voyagea en train jusqu’à Guéret où son fils, Edmond, âgé de dix-sept ans, vint le chercher avec le vieil âne Flanou et sa carriole. Edmond aida son père à descendre du wagon et ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre sur le quai – de longues minutes durant lesquelles ils se dirent l’essentiel sans prononcer un seul mot.


– Va, c’est fini maintenant, tu restes au pays, papa, articula enfin Edmond d’une voix étranglée, prenant le bras de son père pour le conduire vers le parvis de la gare.

– Et toi de même, fils, je te garde à La Vaury. Je te laisserai pas partir vers l’enfer, crois-moi !


L’âne Flanou, lui aussi, accueillit Ernest, se mettant à braire à fendre l’âme et le ciel. Des larmes coulaient sous ses yeux de velours.


Lucette avait attendu Ernest depuis des heures dans la cour de la ferme, sous le grand cerisier noir et sous des nuages également noirs. Elle entendit enfin, vers midi, le gai trottinement de Flanou dans la montée du Breuil. Mari et femme rirent et pleurèrent toute l’émotion de leur cœur et de leur corps, rirent et pleurèrent de souffrance et d’amour. Ernest respirait la chaleur, le parfum de Lucette, de la vie qu’il avait choisie, auprès d’elle, vingt ans plus tôt. Le véritable bonheur l’enveloppait de nouveau.


Le vieux chien de berger était mort au printemps. La chienne Broussaille le remplaçait, Edmond était allé la chercher à la ferme de La Brousse à la fin des moissons. Cet animal représenta pour Ernest un réel réconfort, en plus, évidemment, de toute l’attention que lui prodiguaient Lucette et Edmond. Il se prit d’affection pour cette gentille chienne d’à peine deux ans, et ce fut réciproque. Ils ne se quittaient pas, allant par les chemins, les bois et les prés. Broussaille le guidait du bout de sa laisse. Ernest la détachait, parfois, afin d’explorer seul, avec un bâton, un secteur particulier, puis la rappelait pour s’orienter de nouveau. Il réapprit, peu à peu, toute l’étendue et les moindres détails de leur petite ferme, sans la voir ; il la cartographiait dans des trames de son cerveau. De la sorte, il avait mémorisé de nombreux repères : le baquet et la mare, le ruisseau de la Siauve, les clôtures, les bosquets de chênes frémissant au vent, les haies, le mur du moulin, les courbures des chemins…

Lucette et Edmond continuaient à gérer la ferme comme ils en avaient l’habitude depuis plus d’une année. Ernest aidait de son mieux pour des tâches qui n’impliquaient pas de trop longs déplacements. Il put ainsi rapidement prendre en charge les travaux dans l’étable : évacuer le fumier de la nuit, remettre de la paille, donner à manger aux animaux, les traire. Il aurait bien voulu revoir cette image, lorsque les petites fenêtres du bâtiment absorbent le miel de la lumière du jour naissant et que la poussière du foin flotte entre les râteliers et les cornes des vaches. Peu à peu, cependant, il surmonta sa peine, mais ne put jamais complètement l’effacer.

Edmond ou Lucette s’occupait d’amener les bêtes paître aux prés ou boire au baquet. Au bout de quelques semaines, Ernest put également assurer ces tâches.


Les saisons défilèrent sans qu’Ernest pût en apprécier les couleurs changeantes, mais il s’habitua à cela aussi. Une année et demie plus tard, il devint évident pour tous les habitants de la commune qu’il était devenu quasi autonome. Il priait pour que la guerre s’achève au plus vite, car il n’aurait pas supporté qu’Edmond soit incorporé. Il fut exaucé alors que son fils allait avoir vingt ans : le 11 novembre 1918, en fin de matinée, les cloches des églises résonnèrent à toute volée dans son cœur et ses entrailles, ses yeux pleurèrent de joie, et d’espoir enfin.


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https://www.aveuglesdeguerre.org/la-grande-guerre-trois-mille-soldats-revenus-aveugles


 
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   Tadiou   
15/11/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
en EL.

J'ai pris beaucoup de plaisir à cette lecture tendre et pleine de sensibilité. L'écriture est simple et sobre, ne donnant ni dans la grandiloquence ni dans le pathos, ni dans la mièvrerie.

J'ai apprécié l'ambiance champêtre du début avec l'arrivée de Francine; elle m'évoque "Des grives aux loups" de Claude Michelet. Poésie de la vie qu'on dit "ordinaire". Le (la) narrateur (trice) nous donne à découvrir à petits pas la cécité d'Ernest, au fil du dialogue; on la découvre par sensations et non par description. Un peu d'humour passe par là.

L'épisode de guerre est raconté comme une tranche de vie inéluctable, un rouleau compresseur; raconté avec lucidité, c'est-à-dire l'horreur des deux côtés avec la tentative de survivre.

Le cheminement d'Ernest et ses progrès se poursuivent au même rythme lent, la défilé des choses de la vie de plus en plus envahies par la symphonie des odeurs, réelles; et par les tableaux vus en imagination.

J'ai été gêné par la part importante que prennent les larmes (même l'âne Flanou s'y met !) qui reviennent presque comme un leitmotiv.

Voilà une nouvelle qui, pour moi, fleure bon comme un poème délicat évitant la sensiblerie et le "fleur bleu"; plein d'humanité.

Le titre me plaît. La vie est en noir mais n'est pas noire.

À vous relire avec plaisir.

Tadiou

   Donaldo75   
25/11/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'ai bien aimé cette nouvelle; j'ai l'impression d'avoir déjà lu l'histoire dans un défi - peut-être que je me trompe - mais en tout cas j'ai trouvé à la narration une quiétude étonnante et finalement elle est bien rentrée dans ma lecture. Le découpage narratif fonctionne bien - je crois qu'il serait quand même bien de séparer les paragraphes par un signe cabalistique - et de ce fait le déroulé reste fluide. Il y a de la poésie dans l'expression, un peu comme une musique de fond. Evidemment, le fond humaniste participe fortement à mon impression de lecture et ça fait du bien de lire une telle nouvelle alors qu'une guerre se déroule à notre porte.

   Jemabi   
19/1/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Un texte bien documenté et bien écrit qui touche par sa simplicité, comme est simple et tranquille la vie de ces gens de province qui parlent comme on parle chez Pagnol. Des millions d'autres familles ont vu leur vie basculer dans le tragique à cause de la grande guerre, celle-ci en est une parmi d'autres. Nulle révolte, nulle plainte et, même si elle a laissé des traces indélébiles, la guerre n'empêche pas Ernest de ne voir que le bon côté des choses. Ce n'était qu'une parenthèse dans sa vie.

   papipoete   
19/1/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
bonjour Luz
" Vous y étiez ? " tant cette histoire est vivante, où ne manque aucun détail, où l'on voit clair dans cette vie réglée dorénavant en noir.
Ces soldats qui ne pensaient qu'à leur " chez eux ", allemand comme français ce Müller et ce Lagardy, qui connaîtront les affres des tranchées ; Erich transpercé par une baïonnette et Ernest perdant la vue. Quelle " chance " que cette balle le rendant aveugle, mais le rendant aux siens, et ainsi la vie continuerait avec Edmond épargné par la mobilisation, alors que le clocher sonnera la fin de la guerre...
NB 10000 caractères lus sans lassitude, de la tranchée aux travées de l'hôpital ; des images et des senteurs ( le parfum de l'infirmière, malgré le chloroforme entre autres ) des retrouvailles au pays, où tout le monde est si heureux, même l'âne Flanou en a les larmes aux yeux.
Et puis notre héros qui re-découvre ses terres, sans ses yeux mais par ce sens développé à force de volonté.
Il y a du Pagnol au tout début, avec la demoiselle Francine, ce joli brin de fille...
du Fernandel avec sa vache qui s'évadent vers la liberté...
Bref, j'ai passé un très bon moment à vous lire, et vous re-demande : " Vous y étiez ? "

   senglar   
19/1/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour Luz,


Voici le commentaire (à l'aveugle, ce pour quoi il n'est pas aveuglant :) ) que j'avais mis à l'époque de l'exercice :


Défi nouvelles No8 - vos commentaires
par senglar le 13/9/2022 16:37:16

"La vie en noir"


J'ai lu ici une très belle histoire très bien écrite. Peut-être s'écoule-t-elle sur une trop grande durée pour l'espace alloué tant les descriptions sont minutieuses... Mais l'histoire est extrêmement touchante tout en évitant le piège du larmoiement. On a donc ici l'enchantement simultané d'une histoire qui finit bien avec le réalisme historique et la réalité de la vie à la ferme et juste ce qu'il faut d'un très léger nuage de coquinerie pour y apporter tout l'intérêt de la vie. Bien vu aussi pour l'âne compatissant et le chien joueur. mais pas que...

Sans compter que le parfum du lilas j'adore même si ici celui-ci émanait du du corps et des soins d'une gentille... infirmière.

Chapeau ! Bravo ! Merci !

:)) :))


Me reste à déterminer l'appréciation, datée donc de ce 19. 01...

   Marite   
20/1/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
En terminant cette histoire de vie il me reste l'impression qu'elle a été inspirée par des faits réels vécus par l'un de ces Anciens ayant combattu pendant la Grande Guerre. L'acceptation par le personnage principal de son handicap sans aucune révolte est compréhensible : les gens de la campagne et proches de la terre ne sont généralement pas prompts à la révolte contre les coups du destin. La précision avec laquelle l'auteur nous fait entrer dans le monde d'Ernest est remarquable car, en tant que lecteur, nous vivons par procuration cette "vie en noir" à tel point que nous prenons conscience que tout un monde de sensations nous échappe, occulté par le fait que notre vision accapare nos perceptions en atténuant considérablement les possibilités de nos autres sens.
Un peu désarçonnée lors du passage rapide de la pause d'Ernest, et de son échange avec la jeune Francine, au Caporal Erich Mûller, j'ai cependant très vite compris que nous revenions dans le passé avec l'explication de la cécité d'Ernest. Un très bon moment de lecture.

   Catelena   
20/1/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Vous posez l'histoire d'Ernest avec une simplicité et une tendresse qui forcent le respect. Une histoire de tous les jours en quelque sorte.
Sauf que les jours dans ces temps-là étaient d'un terrible ordinaire.

Tout y est à sa place : le face-à-face meurtrier dans les tranchées, la débâcle et ses morts inutiles à la pelle, les horribles blessures, les mutilations, l'hôpital et ses infirmières qui en ont vu défiler des souffrances, puis le retour au logis et la réadaptation nécessaire pour que la vie continue...

J'ai particulièrement apprécié le développement de l'odorat qui vient contrebalancer la perte de la vue. Il apporte votre compassion et votre empathie d'auteur, comme un vent de fraîcheur sur toute cette souffrance.

Tout est dit dans votre histoire, avec dans le ton une espèce de résignation. Elle doit ressembler comme deux gouttes d'eau à celle de nos poilus, lorsque hébétés d'incompréhension il furent obligés de quitter leur lopin de terre pour répondre aux caprices de généraux qui, lassés de leurs soldats en plomb, voulaient jouer à la guerre avec des soldats grandeur nature.

Au nom des deux ancêtres, devenus aveugles de guerre à vingt-ans à peine en 14-18, que compte ma famille, je vous remercie, Luz de leur avoir, quelque part, dédié votre nouvelle.


Elena,
révoltée que l'on puisse forcer un homme à tuer un autre homme, juste pour ''obéir''...

   Corto   
20/1/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Une nouvelle pleine d'humanité, de vie sans lamentation malgré le drame qui s'y joue. La force vitale du personnage principal lui permet de surmonter une situation fort pénible, et l'on imagine le réconfort trouvé grâce aux soins et à l'amour de son entourage.
C'est dire que sur le thème j'ai beaucoup apprécié.

Sur le volet "écriture" j'ai été un peu gêné par l'attribution de multiples prénoms commençant par E: Ernest le héro, Erich le tireur, Eliette l'infirmière, Edmond le fils. Ce choix de l'auteur m'interpelle même si c'est un sujet mineur.
Autre remarque (toujours mineure...) je m'interroge sur l'orthographe du premier mot de ce passage: "qu’elle pouvait être l’utilité de ce bréviaire…": une apostrophe échappée de son enclos ?

Globalement j'ai aimé le déroulement de ce texte, les subtilités des sens en éveil notamment autour des personnages féminins..., l'acharnement d'Ernest à retrouver sa place dans la vie familiale et sociale.
Avoir situé la première description au "mois de mai 1939" a un petit côté "malheureusement ce n'était pas fini", donnant à l'histoire une dimension universelle hélas réaliste.

Bravo.

   solinga   
30/6/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
Merci pour cette lecture !

Par-delà l'irrémédiable de la perte, un bel hommage aux sens, à ce qui résiste charnellement en chacun de nous, à ce qui se renoue tout doucement de vie après l'expérience atroce des charniers des guerres.

Il donne à penser, ce récit des rapiècements de vies... Rapiècements humbles et partiels, si tragiquement évitables, et l'on ne peut s'empêcher de laisser notre conscience attentive quelques instants, suspendue, en recueillement contre ce qui se déchaîne encore de massacres humains...aujourd'hui là maintenant.
La beauté, la possibilité de la beauté, telle qu'elle se dégage de votre propos, est ce qui porte tant l'indignation que l'espoir, invite à ne pas nous complaire dans notre impuissance. À lever les yeux et se sentir part solidaire.

D'emblée vos lignes m'ont capturée vive dans le paysage décrit, ondoyant d'enluminures vertes et miel (superbe, cette lumière de miel, le goût endossant valeureusement le relais de la vue désertée du divin droit de jouir des dorures). L'histoire de ce soldat est poignante, et en effet, les sensations dépeintes si finement qu'on dirait une moisson de faits vécus à l'état pur.


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