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Humour/Détente
M-arjolaine : Le petit chat
 Publié le 05/11/11  -  14 commentaires  -  4709 caractères  -  258 lectures    Autres textes du même auteur

Dès que j'ouvris les yeux, je fus convaincue qu'il manquait quelque chose dans ma chambre...


Le petit chat


Dès que j'ouvris les yeux, je fus convaincue qu'il manquait quelque chose dans ma chambre. Je ne sus dire ce que c'était ; assurément j'étais toujours sur mon lit, il était donc bien là. Je tâtonnai à mes côtés, me rendis compte que ma table de nuit n'avait pas bougé, ni ma lampe de chevet, ni mon paquet de biscuits (je les recomptai pour être sûre, il en restait deux cent quarante-sept, comme hier soir, on ne m'en avait pas volé, heureusement !), je vérifiai chacun de mes habits, chacun de mes romans... puis, comme je ne trouvais pas, je haussai les épaules et descendis prendre mon petit déjeuner.


- Tu es entrée dans ma chambre cette nuit ? demandai-je à ma mère en me préparant un bol de céréales.

- Non. Non ! Pourquoi tu insistes ? Non !


Elle laissa le lait déborder, cassa une assiette, et quitta la pièce en criant :


- Je n'y suis pas allée ! Je n'y suis pas allée, je n'ai pas pris ton petit chat ! Non, non, ce n'est pas moi !


Je me promis d'arrêter de lui poser des questions trop intimes, cela la perturbait tant qu'elle était alors capable de tout et de n'importe quoi. Elle était si sensible ! Elle avait manqué se suicider trois fois, lorsque je lui avais demandé où elle avait rangé les assiettes, si le père Noël existait, et combien de baguettes de pain je devais aller lui chercher. Heureusement, mon père veillait toujours à ce qu'il n'y ait aucun objet coupant dans la maison, ni aucun fer à repasser. Cela étant dit, lorsque je lui demandai en décembre dernier si je pouvais lui prendre un tube de colle, elle était parvenue à dénicher une règle et une équerre. Je n'oserais décrire les tortures qu'elle s'infligea avec.


Je descendis voir mon papa, qui travaillait au garage.


- Tu t'en sors ?

- Ma princesse ! s'écria-t-il, avant de me prendre dans ses bras et de me faire sauter dans les airs, ma jolie petite douceur, as-tu bien dormi ? Tes rêves étaient-ils merveilleux ? Raconte-les-moi mon petit ange, raconte à ton papa !


J'allais m'exécuter quand je vis - ô ciel ! -, écrasé dans le jardin, mon petit chat blanc incrusté parmi les herbes et les violettes.


- Tu as écrasé mon petit chat ?

- Tu crois que je ne m'en veux pas ? Je me déteste, Seigneur, je me déteste ! hurla mon père en se tapant la tête contre les murs.


Il pleurait à chaudes larmes ; cela ne m'attendrit pas, je lui donnai mille coups de pieds, et arrachai sa moustache. Puis je courus prendre la petite chose, et remontai à l'étage en la berçant doucement.


Les deuils ont cela de terrible qu'on ne peut les faire par soi-même ; toute la famille fut invitée autour d'un repas, et me présenta ses condoléances. Je n'en pouvais plus de sanglots. Ma mère parla pour moi, car je ne parvenais à émettre que de vagues borborygmes pleins de morve et de glaires, et dégoûté, personne n'osait toucher aux plats présentés sur la table.


- On a offert son petit chat à Marjolaine à sa naissance. Quelle histoire d'amour, grands dieux, quelle histoire d'amour ! Sur les photos, on ne la voit jamais sans sa petite bête. Toujours dans ses bras, elle dormait même avec ! Pauvre petit chat ! Il a vécu avec une petite fille qui l'aimait trop, qui l'a estropié à force de le cajoler. Il a fallu lui recoudre la queue, il a perdu un œil, et l'autre est devenu tout jaune. Son pelage est devenu rêche, et sec. Pauvre, pauvre chose ! Marjolaine s'en est désintéressée en grandissant, bien entendu. Mais elle le gardait dans sa chambre, malgré tout. Je l'ai seulement descendu au garage parce que je voulais le passer à la machine... je... Il arrivait qu'elle le prenne et lui dépose un baiser sur le front... elle a continué de l'aimer comme le nourrisson qu'elle était... elle... vous... excusez-moi...


L'émotion la submergea. Mon père, en larmes, l'accompagna dans la cuisine pour être sûr qu'elle ne se charcuterait pas avec la télécommande. Mes frères, leurs femmes et leurs enfants pleuraient eux aussi. Quant à moi mon cri s'était mué en une longue plainte qui ne cessait jamais, et allongée sur les carreaux de la terrasse, je martelais le sol de mes poings en hurlant : « Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? »


Il n'y eut que la nouvelle petite amie de mon plus jeune frère, fraîchement débarquée chez nous, qui avait gardé les yeux secs et chuchota à l'oreille de mon frangin :


- Elle n'en fait pas un peu trop, juste pour son doudou d'enfance ?


Mon frère était un homme de bien ; il ne pouvait aimer une femme sans cœur. Le cou tendu, il lui désigna la porte du doigt et lui demanda de partir, à jamais. J'en fus contente : je la sentais mauvaise. Et pour preuve ; la salope passa dans ma chambre entre temps. Quand j'y revins, il manquait six gâteaux dans mon paquet.


 
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   Anonyme   
23/10/2011
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Ce petit texte est mignon tout plein, vraiment. Pendant les trois quarts du récit, je n’ai pas vu venir le « truc ». Le style est clair, enjoué. L’expression française est sans reproche, sauf...
Pourquoi, dans la bouche d’une petite fille, ce vilain mot qui fait une tâche dans l’histoire :

-« la salope passa dans ma chambre entre temps. »

En écrivant « la voleuse » par exemple, l’auteur aurait été d’abord plus exact (puisqu’il manque des biscuits) et surtout plus dans la note générale du récit.
Un mot peut gâter tout un texte. Dommage.

   brabant   
24/10/2011
 a aimé ce texte 
Bien
Bien aimé ce petit texte léger... jusque dans ses outrances, j'aurais bien mangé aussi quelques-uns des "deux cents quarante-sept gâteaux".

On devine que le chat est un doudou deux paragraphes avant que l'auteure ne le fasse dire à l'occasion d'une pirouette, amusante. Mais était-il nécessaire de le dire explicitement ?

A la fin, je n'ai pas aimé le mot "salope" ; je me serais passé aussi des glaires et autre morve peut-être complaisantes.

En revanche, j'ai bien aimé les dialogues poussés au bout : "... raconte à ton papa/... je me déteste/... Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?"


Ce texte est enlevé et bien écrit ; les personnages, caricaturaux, sont amusants.

   wancyrs   
26/10/2011
 a aimé ce texte 
Un peu
C'est une écriture qui promet, elle s'exprime bien, malgré quelque maladresse : "mon frère était un homme de bien" ? ou bien "mon frère était un homme bien" ?

"Dès que j'ouvris les yeux, je fus convaincue qu'il manquait quelque chose dans ma chambre. Je ne sus dire ce que c'était ; assurément j'étais toujours sur mon lit, il était donc bien là."

Le "il" qui "était bien là" est mis pour qui ? pour la "chose" ? ne serait-ce pas "elle" ?

Même si la narration suit un fil bien établi, l'histoire quant à elle n'est pas aussi claire et je pense que c'est dans ce registre que le re-travail s'impose.

   Charivari   
30/10/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↓
J'ai beaucoup aimé cette ambiance, ce côté cynique-ingénu très Lewiscarollien (j'ai bien l'impression que le terme n'existe pas... Tant pis)
C'est assez enlevé et ça se lit tout seul. Les personnages secondaires sont bien campés, chacun dans sa folie (même si je n'ai pas tout à fait cerné le père)...

Ça c'était pour le bon. Pour le moins bon, l'expression. Il y a des lourdeurs, et certains passages un peu trop plats niveau stylistique, qui gagneraient beaucoup à être racontés de manière plus truculente.

Exemples :
demandai-je à ma mère en me préparant un bol de céréales. (pas très joli ce participe présent, en plus juste après, la mère fait déborder le lait, chose impossible, puisque c'est la petite fille qui se le prépare)
Je me promis d'arrêter de lui poser des questions trop intimes, cela la perturbait tant qu'elle était alors capable de tout... (un peu indigeste, cette phrase)

mon père veillait toujours à ce qu'il n'y ait aucun objet (là il faut un imparfait du subjonctif. )

etc...

   Anonyme   
5/11/2011
 a aimé ce texte 
Bien
Une bonne ambiance, c'est sûr, et je retrouve votre univers déjanté à la cruauté désinvolte... mais (je crois vous avoir déjà fait ce reproche), j'ai un peu une impression de systématique, de ressassement de procédé et surtout de gratuité : au-delà de la saynète, y a-t-il autre chose à part la perte de l'enfance tout ça tout ça ? Si oui, je ne le ressens pas et cela finit par me gêner.

En d'autres termes : chacun de vos textes, isolé, est plaisant. Quand on connaît un peu votre univers, on (je) déplore que vous restiez en quelque sorte à ses marches, que vous ne permettiez pas à votre lecteur de l'explorer davantage.

   macaron   
5/11/2011
Une histoire simple et cruelle d'une fausse naiveté. La perception de l'univers familial à la fois oppressant et solidaire est décrite d'une manière originale. J'ai très vite compris qu'il s'agissait du"doudou" mais ce n'est pas le plus important. Le "gros mot" en fin de texte me semble tout à fait approprié. Marjolaine n'est plus cette petite fille que son entourage tente de conserver.

   Anonyme   
5/11/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'adore cet univers loufoque, absurde, cruel, cynique, hystérique et très bien écrit.
Ce sont les détails qui me mettent en joie : les deux quarante sept gâteaux, le fer à repasser dont on se demande ce qu'il vient faire là, et la télécommande comme instrument de suicide (quoique...) et même la grossièreté de la fin me ravit parce que inattendue.
On ne devine pas du tout de quoi il s'agit sauf quand on en vient à évoquer la machine à laver. C'est très bien fait.
Pour moi, cette histoire, c'est du nectar.

   Anonyme   
9/11/2011
 a aimé ce texte 
Un peu
Toutes les questions et les réactions qu’elles suscitent sont disproportionnées, décalées, hors de propos. Donc la petite histoire du petit chat est grandement loufoque, genre famille Adams mais seulement un bref passage, un petit épisode secondaire.

J’ai du mal à rentrer dans le jeu. J’ai besoin de matière pour me nourrir et les petits gâteaux ne me suffisent pas.

   horizons   
22/11/2011
 a aimé ce texte 
Un peu
Un auteur à la personnalité originale qui mêle ironie et absurde.Pourquoi pas. L'écriture est accessible, l'intrigue bien construite et on alterne bien entre réalité et imagination. Mais je ne suis pas sûre qu'on puisse aller très loin avec ce style sans être caricatural. Ou alors il faut écrire l'Ecume des jours et être Boris Vian !

   Anonyme   
7/12/2011
 a aimé ce texte 
Bien
bon texte, sympa à lire, surtout vers la fin, qui laisse place à 1000 interprétations.

il manque peut être une accroche plus efficace (j'ai failli arrêter de lire après le premier paragraphe) : on doit savoir dès le départ que la nouvelle porte sur la quête du chat. Un style plus direct, une meilleure cohérence des personnages (en particulier la fille : 1er § : elle ne parvient pas à identifier que c'est le doudou qui lui manque, elle pleure le doudou à la fin), et quelques rappels entre les actions (moustache arrachée, lait qui déborde, ...) peuvent améliorer le récit.

   Anonyme   
8/2/2012
 a aimé ce texte 
Pas ↑
C'est le second texte que je commente de M-arjolaine depuis mon arrivée ici. Je me rends compte que cette personne a un univers bien défini, totalement absurde, ou fortement décalé, avec des personnages exagérés.

C'est assez agréable à lire, même si relativement répétitif je trouve. L’exagération est un art où il ne faut jamais trop en faire, mais toujours en faire assez, et ce texte n'évite pas les deux écueils: il y a trop de signes permettant de deviner que c'est le "doudou" de la jeune fille, et plus assez pour rendre la fin cocasse. Il aurait fallu se lancer dans quelque chose de plus effréné, avec collage d'affiches dans le quartier, chez les commerçants, ce qui aurait permis une plus grande exagération et peut être de noyer plus le poisson.

La fin est presque fade en terme de drôlerie, d'exagération, j'aurai bien vu un frère plus "fou", et une belle sœur beaucoup trop "normale".
je crois mais je peux me tromper, que vous avez voulu publier ce texte sans suffisamment le travailler.

C'est dommage, mais j'aime votre style.

   jeanmarcel   
16/2/2012
 a aimé ce texte 
Bien
J’ai vraiment pris du plaisir en lisant cette œuvre bien enlevée et drôle. C’est le deuxième texte de l’auteur que je commente après L’œuf et le scarabée et je commence sans doute à m’habituer à cette univers étrange où une jeune fille bizarre vit avec une mère foldingue, un père hyper émotif et un frère "homme de bien". Un vent de folie traverse cette histoire somme toute banale mais complétement barrée. Quant à la chute je la trouve savoureuse et cruelle, d’une méchanceté réjouissante : la belle-sœur se met au diapason de sa troublante belle-famille et vole des gâteaux. Un petit Monde très attachant qu’il me tarde de retrouver.

   Anonyme   
27/3/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup
L'écriture est légère avec juste ce qu'il faut d'exagération. L'univers est complétement foufou, pour le plus grand plaisir du lecteur.

Ma seule déception est : pourquoi un doudou et pas un vrai chat.

À la phrase : "Il a fallu lui recoudre la queue, il a perdu un œil, et l'autre est devenu tout jaune." Je me suis dit : "d'accord, c'est une peluche... quoique dans cet univers rien n'est moins sûr. J'aurais trouvé hilarant qu'un véritable chat doive se faire recoudre la queue et être passer à la machine à laver. (peut-être même que cela l'aurait amuser la machine à laver !)

Je n'ai pas compris une chose par contre -- peut-être n'y a-t-il rien à comprendre -- pourquoi le père, si aimant, a-t-il détruit le doudou ? Bon, dans un texte pareil, il n'y a pas vraiment besoins de justification, mais je dois admettre que cela m'a chiffonnée.

Pour se venger elle lui arrache la moustache ! Bien fait :P

Bref, j'ai vraiment aimé ce texte, son humour absurde et ses personnages décalés. Bravo !

   Anonyme   
11/8/2012
 a aimé ce texte 
Passionnément ↓
Excellent ! Chute simple et efficace ! Pétri d'un humour retenu mais délicieux vu le contexte ! Juste une petite question, car je reste comme cette adorable enfant légèrement fracassée des étages supérieurs : pourquoi, pourquoi, pourquoi ? Pourquoi (et comment) le géniteur-fou de cette paisible maisonnée a-t-il écrabouillé le petit chaton-doudou ? J'avoue que cette question m'inquiète ? J'ai beau demander à mon infirmier et au directeur de mon hôpital, eux aussi ne comprennent pas... et ça me tracasse, ça me tracasse...


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