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Fantastique/Merveilleux
macalys : De la fuite dans les idées
 Publié le 10/03/09  -  12 commentaires  -  21402 caractères  -  88 lectures    Autres textes du même auteur

La pire prison, c'est la prison de l'esprit.


De la fuite dans les idées


À L’OMBRE, MAIS AU VERT


Nous accueillons nos pensionnaires dans un cadre verdoyant, avec le respect et la confiance qu’ils méritent. Libre d’aller et venir dans notre centre et son parc de vingt-deux hectares, chacun dispose d’une chambre confortable et d’une clé personnelle. Bien souvent, par manque de place, deux hôtes partagent leur espace privé. Au fil des ans, de bien belles amitiés naissent ainsi dans nos murs !


Rudolph balança la brochure en papier glacé à travers le bureau de son avocat en fronçant les sourcils.


- C’est une blague ?


Avec un sourire indulgent, Nilson Fjord ramassa le prospectus qu’il inséra dans le dossier de son client. Il balaya la surface en acajou verni du revers de la main, et expliqua d’un ton patient :


- Non, Rudolph. Grâce aux circonstances atténuantes, votre peine est de deux ans seulement et il s’agit de votre premier délit. Puisque cette prison se trouve dans votre circonscription, on vous offre la possibilité d’y séjourner…

- On « séjourne » pas dans une prison, bordel !

- Avouez qu’il y a pire comme condamnation…

- ‘Fin merde, quoi ! J’ai pas volé des grands-mères pour finir dans une pension d’famille !


Fjord ouvrit la bouche puis la referma aussi sec. Il toisa Rudolph avec commisération. Une telle opportunité ne se présenterait pas deux fois dans la vie de ce raté mais celui-ci ne semblait pas le réaliser. De toute façon, cet homme attirait les ennuis. Rien qu’à l’audience du matin, il avait comparu en jeans troué-baskets, ses cheveux noirs pleins d’épis. Et maintenant, il restait imperméable aux arguments rationnels. Fjord fit donc glisser vers lui sa feuille d’honoraires, puis se leva en tendant la main.


- N’oubliez pas de pointer chez votre contrôleur judiciaire avant de rentrer chez vous. On vous attend à la prison des Roses demain à huit heures. Ne soyez pas en retard !


Rudolph acquiesça et serra la main de Fjord, revigoré. Voilà un langage qui l’atteignait : gros sous, ordres et menaces de sanction.



Le soir même, Rudolph déambula dans les rues, à peine conscient qu’il vivait ses dernières heures de liberté avant longtemps. Il s’arrêta dans un bar : il voulait se souler, et pourquoi pas ? terminer la soirée par une bagarre musclée. Mais le cœur n’y était pas. Il repensait sans cesse aux photographies de la prison des Roses, où s’étalait une débauche de nature et de lumière. Il avait bossé dur pour devenir un voyou, il avait rêvé de unes dans les journaux, de béton et de baston… Maintenant il imaginait ce qu’on pourrait écrire sur lui : « Le détrousseur de grand-mères se découvre une passion pour le jardinage », le tout accompagné d’un portrait de lui devant un massif d’hortensias. Le couteau à cran d’arrêt qu’il s’était acheté pour intimider ses futurs compagnons de cellule lui servirait à bouturer des plantes. Alors qu’il ruminait ces sombres pensées, tournant et retournant son verre de bière à moitié vide devant lui, le patron vint lui signaler que l’heure de la fermeture approchait. Sans même essayer de négocier, il s’extirpa de son siège, lâcha une poignée de pièces sur le zinc et sortit, hébété.


L’air vif de la nuit le ragaillardit. Après tout, cette prison n’était sans doute pas le paradis qu’elle prétendait. Les malfrats qu’on y envoyait en avaient sûrement déjà fait un enfer. Il caressa son couteau dans sa poche et sourit, rassuré. Tel un héros de série américaine, il imaginerait un moyen astucieux d’introduire son arme en douce et contribuerait à transformer cet éden en chaos. Il se coucha le cœur léger, grisé par la perspective de vivre une expérience inédite.


Le lendemain, un taxi le déposa à l’entrée du village des Roses. Il récupéra son imposante valise à roulettes dans le coffre et vérifia l’heure. 10 h 43. Il examina les alentours et jura. Il avait pourtant précisé au chauffeur de le déposer en face de la prison, et il se retrouvait devant une sorte de propriété de luxe, type manoir, entourée d’une clôture en bois design. Il chercha des yeux un plan ou un panneau indicateur, distrait par l’idée qu’il devrait traverser le village et subir la curiosité malsaine des habitants. Il tâta le renflement dans la poche arrière de son jeans usé. Peut-être se servirait-il de son arme plus tôt que prévu… Il aperçut enfin une pancarte non loin de lui. Un nom y était inscrit en boucles appliquées : « Prison des Roses ».


- Putain de chier ! C’est quand même pas cette baraque, la taule ? Où sont les miradors ? Et les barbelés ?


Il s’engagea dans l’allée, hésitant, guettant du coin de l’œil le passage probable d’un agent de sécurité. Mais il traversa le parc sans encombre et pénétra dans la bâtisse. Un homme en uniforme derrière un comptoir en verre le salua et lui fit signe d’approcher. Circonspect, Rudolph obtempéra.


- Salut ! Moi c’est Dick ! T’es nouveau ?


Un exemplaire de Gala traînait près du clavier de l’ordinateur. Il servait de support à un sandwich jambon-beurre. Quant à Dick, il affichait un regard amical sous sa tignasse blanche. Malgré ces signes évidents de normalité, Rudolph se méfiait toujours. Il répondit, un sourire affecté plaqué sur les lèvres :


- Salut Dick… Rudolph Parson. Je dois être admis ici aujourd’hui.


Dick se pencha sur l’écran, les yeux plissés, dédaignant la paire de lunettes qu’un cordon retenait autour de son cou.


- Ah ouais, j’vois que tout est déjà arrangé : t’as la chambre 214. Tu s’ras avec Benson, un brave gars, tu verras. J’ai créché un temps avec lui.

- Créché ? Mais… t’es pas flic ?


Dick éclata d’un gros rire qui secoua sa bedaine.


- T’as cru que…? Oh je vois, c’est l’uniforme ! Nan, en fait je remplace Stevenson aujourd’hui, il doit emmener sa fille chez l’toubib.


Une lueur rusée dans ses yeux gris, Rudolph se pencha vers Dick.


- Tu diras rien sur mon retard, alors ?


Dick haussa les épaules, rassurant.


- Stevenson s’en fout, tu sais. L’important c’est qu’tu sois là, nan ?

- Mais hier j’ai pas pointé chez mon contrôleur judiciaire…


Dick se redressa avec fougue et pointa son index sur Rudolph, qui sursauta.


- Tiens, ça me fait penser que tu dois passer au contrôle pour qu’ils t’posent un bracelet électronique et qu’ils complètent ton dossier. Benson t’y conduira, il s’est arrangé pour prendre sa journée. Il t’attend dans vot’chambre.


Et tandis que Rudolph le dévisageait, interdit, Dick s’affairait en chantonnant, validant l’arrivée du prisonnier sur son poste, préparant une clé pour la cellule.



***


- Arrête de déconner, mec ! Je t’ai demandé d’où tu venais, je t’ai pas demandé de m’débiter n’importe quoi !


Rudolph soupire et se laisse tomber en arrière sur sa couchette, les mains sur le visage.


- J’aimerais bien inventer tout ça, figure-toi ! Mais c’est vrai, j’faisais partie d’une espèce de programme de réhabilitation. Comme j’avais attaqué des gens au couteau, on m’forçait à assister à des groupes de parole trois fois par semaine, et j’avais pas droit aux visites, sauf de ma famille… Tu parles, ils voulaient plus m’voir !

- En tout cas, c’est pas moi qu’aurais pris ma journée pour t’faire un topo sur la maison !


Leurs regards se croisent et ils éclatent de rire. Une semaine plus tôt, le jour où Rudolph a débarqué ici, dans le blockhaus de la Prison des Épines, Johann l’a accueilli avec un crochet du droit. Son œil en est encore violet. Mais Rudolph ne lui en tient pas rigueur. Rien de tel qu’une empoignade virile pour qu’une franche complicité s’installe entre deux hommes. Et cette solidarité s’avère vitale ici, dans leur cellule crasseuse, mais aussi dans les couloirs du centre carcéral, où leurs compagnons de galère cherchent à évacuer leur agressivité. Rudolph se redresse, faisant grincer les ressorts du lit.


- Bon, tu préfères qu’on joue aux cartes, alors ?

- J’sais pas trop, tes histoires ça m’fout la chair de poule…

- Non, petit, raconte ! Et j’t’aurai un paquet d’clopes !


La requête provient de la cellule d’en face. Il s’agit de Wilbert Lanson, un long escogriffe à la voix nasillarde. Une figure parmi les détenus, qu’il vaut mieux se concilier. Mais pour une poignée de cigarettes, Rudolph accepterait presque tout, y compris de jouer les Shéhérazade…


***



Benson était en effet un brave gars, Rudolph s’en rendit compte rapidement. Il avait nettoyé et rangé la chambre, et déblayé un coin de bureau où Rudolph posa son couteau, avec un regard appuyé sur son compagnon de chambrée. Contre toute attente, celui-ci lui tendit la main avec bonne humeur :


- Bienvenu, Rudolph ! Je suis Roger Benson, mais tu peux m’appeler Ben. Je vois que tu as apporté tes outils, tu aimes la cuisine ? Je pourrais te présenter au chef, il a tout le temps besoin de bras.


Rudolph recula comme sous l’effet d’une gifle. Ainsi, on ne le prenait pas au sérieux ? Il renifla, méprisant.


- T’es naïf ou quoi ? Tiens-toi à carreau, abruti, et t’auras pas d’ennuis…

- Rudolph… Je peux t’appeler Rudy ? Ici, on évite les rapports de force, ça permet de maintenir une bonne ambiance. Alors soyons amis !


Avec insistance, il éleva sa main tendue de quelques centimètres. Rudolph l’ignora et lui tourna le dos. Benson ne s’avoua pas vaincu pour si peu. Par divers stratagèmes, il tenta d’attirer son attention. Soupir. Toussotement. Légère pression sur son épaule. Rudolph se raidit, furieux, pivota, et repoussa le bras de Benson avec violence.


- Tu vas m’lâcher, oui ? Tapette !


Le monde autour de lui se teinta de rouge. Il saisit son couteau et le pointa vers le sourire de son adversaire. Celui-ci attrapa l’arme, puis d’une balayette, sans aucune difficulté, envoya le corps maigre de Rudolph mordre la poussière. Il plaça ensuite un pied victorieux sur sa poitrine. Il en avait dressé des plus coriaces. La direction lui faisait confiance pour s’occuper des prisonniers au potentiel agressif, et il s’acquittait de sa mission avec succès. Tous ses protégés étaient vite rentrés dans le rang.


- Je te déconseille de recommencer, j’ai suivi un entraînement très poussé de jiu-jitsu. Les petites terreurs de ton acabit ne m’effraient pas. Ici, ce n’est pas la loi du plus fort qui l’emporte.


Rudolph ricana bêtement, étourdi par sa chute. Il verrait bien, le chauve, qui allait l’emporter ! En tout cas, ce gros costaud ne l’emporterait pas au paradis ! Lorsque Benson relâcha la pression sur sa cage thoracique, Rudolph se releva et reprit son souffle.


- Déballe tes affaires. Après, on ira visiter l’établissement.


Rudolph s’exécuta : lui laissait-on le choix ? Il n’avait pas prévu qu’on le coffrerait avec un champion de karaté ! Docile, il suivit Benson dans les couloirs. Une odeur de chlore et de pin révélait qu’ils avaient subi un nettoyage récent. Les larges fenêtres illuminaient les murs beiges à intervalles réguliers. Des chambres claires, des rires, une cantine accueillante, une bibliothèque bien fournie, des conversations enjouées, un air de bonheur. Et surtout, le jardin, un jardin immense, piqué d’une multitude de parterres de fleurs colorés sur lesquels des arbres centenaires étendaient leurs ombres avec majesté. En cette belle journée de printemps, les détenus s’y égaillaient, paressant sur l’herbe fraîche, courant dans les allées ou discutant sur les bancs de pierre. Rudolph sentait déjà la nausée le gagner.


Ils se rendirent ensuite au Contrôle, une suite de bureaux dans lesquels chaque pensionnaire devait pointer au début de son séjour. On dressa d’abord l’inventaire des biens de Rudolph. Cela prit du temps car il n’avait pas jugé nécessaire de lister ses effets avant de les empaqueter, et il gardait une idée très approximative du contenu de ses bagages. Il essaya de dissimuler l’existence de son couteau mais Benson le dénonça. Ce cafteur paierait en temps et en heure : son honnêteté commençait à lui taper sur les nerfs. Rudolph soupçonnait qu’avant longtemps, sa peine risquait d’être allongée pour meurtre.


On le conduisit auprès d’un médecin qui effectua un check-up médical complet. Son excellente santé lui valut d’être déclaré apte à exercer n’importe quel travail dans l’enceinte de la prison. Un technicien lui posa un bracelet électronique en métal à la cheville, lui enjoignit de se rhabiller et lui indiqua la prochaine étape : le cabinet du psychiatre, où Rudolph s’assit devant une gentille dame entre deux âges. Se tortillant sur son fauteuil, il répondit du mieux possible aux questions posées d’une voix douce. La praticienne feuilletait son dossier, notant des remarques, vérifiant ses assertions. Elle évoqua finalement son couteau.


- Rudolph, pourquoi avez-vous apporté cette arme ?

- Je… Je sais pas m’dame. Je croyais qu’il faudrait se battre…

- Pourquoi cette obsession pour la violence Rudolph ? Pourquoi ne pas essayer de faire confiance aux personnes qui vous entourent ? Pourquoi les choses se passeraient toujours mal ?

- Je… Je sais pas m’dame.

- Bon. Vous avez besoin d’une occupation apaisante. Je vais vous recommander au service d’entretien du parc. Vous garderez votre couteau. Vous apprendrez ainsi à résister à l’envie de vous en servir. Pour vous aider à lutter contre vos pulsions, vous assisterez à des séances de thérapie collective…



***


- Quoi ? Ils t’ont laissé ton tranchoir ? Ils sont débiles !


Cette exclamation, Rudolph l’a déjà entendue des tas de fois. Un prisonnier tout frais, sans doute. La plupart des détenus autour de sa cellule connaissent son récit par cœur. Depuis un mois, il s’est répandu dans les murs gris de l’établissement. Certains ont même soudoyé des gardiens pour être transférés près de son réduit. Tout ce cirque autour de sa mésaventure ! Bien qu’il ait essayé de garder derrière lui cette période noire de sa vie, elle est revenue le hanter, ici, dans ce lieu où il se sent enfin lui-même. Il aimerait pourtant la piétiner, l’enterrer, l’envoyer rejoindre le coin obscur de sa mémoire où il a occulté les épisodes tragiques du passé. Oui mais voilà, Rudolph est devenu une vedette : il croule sous les cigarettes, on lui cède le passage, on lui cause avec respect. Autoproclamé agent artistique, Johann contribue à son succès et en retire un profit non négligeable. Grâce à ses relations et à sa gouaille, il monte les enchères des cadeaux et entretient la légende. Et puis, le climat plus calme convient à la perfection aux gardiens qui le traitent avec égard et l’encouragent à demi-mot à poursuivre ses récits.


Et donc, patient, inlassable, Rudolph raconte son histoire tous les soirs, rajoutant quelques anecdotes de son crû, enjolivant la réalité, endossant le beau rôle. Et des dizaines d’hommes l’écoutent et l’écouteront assis en tailleur, en pyjama, les yeux brillants. Et ils en réclament encore ! À croire qu’on ne leur a jamais lu de conte… La nuit, ils s’agitent moins dans leur sommeil, leurs rêves se peuplent d’espoir…


- Allez Rudolph, passe au moment où t’as capté qu’tu pouvais plus supporter ce merdier…


***



Une douce torpeur. Rudolph avait l’impression de flotter hors de son corps. Il effectuait les gestes du quotidien de manière mécanique. Au début, il avait bien essayé de se révolter, de déclencher des disputes, de distribuer des coups. Mais même la bataille de nourriture qu’il avait lancée avait échoué. Et puis, il détestait rendre des comptes à la psy. Quand son comportement la décevait, elle le fixait d’interminables secondes avec ses yeux marron triste. Devant son air désolé, il se sentait affreusement coupable. Pour ne pas avoir à subir cet affrontement silencieux, il endurait donc les démonstrations d’amitié et s’efforçait d’accomplir les tâches qui lui incombaient.

Par contre, il ne s’habituait pas à ce que Benson l’appelle Rudy. Jour après jour, ce surnom était sa pire punition, une humiliation insoutenable. Il avait appris que son camarade de chambre avait été condamné pour détournement de fonds alors qu’il travaillait comme comptable. Quel délit minable ! D’ailleurs, la plupart des pensionnaires de la prison des Roses avaient commis des forfaits au moins aussi ridicules… Tous des minables ! Question d’honneur, il ne s’estimait pas à sa place parmi eux.


On l’avait affecté aux jardins. En général, son job consistait à ramasser les feuilles mortes et les détritus, parfois il aidait aux plantations. Rien de désagréable là-dedans, surtout au printemps. Il passait son temps à l’air libre et les chants des oiseaux ne lui tapaient pas trop sur les nerfs. Seul point négatif, il disposait de beaucoup de temps pour réfléchir. Debout, le menton sur son râteau, il rêvassait des heures durant. Il ressassait ses malheurs sans regretter ses erreurs, rejetait la faute sur ses parents ou sur la société. La vie ne l’avait pas choyé, il s’était endurci dans la rue et ici, dans cet environnement tiède où l’on pardonnait tout, il craignait de perdre sa personnalité chèrement acquise. Cette peur le prenait à la gorge, surtout les jours de grand soleil.


Un évènement le tira pourtant de son apathie. Un après-midi, alors qu’il taillait des rosiers, triant les fleurs abîmées, il rencontra le directeur de la prison. Fringant fonctionnaire aux idées de gauche, il était tout ce que Rudolph n’aurait jamais pu devenir et qu’il détestait. Le responsable s’arrêta pour le saluer.


- Rudolph, c’est bien ça ? Je n’ai pas eu l’occasion de vous en parler, mais je suis très satisfait de votre attitude ici. Je n’ai eu que des bons échos à votre sujet. Hier, votre chef me disait que vous ratissez les allées de gravier à la perfection… Vous êtes des nôtres, maintenant ! Bravo !


Un compliment que Rudolph reçut comme une douche glacée. Un des leurs ? Un de ces tarés ? Vite, se casser de là ! Sous l’effet de la routine, son cerveau risquait la lobotomie. Vite, un plan ! Il réfléchit. Pas besoin de plan… Au pays des Bisounours, on circulait sans entrave. Il s’enferma dans les toilettes avec son couteau et attaqua le boîtier en plastique de son bracelet, là où reposait l’appareil qui permettait de pister ses mouvements. Après l’avoir légèrement entamé, la lame se rompit sur la solidité du matériau. Il estima cependant que le mécanisme était assez endommagé et retourna dans le parc. Il se coula d’arbre en arbre jusqu’à la sortie, vérifia que personne ne l’apercevait dans les parages du portail puis enfin, courut, courut, courut loin. Un bois épais lui procura un abri pour la nuit.


La police le dénicha sur la branche basse d’un chêne, ronflant, bavant contre le tronc qu’il enlaçait de ses bras. Son dispositif de sécurité n’ayant pas été abîmé, son évasion avait déclenché l’alerte. Lorsqu’il s’éveilla et vit qu’il avait échoué, il pleura, se traîna à genoux et supplia qu’on l’éloigne à jamais de la prison des Roses. Or, éclaboussée par le scandale, celle-ci ne souhaitait pas non plus le revoir. La rupture était consommée.



***


Bruit de clés, un gardien entre, un dossier sous le bras. Il se tourne vers Johann :


- Prépare tes affaires, ton transfert a été accepté, tu pars tout de suite.

Puis à Rudolph : Toi, t’étale pas trop, Wilbert emménage ici demain.


Johann affiche un sourire de triomphe et rassemble à la hâte ses maigres effets : son gel douche vanille au-dessus du lavabo ébréché, quelques livres sur la table bancale. Rudolph le regarde sans comprendre. Refusant de comprendre.


- T’as d’mandé un transfert ? Mais où ça ?

- M’en veux pas, mon pote ! C’est tes histoires, ça m’a donné envie… Alors je m’suis dit : Pourquoi pas moi ? Et j’ai postulé pour la prison des Roses. Moi, j’aime la nature, tu vois.


Impossible ! Son copain l’abandonne pour l’endroit qu’il déteste le plus au monde ! Tout ça par la faute d’une légende qu’il a lui-même forgée ! Suffocant, il s’assoit. La Prison des Roses lui aura tout volé : sa liberté, sa dignité, son ami. Il assiste impuissant aux derniers préparatifs de Johann, et ne trouve rien à dire quand ils se serrent la main. Il a envie de le frapper. Qu’il parte, ce sale traître ! Là-bas ! Et pourvu qu’il se retrouve avec Benson ! Et qu’on l’appelle « Jojo » !


Johann s’éloigne en sautillant dans le couloir. Il ne se retourne pas. Fracas métallique. La porte se referme sur la solitude de Rudolph.



- Dis, mec, j’sais bien que c’est pas la nuit, mais tu veux bien nous raconter ton histoire ?




 
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   Anonyme   
10/3/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Macalys,

"Le couteau à cran d’arrêt qu’il s’était acheté pour intimider ses futurs compagnons de cellule lui servirait à bouturer des plantes."
A mon avis, il manque un point d'exclamation au bout de la phrase, ou alors, "servirait" en participe présent. (ceci dit à cause du contexte de la phrase.)
"pas le paradis qu’elle prétendait." qu'elle prétendait être ?
"Il caressa son couteau dans sa poche" Il caressa le couteau dans sa poche ?
"Rudolph se releva et reprit son souffle." Rudolph reprit son souffle et se releva ?

Belle histoire. Très bisounours, pas très crédible mais un très joli conte duquel je suis sortie en souriant.
J'aime bcp tout ce qui n'est pas dit dans cette histoire et la morale que j'en retire me fait rire bien après avoir terminé la lecture de ton texte.
Chapeau pour l'entrée en matière et tout le passage concernant l'avocat.
Merci pour cet agréable moment de lecture

   xuanvincent   
10/3/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Voilà une bien étrange prison... ! Au départ, j'ai pensé que l'histoire se situait dans le futur avant de me dire qu'il s'agissait plutôt d'une sorte de bagne des temps modernes.

Le récit ne manque pas d'un certain humour, j'ai assez apprécié. L'histoire par ailleurs m'a paru assez bien écrite.

Le changement de typographie m'a d'abord déconcertée (je me suis demandé s'il n'y avait pas eu une erreur). Puis je me suis dit que la police grasse et de grande taille heurtait le regard, l'agressait presque, tandis que la petite police était plus douce pour le regard du lecteur. Dans la mesure où cette typographie m'a paru bien aller avec le changement de contenu (violence d'un part, retour à un certain calme de l'autre), ce choix typographique me paraît acceptable, assez intéressant.

Toutefois, j'ai eu un peu de mal à suivre par moments l'histoire. En particulier à la fin, où je me suis complètement perdue : Rudolph cherche à s'évader et ce serait Johan qui obtiendrait un transfert vers une autre prison ? ; D'autre part, j'ai l'impression que Johann partira à la fin du récit vers la "prison des roses" alors qu'il me semblait bien que les protagonistes s'y trouvaient déjà...

PS : Le titre, assez bien trouvé, a retenu mon attention.

   Nongag   
10/3/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Mauvaise catégorie! Il n'y a rien de fantastique ou de merveilleux la-dedans! C'est de l'humour. À moins de considérer cette nouvelle comme un conte.

Et c’est assez rigolo! Quelle bonne idée cette prison!!! Qui se présente avec une brochure comme un centre de vacances. J’aime beaucoup…!

L’écriture est efficace, simple, les dialogues sont bien également.

Quelques invraisemblances (même pour cette histoire fantaisiste) viennent amoindrir le plaisir que j’ai ressentit à la lecture.
- Les prisonniers qui soudoient les gardiens pour être près de sa cellule, c’est un peu trop pour moi, (à un moment donné, les cellules déborderaient) même si tous ces détails nous mènent au « punch » savoureux de la finale.
- Tu parles d’un scandale : tu n’expliques pas de quoi exactement il s’agit. Tu laisses entrevoir la possibilité que Rudolph soit le seul qui aie tenté de s’échapper… Plus ou moins vraisemblable… Mais il est vrai que ça va dans la logique du « conte ». Je suis peut-être un peu pointilleux sur ce détail là…
- La raison pour laquelle j’hésite à parler d’un conte (même si à quelque part, avec sa petite morale amusante, s’en est un…! Pas très logique le critique – hein!) c’est que tu fais mention de détails très réalistes comme le fait que le directeur soit un gauchiste (certainement un idéaliste!!). En fait, ta prison ne m’a pas semblé si improbable que ça. Étonnante oui! Mais si tu l’avais situé dans les années 70 dans le mouvement « peace and love”… (Aujourd’hui c’est plutôt la droite qui l’emporterait). De plus, je ne sais pas si tu connais l’école Sommerhill qui existe depuis 1927. C’est une école dans laquelle la liberté est totale, dans laquelle toutes les décisions sont prises de façon démocratique par les enfants et les adultes. Il y a un livre intéressant la-dessus qui a justement parut en 1971. Bon, tu me diras qu’une école n’est pas une prison mais je n’ai pu m’empêcher de faire le lien.

Le changement typographique est totalement inutile.

Mais globalement, je me suis bien amusé!

   Menvussa   
29/6/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Lorsque ces dames font dans l'humour... ça décoiffe et le pauvre type se retrouve avec plein d'épis, et pis, c'est original et vraiment drôle.

Rien que le titre, et cette courte intro. avec bientôt le vers dans le fruit.

Essayons tout de même d'être un peu désobligeant, histoire de défendre ce mal personnifié en un mâle un rien barge.

"il avait rêvé de unes dans les journaux, " Ce "unes" me dérange, on dit bien faire la Une des journaux alors pourquoi ce pluriel ? Et tout ça pour une espèce de Hun mal dégrossi !!!

"L’air vif de la nuit le ragaillardit. Après tout, cette prison n’était sans doute pas le paradis qu’elle prétendait."
Je la trouve un peu bancale cette phrase, j'ai l'impression qu'il manque un être ou prétendu tel. Ou alors, il faudrait écrire : "le paradis, que l'on prétendait"

"On le conduisit auprès d’un médecin qui effectua un check-up médical complet." Cette redondance m'afflige.

"Hier, votre chef me disait que vous ratissez" que vous ratissiez... non ? Me trompe-je ?

Un très bon moment de lecture.

   marimay   
11/3/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour macalys,
Le fantastique de votre histoire est dans le mélange astucieux des lieux et des temps : Rudolph raconte son séjour à la prison des Roses, il parle de son ami, du jardin, de son évasion... Je n'ai compris qu'à la fin que son récit était précisément celui qu'il racontait dans sa cellule de la prison des Épines, celui qu'il enjolivait en prenant pour personnages ses nouveaux compagnons.
La chute est une surprise totale. J'aurais pu être guidée par les différentes tailles d'écriture mais prise par le récit, je n'y ai pas pensé.
Bravo !

   Anonyme   
11/3/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Alors là j'ai beaucoup aimé cette histoire qui se raconte en un autre lieu... opposé en somme. La violence intérieure de Rudolph est extrêmement bien rendue ainsi que les différences de climat entre les deux prisons. à la limite le changement de police n'était pas nécessaire, au vu du changement de tonalité. Du très beau travail... très souriant, mais ce genre de sourire doux amer que j'apprécie beaucoup...

Un agréable moment...
Pour la police j'aurais préféré quelque chose de moins "gras" pour la seconde prison... même si elle est nettement plus sombre que la première.

Bravo un beau plaisir de lire (^I^)

   jensairien   
12/3/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
pas très convaincu par cette nouvelle que je trouve naïve d'un bout à l'autre.
Le début est bien dans le bureau de l'avocat
L'idée de la fin pas mal aussi.
Mais tout le traitement du récit manque de réalisme, de punch.
Il y a de l'idée mais tu décris plus un contexte que tu n'entres concrètement dans l'histoire.

un truc, quand il se retrouve à nouveau dans une prison conventionnelle, tu parles de détenus en pyjamas. Ca fait un peu bizarre de la part d'endurcis. Je vois mal des taulards enfiler tous les soirs leurs pyjamas.

   macalys   
14/3/2009

   Anonyme   
19/3/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Rien à dire, ce texte me plait! L'histoire d'un méchant raté qui partout où il va, n'arrive qu'à attirer la sympathie, et n'a de cesse de s'indigner"son couteau à cran d'arrêt [...]lui servirait à bouturer des plantes".Ce passage m'a fait beaucoup rire.Je trouve le titre très accrocheur aussi, il colle parfaitement au contenu du texte, l'imitation d'un zozotement doublée d'un jeu de mot :)

   Flupke   
24/3/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Macalys,

Titre bien trouvé : la plupart des prisonniers n'ont que fe foufi en tête ! :-)

Pas lu on line mais PDFisé et extrait en .txt donc pas fais gaffe aux caractères. Ce qui modère ce qui suit dans ma perception:
Première lecture, un peu perdu pour changement d'endroit et chronologie. Même si cela s'est clarifié à la deuxième lecture.

J'aime bien l'idée directrice, novatrice. Si toujours la violence répond à la violence, comment finira la violence ? Le thème de cette prison modèle est très intéressant. D'excellentes idées. Bravo !

du chipotage:
Bien souvent, par manque de place, deux hôtes partagent leur espace privé. => Tu voulais dire "Bien souvent, par manque de place, deux hôtes partagent le même espace privé. " ?
Pas confondre Jiu-Jitsu et karaté, un peu comme lutte greco-romaine et boxe française (comparaison grossière).

   Ariumette   
4/4/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
D'abord, j'ai vraiment bien aimé le titre. C'est toujours important d'avoir un titre qui donne envie. Par contre le résumé ne colle pas vraiment avec le texte... Voilà pour la présentation.

Le texte. L'idée, je la trouve excellente et la façon dont tu mixe les 2 univers me plait. Mais j'ai trouvé ton développement beaucoup trop court ! Tu vas trop a l'essentiel... en fait j'ai eu l'impression de ne pas avoir l'espace nécessaire pour entrer véritablement dans le texte. J'ai lu, j'ai aimé, mais je ne me suis pas attachée, je suis restée en dehors de l'histoire, simple spectatrice. Mon conseil donc ici (en restant humble hein, j'suis pas Barjavel) prends ton temps, installe plus ton histoire...

Sinon... heu... "Wilbert Lanson"... un hommage déguisé à Lambert Wilson ? ;-)

   Bidis   
15/2/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Ni conte, ni nouvelle fantastique, pour moi j’avais pris ce texte pour une fable. Parce qu’il illustre à mon avis et de façon très réjouissante, la nature profonde de l’homme. A la limite, le fait qu’une telle prison existe dans la réalité me déçoit (je veux dire dans mon appréciation du texte. En fait, je croyais qu’elle était sortie tout droit de l’imagination de l’auteur. C’est par le forum ouvert par l’auteur que j’ai été détrompée à cet égard).

Pour des assassins occasionnels, ou des escrocs en gants blancs, cette prison modèle n’aurait rien de spécial. Pour notre héros voyou, c’est tout bonnement un lieu invivable… et je comprends cela tellement bien ! Comme m’enchante sa profonde consternation quand cela devient le rêve de ses compagnons d’infortune..

Quand je lis ainsi d’une traite, emportée par la jubilation, je ne fais pas attention aux petites maladresses d’écriture, s’il y en a. Pour moi, cette écriture était bien agréable et vivante et contribuait simplement à mon plaisir.

Comme Flupke, j’ai lu en Pdf. J’ai eu un tout petit moment de flottement avec le changement de lieu et de temps, mais j’ai très vite compris de quoi il retournait.

Bref, cette lecture m’a enchantée.


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