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Réalisme/Historique
macaron : Dépression saisonnière
 Publié le 11/02/12  -  9 commentaires  -  8508 caractères  -  97 lectures    Autres textes du même auteur

Une fantaisie policière...


Dépression saisonnière


Je sortis de chez moi, descendis les escaliers, croisai mon voisin de palier M. Lauvergnat.


– Quelle saison ! m’exclamai-je. De la pluie, de la pluie, de la pluie !

– Et les gens ? me répliqua-t-il.

– Les gens !

– Maussades, grognons, pas buvables pour un rond ! Et les jeunes ?

– Les jeunes !

– Ils ont maintenant les cheveux gris et ça n’a pas trente ans. Je viens d’en apercevoir un beau spécimen juste avant d’entrer, figurez-vous que…

– Bonne journée M. Lauvergnat !


J’ouvris mon cahier à destins. J’avais quelques dossiers à consulter, correctement rangés sur la droite de mon bureau mais en aucun cas je ne ferai le premier pas. Tant qu’ils n’avaient pas exprimé la raison urgente de leur présence, ils restaient clos. Je commençais une nouvelle vie à raconter quand M. Hazar entra sans frapper.


– Vous allez venir avec moi Scribouille… une petite affaire, au lieu de griffonner vos histoires à dormir debout.

– Bien commandant. Et où allons-nous ?

– Le supermarché Zontou ! Vous savez où il se trouve ?


Le temps d’aller à pied jusqu’à la voiture, Hazar me fit le topo de l’affaire qui nous préoccupait. Préoccuper est sans doute exagéré, il dormait profondément quand je me garai sur le parking de la zone commerciale à cette heure monotone de la journée.


– Nous sommes arrivés commandant.

– Bon ! Essayons de trouver ce jeune chef de rayon.


Il n’était pas question de vols – client ou personnel – ni de bagarres avec vigiles impétueux, encore moins de la présence d’individus louches. L’affaire, qui nous concernait, reposait sur l’observation d’une étrange découverte. Depuis quelques jours, l’employé qui garnissait le rayon « conserve » retrouvait au fond de l’étagère la plus haute une boîte de sardines « Le vieux pêcheur ».


– Vous connaissez cette marque Scribouille ?

– Absolument pas.

– Vous êtes trop jeune. J’en mangeais enfant. Cela fait au moins quarante ans qu’elle n’existe plus.


Le chef de rayon arriva ; il n’avait pas trente ans et les cheveux déjà gris.


– Je n’y comprends rien. Je suis revenu hier avant la fermeture du magasin, elle n’y était pas et puis ce matin…

– Quand exactement avez-vous constaté l’arrivée de l’intruse ? demanda le commandant Hazar.

– Lundi matin. Je n’ai pas expliqué sa présence et je l’ai jetée à la poubelle.


Je sortis de la poche intérieure de ma veste mon « Moleskine ». Hazar me lança un regard réprobateur.


– C’est pour prendre quelques notes, me justifiai-je.


Tandis que le commandant réfléchissait, je posai ma petite question tout en l’écrivant sur mon carnet.


– Qu’avez-vous fait des autres boîtes de sardines ?

– Je les ai mises de côté. Je me doutais que la police me les demanderait.

– Bien ! se contenta mon supérieur. Lieutenant, vous récupérez les pièces à conviction et vous les déposez au labo le plus vite possible. Je veux être certain qu’il n’y a pas de danger avec ces vieilles boîtes : toxicité, radiation, pièges en tous genres.


Je regardai benoîtement le commandant Hazar.


– Eh oui ! Vous ne pensez quand même pas que celui qui s’amuse à ce petit jeu soit nourri de bonnes intentions !


Sur le chemin du retour à l’hôtel de police, j’aurais bien présenté au commandant quelques pistes pour notre enquête mais il dormait à poings fermés. Le ronflement d’un moteur l’emportait dans les limbes comme un nouveau-né.


J’étais dans son bureau et son regard à la fois empathique et méprisant ne m’apprenait pas grand-chose sur ses motivations du moment.


– Alors Scribouille, qu’allons-nous faire à présent ? Vous qui cogitez toute la sainte journée sur des sagas interminables, vous avez sans doute saisi immédiatement ce qu’il nous faut entreprendre.

– À vrai dire commandant, j’hésitais entre trois actions possibles.

– Nom d’un flic inverti ! Qu’allez-vous chercher des complications là où il n’y en a pas ! Quelqu'un s’introduit toutes les nuits depuis dimanche et dépose une boîte de sardines « Le vieux pêcheur ». Ce soir, vous et quelques hommes garderez le supermarché et me ramènerez cet olibrius pour un interrogatoire demain matin.


Il était aux environs de onze heures du soir, je patientais avec Julien Stair dans la pénombre au rayon « conserve ». Je sortis mon « Moleskine » et décrivis l’impression étrange d’être en ce lieu, à cette heure, pour cette raison.


– Vous n’êtes jamais seul lieutenant avec votre écriture.

– C’est exact Julien ! Cela ne vous dérange pas ?

– Je préférerais discuter un peu… si nous passons toute la nuit ici !


Je rangeai à contrecœur mon carnet quand des bruits de pas se firent de plus en plus perceptibles. Un homme aux cheveux rares, la tête baissée, dans une insouciance totale, arriva à l’emplacement de la sardine en boîte. Tandis qu’il se levait sur la pointe des pieds pour atteindre l’étagère la plus haute, nous l’embarquâmes jusqu’à l’hôtel de police, poussés par un vent arrière que n’auraient pas renié les sardiniers du « Vieux pêcheur ».


Le commandant Hazar présentait une mine sérieuse, résolue, avec un soupçon de désinvolture affichée. J’ai toujours pensé qu’il ferait un excellent comédien. En face de lui, notre visiteur de la nuit déclina son identité :


– Titouan Landernec, cinquante-cinq ans, directeur du supermarché Zontou de Vandernau.

– M. Landernec, commença Hazar, que se passe-t-il ? Permettez-moi d’être surpris par votre présence.


La tête baissée, les yeux hagards, le directeur du supermarché tarda à ouvrir la bouche.


– Je sais, cela semble extravagant pourtant…

– Extravagant ! Extravagant ! Vous avez commis une infraction grave. Pourtant… disiez-vous ?

– Mes intentions ne sont pas coupables commissaire…

– Commissaire non ! Cela fait un siècle que nous sommes commandant.

– Commandant alors, excusez-moi. J’ai un sommeil perturbé ces temps-ci et j’ai perdu le goût piquant de l’ambition et du challenge dans le travail. Tout me semble aller trop vite et d’une futilité… Il y a trop d’avenir voyez-vous et dans la grande distribution nous sommes déjà naturellement en avance : Noël en septembre, la rentrée des classes en juin, Pâques en janvier. Le présent ne compte pas, c’est un instantané comme un mauvais café. J’ai pensé par ce geste dérisoire introduire un peu de passé, un peu de lenteur. C’est une protestation, rien de plus.


Hazar sourit ironiquement, s’approcha un peu de son interlocuteur et dans un grand geste théâtral exigea :


– Et ces boîtes de sardines « Le vieux pêcheur », d’où les sortez-vous ?

– Mon père était représentant de commerce chez eux. Quand ils ont mis la clef sous la porte, il est revenu avec un stock de boîtes de sardines. Nous en avons mangé jusqu’au dégoût et puis elles sont restées dans un coin du cellier toutes ces années. Il m’en reste encore une petite centaine.


Je me tournai vers mon supérieur, l’œil vif, prêt pour l’action.


– Pas d’affolement lieutenant, nous allons les récupérer et les détruire. Elles sont inoffensives. À l’intérieur, ce n’est plus qu’une pâte jaunâtre sans odeur. Eh oui M. Landernec ! Pas le moindre effluve nauséeux. Ce qui est rare avec le passé. Lieutenant si vous étiez à ma place, que feriez-vous à présent ?

– Commandant, j’appliquerai la procédure donc je…

– La procédure ! Pour un écrivaillon je vous trouve bien conformiste. Vous êtes libre M. Landernec. Un de nos agents passera prendre le reste de votre stock de conserves. Allez voir un médecin, vous souffrez d’une petite dépression saisonnière. Quelle saison ? Je ne pourrais pas le dire. Mangez du chocolat, faites du sport, l’amour, du bricolage. Enfin, évitez l’alcool et les stupéfiants… si vous le pouvez !


Je rentrai chez moi et ne manquai pas M. Lauvergnat qui m’attendait sur le palier.


– J’ai vu votre jeune homme aux cheveux gris, lui annonçai-je.

– Vraiment !

– Il travaille en saisons décalées pour les supermarchés Zontou.

– Cela explique la précocité… je vois. Mais, vous avez peut-être un petit moment de libre, je vous prépare un bon café ?

– Je suis désolé, j’ai une quantité de notes à rédiger au propre. Ensuite, je file à l’hôtel de police où une nouvelle affaire m’attend. Un membre important du « parti contre l’ennui » a disparu.

– Encore un qu’on ne regrettera pas !

– Ne dites pas cela M. Lauvergnat. Nous prenons cette histoire très au sérieux. Leurs partisans s’inquiètent. L’inquiétude et l’ennui ne font pas bon ménage, ils fomentent les révolutions.

– Ça alors ! Je ne le savais pas. Quand même ! Vous ne chômez pas dans la police. Heureusement que l’on vous a !



 
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   Anonyme   
25/1/2012
 a aimé ce texte 
Bien
L'anecdote est amusante et j'aime bien l'ambiance gentiment loufoque, mais je trouve que par moments le texte "dérape", se met à introduire une pointe de sentencieux ; l'impression est vague au long du texte, je ne peux pas trop mettre le doigt dessus sauf lors de la déclaration de monsieur Landernec contre le décalage, la vitesse obligatoire.
Les dialogues avec monsieur Lauvergnat me paraissent aussi alourdir, trop appuyer sur le "message".

Mais un texte sympathique pour moi, en demi-teinte, qui gagnerait à être un peu allégé pour rester purement sur son étrangeté délicate.

   Pascal31   
27/1/2012
 a aimé ce texte 
Bien
Un classement à "Réalisme/Historique" qui ne me paraît pas adapté (j'aurais plutôt vu "Humour/Détente") et quelques petits soucis de conjugaison (l'auteur confond parfois l'imparfait et le passé simple).
Hormis cela, c'est un récit que j'ai lu avec plaisir et dont j'ai apprécié la fantaisie.
Un texte original et assez divertissant qui aurait encore gagné en force avec un dialogue final moins fade.

   matcauth   
28/1/2012
 a aimé ce texte 
Bien
Une petite histoire tendre et rigolote et qui se passe dans un petit monde où j'aimerais vivre. Voilà un peu mon sentiment sur cette histoire qui manque un peu de piquant, qui oscille et hésite entre deux eaux, le farfelu et le poétique. J'aurais aimé que ce petit monde soit plus fourni afin que j'aie plus de repères et que je puisse "entrer" un peu plus encore dans cet univers. D'autant que l'histoire est très bonne.

La fin, un peu plate, est à l'image de l'ensemble où les traits, pourtant théâtraux (et c'est ça le plus étonnant), ne sont pas assez marqués. J'avais commencé ma lecture en imaginant voir sur scène cette histoire et ses comédiens. Mais l'ensemble s'essoufle. Peut-être n'avez-vous pas osé?

Pour le reste, c'est très bien écrit, dynamique et ça se lit très bien. A vous relire, bien vite.

   brabant   
11/2/2012
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Macaron,


A mon tour de vous dire que j'ai bien aimé cette ''fantaisie policière" qui ne manque effectivement pas d'humour, également confirmé par le titre décalé.

J'ai noté une recherche sur les noms qui est bien pensée, bien agréable ; mais que j'eusse aimée voir étendue à tous les protagonistes de cette petite histoire. Ainsi ''Julien" me semble-t-il bien commun.

On pourrait faire une série B D à la ligne noire, attachante et marrante pour enfants sages avec ces héros candides et volontairement sans grande conséquence. Ce qui est un tour de force à notre époque de violence gratuite. ça repose... :)

   Anonyme   
11/2/2012
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
J'ai trouvé ce texte assez plat, assez fade, pas mauvais, mais sans relief, hormis et je dois le souligner, la trouvaille à la fin sur l'ennui et l’inquiétude.

Sinon c'est burlesque, suffisamment loufoque pour que j'accroche dès le début, mais il n'y a rien de plus. Les personnages n'ont pas d'existence propre, sans l'histoire je ne crois pas qu'ils seraient, qu'on pourrait les imaginer, les tentatives dans la loufoquerie sont trop restreintes selon moi, comme si vous aviez eu peur de provoquer, de titiller notre zone de confort intellectuel.

Il y a pour moi trop de dialogue ce qui manque de liant, de fluide dans la narration.

Bref, je ne suis pas très client, c'est passable.

   Anonyme   
12/2/2012
 a aimé ce texte 
Un peu
Une petite histoire, écrite toute simplement, un peu banale. Genre série TV, une intrigue parfois incongrue, toutefois agréable à lire. Sans ambition, il a plu, le voisin a parlé, l'enquête s'est déroulée.

   jeanmarcel   
14/2/2012
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
L'ensemble est sympathique mais avec une multitude d'idées pas ou peu exploitées : La boîte de sardines comme élément de protestation, les rapports entre le commandant et son subalterne, le policier écrivain, la lutte des petits commerces contre les grandes surfaces...il y avait beaucoup à dire. Le récit pêche par manque de dynamisme , de surprises et les dialogues ont besoin de plus de verve et d'humour. Le coupable manque un peu d'épaisseur, il est falot , il devrait faire rebondir la fin de l'histoire et la projeter dans une dimension loufoque supérieure. Je pense que l'emploi du présent rendrait le tout plus facile à lire. Un texte très sympathique.

   alvinabec   
14/2/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↓
L'intrigue, légère mais pas tant que ça sur un monde où tout va trop vite, ne manque pas de sel. Il me semble que vous auriez pu l'exploiter plus.
Les dialogues avec Lauvergnat sont comme tronqués ou inachevés; l'enchaînement, très elliptique, entre "bonne journée" et "j'ouvris mon cahier à destins" à revoir pt-être. (idem plus loin dans le corpus du texte, Scribouille n'a pas le loisir de s'exprimer)
Qques babioles stylistiques:
"J'ai perdu le goût piquant de l'ambition et du challenge dans le travail", rythme binaire un peu plat.
"regard à la fois empathique et méprisant", tjs binaire. Même si le comdt est bon comédien, je ne me représente pas l'effet produit...
A vous lire...

   guanaco   
15/4/2012
Bonjour,
j'ai passé un bon moment à lire ce texte.
Comme vous le dîtes, c'est une fantaisie policière mais le thème je trouve a sa part de gravité.
Ce style de dialogue me fait penser à ceux que l'on pourrait rencontrer chez Ribes...

Merci
Guanaco


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