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Policier/Noir/Thriller
mattirock : Le chant des sirènes
 Publié le 20/04/15  -  16 commentaires  -  4462 caractères  -  158 lectures    Autres textes du même auteur

Fin de polar, les sirènes chantent, le protagoniste est mort et la ville luit.


Le chant des sirènes


[L’HOMME] À l’arrière d’une berline au cuir abîmé se morfond un homme sans visage. Ce que l’on peut prendre pour sa bouche – deux traits fins qu’on dirait d’albâtre – s’agite nerveusement dans une psalmodie infernale de vaudou des villes. Ses yeux gris ne clignent plus depuis des siècles. La terreur même s’en est échappée, ennuyée par le vide abyssal qui coule depuis maintenant trop longtemps dans le cœur de l’homme. Il est sans visage, et le sang qui irrigue ses joues semble fait de sel et de lait.


[LA VILLE] Le visage de la ville est dessiné à la griffe. Rigolent le long de ses joues périphériques des ruelles sombres aux lampadaires bleuâtres. Des néons scintillent çà et là, ce sont ses yeux qui clignent. Le goudron se transforme en miroir sous la pluie : la route en est rouge vert et jaune. La ville respire calmement. Inspirations : lumières. Expirations : bruits. De psalmodie la ville ne chante guère, préférant aux chuchotements serviles les crissements des pneus et les rugissements des moteurs, aux susurrations démoniaques les cris des bambins et les craquements du vent.


[LA VOITURE] La berline est un taxi d’origine, transformé par quelque voyou en voiture civile, l’on voit encore sous le noir mat de sa carrosserie les insignes de son précédent usage. Rétroviseurs rafistolés au Scotch, portières enfoncées laissant entrer le froid et l’humidité par les jeux qu’elles entrebâillent. Capot écaillé, coffre ouvert et pare-brise fêlé : l’on a là la carcasse d’un animal mort. À l’intérieur, le cuir est éventré, le revêtement du volant et de la boîte de vitesse pèle et laisse entrevoir le métal en dessous. Le moteur agonise, halète, tousse, se tait, et hoquette de nouveau, chaque souffle semble être son dernier. Clac clac clac font les grosses gouttes sur sa carrosserie.


[L’HOMME] La panique remonte le long de son œsophage, comme un million de scorpions remonteraient gouttières et palissades. Les tremblements qui agitent sa carcasse se font séismes. L’homme pousse faiblement quelques gloussements suraigus, inhumains, reliques de la folie qui s’installe dans les appartements de son âme. Cela fait des heures qu’il a arrêté de hurler à l’aide, le vacarme incessant de la pluie autour réduisant ses cris à d’inaudibles piaillements. Il ne quitte plus le plafond du regard, mais sa tête penche trop vers l’avant et ses yeux doivent se révulser pour continuer de mirer le haut. Les cordages qui lui serrent les poignets et les chevilles lui entaillent la peau et les veines. Tout se brouille.


[LA VOITURE L’HOMME ET LA VILLE] La voiture trône au milieu d’un immense parking au bord de la mer. L’atmosphère de mort et de brume rappelle les ports industriels reconstruits après la guerre. Un cargo barbote à quai, les longs et épais cordages qui le raccrochent à la terre claquent dans l’eau au rythme des vagues. Partout, l’averse. Le moteur de l’ancien taxi ne tressaute même plus, son âme est rendue. À côté de la voiture, deux containers empilés. Celui du haut craque et grince sous l’assaut du vent. Même il glisse ! Dans un raffut du diable qui vient saturer l’air de bruits de tôle, il glisse vers le bord, vers la voiture en dessous ! L’homme entend mais ne voit pas. Il fixe le plafond d’un regard fiévreux, le fixe intensément, comme s’il espérait le percer. Le container continue sa translation. La moitié dans le vide, l’autre sur celui du dessous. Et d’un coup, l’équilibre est brisé. En une seconde, la voiture est aplatie. Éventré le toit, fracassé le capot, éclaté le pare-brise, atomisés les rétroviseurs ! L’homme n’a pas eu le temps de comprendre. À peine avait-il eu le temps d’être surpris par le centième de seconde de silence durant lequel le container était suspendu en l’air que tout s’écrasait sur lui dans un fracas retentissant que ses oreilles ne purent entendre.


[LA VILLE] Repue, la ville continue à respirer, indifférente. D’Elle sont nées les rues, la pestilence et l’horreur. D’Elle sont nés voleurs tueurs et grands pontes. D’Elle sont nés kidnappings, rançons et recels. Alors quand d’Elle naît la mort, la ville ne scille pas. Ses néons continuent de cligner avec la même régularité, le goudron continue de refléter jaune vert et rouge. Sa respiration reste calme, la pompe de son cœur continue son inéluctable pulsation. Inspiration, expiration. Et dans ses artères coulent les lumières rouges et bleues, résonnent les mégaphones, brûlent les feux rouges et chantent les sirènes.


 
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   Asrya   
27/3/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Une nouvelle courte, plutôt atypique, qui nous guide à travers la même situation, selon différents points de vue. Mais pas des points de vue de personnages, non, ce sont les points de vues d'un Homme, d'une Voiture et d'une Ville ; ou les trois à la fois.

Séduisant.

Une forme originale qui donne un charme certain à cet écrit.
Je n'ai pas grand chose à dire, ni sur la forme, ni sur le fond, j'ai beaucoup aimé cette petite balade citadine ; malgré la chute morbide.
D'où la prouesse de cette nouvelle.
Le meurtre que vous nous décrivez est si bien calfeutré par l'univers presque poétique que vous nous offrez, qu'il en devient anodin, dans cette ville qui respire "indifférente".

La dernière phrase est intelligente. "Le chant des sirènes", un titre extrêmement bien choisi et très approprié,
Merci beaucoup pour cette lecture,
J'ai passé un très bon moment,
Au plaisir de vous lire à nouveau,

Asrya.

   Neojamin   
30/3/2015
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Bonjour,
Une petite histoire intéressante, de part son fond et sa forme. J'aime bien la manière d'amener l'intrigue, la ville comme personnage presque principal, responsable implacable.
Après, je trouve que c'est assez limité, on n'en sait pas trop sur cet homme, ce qui l'a poussé là.
Et puis la prose ne dessert qu'une description de ce qui se passe et ça manque à mon goût d'un peu sentiment...
Mais ce fut intéressant à lire...pourquoi pas!

   Shepard   
20/4/2015
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Salut mattirock !

Une petite histoire sombre, une ville du crime en noir et blanc comme on en voit dans les comics, c'est ce que j'ai ressenti en lisant votre texte.

J'ai trouvé un peu contradictoire le premier paragraphe, ou ' La terreur même s’en est échappée' (de l'homme) et le quatrième paragraphe ou le même homme semble être en prise avec la peur de mourir. D'ailleurs c'est peut-être le paragraphe que j'ai le moins aimé, peut-être parce que je n'ai pas vraiment peur des scorpions après tout...

Le reste, je n'en attendais pas plus, la description de la ville notamment, est très bien rendue. Encore qu'au final, si, j'aurais pu en lire plus tant ça m'a plu ! Pour me plonger encore dans cette atmosphère. La 'chute', fait mal =)

Une petite et glauque interlude que j'ai apprécié. J'attends d'en voir plus de vous !

   Anonyme   
20/4/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Une petite nouvelle très bien contée ! Bravo !

Le fait de prendre comme point un homme, une ville et une voiture en personnifiant les deux derniers "personnages" rend le propos du récit universel.

Cela s'ajoute au meurtre, plutôt sympathique, de l'homme et nous transporte dans un certain malaise: c'est une description banale d'un règlement de compte banale dans une ville banale. On ne sait même pas qui est l'homme ni pourquoi il est tué.

En bref une peinture noire et morbide du règne de la mort qui ne peut m'empêcher de penser au Chicago des années 20.

   in-flight   
20/4/2015
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour,

"La terreur même s’en est échappée, ennuyée par le vide abyssal qui coule depuis maintenant trop longtemps dans le cœur de l’homme" --> On sait qu'il s'agit de [L'HOMME]. On peut alléger le propos avec "qui coule depuis maintenant trop longtemps dans son cœur".

Le dernier paragraphe est très bon: cette ville, matrice du crime, mère des vices; avec le "E" de "Elle" comme s'il s'agissait d'un être omnipotent, d'un Dieu. "Elle" est indifférente à ce container qui vient se fracasser sur une vieille bagnole contenant un moribond. "Elle", c'est le héros du récit, elle englobe le reste et mets "hommes" et "voitures" au même niveau. "Elle" regarde les violences qu'elle génère en sons sein (maternelle) avec une indifférence jubilatoire.
"Elle" aura toujours le dernier mot.

Je me demande si votre intention n'était pas - au delà de dépeindre un crime citadin - de valoriser la vie à la campagne ou les bienfaits d'une virée dans les champs. Je caricature mais la noirceur de cette nouvelle ne donne pas envie de vivre dans votre ville. L'effet est donc réussi.

PS: Votre texte réfère énormément à la BD je trouve, j'ai lu comme si je parcourais des vignettes. J'avais eu un peu le même effet sur votre texte précédent "les tombes".

   MARIAJO   
20/4/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Mattirock,
Bonsoir. J'ai bien saisi cet esprit donné à la ville. C'est exactement cela une grande ville où se passe tellement de choses dans la plus grande indifférence. C'est ce que j'ai bien retenu: l'indifférence.
Cet homme, la voiture, cette ambiance morbide et glauque sont une illustration typique d'une ville.
Un homme tuerait une femme dans une nuit d'averse, la pluie ne s'arrêterait pas, les feux ne s'arrêteraient pas, les voitures continueraient de rouler avec un léger ralentissement causé par la curiosité, mais tout suivrait son cours dans la plus grande indifférence.
Bravo! Vous ne m'avez pas laissée indifférente.

   bigornette   
20/4/2015
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour, et d'abord merci pour cette nouvelle.

J'en ai aimé la dramaturgie, les personnages, la façon dont se construit l'histoire et le côté polar brutal, bd, too much, si je peux me permettre, qui n'est pas sans rappeler, par exemple, Frank Miller (Sin City). J'ai moins aimé, par comparaison, quelques passages banaux, "Le container continue sa translation", "en une seconde la voiture est aplatie" et autres petites phrases qui auraient mérité, je trouve, d'être dans le même ton poético-tragique.

Je suis d'accord avec l'un des commentateurs, à propos du premier et du quatrième paragraphe. Je crois que la première description donne l'impression que l'homme est mort ("ses yeux gris ne clignent plus depuis des siècles"). Du coup on est un peu étonné de le voir paniquer comme un fou un peu plus tard. Une autre remarque, à la conclusion, "L’homme n’a pas eu le temps de comprendre". J'ai plutôt l'impression qu'il pressentait carrément ce qui allait lui arriver : "Il ne quitte plus le plafond du regard, mais sa tête penche trop vers l’avant et ses yeux doivent se révulser pour continuer de mirer le haut" et "L’homme entend mais ne voit pas. Il fixe le plafond d’un regard fiévreux, le fixe intensément, comme s’il espérait le percer."

Sinon, bravo, c'est bien.

   Francis   
21/4/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Une nouvelle qui pourrait être le scénario d'un film policier ou d'une bande dessinée. L'homme, la voiture, la ville portuaire forment un triptyque qui donne froid dans le dos ! Tout semble se perdre aux frontières du réel : la voiture maquillée, l'homme sans visage, les lumières de la ville sur l'asphalte... La peur, la violence, l'indifférence suintent sur les décors d'un monde déshumanisé. L'homme ne quitte plus le plafond du regard comme si il pressentait la chute de son histoire. Une cité de non droit dans laquelle je ne voudrais pas vivre !

   Sylvaine   
24/4/2015
 a aimé ce texte 
Bien
Une construction originale donne un relief intéressant à ce fait divers qui serait autrement assez banal. L'atmosphère urbaine est rendue avec justesse, le malaise s'installe jusqu'au dénouement tragique amené avec un talent certain. Un seul reproche, mais important : des recherches stylistiques qui manquent leur but car les métaphores paraissent bien souvent gratuites et inutilement contournées; en matière d'écriture, je crois qu'il ne faut pas chercher l'originalité à tout prix au détriment de la rigueur et de la pertinence. Mais ce sont là des travers auxquels vous pouvez remédier aisément.

   AntoineJ   
24/5/2015
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Exercice de style intéressant pour rendre un climat, que le lecteur le perçoive
a chaque paragraphe, j'ai eu l'impression de la description d'une scène dans laquelle il manquerait le jeu des acteurs, comme si ce n'était qu'effleuré. pourtant le texte est dense
pourquoi l'homme est-il là ? a la limite, cela a peu d'importance. Seule sa fin est utile pour expliciter le jeu de la ville.
j'aurais ajouté une suite avec la ville qui continue à jouer avec ses règles inhumaines pour donner un peu plus de peps au récit

   hersen   
25/5/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Inspiration, expiration...
Un fait divers, un règlement de compte...Description clinique très réussie. Ce gros poumon qu'est la ville recrache aussi facilement qu'un glaire le meurtre d'un homme.
Inspiration, expiration...
Poumon métallique créé par l'homme, pour l'homme, pour le meilleur et pour le pire.
Cette fois, c'est pour le pire.
Excellente description !

Deux petites remarques :
Même il glisse ! Je ne sais pas trop pourquoi, je trouve que c'est maladroit, ça détonne avec le reste.
La ville ne scille pas. Ne cille pas ?

Merci pour cette lecture

   carbona   
4/8/2015
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour,

Un langage soutenu que vous maîtrisez rudement bien mais qui m'empêche, moi de pénétrer dans l'histoire.

Je regrette également la part trop importante donnée aux descriptions qui là aussi m'empêchent d'accrocher.

Quand je comprends que l'homme est ligoté alors là ça y est, je plonge. J'aime beaucoup l'image de la voiture qui va se faire écrabouiller par le container, on s'y croirait. Dans ce paragraphe [LA VOITURE L'HOMME ET LA VILLE], vous plantez superbement le décor, je suis complètement dans l'ambiance et puis ça se termine finalement un peu trop vite.

Le découpage de votre texte est original et incite à la lecture mais je regrette le manque de simplicité des mots qui corse la lecture d'un genre que j'aime savourer sur le pouce.

A vous relire !

   Mills   
31/8/2015
 a aimé ce texte 
Bien
Ce qui est amusant ici c'est que vous retirez un des ingrédients (l'homme mésaventureux) vous obtenez un poème métallique ou (l'écriture soutenue) un thriller sombre.

Je pense que le penchant des uns révulse celui des autres.

Pourquoi pas une même nouvelle aux deux formats ? Ou une nouvelle plus longue en deux teintes ?

Ce ne sont que des suppositions...
Structure très originale en tout cas. Bravo

   ameliamo   
29/9/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Intéressante cette visionne sur l’homme, ville, voiture et tous ensemble. Et, dessus la peur qui domine, cette menace permanente d’être atomisé, sans savoir et pouvoir d’intervenir, dans n’importe quel moment. Le final est aussi expressif. C’est bon, très bon ce texte qui dépasse une simple histoire noire.

   Anonyme   
11/10/2015
 a aimé ce texte 
Bien ↑
C’est une nouvelle en images qui m’est donnée à lire. Concept original pour un thriller bien rendu.
Tout y est, le glauque, l’horreur et l’indifférence d’une ville côté sombre.

La forme est soignée et magistrale pour une kyrielle de noirceurs.

Il ne me reste qu'à vous remercier pour la débauche.

   Nilina   
18/11/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonsoir,
j'apprécie beaucoup votre style d'écriture. Je trouve le texte "articulé" parfaitement. Tout est mis en œuvre pour que le lecteur soit captivé. En tous cas pour ma part je l'ai été.


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