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Réalisme/Historique
Maumab : Patient, vous avez dit patient
 Publié le 17/11/08  -  7 commentaires  -  18766 caractères  -  8 lectures    Autres textes du même auteur

Le vieux Deshureaux raconte à son compère Lemercier l'expérience qu'il vient de vivre à l'hôpital lors de la réimplantation d'un défibrillateur cardiaque.


Patient, vous avez dit patient


Devant la petite maison de campagne où il réside d’avril à octobre, Antonin Deshureaux est assis sur l’une des deux chaises postées là en permanence. Dans les airs, les hirondelles se jouent en gazouillant et le vieil homme se félicite d’avoir pu assister à leur retour, une fois encore. Et puis il a savouré le petit bonheur de contempler à nouveau les boutons de ses rosiers. La première floraison sera belle. Comme toujours, hirondelles et rosiers le plongent dans ses souvenirs. Dame, ça en contient des souvenirs, une tête de septuagénaire !


- Bonjour, père Deshureaux.

- Bonjour, père Lemercier. Alors on se promène ?

- Oh ! On essaie de se dégourdir un peu les jambes. L’hiver a été long. Je ne sortais guère avec toute cette neige qui n’en finissait pas de fondre. Pensez qu’elle traînait encore ses derniers haillons dans les bois au 15 mars ! Alors maintenant que le printemps est revenu, marcher un peu dans la nature, ça me démange. Depuis quand êtes-vous de retour à votre « cottage », comme vous dites ? C’est la première fois que je vous vois cette année. Et la santé ? Votre cœur ?

- On est arrivé avant-hier dans l’après-midi. Vous savez bien que nous arrivons et repartons avec les hirondelles. Cette année, j’ai bien failli ne pas être revenu assez tôt pour les accueillir. À cause de mon cœur, justement.

- Que vous est-il arrivé ?

- Vous savez qu’il y a quatre ans on m’a implanté un défibrillateur cardiaque pour contrôler le rythme et prévenir les syncopes, voire la mort subite. La pile était en fin de vie. Il fallait changer le boîtier, ce qui nécessite une petite intervention chirurgicale. Je suis donc entré à l’hôpital le 9 mars pour une petite semaine.

- Et ça s’est bien passé ?

- Oui, au bout du compte mais quelle comédie !

- Racontez-moi ça !

- Alors, asseyez-vous. Je n’aime pas trop parler à qui est debout quand je suis assis. La chaise de la patronne est libre. Elle ne l’occupe jamais à cette heure-ci.

- Eh bien ! Je m’assois. Pour l’heure, j’ai tout mon temps.

- Alors voilà. À l’hôpital, ils m’ont d’abord fait venir pour une radiographie pulmonaire et pour rencontrer une dame anesthésiste. Vous savez, père Lemercier, je crois que la France va mal à peu près dans tous les domaines. Plus personne ou presque n’a le sens de ses responsabilités. On ne respecte plus sa parole. Les promesses engagent désormais ceux à qui elles sont faites mais nullement ceux qui les font, comme l’a dit je ne sais plus quel politicard provocateur qui devait avoir promis beaucoup et savoir de quoi il parlait. Quant à nos administrations, c’est le domaine du roi Pétaud ! La communication interne s’y fait mal ou ne s’y fait pas du tout. Le plus souvent, l’usager se heurte à la grogne de ceux auxquels il s’adresse. La secrétaire de l’anesthésiste a donc commencé par me regarder de travers. À l’en croire, je devais me tromper de service. Elle n’avait nulle trace de mon rendez-vous et ne savait rien de moi. Plus j’insistais et plus elle s’énervait. J’ai dû hausser la voix et croyez-moi, dans ces cas-là on m’entend de loin. Figurez-vous que mon dossier, désormais étonnamment volumineux, est au centre hospitalier universitaire depuis janvier 1981. Ces gens-là me convoquent et ils sont tout étonnés de me voir me présenter ! Alors je ne me suis pas gêné pour dire à la préposée à l’accueil ce que je pensais. C’est plus fort que moi, père Lemercier, l’incompétence, le laisser-aller, la désinvolture me hérissent et mettent le feu aux poudres. Laissez-moi vous dire que je ne suis pas en odeur de sainteté dans les services.

- Vous devriez peut-être mettre la pédale douce, père Deshureaux. Vous énerver, ce n’est guère bon pour votre cœur !

- Père Lemercier, on ne se refait pas. J’ai toujours été patient comme un explosif devant les élites de la sottise humaine. Et il n’en manque pas ! Ce n’est pas à près de quatre-vingts ans que je vais changer. Quand je ne m’enflammerai plus, ça sentira le sapin !

- Bon ! Continuez donc. Après votre consultation d’anesthésie ?

- La consultation a duré une bonne heure. J’ai confessé tous les péchés qui ont fait de moi le malade que je suis, alors évidemment, vu leur nombre, ça a pris du temps. Je suis entré à l’hôpital trois ou quatre jours après.

- Bien installé, j’espère ?

- Rien à dire de l’installation. J’étais seul dans une chambre fort convenable. Ma femme a commencé à ranger mes affaires et tout aussitôt le personnel commençait à s’affairer. Et tout d’abord l’anesthésiste, la même, père Lemercier ! Elle m’a soumis à un nouvel interrogatoire qui a duré aussi longtemps que le premier et qui a repris les mêmes thèmes. À croire qu’elle avait tout oublié de notre précédent entretien ou bien qu’elle avait perdu les notes prises à ce moment-là ! Elle m’a quitté sur un « à demain » souriant et apparemment confiant.

- Et après ?

- Après ? Vous savez, père Lemercier, qu’à l’hôpital les rythmes circadiens…

- Holà ! Pas de grands mots, très cher monsieur l’inspecteur. Circadiens, circadiens, c’est quoi, ça ?

- Je vous demande pardon, très cher monsieur l’agriculteur, je crois toujours parler aux pédants que j’ai croisés dans ma carrière et qui m’ont fait jargonner comme un spécialiste des nouvelles sciences. Vous savez, ces spécialistes qui savent beaucoup de choses dans un domaine très limité, si bien, père Lemercier, que le meilleur spécialiste, ce doit être celui qui sait tout sur rien. Pardonnez-moi mon circadien ! Voyez-vous, la simplicité est une conquête difficile ! J’oubliais qu’au fond, comme moi et comme le poète, vous êtes né « parmi les pasteurs », gens qui parlent simplement la langue de tous les jours. Sachez que le rythme circadien, c’est la succession des différents événements de la journée. Dès 6 heures, c’est la prise de la température à l’oreille, à 7 heures, la piqûre de calciparine dans un abdomen irisé comme un arc-en-ciel, à 8 heures le petit-déjeuner constitué d’une bolée de café au lait, de 50 grammes de pain, de 15 grammes de beurre, de 10 grammes de gelée de fruits…

- Voilà sans doute le meilleur moment.

- Pas le plus mauvais en tout cas. Et puis ça continue. À 9 heures, aérosol, à 10 heures, deux préposés retapent le lit puis la femme de ménage donne un coup de balai vorace humecté d’un désinfectant. Ce balai lutte contre les diverses formes de nosoconiose, vous savez, cette maladie qui vous attrape à l’hôpital pour vous conduire au cimetière !

- C’est pas de ça qu’est mort le Guy Villeval qui demeurait au Moustier ?

- Effectivement. Cette maladie est dans les vilains germes qui fourmillent dans la poussière.

- Je vous ai coupé la parole, pardonnez-moi.

- Vers 11 heures, entrée des cliniciens, un médecin ou un interne suivi de ses étudiants qui apprennent à mesurer la tension artérielle et à ausculter.

- Il faut bien les former les carabins.

- Oui. C’est pour cela qu’il y a des patients. Ils servent de cobayes. C’est donc au cours de cette visite du staff médical que se pratique l’analyse de la situation avec le malade et que se prennent les décisions.

- Après ça, ça doit être l’heure du casse-croûte, non ?

- À l’ordinaire, tout à fait. À midi, déjeuner au régime sans sel, sans graisse, sans sucre, sans pain, sans vin, sans rien. Autant entrer au couvent !

- Oh ! Vous croyez ça, père Lemercier. Le régime que subissaient les bons moines d’autrefois, avec leurs trois livres de pain et leurs trois litres de vin quotidiens sans compter les cochonnailles, ce régime-là vous donnait des sujets gras à lard !

- Oui, je sais que l’imagerie d’Épinal nous présente souvent des prélats fort adipeux mais il ne faut pas se fier aux idées reçues. De toute façon, pour l’intervention je dois demeurer à jeun. L’implantation du nouveau boîtier est prévue pour 13 heures 30. À l’heure dite, on vient me chercher. On m’emmène sur mon lit roulant et on me promène par les corridors comme le dernier des Mérovingiens dans son char à bœufs. Arrivé devant la porte de la chambre de la question, on m’abandonne dans un recoin d’où j’ai une vue imprenable sur les placards à balais, à seaux et à serpillières. J’y mijote quarante-cinq minutes et médite sur la formule : « Vous qui entrez ici, laissez toute espérance… »

- De qui est cette formule ? Je ne la connaissais pas. Pourquoi laisser toute espérance ? Quand l’espoir est en miettes, il reste des miettes d’espoir !

- La formule est de Dante. Il la place à la porte de son « Enfer » pour dire que ceux qui le peuplent y resteront de toute éternité.

- En ce qui vous concerne, je trouve la formule exagérée.

- Je vous le concède. Mais, comme Topaze, revenons à nos moutonsss. Il est 14 heures 15. On pousse mon lit. Voici la planche d’opération. Elle rappelle celle où on ligote dans les prisons américaines les condamnés à une injection létale. Passer du lit mérovingien à cette planche infernale est très éprouvant. C’est ma faute. Pourquoi pesé-je plus d’un quintal ? Pourquoi ai-je une prothèse totale de hanche, une jambe gauche paralysée et ulcéreuse donc inutile pour me soulever et un pied gauche équin, toujours sur pointe comme celui d’une danseuse étoile ? Pourquoi soufflé-je au moindre effort comme un samovar exhalant son usure extrême ? Les préposées à l’installation, toutes des femmes, sont une demi-douzaine de pies jacassantes qui donnent l’impression de vouloir en terminer avant d’avoir commencé.

- Je sens l’explosif fulminer…

- Exact ! Je regimbe ! Pourtant, si je ne cherche pas à dissimuler ma rugosité de tempérament c’est plus à cause de l’anesthésiste que des aides du tourmenteur juré. Vous vous souvenez, père Lemercier que j’ai vu une anesthésiste à deux reprises. Je lui ai tout confessé lors de l’anamnèse et jusqu’aux doses de chacun de mes sept médicaments quotidiens. Nous nous sommes quittés sur son « à demain ! ». Elle n’est pas là.

- Ça chauffe !

- Oui, ça chauffe, ça chauffe d’autant plus qu’une petite péronnelle au ton peu amène me dévisage et me jette sèchement : « Vous avez vu un anesthésiste ? » Ahuri, je ne comprends pas la question. Ces gens-là me convoquent à une consultation d’anesthésiste, m’infligent en fait deux consultations et me demandent si j’ai vu un anesthésiste ! Ils ne savent donc pas ce qu’ils font ? Mais c’est grave, ça, père Lemercier ! À quelle époque vivons-nous ? Kafka et le père Ubu ont pris le pouvoir au CHUR ! « Merdre, alors ! » comme dirait justement père Ubu qui a inventé le mot de six lettres.

- Je ne savais pas qu’Ubu – que je ne connais pas – écrivait le mot de Cambronne comme ça.

- Voyez-vous, monsieur mon voisin, ces dysfonctionnements trop fréquents en milieu hospitalier ont le don de m’irriter, comme tous les dysfonctionnements d’ailleurs.

- Alors comment avez-vous réagi ?

- J’ai répondu, hargneux comme un basset : « Oui, bien sûr, j’ai vu l’anesthésiste à deux reprises et longuement, mais vous devriez le savoir. C’était une dame. Je l’ai vue pas plus tard qu’hier et elle ne doit pas être loin puisqu’elle doit m’anesthésier. » Alors, la péronnelle, toujours aussi sèchement petit chef : « Pas du tout ! L’anesthésiste, c’est bien une dame mais c’est moi ! »

- Et l’autre qui vous avait dit : « À demain ». C’est incroyable !

- Mais vrai. Vous savez, peu m’importe au fond de savoir qui est qui et qui fait quoi. Je ne connais en fait que le cardiologue qui m’a posé le premier défibrillateur. Il est là, lui. C’est lui qui pratique l’intervention. Il jouit de toute ma confiance, mais que ces préparatifs et ces palabres sont longs et éprouvants !

- Vous êtes parvenu à vous contenir ?

- Oui, mais à grand-peine. Je suis, il est vrai, ce qu’ils appellent un sujet à risques. On ne pratiquera donc qu’une anesthésie très légère, si légère que je ne me suis endormi vraiment à aucun moment. J’aurais plutôt jugé l’intervention jubilatoire. J’avais conservé le souvenir d’une incision qui entrait dans le vif du sujet avec un jaillissement sanguin rapidement étanché. J’attendais donc pareille incision. Elle n’est pas venue. Cette fois j’ai plutôt eu l’impression que l’on débridait une couture, point par point. J’ai senti ce que l’on me faisait mais n’ai éprouvé nulle douleur digne de ce nom. Les différentes étapes, je les ai perçues nettement tandis que le cardiologue m’expliquait : « Voilà ! J’aperçois le boîtier. L’organisme qui n’aime pas les corps étrangers a secrété un tissu pour l’envelopper d’une petite poche. Bien ! Je vais l’extraire. Voilà qui est fait !

- Il ne vous manquait que la télévision pour assister au spectacle !

- Vous ne croyez pas si bien dire. Figurez-vous qu’en 1981, quand un infarctus m’a terrassé, c’était déjà ce cardiologue qui avait exploré mes coronaires. À l’époque, j’avais très bien pu voir sur un écran les différentes phases de l’exploration. C’était absolument passionnant.

- Les passions, père Antonin, ce sont bien des affaires de cœur, non ?

- Certes ! Cette fois-ci, pas d’écran. Je n’ai rien pu voir. Donc, l’intervention se poursuit. On fixe les branchements de la sonde ventriculaire demeurée en place au nouveau boîtier. On glisse ce boîtier dans la boutonnière pratiquée et on recoud. Il ne reste qu’à effectuer les réglages qui commandent les différentes interventions du défibrillateur, la zone de bradycardie inférieure à 70 pulsations/minute, la zone de tachycardie vers 170 pulsations/minute et la zone de fibrillation vers 190-200 pulsations/minute, seuil de déclenchement du choc électrique majeur, juste au bord de la syncope. Vous savez, je redoutais l’essai de l’appareil à ce troisième niveau comme ce fut le cas pour la première implantation. On se sent partir et on se demande si c’est le départ définitif. Cet essai n’a pas été jugé utile et n’aura pas lieu. C’est pour ça que je disais, manière de plaisanter, que c’était une intervention jubilatoire.

- Jubilatoire, jubilatoire, il y a tout de même des façons de jubiler plus… jubilatoires.

- Oh ! J’en suis bien d’accord. Figurez-vous qu’ensuite, ils m’ont conduit en « salle de réveil ». Pourtant je vous assure que je n’ai dormi à aucun moment. Je devais y mijoter encore une petite heure, par précaution. En fait, j’y ai poireauté plus d’une heure et demie, faute de convoyeur immédiatement disponible. Il était plus de 17 heures quand j’ai retrouvé ma chambre alors que le retour y était prévu pour seize heures, seize heures 15.

- Dites voir, à jeun depuis le matin, vous deviez avoir faim ?

- Pour sûr, mais le rythme circadien de la maison a repris ses droits. Dans le cycle des activités quotidiennes, le repas du soir est à 18 h 30. Effectivement, j’ai fait grand honneur à ma pitance sans graisse, sans sucre, sans sel, sans rien…

- Et après, vous êtes resté longtemps à l’hôpital ?

- Mon retour à la maison dépendait des sanies que recueillerait le redon mis en place pour éviter un hématome autour de l’incision. J’étais donc nanti d’une espèce de queue tubulaire qui prenait sa source sous le pansement pour se jeter dans un flacon. C’était si peu ragoûtant que j’ai fourré le flacon dans la poche de mon pyjama pour ne pas traîner derrière moi les humeurs de ma personne. On m’a libéré du redon le lendemain, en fin de matinée. Il suffit de respirer très fort par la bouche tandis que l’infirmière arrache le dispositif. Pas le temps de crier « Ouf ! » Juste celui de susurrer « Aïe ! »

- Si je comprends bien, finalement, vous vous êtes montré assez patient.

- À l’hosto, on est patient de nature… Je dois dire que tous les services ont été fort dévoués à ma personne. Je suis sorti le 15 mars. L’interne de service était une jeune femme fort sympathique, compétente et dotée d’un judicieux esprit de décision. Tout le contraire d’un esprit cafouilleux et hésitant.

- Tel que je vous connais, elle était faite à vos mesures.

- Ça, c’est bien vrai, mais des gens comme ça, sérieux et tout, il en reste bien peu de nos jours. Je l’ai fait rire d’un rire jaune, à la manière dont un macho peut faire rire une femme, un macho que je ne suis absolument pas, croyez-le bien. Le docteur Blazius et moi, nous nous entretenions en la présence de cette jeune interne de la manière dont s’étaient déroulés les préparatifs de l’intervention ; de la hâte d’en avoir terminé des dames préposées à l’installation du patient ; de leurs injonctions évasives sinon contradictoires : « Levez la jambe ! Pas celle-là, l’autre ! L’autre, on vous dit. Soulevez la fesse, l’autre. Glissez-vous à droite, tournez la tête à gauche, non à droite, à droite… »

- Là, vous deviez ruer dans les limons !

- Oh que oui ! C’est dans ces moments-là qu’on songe au mot de Cambronne et au père Ubu qui le déforme ! Nous évoquions aussi l’anesthésiste, petit chef au ton de rogomme mais qui, au bout du compte, tentait surtout de masquer son angoisse car pour elle j’étais un cas à haut risque. Soudain le docteur Blazius me dit : « Monsieur Deshureaux, dans votre carrière, vous avez dû travailler avec des femmes et vous savez bien qu’elles… » Je l’ai vite interrompu : « Oui, docteur. Et lorsqu’on m’a proposé une deuxième secrétaire j’ai aussitôt déclaré qu’une seule me suffisait. »

- Mais vous étiez sérieux en disant ça ?

- Voyez-vous, père Lemercier, longtemps après, je pense toujours que deux secrétaires auraient abattu moins de besogne qu’une seule. Elles auraient parlé chiffon et les statistiques dont j’avais besoin le soir à mon retour de tournée n’auraient pas été calculées. J’aurais dû le faire à leur place !

- Et qu’a dit votre jeune interne ?

- Je vous l’ai dit. Elle riait jaune. Mais j’ai eu encore l’occasion de pester contre le laisser-aller de notre époque. Le véhicule sanitaire qui devait me ramener chez moi était affrété pour 14 heures 30. Eh bien ! C’est reparti comme en 2003 où jamais le véhicule ne s’est présenté. À l’époque, ma femme et moi avions attendu sous l’orme jusqu’à 18 heures. J’étais devenu furieux comme un taureau sous la banderille. Finalement, nous étions partis sans attendre davantage et avions trouvé tout de suite un taxi. Et voilà que ça recommençait. Nous attendions depuis au moins une heure quand l’infirmier qui avait commandé le VSL a rappelé. L’entreprise de véhicules sanitaires avait tout simplement mangé la commission. On s’excusait. On arrivait. Voilà la France, père Lemercier ! Voilà la vie comme elle va.

- Je sais. Et c’est pour tout pareil. Si j’avais le temps, je vous raconterais l’électrification de mes persiennes, de quoi vous faire exploser cent fois. Mais je n’ai plus le temps. Ma femme va se demander où je suis passé.


Là-dessus, le père Lemercier se lève de son siège.


- Eh bien ce sera pour une autre fois. Au revoir monsieur Lemercier.

- Au revoir, cher ami. Portez-vous bien. Vous allez voir, le printemps, le soleil, la nature, les petits oiseaux, les fleurs, tout ça, ça va vous requinquer.



 
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   Anonyme   
17/11/2008
 a aimé ce texte 
Bien
Texte étrange. Une tranche de vie, que j'avais trouvé d'abord caricaturale parfois, mais qui ne l'est finalement pas.

Pas de réelle histoire, ni de chute particulière, mais j'aime assez ce texte qui ne fait que me conforter dans mon opinion: le monde est peuplé de .....

Bref, plaisant et frais.

   Filipo   
18/11/2008
 a aimé ce texte 
Bien
Je pense que l'auteur maitrise bien son sujet (termes médicaux en particulier). Il fait très bien ressortir l'ambiance hospitalière (au moins pour un lecteur "patient de base"). La rédaction est bien maitrisée, il y a de l'humour.

Pourtant, il manque quelque chose au texte, selon moi. Une chute, surement (peut-être que le sujet ne s'y prête pas, tel qu'il est traité ?). Le fait de choisir un dialogue pour relater l'ensemble des faits (hormis le 1er paragraphe) donne un effet peut-être artificiel au texte (alors que cela devrait le rendre plus naturel).

On est plus dans la déclamation (une scène, avec un décor de carton pâte, deux chaises, et deux vieux grimés déclamant leur tirades).

Là aussi, c'est peut-être l'effet voulu (pièce comique ?), mais j'ai du mal à adhérer, et les phrases très très longues donnent envie de sauter des paragraphes.

Bien écrit mais manquant de "peps", de suspens...
(à mon avis, bien sûr)

Edit : je remonte un peu ma note, c'est vrai que c'est très bien écrit.

   Anonyme   
17/11/2008
Rien à dire sur la forme. Impeccable, maîtrisée. Du beau travail.

On sent tout de suite que l'auteur a déjà vécu ce type d'expérience. Il y a des détails qui ne trompent pas. S'il est en outre le personnage, il fait preuve d'une salutaire capacité d'auto dérision.

   Marchombre   
20/11/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Rien à dire. Très bien, la forme est maîtrisée, comme dit l'autre,là, plus haut.
Un de mes grand-parents à dernièrement subi une opération (tumeur à enlever dans le poumon - test cancer à la fin de la 1ère opération - test négatif, opération pas continuée) -et bien les parole ont été exactement les même. Vocabulaire différent, nécessairement, mais bon… Réaliste.

Très bien.

Marchombre

   victhis0   
18/11/2008
 a aimé ce texte 
Un peu
Moi j'ai trouvé l'écriture surranée, un peu vieillote, pour ne pas dire poussiéreuse. C'est un texte cynique et amer sur les incompétences/maladresses nosocomiales. D'accord. Mais j'y ai plus lu une discussion de comptoir entre deux compères qu'un texte vraiment engagé qui eut pu le rendre, de mon point de vue, plus intéressant sur le plan littéraire.
J'ai trouvé en outre que les dialogues étaient trop écrits, trop "théatraux", chacun servant la réplique de l'autre dans un balai bien huilé, sans spontanéité aucune. Dommage.

   Selenim   
20/11/2008
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Je rejoins l'avis du compère Victhis0, en m'autorisant plus d'indulgence.
Même si les deux protagonistes sont âgés, leur phrasé est décalé, d'un autre temps.
L'aspect théâtrale est flagrant: le dialogue nous inonde et les extérieurs sont inexistants.
J'ai l'impression d'être en présence d'un chapitre que l'on aurait excisé d'un bouquin.
Sinon, belle maîtrise de la langue et de l'humour poli.

   Menvussa   
10/2/2009
 a aimé ce texte 
Bien
très bien écrit, agréable à lire mais peut être un peu long, pour un sujet qui somme toute n'offre que peu de rebondissements et heureusement pour le patient.


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