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Sentimental/Romanesque
melany : Coup de foudre
 Publié le 10/12/08  -  12 commentaires  -  6531 caractères  -  55 lectures    Autres textes du même auteur

Dès le premier regard j’ai su qu’elle était la femme de ma vie. Elle, elle n'a rien vu. Je veux construire pour elle un instant magique, le moment parfait dont elle rêve. Comme ça, nous aurons une rencontre idéale. En deux temps, certes, mais idéale.


Coup de foudre


Dès le premier regard, j’ai su qu’elle était la femme de ma vie.

Je sais, dit comme ça, ça fait un peu cliché. Tout de suite, on imagine la musique, les étoiles… Eh bien, en fait, tout était là. Ça a commencé comme une caresse, toute légère : l’odeur chaude des marrons grillés dans le froid piquant. Ensuite, de petites gouttes de musique ont éclaté l’une après l’autre, comme des bulles de savon. Et puis, la mélodie a pris forme, elle est devenue une vague puissante qui a roulé autour de moi. Après, les lumières sont arrivées : des éclairs vifs, d’abord dispersés et ensuite réunis dans une flamme de couleurs éblouissantes. Et là sont apparus les carrosses dorés, les fiers destriers harnachés d’or et d’argent, les carillons… Et elle. La reine de ce royaume enchanté.


Pendant les fêtes, elle travaille sur la grande place : c’est elle qui vend les tickets pour le manège. Je passe la voir tous les soirs : je fais un petit crochet pour m’approcher plus près. Le premier jour, dès que le manège a été installé, je l’ai remarquée et j’ai su que c’était elle. La seule, l’unique. Par contre, elle, elle n’a rien vu du tout. Elle ne m’a pas remarqué, elle n’a pas levé les yeux. C’est un peu la seule fausse note à mon moment parfait de rencontre parfaite : je l’ai vécu tout seul. Alors depuis, je me suis lancé un défi : il faut que j’arrive à créer pour elle un instant magique ; que je construise la rencontre parfaite dont elle rêve. Alors, elle aura la même révélation que moi ; elle saura que nous sommes faits l’un pour l’autre. Et nous aurons une rencontre idéale. En deux temps, certes, mais idéale. Mon plan me semble parfait.


À quoi rêvent les femmes ? En posant la question autour de moi, j’obtiens des réponses aussi étranges que variées. Ou bien les femmes sont très bizarres, ou bien personne ne les comprend… Un peu des deux sûrement.

Elles rêvent d’une rencontre comme dans un conte de fées : le temps s’arrête, plus rien n’existe que cet inconnu avec des yeux brillants d’admiration. Il vient leur chuchoter à l’oreille qu’elles sont les plus belles.

Elles rêvent d’une rencontre comme dans un film romantique : après des jours de disputes avec un homme qu’elles n’ont jamais vraiment regardé, elles se réveillent un matin pétrifiées. En fait, c’est lui, le seul, l’unique.

Elles rêvent d’une rencontre comme dans un roman : la révélation odieuse de l’être aimé sous l’apparence - au choix - d’un prêtre, du fiancé de leur meilleure amie, d’un condamné à mort ou d’un homosexuel.

Elles rêvent d’une rencontre discrète, d’une rencontre fracassante, d’une rencontre classique et de bon goût, d’une rencontre originale et inattendue.

Me voilà bien…


Je ne me laisse pas décourager. D’abord, j’écarte quelques situations loufoques. Je n’ai pas envie de me faire prêtre et un déguisement ne serait pas très convenable. Et difficile à justifier. Je renonce aussi à mener une enquête et à dénicher une amie de ma bien-aimée pour l’épouser. Après avoir hésité quelques minutes, j’abandonne également le projet de me faire passer pour homosexuel : je ne me sens pas capable d’aller de but en blanc lui parler de mes préférences sexuelles. Et le condamné à mort… Après une courte recherche sur Internet, je décide que la maladie mortelle la plus romantique est la tuberculose. Mais si je me mets à tousser comme un perdu en passant devant elle, je risque de ne lui inspirer rien d’autre que la peur d’attraper une laryngite…


Je mise sur le scénario le plus magique : la rencontre de conte de fées. D’après mon ami Charly, inutile de caler un spot lumineux derrière ma tête et de brancher à fond les haut-parleurs d’un lecteur MP3. Ce serait prendre le concept un peu trop au pied de la lettre. Je choisis donc une méthode plus simple : je lui écris une lettre. J’y mets tout mon cœur. Pris dans mon élan, je rajoute même quelques illustrations. Le résultat est superbe. Je raconte que je veux l’aimer pour tous les jours. Les jours où il fait froid, les jours où il pleut, les jours où elle aura sommeil. Chez nous, il fera toujours doux, ce sera un refuge paisible pour nous et pour les autres. Pas une maison où les secrets occupent tout l’espace et glacent l’air que l’on respire. Pas une maison où seuls les objets ont leur place et où les vivants se croisent sans se voir. Je serai son prince charmant des jours où les enfants auront crié trop fort, des jours où le train sera arrivé en retard et où il n’y aura plus d’eau chaude. Je veux l’aimer pour la faire rire. Parce que, parfois, je serai de mauvaise humeur, parce que, parfois, j’oublierai le pain, son anniversaire, les voisins qui viennent dîner ou la voiture au garage. Alors, je n’oublierai pas de la faire rire, pour que ce ne soit jamais la colère qui gagne.


Le soir suivant, je plaque sur mon visage mon plus beau sourire et je pars apporter mon chef-d’œuvre. Il y a beaucoup d’agitation autour du manège : des sacs de courses qui s’agitent au bras des dames pressées, des poussettes qui buttent sur les pavés, des petits doigts de bébés qui volent et s’accrochent aux écharpes et aux bonnets, des chiens en laisse qui tournent en rond. Il y a beaucoup de bruits aussi : des mamans qui ont froid et dont les talons claquent sur le pavé, des papas qui parlent fort, des vendeurs de ballons qui crient, le vent qui siffle.


Je m’approche, dépose ma lettre sur le guichet, et sourit tendrement. La réaction de ma princesse ne se fait pas attendre : « Un euro l’un, vingt-cinq euros les vingt. » Je bafouille, je transpire un peu et je recule avec des tickets de manège dans la main. Poussettes, doigts de bébés, sacs plastiques et talons qui claquent. Ils prennent de la place, de plus en plus de place. Ils sont tout près, ils sont tout autour de moi. J’essaie de m’échapper, ils sont partout, j’ai peur de me noyer. Poussettes, doigts de bébés, sacs plastiques et talons qui claquent. Je cours et je m’échappe. Quand je rassemble suffisamment de courage pour me retourner, ma lettre a disparu.


Elle ne m’a pas remarqué. Enfin, peut-être un peu quand même. J’ai retrouvé ma lettre : en allant au marché avec maman, j’ai vu qu’elle l’avait punaisée derrière son guichet. Bientôt le manège va disparaître. Il faut que je trouve d’autres idées, vite… Je vais demander à la maîtresse. Sinon, tant pis, ce sera pour l’année prochaine. Et en attendant, j’ai le temps de finir ma ferme de dinosaures. L’autre jour, j’ai vu un reportage sur les dinosaures. Ça m’a l’air plus facile à comprendre que les princesses, les dinosaures.


 
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   Anonyme   
10/12/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Si je comprends bien, j'ai l'honneur d'être le premier à commenter un texte de Melany.
En principe, je ne suis pas attiré par la catégorie sentimentale. Mais comme le texte était court...
J'ai bien fait. La nouvelle est bien écrite. L'humour est toujours présent, y compris dans la chute.
Vivement le prochain texte de Melany.

   Anonyme   
10/12/2008
 a aimé ce texte 
Bien
Moui. Tu as oublié une autre catégorie de femmes sans vouloir paraitre misogyne et sans vouloir bousiller ton romantisme, à savoir (désolé de l'expression) la "grosse salope" qui recherche un mec pour un soir. Enfin bref, tout cela est mignon comme tout et emprunt de bons sentiments que malheureusement je comprends.
L'histoire est jolie mais attention à certaines répétitions.
Mais le cœur y est et ça marche pour moi.
A bientôt.

   Bidis   
10/12/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Atmosphère, humour, petit suspense : c’est court, agréable à lire, sans prétention, et il y a une petite chute à laquelle je ne m’attendais pas, bien qu'il y ait là un peu de triche dans la façon de s'exprimer du personnage.

   Menvussa   
10/12/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↓
C'est pas mal mais il y a tout de même une grosse incohérence. Qu'un gosse tombe amoureux d'une jolie jeune fille de cinq ou dix ans son ainée OK, ça roule mais qu'il ait ce genre de dialogue intérieur sur la meilleure façon d'aborder la belle me semble pour le moins incongru. La chute fait sourire et je crois en effet que la psychologie féminine est plus dure à comprendre que celle des dinosaures, fussent-ils du partie socialiste... quoique !

Mais l'écriture est fluide et agréable.

   melonels   
15/12/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Texte agréable à lire, l'auteur nous transporte dans sa conquête amoureuse, mais en effet la chute m'a surprise et je n'y ai pas cru. L'auteur est un enfant uniquement dans les dernières lignes du texte, avant la reflexion est celle d'un adulte sans aucun doute.
Malgrè cette fin je serai heureuse de lire à nouveau un texte de vous.

   Flupke   
16/12/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Melany,
J’ai bien aimé le twist à la fin. Je subodorais l’entourloupe au niveau de l’objet aimé et non pas du côté de celui qui aime.
Mais bon, le dialogue intérieur est un peu trop mature pour quelqu’un fréquentant une école primaire (je vais demander à la maîtresse).
Qui est le plus troublé au moment critique ? un euro l’un, vingt-cinq euros les 20. La caissière visiblement pour bafouiller cela ? (ou alors l’auteur, inversion de calcul ? ) ou bien le lecteur (moi, dépassé par une arithmétique foraine avant-gardiste). 20 euros les 25 tickets ok et c’est davantage promotionnel, même si 25 tours de manège d’un coup cela peut friser la dépendance.
Enfin malgré tout pour un premier texte, à part ces légers détails c’est globalement assez réussi puisque j’aimerais bien en lire un deuxième. Et puis je ne boude pas mon plaisir je me suis un peu fait avoir et ça, j'adore !!!
Amicalement, Flupke

   Leyng   
20/12/2008
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour! j'ai trouvé ton histoire agréable à lire, la chute inattendue puisque l'on a effectivement l'impression que c'est un adulte qui raisonne dans tout le reste du texte. La fin me paraît bien retranscrire la psychologie d'un jeune enfant: du premier amour, il passe sans transition à une autre de ses passions: les dinosaures.

   Anonyme   
26/12/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Premier texte que je trouve ma foi bien sympathique.
Frais, léger, drole, un rien ironique et désuet, j'ai facilement été au bout d'un texte qui est classé en catégorie qui ne m'attire pas plus que ça. Mais les actes manqués! Les amoureux transis qui passent à côté de l'essentiel parce qu'ils rationnalisent trop... ça j'aime!
Et en plus, si c'est un enfant qui fantasme sur la dame du manège... j'adore.

Bref, j'ai beaucoup aimé le style, le rythme, la cohérence, le fil que tu suis et que tu ne laches pas.

En gros du bien, que du bien.
un tit merci pour cette auteure que je garde donc sous le coude ;-)

   Palocace   
6/1/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bravo!
J'ai beaucoup aimé. Le côté romantique, le rêve, l'espoir.
Et puis la chute originale.
Vraiment du très bon travail. Merci.

   widjet   
6/1/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Voui. Je rejoins les commentaires sur la pertinence et le langage du gamin, pas toujours très crédible. Mais c'est vrai que c'est fluide et que ça transpire la modestie avec une petite touche d'espièglerie. Je n'ai pas adoré, mais je n'ai pas perdu mon temps.

W

   jensairien   
15/1/2009
Le coté écriture scolaire m'a dérangé et finalement fait sourire en arrivant au dénouement. L'idée n'était donc pas mal.
Il fallait donc jouer le plus possible sur cette méprise. Car on trouve l'amoureux puéril, niais, et finalement attendrissant quand on comprend.
Mais dans ce cas il aurait fallu d'avantage soigner le vocabulaire du gamin (sans pour autant trahir le secret du récit)
Je ne pense pas que ce gamin, sincère et naïf, dise "A quoi rêvent les femmes ?" mais plutôt "A quoi rêvent les filles"
Et puis même si l'expression comme le vocabulaire est scolaire, il aurait fallu encore une fois d'avantage les rapprocher d'un univers d'enfant.

   Anonyme   
6/6/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Décidément, j'aime ce style. Des phrases courtes, simples, la musique des mots. Une chute à laquelle je ne m'attendais pas... Enfin, pas tout à fait puisque sur la fin il y a quelques indices ténus.

Je me demande pourquoi vous n'écrivez plus ? Parce que franchement vous savez raconter.

Un coup de foudre en quelque sorte.


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