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Réalisme/Historique
Meleagre : La sisselande [concours]
 Publié le 03/12/09  -  19 commentaires  -  12058 caractères  -  154 lectures    Autres textes du même auteur

Un marinier, fils de canuts lyonnais, transporte la soie dans sa sisselande, sur le Rhône tumultueux...


La sisselande [concours]


Ce texte est une participation au concours n°10 : 4x4 (informations sur ce concours).



Carte postale libre de droit tirée du site http://projetbabel.org/fluvial/sisselande.htm





En se retournant une dernière fois vers le septentrion, Marcel aperçut les toits rougeâtres qui s'effaçaient insensiblement dans les vapeurs rosées du soleil levant. Chaque fois, il quittait à regret cette ville qui l'avait vu naître, grandir et s'envoler, cette ville qui avait bercé ses peurs et ses joies enfantines, ses espoirs et ses rêves.

Modeste fils de canuts, il avait vu, tout au long de son enfance, ses parents, laborieux et miséreux, s'éreinter chaque jour, jusqu'à épuisement, pour actionner les bras tentaculaires de métiers gigantesques. À chaque fois qu'il pénétrait dans l'atelier, le grincement des machines, les jurons étouffés des ouvriers et le cliquettement régulier des navettes heurtant les montants de bois, l'assourdissaient. Dans la faible lumière qui tombait des hautes vitres opaques, il distinguait mal les contours et les mouvements réitérés des canuts qui se confondaient avec les machines, jusqu'à faire un seul corps avec elles – un corps de bois, géant, machinal, dont le cœur battait au rythme lancinant des navettes vermoulues. Alors, pour chasser cette vision angoissante, il se précipitait à l'air libre et, au terme d'une cavalcade effrénée dans les pentes sinueuses de sa colline natale, il parvenait, ivre de course et de vent, aux bords du Rhône, qui s'étalait majestueusement à ses regards enchantés, comme un vaste océan plein de promesses et de merveilles.



Aujourd'hui, il descendait ce même fleuve, dont il connaissait maintenant les moindres méandres, dont il pouvait prévoir les remous, les crues et les caprices. Il sentait vivre ce courant, puissant, invincible, impétueux, qui entraînait sa frêle embarcation vers la lointaine mer. Naviguer sur ce fleuve était une merveille chaque jour renouvelée.

Sa péniche de bois – sa sisselande*, précisait-il parfois, en prononçant ce mot savoureux avec un soupçon de fierté – flottait majestueusement, fendant délicatement les eaux agitées d'un imperceptible sillon doré. Elle transportait les ouvrages délicats des canuts, des robes luxueuses, des chemises richement colorées, tissées dans une soie douce et légère, plus agréable au toucher que la soie rêche et épaisse qu'avaient filée ses parents. Des rouleaux d'étoffes chatoyantes arboraient fièrement les armes de la ville, dont le savoir-faire était réputé dans l'Europe entière**.

Comme chaque trimestre, il filait vers Marseille, et espérait vendre ses précieuses marchandises dans les villes traversées, ou, au terme du voyage, dans le port fourmillant ; et il songeait aux contrées fabuleuses qu'atteindraient ces étoffes, aux princesses orientales qui revêtiraient ces robes et dormiraient dans ces draps moelleux.



Jeannot aidait son patron dans toutes les manœuvres. Ancien berger, il avait grandi au milieu des montagnes et des pâturages, et le contact de ses bêtes l'avaient rendu placide et taciturne. Absorbé par ses rêveries à l'avant de la péniche, il suivait du regard les arbres qui se dressaient nonchalamment sur les berges, et qui semblaient étirer vers lui leur frondaison verdoyante, saluer amicalement cet amoureux des forêts. De son œil d'un bleu limpide, il savait sonder la profondeur des eaux, évaluer la vitesse du courant, et faire avancer la sisselande au milieu des rochers et des bas-fonds. Lors des pénibles remontes du Rhône, Jeannot marchait parfois pendant des heures sous la chaleur estivale, pour chercher des chevaux de halage dans un des nombreux relais qui parsemaient le chemin. Il n'avait pas son pareil pour choisir les bêtes les plus robustes ; les chevaux semblaient apprécier ses caresses, ses gâteries, et, amadoués par sa douceur, ne rechignaient pas à ce rude labeur.

Malgré les précieux services de ce conducteur, ce lien particulier qu'il entretenait avec les chevaux inquiétait son patron. Quand Jeannot caressait leur forte encolure irritée par la corde de halage, pour les encourager dans leur tâche, il semblait parler aux bêtes qui, comme si elles le comprenaient, dressaient l'oreille et ramassaient leurs forces. La peur des sorciers et du diable, les tenaces croyances populaires, embrumaient l'imagination rustaude du marinier, qui traitait avec une égale bestialité les chevaux et leur conducteur.

Éloigné des contacts humains pendant de nombreuses années, Jeannot supportait difficilement cette promiscuité forcée sur l'espace confiné de la péniche. D'un naturel tranquille, il craignait les sautes d'humeur et les accès de colère de son patron, qui pouvait alors pousser des hurlements rauques, où les anacoluthes se mêlaient aux onomatopées.


- Hue ! Hue ! Sales bêtes ! Fouchtra ! Ce fainéant, s'il se remue pas, on arrivera jamais ! Hue ! Que diable !


Jeannot courbait alors l'échine comme un cheval rabroué, et se renfrognait dans un silence maussade et craintif.



En ce jour pluvieux d'avril 1889, où les nuages ternissaient les roches blanches des berges, le Rhône était agité, tumultueux, grossi par les tempêtes qui semblaient faire rage en amont***. Des troncs d'arbres, arrachés aux rivages par les vents d'orage, glissaient lourdement dans les eaux boueuses et heurtaient parfois la coque fragile. Le courant puissant se chargeait de tourbillons et de remous. Pour permettre à la sisselande de se faufiler entre les écueils et les bas-fonds, il fallait toute l'habileté du marinier, et toute la finesse d'observation de son acolyte.

Vers la fin de l'après-midi, les nuages s'épaissirent, l'atmosphère s'alourdit. Dans le silence soudain pesant, les vents se levèrent, et déferlèrent bientôt en rafale contre la pauvre péniche. Les vagues, la houle, les bourrasques ballottaient la sisselande de tous côtés. Les récifs recouverts d'eau s'estompaient dans le brouillard. Les deux hommes, fatigués par toute une journée de manœuvres exigeantes, espéraient atteindre Arles, pour y faire halte, avant la tempête. Dans ce surcroît de difficultés, ils redoublaient d'attention, les nerfs tendus, arc-boutés contre le vent. La mauvaise humeur du marinier, jusque-là contenue, était désormais palpable, et ses jurons cinglaient parfois, couvrant le sifflement des rafales.

Soudain, dans un des nombreux méandres du fleuve, la sisselande, entraînée par le courant déferlant, heurta un tronc massif charrié par les eaux. L'embarcation, désorientée par le choc, échappa au contrôle des deux hommes. Oscillant et tanguant, elle s'approcha dangereusement de la berge. Le marinier, poussant un hurlement bestial de frayeur et de rage, crut voir son embarcation se fracasser contre les rochers. Heureusement, une couche de vase et de sable vint amortir le choc, et le bateau s'y enfonça.

Le soulagement passé, les deux hommes constatèrent qu'ils ne pouvaient pas remettre à l'eau la sisselande enlisée. Mais le courant, qui tourbillonnait entre la rive et la coque, risquait d'entraîner peu à peu la poupe du bateau ; celui-ci, incontrôlable, pourrait alors partir à la dérive. Les deux hommes ne pouvaient pas non plus, seuls, la hisser plus avant sur la rive, pour la soustraire au danger des vagues.

Jeannot, voyant le marinier désemparé, décida d'aller chercher un cheval de halage. Déployant des trésors d'agilité, le conducteur se hissa sur la grève et escalada les rochers, puis, avançant à grandes enjambées au milieu des bourrasques, partit vers Arles.



Marcel déambulait frénétiquement, arpentant la proue de sa péniche échouée. Il craignait de perdre sa sisselande, à laquelle il avait consacré sa vie, et qui, endommagée, gémissait sous les assauts des vagues et du vent. Criant, braillant, vociférant, il semblait vouloir rivaliser avec les éléments déchaînés, les vents qui sifflaient, les flots qui hurlaient, les vagues qui se brisaient avec fracas sur les récifs et la coque. Sa fureur devenait rage. Il s'en prenait à Jeannot, à la péniche, au Rhône, à la tempête, à la nature, à Dieu même. Il martelait le bastingage de ses poings crispés, et gesticulait comme un beau diable, bravant les bourrasques, interpellant le tonnerre.

Enfin, un hennissement strident annonça le retour de Jeannot. Les éclairs et les coups de tonnerre effrayaient le percheron, à la robe grise maculée de boue. Le conducteur, de sa voix calme et chaude, l'apaisait tant bien que mal, et le conduisait vers la sisselande. Tout en le câlinant, le caressant, le cajolant, il harnacha le col musclé et puissant de la bête apeurée. Après un long moment, le cheval s'arc-bouta, tirant de toutes ses forces sur la corde. Ses sabots glissaient dans le sable boueux. Son harnais lui meurtrissait l'encolure. Les rafales giflaient ses naseaux fumants. Mais il n'arrivait pas à faire avancer la péniche embourbée. Suant, soufflant, tremblant, il s'arrêta.

Alors, Marcel, frénétique, hurla à pleins poumons :


- Hue ! Bourricot ! Hue ! Sale bête ! Fichtre ! Tu vas avancer ou j'te crève ! Hue ! Hue ! Âne bâté !


Jeannot, heurté, comme offensé par ce déferlement d'insultes, voulut prendre la défense de l'animal.


- Pauv' bête ! C'est qu' c'est lourd, c'te raffiot, et pis par c' sal' temps !


Après une nouvelle bordée d'injures, destinée au cheval et à son conducteur, le marinier, hors de lui, alla chercher un fouet dans la cabine, et, campé sur la proue, le fit claquer, menaçant. Scandalisé, Jeannot se précipita pour protéger la bête. Mais le marinier brandit son fouet, et l'abattit violemment sur la croupe palpitante du cheval épuisé. Le percheron, dans un hennissement désespéré, rua hargneusement.

Jeannot, outragé comme s'il avait été frappé lui-même, grimpa sur la péniche. Avant que Marcel ait eu le temps de relever son fouet, Jeannot, oubliant tout le respect craintif qu'il accordait à son patron bourru, se précipita sur lui, le garrotta et le terrassa avec une vigueur décuplée par la colère.

Le marinier, blessé dans son corps et son orgueil, se releva, reprit son fouet et, lançant des regards pleins d'éclairs et de haine, s'approcha de Jeannot. Ivre de fureur et de rage, il le frappa. Il frappa, frappa. Il frappa à coups redoublés, il frappa avec acharnement, il frappa aveuglément ; il frappa sans réfléchir, sans s'arrêter, sans discerner. Il frappa de toutes ses forces, de toute son énergie. Il frappa, comme si c'était son seul but, comme si sa vie en dépendait. Il frappa, galvanisé par l'élan des vagues, par les coups de tonnerre, par les bourrasques de vent. Il frappa, dans un débordement de haine, dans un déferlement de rage. Il frappa, jusqu'à ce que s'écroule le corps lacéré du voiturier. Il frappa ce cadavre étalé à ses pieds. Il frappa, frappa. Il frappa jusqu'à ce que le sang jaillisse des membres mutilés. Il frappa jusqu'à manquer de forces, jusqu'à ce que son bras crispé et sa main engourdie ne lui répondent plus. Il frappa jusqu'à épuisement, jusqu'à l'abattement. Il frappa jusqu'à tomber à genoux sur le pont souillé de sang. Il frappa, frappa.

Il frappa jusqu'à s'écrouler, vidé, sur ce corps mutilé.



____________________________________________________


Notes


* Une sisselande est un grand bateau à fond plat, utilisé sur le Rhône au XIXe et au début du XXe siècle. Propulsé par le courant ou halé par des chevaux, il peut porter 200 tonnes. Cf. photo dans le Diaponiris.


** Dans la seconde moitié du vingtième siècle, l'industrialisation, la concurrence étrangère et l'arrivée de la soie synthétique entraînent le déclin de la soierie lyonnaise. Mais Lyon trouve de nouveaux débouchés, grâce à la haute couture et à la soie de haute qualité. Depuis 1886, une marque aux armes de la ville distingue une étoffe tissée à Lyon.


*** La ville d'Arles a connu une importante crue du Rhône en avril 1889.


 
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   Lapsus   
3/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Une belle écriture au service d'un récit intense, la narration est précise et picturale.
Les personnages sont bien campés et l'histoire, terrible, est crédible.
Toutefois, sans me faire l'avocat du diable, je dirais que ce pauvre gars est certes un épouvantable meurtrier, mais qu'il n'est pas un assassin.
Il lui manque ce trait criminel qu'est la préméditation.
Assassin : celui qui tue, qui commet un homicide avec préméditation ou guet-apens.
Aujourd'hui on plaiderait l'irresponsabilité temporaire, hier il aurait connu le bagne.
Merci pour cette immersion dans l'atmosphère d'une époque où les eaux du Rhône filaient comme la soie.

   Anonyme   
3/12/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
L'histoire commençait plutôt bien.

Cependant l'entente des deux hommes et la description du contexte sont parfois survolés... au début je croyais le voiturier simple d'esprit or c'est le marinier qui est est un meurtrier fou.

Les récupercutions de la tempête et les coups portés à répétition sur la victime sonnent faux.

   widjet   
3/12/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
De par la forme, le ton, c’est un texte résolument risqué que vient d’écrire Meleagre. Risque dans le sens où le rythme volontairement lent (l’auteur prend son temps pour installer son histoire et camper ses personnages ainsi que leur histoire) peut perdre (ou ennuyer) un lecteur impatient de se plonger dans l’intrigue. Moi, j’aime plutôt cette prise de temps, ce soin apporté aux détails et au décor qui témoigne aussi d’un affection des « petites gens » (à prendre dans le sens noble du terme). Cela ancre aussi le récit dans une certaine réalité. Un texte que ne renierait pas un certain Marogne, je pense.
On a l’impression qu’il ne se passe pas grand-chose et pourtant, une fois la mise en route effectuée, un petit suspense s’installe sur cette lutte entre la Nature et l’Homme pour sauver le bateau. Le rendu est plutôt convaincant et on se prend à vouloir que le sauvetage réussisse.

L’écriture est plutôt travaillée, même si je déplore quelques lourdeurs (deux fois « dont » dans « dont il connaissait maintenant les moindres méandres, dont il pouvait prévoir les remous »), l’abus d’adverbes (en passant majestueusement est répété deux fois), surtout les répétitions (fureur, rage, précieux, bourrasques, tonnerre…). Parfois ça tourne à la paraphrase, c’est inutile je pense car le message est passé.

Autre prise de risque, la répétition multiple (et voulue, cette fois) du verbe frapper à la fin pour montrer l’acharnement, la folie même du personnage… Je trouve le passage trop long et trop redondant. Tu pourrais couper une partie sans perdre ton intention.

Mais par l’application apportée (notamment le premier paragraphe qui plante bien l’histoire) et les prises de risques évoqués, je suis plutôt séduit par l’ensemble.
W

   jaimme   
4/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Une atmosphère bien rendue et un récit qui se lit avec plaisir, mais le style de la fin, avec une abondance trop marquée de "il frappa" a vraiment gêné ma lecture.
Au début quelques phrases ont un style un peu lourd, comme:
"il parvenait, ivre de course et de vent, aux bords du Rhône, qui s'étalait majestueusement à ses regards enchantés, comme un vaste océan plein de promesses et de merveilles." ou:
"fendant délicatement les eaux agitées d'un imperceptible sillon doré".
Et puis le mot "bestialité" dans: "qui traitait avec une égale bestialité les chevaux et leur conducteur." Le mot est trop fort, trop marqué.
Voila les défauts, selon mon goût, qui ont freiné ma lecture. C'est dommage car une belle écriture accompagne le reste.
L'histoire est un peu courte, j'aurais aimé connaître les conséquences du meurtre. J'aurais même aimé, goût personnel, une autre fin: Jeannot qui montre qu'il peut sauver le bateau par exemple.
Un très beau background, original en tout cas.

   Anonyme   
4/12/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
Une ambiance assez personnelle, une histoire plaisante mais des maladresses dans le style qui m'ont empêché de me plonger dans cet univers :

"au terme d'une cavalcade effrénée dans les pentes sinueuses de sa colline natale" le "dans me gêne un peu. J'aurais mis "au travers".

"Aujourd'hui, il descendait ce même fleuve, dont il connaissait maintenant les moindres méandres, dont il pouvait prévoir les remous, les crues et les caprices." le double "dont" déjà relevé par Widjet (je crois).

"Quand Jeannot caressait leur forte encolure irritée par la corde de halage, pour les encourager dans leur tâche, il semblait parler aux bêtes qui, comme si elles le comprenaient, dressaient l'oreille et ramassaient leurs forces." que, qui, quoi? un peu long, j'ai été contrainte de la lire à voix haute ce qui a cassé le rythme de ma lecture.

"Marcel déambulait frénétiquement" association étrange. Pour moi quand on déambule ce n'est jamais avec frénésie. Cela dit c'est peut-être mon tempérament qui fait ça.

Et puis, la psychologie des personnages n'est qu'effleurée ici. J'aurais eu envie dans savoir un peu plus.

Désolé Meleagre, une autre fois très certainement.

   Eric-Paul   
4/12/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
J'ai aimé le soin apporté à la reconstitution.

Avignonnais d'origine, je reste sensible à tes représentations de notre Rhône. et quand bien même ta crue de 1889 prend sous ta plume des allures de tempêtes maritimes... nous y sommes.

Je regrette par contre l'emploi du passé . A la lecture je suis soulé de passé simple et d'imparfait... et là je ne rentre plus dans l'histoire. je reste le témoin d'un testament lointain.

Dommage.

   Anonyme   
5/12/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour Meleagre

Une écriture qui appelle la longueur, or le texte est court. Un peu comme un coureur de fond égaré dans un sprint.
Beaucoup d'adjectifs mais ça ne me gêne pas parce que le texte est court.
Juste un bémol là : "Naviguer sur ce fleuve était une merveille chaque jour renouvelée." j'aurais préféré un bonheur renouvelé mais c'est affaire de goût.
La redondance du verbe frapper... J'ai vu une femme, de l'époque, raconter cette histoire, assise sur une chaise, le mouchoir tamponnant ses joues. Elle aurait parlé comme ça, si elle avait été témoin de cette scène. Donc, pas gênant en fin de compte.
J'aurais voulu en savoir plus sur Jeannot, bien campé déjà, mais encore trop esquissé.
J'ai un peu de mal avec la douceur et la patience du conducteur de chevaux alors que le tonnerre gronde, que les éclairs effraient la bête et que le vent hurle.
Pas captivée, mais je me suis laissée bercée par le style, la précision des détails.
Bonne continuation et félicitations pour avoir relevé le défi.

   NICOLE   
5/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Une reconstitution réussie en ce qui me concerne. L'auteur a pris le temps de se documenter, suffisamment en tout cas pour rendre l'ambiance oppressante propre au contexte.
La violence de la scéne finale m'a semblée bien rendue (en dépit de l'inutile répétition de "mutilé"). Il s'en dégage une impression glauque et oppressante, propre à servir le texte.
Moi qui ne jure habituellement que par l'emploi du présent, je n'ai pas songé une seconde à remettre en cause, ici, l'usage des temps du passé.
Un bon moment de lecture, court bien entendu, mais qui, à mon avis, aurait perdu en puissance en prenant davantage
ses aises.

   Selenim   
5/12/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Un texte duquel s'échappent des parfums d'authenticité mais qui est plombé par une écriture remplie de maladresses et un découpage temporel hésitant.

L'histoire est pourtant belle mais j'ai regretté que l'auteur accorde trop peu d'importance à certains passages pourtant intéressants. C'est clairement un texte qui manque de lignes. L'ambiance n'a pas le temps de s'installer. On se retrouve à la fin avec deux personnages qui se cognent sans trop comprendre car on ne les connait pas assez.

Il aurait fallut une ou deux anecdotes venant ponctuer cette descente de fleuve pour se faire ne idée plus précise et pouvoir se révolter avec plus d'ardeur lors de la scène final.

L'utilisation à outrance du 'frappa" dans le dernier chapitre est trop prononcé. Je comprends bien l'intention de l'auteur, d'accentuer la violence par cet effet redondant, mais trop c'est trop.


Sur le style, les phrases sont trop fragmentées, trop virgulées. Il est plus délicat de garder le sujet en tête et d'appréhender la phrase dans sa totalité, d'où un soucis récurrent de compréhension.

Un problème majeur dans l'écriture vient des verbes et autres adjectifs combinés en tierce ou duo. Au lieu de décrire une action ou un élément, on se retrouve souvent avec des phrases de ce genre :

cette ville qui l'avait vu naître, grandir et s'envoler, cette ville qui avait bercé ses peurs et ses joies enfantines, ses espoirs et ses rêves.
dont il pouvait prévoir les remous, les crues et les caprices.
Il sentait vivre ce courant, puissant, invincible, impétueux
tissées dans une soie douce et légère, plus agréable au toucher que la soie rêche et épaisse
et le contact de ses bêtes l'avaient rendu placide et taciturne.
Criant, braillant, vociférant

Bref, la technique est utile mais pas utilisée avec cette régularité.


flottait majestueusement, fendant délicatement les eaux agitées
Deux adverbes dans la même phrases, ça plombe.

dont il connaissait maintenant les moindres méandres.
Pas fan de l'allitération.

Dans le chapitre parlant des chevaux, le terme est répété plusieurs fois. Ce n'est pas pour alléger le style.

Au final, un texte dont l'histoire intéressante est trop desservie par une forme encore trop perfectible.

Selenim

   Anonyme   
5/12/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour,

Quelque chose me gêne dans la construction du récit, je trouve la présentation des deux personnages principaux assez maladroite, d'abord présentation de l'un, puis de l'autre, tout cela est assez scolaire je trouve. Il aurait mieux valu, à mon sens évidemment et je peux tout à fait me tromper, choisir la perception de l'un pour présenter l'autre, ce que tu fais d'ailleurs ensuite, un peu tardivement, quand marcel juge le comportement de son ouvrier vis à vis des chevaux.
Je pense que le point de vue de Jeannot sur son patron aurait été plus judicieux et aurait peut-être mieux expliqué le déchaînement de rage de Marcel qui, là, me semble un peu trop forcé. Le dialogue aussi, la répartie de jeannot en pleine tempête ne me parait pas très crédible et son inertie à subir les coups me laisse sceptique, puisqu'il s'était déjà rebellé.
Sinon, j'aime bien la litanie rageuse du dernier paragraphe, mais je regrette qu'elle n'ait pas été amenée de manière plus cohérente, à mon sens toujours.

   LeopoldPartisan   
7/12/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Texte court mais intense. La lenteur est de mise pour permettre au lecteur de s'installer dans un univers inconnu ou oublié. Paradoxalement l'action, un crime que l'on peux qualifier de passionnel, se déroule à grande vitesse ( Combinaison des éléments déchainés avec l'urgence de la situation qui risque de ruiner Marcel). Le lecteur lamda que je suis et qui s'oblige souvent pour ne procéder qu'à une seule lecture avant de rédiger un commentaire a été littéralement captivé. Le souvenir et les sentiments qui me reviennent au moment de m'exprimer sont ceux d'une époque réellement dure, implaccable, quasi féroce où finalement la vie humaine en regard du désastre de la perte de son outil de travail n'est guère importante. N'est-ce hélas pas toujours le cas aujourd'hui, malgré l'évolution de nos conditions de travail et de la sécurité sociale que nous avons acquis depuis ? Meleagre me fait vraiment là me poser une question autant essentielle qu'existentielle. Humblement je l'en remercie.

   Menvussa   
7/12/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
J’ai du mal à imaginer que les navettes soient vermoulues sur un métier en état de marche.

« … qui s'étalait majestueusement à ses regards enchantés » Une tournure de phrase qui me semble inadaptée. J’aurais écrit : « qui s'étalait majestueusement sous son regard enchanté »

Placide et taciturne. La juxtaposition de ces deux adjectifs me dérange un peu. L’un a une connotation positive, l’autre, plutôt négative. Peut-être aurait-il fallu écrire Placide mais taciturne.

« … espéraient atteindre Arles, pour y faire halte, avant la tempête. »
J’ai pourtant l’impression qu’ils y sont déjà, dans la tempête.

Bonjour Meleagre,

Le dernier paragraphe qui évoque la colère de Marcel qui se défoule sur Jeannot rend parfaitement compte du drame et je serais tenté de dire : excellent. Mais vu la façon dont cela s’arrête sans que l’on sache ce qu’il va se passer ensuite, je dis « Pub » et j’attends.

Je relève également une petite incohérence. Jeannot terrasse Marcel, ce qui suppose qu’il l’a maîtrisé et tout à coup, c’est lui qui se fait massacrer. J’aurais voulu comprendre un peu mieux la transition.

En conclusion je dirais que ce texte ne manque pas d'intérêt, que l'auteur sait le rendre vivant, mais qu'il y a parfois contradictions entre les termes, les images évoquées et surtout que le lecteur frustré reste sur sa faim.

   colibam   
12/12/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
Ce récit de terroir m'a évoqué certaines histoires de Bernard Clavel. Peu de choses à redire sur la forme (peut-être un excès de virgules qui ont pour effet de hacher la lecture et l'utilisation excessive du verbe frapper, même pour évoquer la rage qui habite le meurtrier).
Sur le fond en revanche, cette nouvelle ne m'a guère enthousiasmé. Une histoire trop banale, un traitement plutôt fade et un dénouement poussif.

Ce texte ressemble davantage au passage d'un roman qu'à une véritable nouvelle. Le traitement de surface et le manque d'originalité ont plombé mon ressenti.

   Anonyme   
13/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Voilà une histoire qui lorgne du côté du naturalisme-pourquoi pas-
et qui sait se rendre touchante. Le récit est bien mené avec une écriture très (trop ?) classique qui arrive à émouvoir. Je suis toutefois moins convaincu par son dénouement. Merci pour cette lecture même si mon ressenti est un peu mitigé.

   aldenor   
13/12/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
La forme est recherchée ; j’ai aimé les descriptions, et en général le récit semblait bien parti.
Mais cette violente conclusion, qui arrive sans qu’on sache comment ni pourquoi, m’a paru vraiment déplacée.

   florilange   
15/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Dans l'ensemble, le style est soigné, recherché, quoiqu'1 peu lourd parfois. Il rend au mieux les atmosphères & 1 époque.
Cependant, les virgules sont souvent mal placées. Il n'en faut pas avec la préposition "et", sauf en cas d'apposition. Faute d'accord : "le contact de ses bêtes l'avaient rendu..." - C'est le contact qui l'avait rendu (singulier).
Quant au fond, personnellement j'ai aimé l'histoire mais pas sa fin, que je trouve trop abrupte.
Florilange.

   Anonyme   
16/12/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
J'ai pas trop accroché.
Le style y est pour beaucoup. Lourd, paragraphes fermés, répétitions nombreuses et désagréables (eau, méandres, hommes,...) ; la seule chose qui m'a un peu retenu, c'est le côté poétique de certains paragraphes, sous la lourdeur des énonciations.

Je me suis em***, désolée, j'ai du me battre contre mon cerveau pour terminer de lire cette histoire, somme toute pas trop longue. Et c'est dommage, parce que ça ferme du coup mon envie de lire, mon envie de comprendre, de suivre, de retenir.

Les contraintes sont respectées... bien que l'anacoluthe soit un peu facile, mais citée avec un sens donc...

Merci, désolée si pour moi ça n"a pas pris. Bonne chance pour le concours.

   Ninjavert   
17/12/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Ce texte m'a évoqué cette vie rude et pénible des siècles passés.

Une plongée dans le passé intéressante, bien écrite et très précisément documentée. Du bon boulot à ce niveau là.

J'ai bien aimé la manière dont tu prends le temps de poser le contexte, de décrire les personnages. Ça m'a un peu dérangé que tu décrives les deux à la suite l'un de l'autre. J'aurai préféré que tu poses Marcel, le mette en situation ce qui aurait permis d'introduire Jeannot, puis que tu prennes alors le temps de nous décrire ce dernier. Une simple suggestion bien sûr, mais j'ai trouvé l'enchaînement des deux descriptions un peu lourde, et formelle.

Par contre, sorti du contexte, j'ai trouvé le texte un peu mou, un peu traînant. Je n'ai pas ressenti de réel changement de rythme lorsque la tempête se lève. Pas tellement plus lorsque le combat entre Marcel et Jeannot éclate. Certes l'intensité du récit est peu plus riche, mais je n'ai pas été convaincu par ce qui aurait dû être un véritable tumulte.

Je l'ai lu dans les commentaires, mais c'était peut être un peu trop rapide, trop précipité sorti du contexte.

Tu aurais pu poser quelques situations en exemples (autres que celle des chevaux, qui du coup fait répétition à la fin) pour mieux décrire les relations qui lient les deux hommes. De la même manière, j'aurai aimé que tu présentes un peu plus Marcel. On comprend assez vite que ça n'est pas un enfant de coeur mais la fin m'a semblé un peu précipité, excessive. Il aurait fallu mieux nous le décrire pour que ce déchaînement de rage nous paraisse plus cohérent.

La fin (le meurtre) m'a paru un peu bancal. Je ne suis pas expert en la matière, mais je suppose qu'on ne tue pas facilement un homme à coups de fouet. Ou alors, il faudrait qu'il soit attaché (ou inconscient) pour se laisser massacrer sans broncher sous la morsure de l'arme. Là, Jeannot ne devrait pas l'être : au pire il a finalement été repoussé par Marcel et se retrouve au sol, mais il devrait pouvoir se relever et se riposter, ou fuir. Il m'a paru assez étrange qu'il reste immobile à se laisser fouetter à mort. (ou alors tu ne nous donnes pas la clé qui rendent compréhensible ce comportement)

Dans le même ton, tu nous décris la folie, l'emportement de Marcel lors de ce meurtre pulsionnel. J'aurai aimé ressentir un peu plus ce qui se passe dans la tête de Jeannot : ce qui lui donne la force de se rebeller, au delà du coup de fouet donné au cheval. On comprend la motivation, j'aurai aimé avoir ses pensées, ses impressions, de manière plus intense.

Pour finir, toujours sur la fin, j'ai été assez peu convaincu par l'atitude de Marcel à la fin, lorsque la sisselande s'échoue. C'est un marinier, ce bateau est toute sa vie et il connaît le fleuve et ses dangers par coeur. Je ne suis pas marin mais j'ai du mal à croire que le premier et seul réflexe d'un marinier dans cette situation soit de rester immobile à pester contre le mauvais sort qui risque de ruiner sa vie. Possible (la panique peut faire pêter les plombs), mais autant je n'aurai eu aucun mal à y croire de la part d'un amateur, autant je suppose qu'un marin aguerri aurait réagi un peu plus intelligemment à la situation.

Au final, ce texte ne m'a pas vraiment convaincu, malgré ses bonnes idées, son écriture agréable et sa documentation prenante.

Merci en tout cas, pour cette ballade tumultueuse !

Ninj'

   Bidis   
18/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Une écriture que j’ai trouvé, pour ma part, ma foi fort agréable. Ici, je relève une petite répétition dans deux phrases qui se suivent :
« Le soulagement passé, les deux hommes … [… ]. « Les deux hommes ne pouvaient pas … »
Mais je dois bien avouer que je me suis un tantinet ennuyée tout de même. La finale m’a réveillée, je m’y suis laissée prendre, cela a racheté la légère somnolence qui menaçait vers le milieu de la lecture.


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