La mer était calme. Un léger roulis berçait la lourde barque et la lune accrochait son pâle reflet sur le lent moutonnement de l'eau. On n'entendait plus le cri strident des mouettes et, sur la côte, les yeux des maisons s'étaient clos sur le sommeil humain.
Sur l'immensité liquide qui s'ouvrait devant eux, ils étaient seuls. Loïc sifflotait. La nuit étoilée était chaude et belle, pourtant Yvon, lui, frissonnait se demandant dans quelle galère il s'était laissé entraîner.
Son compagnon était si sûr de lui ! L'épave était là, disait-il, tout près des brisants. Il l'avait repérée depuis le pont du chalutier sur lequel ses quinze ans aspiraient à passer, - sous peu, il n'en doutait nullement - de l'état de moussaillon à celui de marin et, pourquoi pas, de quartier-maître !
Son rêve véritable était de commander un jour son propre bateau de pêche, mais pour cela il fallait de l'argent et cette épave, échouée là en mille neuf cent quarante quatre, en contenait : il y avait dans ses flancs, selon les dires de l'oncle Hector, un trésor de guerre que les Allemands auraient tenté de mettre à l'abri lors du débarquement des alliés ; mais ce rafiot avait coulé et personne ne voulait risquer sa vie à cet endroit sinistre pour explorer une épave dont peu de gens, en fait, devaient connaître le secret. Hector, lui, savait. C'était un vieux marin très imaginatif et, en cela, son neveu avait bien hérité de son caractère romanesque. Mais si le premier était prudent et avisé, le second possédait toute la fougue et l'insouciance de son jeune âge...
Aussi, lorsque son oncle eut la jambe brisée par une malencontreuse manœuvre, son séjour à l'hôpital fournit à Loïc l'occasion rêvée pour lui "emprunter" sa barque de pêche, afin d'aller repérer d'un peu plus près l'objet de ses fantasmes. Il avait décidé de plonger au-dessus de l'épave, mais à cet endroit les courants étaient si forts qu'il lui faudrait s'encorder. Quelqu'un devrait donc l'assister : il n'eut pas trop de mal à décider son cousin en lui faisant miroiter la fortune qui mettrait sa pauvre mère, veuve depuis plusieurs années, à l'abri du besoin...
Au dernier moment Yvon, malgré sa crédulité, avait tout de même failli flancher. Toute la diplomatie de Loïc avait alors été nécessaire pour le convaincre qu'ils ne risquaient rien, du moins pour cette fois, puisqu'ils allaient seulement en reconnaissance afin de contrôler l'accessibilité du lieu et, par ce temps où la mer était d'huile, il ne pouvait y avoir de danger... C'est pourquoi ils étaient là ce soir, l'un tendu vers son espoir, l'autre tout frémissant d'une crainte inavouée : l'océan lui ayant déjà pris son père, il en soupçonnait justement les traîtrises.
Insouciant, son compagnon chantonnait maintenant un vieil air breton. Tout à coup il se tut attentif au grondement du ressac sur la falaise. Il tendit le bras vers un point connu de lui seul et au-dessus duquel brillait un phare.
- Non, n'allons pas par là, protesta Yvon, c'est l'Enfer, tu le sais bien ! - Quel poltron ! Regarde, comme la mer est paisible ce soir, il n'y a vraiment pas de risque... Nous allons juste être un peu secoués, c'est tout... Je connais une passe, tout près d'ici, qu'il faut atteindre, je l'ai repérée du haut de la falaise avec les jumelles d'Hector et je sais exactement l'emplacement de l'épave coincée entre deux brisants à faible profondeur ; les rochers tout autour forment une petite anse tranquille où, à marée basse, je suis certain qu’il est possible de mouiller. Regarde, la mer baisse déjà.
Sans répondre, Yvon soupira. Depuis un moment le bateau tressautait et le doux bercement se transformait en dur roulis. Malgré son air tranquille, Loïc commençait quand même à se poser des questions et perdait sa belle assurance, car sur la mer les distances ne lui semblaient plus les mêmes...
- Où est donc cette passe ? marmonnait-il à voix basse. - Rentrons, je t'en prie... suppliait Yvon en claquant des dents.
Soudain, tout alla très vite. La barque se mit à tournoyer sur elle-même comme une toupie folle. Cramponné au gouvernail, Loïc tenta en vain d'emballer le moteur afin de lutter contre les courants sournois qui filaient inexorablement se fracasser contre les rochers, au milieu de grandes gerbes d'écume.
Yvon criait, implorant la Vierge Marie dont la statue, là-haut sur la falaise, leur tendait des bras secourables. Tout près, de plus en plus près, le ressac grondait, cependant qu'au loin le phare de l'Île de Sein leur clignotait ses signaux désespérés.
Mais l'embarcation fut entraînée à la vitesse d'un cheval emballé ; le fond heurta les brisants et un craquement sinistre leur annonça la fin de l'aventure. C'est alors qu'un rouleau puissant submergea ce qui restait du bateau d'Hector auquel s'accrochaient encore farouchement les deux imprudents et, le soulevant comme un fétu de paille, envoya le tout se drosser contre la falaise abrupte, au flanc de laquelle se brisèrent et s'éparpillèrent les derniers morceaux.
Au même instant, les adolescents furent projetés dans le tourbillon liquide déchaîné. Chacun, soucieux de sa propre survie, luttait de toutes ses forces contre le courant.
Ballotté, à demi noyé, Yvon fut sauvé par le jusant qui le laissa au creux d'une anfractuosité, une sorte de surplomb gluant, auquel il s'accrocha, avec l'énergie du désespoir. L'eau lui battait toujours les jambes, mais avec moins de violence.
La marée descendante allait lui accorder quelque répit. Après maints efforts, il réussit à s'asseoir sur le rocher et, grelottant de terreur et de froid, appela en vain son compagnon. Le fracas de l'océan couvrait sa voix. Éperdu d'angoisse, il considérait sa situation précaire : la marée montante l'emporterait vers cet abîme où son ami avait déjà disparu. Ses larmes amères se mêlant à l'eau salée qui lui collait ses vêtements à la peau, il se laissa aller à son désespoir.
Un clapotis étrange, provenant du fond de l'anfractuosité où il était réfugié, attira bientôt son attention. Il n'y voyait goutte, la lune ne portant pas jusque-là ses faibles rayons. Pourtant, il eut la sensation d'une présence : les fantastiques récits des veillées lui revenaient en mémoire ; un monstre marin n'allait-il pas surgir de ce trou en lançant vers lui venin ou tentacules pour le dévorer vivant ? En proie à la panique, il s'apprêtait à se jeter dans l'écume qui bouillonnait à ses pieds, lorsqu'il lui sembla entendre son nom. Il arrêta son geste insensé et une joie puissante l'envahit lorsqu'il reconnut Loïc qui nageait lentement vers lui.
Yvon tendit la main à son cousin qui se hissa, non sans mal, sur le rocher à ses côtés. La mer baissait de plus en plus. Loïc expliqua d'une voix hachée :
- J'ai dû être plaqué contre la roche et perdre connaissance. Lorsque j'ai repris mes esprits, j'avais échoué dans le fond d'une grotte sur un tas de débris qui me faisaient, presque au sec, une plate-forme providentielle. Bien vite je me suis mis à ta recherche et me suis alors aperçu que cette grotte avait des prolongements de chaque côté et qu'une sorte de tunnel débouchait au fond. Je m'y serais bien risqué, mais je voulais d'abord te retrouver. Tous ces trous communiquent entre eux. Lorsque j'ai vu ton ombre qui se détachait sur le rocher, tu ne peux imaginer mon soulagement, mais tu n'entendais pas mes appels c'est pourquoi j'ai dû nager jusqu'à toi. Maintenant il faut aller explorer cette grotte, car c'est d'elle que dépend notre salut. Ici la falaise est trop abrupte et en surplomb, nous ne pourrons donc pas la gravir. Quand la marée va remonter, tout sera à nouveau submergé et nous périrons noyés. Il faut donc faire vite avant que nos forces ne nous abandonnent tout à fait et qu'il ne soit trop tard... - J'ai l'impression d'être entièrement brisé... gémit Yvon. - Moi aussi, répliqua son compagnon d'infortune, mais nous sommes vivants, c'est l'essentiel...
Puis, ne s'attardant pas en remords inutiles, il ajouta :
- Remue-toi pour voir si tu n'as rien de cassé.
Yvon secoua négativement la tête.
- Alors, on y va, décida Loïc.
La mer s'était presque entièrement retirée de la faille. En pataugeant, ils purent gagner, à tâtons, la caverne d'à côté, au fond de laquelle ils découvrirent, en effet, une sorte de galerie à demi éboulée dans laquelle ils s'engagèrent en frissonnant car, sans le dire, ils pensaient à la légende qui faisait se communiquer la terre et l'enfer à cet endroit précis... Cependant ils ne voyaient pas d'autres solutions.
Ils avançaient donc, parfois en rampant, aveugles comme des taupes, dans cet étroit boyau qui montait vers l'inconnu mais qui représentait leur unique chance de salut. Déblayant les pierres qui obstruaient souvent le passage, Loïc allait devant. Du sable s'éboulait sur eux et ils s'attendaient à tout moment à se trouver ensevelis. Il leur semblait grimper dans une spirale infernale qui n’en finirait jamais.
Néanmoins, après plusieurs heures d'efforts ils parvinrent, complètement harassés, dans une sorte de couloir où ils réussirent, enfin, à se tenir debout. Se sachant au-dessus du niveau de la mer, ils faillirent s'abandonner à leur fatigue, pourtant une ultime curiosité leur fit dégager poussière et gravats, après quoi ils débouchèrent dans une excavation sans issue où ils s'affalèrent, épuisés, sur un lit de sable fin pour s'abandonner au sommeil.
Loïc s'éveilla le premier. Une lueur indécise caressait son visage, jetant une faible clarté sur les lieux. Il se leva pour explorer leur refuge : ce n'était qu'une sorte de caveau grossièrement maçonné, de deux mètres sur trois environ, obstrué, du côté où venait la lumière, par un amoncellement de caisses. Il tenta de les faire basculer mais ne put en remuer une seule tant elles étaient pesantes. Il secoua Yvon qui se mit à crier de frayeur.
- Tais-toi donc ! grogna Loïc, ce sont peut-être des contrebandiers qui ont entreposé ces colis, il ne faudrait pas qu'ils nous surprennent...
La triste réalité s'imposa, alors, à l'esprit d'Yvon qui se lamenta :
- Nous sommes prisonniers, jamais nous ne pourrons sortir de ce trou. J’ai tant soif ! - Et moi j'ai faim, railla son cousin, viens donc m'aider il y a peut-être du "singe" dans ces caisses... En attendant, prends toujours ça.
Il sortit de sa poche une tablette de chocolat ramolli, complètement en miettes et plutôt salé que sucré, mais qu'ils partagèrent avec avidité. À peine restauré, Yvon se leva péniblement et de leurs forces conjuguées ils parvinrent à faire basculer la plus haute caisse qui s'éventra à leurs pieds, mettant en évidence des dizaines de fusils rouillés. Ils comprirent alors qu'ils étaient arrivés sous le blockhaus datant de la dernière guerre qui se trouvait sur la falaise. Souvent, ils y avaient joué sans soupçonner qu'une telle cachette se dissimulait sous leurs pieds…
Perplexes ils se demandaient, maintenant, comment après avoir échappé à la mer ils allaient se sortir de ce nouveau guêpier ? La lueur qui leur parvenait émanait d'une cheminée étroite où seul un chat aurait pu s'introduire. Yvon, pessimiste, s’abandonna au désespoir :
- Je te dis qu'il n'y a pas d'issue, nous allons mourir de faim et de soif, ici...
Pourtant Loïc ne se laissait pas gagner par ce défaitisme :
- Comment voudrais-tu que ces caisses soient entrées ? Par le souterrain que nous venons d'emprunter, peut-être ? Pas possible ! Il y a un accès vers le blockhaus, il faut le trouver, c'est tout !
Accablé, Yvon s'était jeté sur le sol et pleurait à chaudes larmes, délayant la poussière incrustée sur son visage de ses poings rageurs. Son compagnon, ne tenant point compte de cet aveu d'impuissance, fouillait, explorait chaque pierre du réduit, tentant de les faire jouer... hélas ! sans succès. Comme il se penchait vers un coin pour en gratter le sol, ses doigts rencontrèrent un objet dur et rond. Il le souleva et le laissa retomber avec horreur : c'était un crâne humain et des ossements gisaient tout autour. Pour ne pas l'effrayer davantage, il négligea de faire part de sa funèbre découverte à son cousin, mais le découragement commença aussi à le gagner.
Il s'assit auprès d'Yvon en silence. Une odeur de moisi lui chatouillait les narines et témoignait du manque d’aération du réduit. Au bout d'un moment, ruminant de sombres pensées, il s'aperçut qu'il était installé sur une chose dure enfouie dans le sable et dont les arêtes vives lui blessaient les jambes. Il tenta de dégager ce qu'il prit d'abord pour un caillou importun, mais sa main saisit une espèce de boîte oblongue qui aussitôt l'intrigua. Il secoua son camarade :
- Eh ! Regarde ce que j'ai trouvé !
Yvon cessa de geindre et ils s'employèrent à dégager l'objet qui leur apparut bientôt comme une sorte de cercueil fermé par une serrure.
- Bizarre ! bizarre ! grommela Loïc entre ses dents, peu désireux d'une nouvelle trouvaille macabre, mais pourquoi une serrure ? Les morts ne se sauvent pas, que je sache...
Cependant Yvon, surexcité, s'était emparé d'un fusil et tapait à coups redoublés sur la fermeture qui sauta brusquement. Ils soulevèrent ensemble le couvercle, l'un avec répugnance, l'autre avec avidité.
Au même instant, le soleil réussissant à filtrer frappa le contenu de cet étrange coffre et un éblouissement leur fit cligner les yeux : ils se les frottèrent, croyant rêver.
Soigneusement alignés côte à côte, une trentaine de lingots d'or reposaient là depuis plus de quarante ans !...
- Eh bien, le voilà ton trésor, murmura Yvon encore incrédule.
Sans voix, Loïc contemplait cette fortune inespérée en caressant fébrilement le métal précieux. Pourtant son esprit pratique reprit vite le dessus et il s'inquiéta encore davantage de la fin incertaine de leur expédition. Allaient-ils, eux aussi, mourir dans cette tombe ignorée alors qu'on les croirait perdus en mer ? Il frissonna à son tour, alors que son compagnon, en pleine euphorie, faisait des projets d'avenir :
- Nous achèterons un chalutier, disait-il, tu en seras le commandant et moi ton second. Hector nous conseillera. Nous aurons la belle vie, tu verras, et ma mère n'usera plus ses mains à faire des ménages pour les autres... J'irai porter un ex-voto à la Bonne Mère, elle l'aura bien mérité... - Demande-lui, d'abord, qu'elle nous fasse sortir d'ici... gronda Loïc, désenchanté.
Les heures s'écoulèrent et, cherchant l'introuvable passage, Yvon ne tarda pas à découvrir à son tour le squelette de l'inconnu. Son bel enthousiasme en fut douché d'un coup. Leur estomac douloureux les torturait tous les deux et une soif intense leur crevassait les lèvres. Le manque d'aliments finissait par avoir raison de leur résistance. Le jour baissait. Las de tourner comme des rats pris au piège, ils décidèrent de retourner vers la mer par le souterrain.
Dès que la marée serait tout à fait basse, ils tenteraient une sortie par la falaise ; en dignes fils de marins, ils préféraient périr noyés plutôt que de mourir de faim !... Leur résolution prise, ils ménagèrent leurs forces restantes en attendant le moment propice. La nuit tomba tout à fait ; surtout pas question de céder au sommeil !
Soudain, un rire de fille troubla leur silence. Ils bondirent, se croyant le jouet d'une hallucination. Mais non, ils entendaient bien des murmures entrecoupés de soupirs, là, tout près d'eux : des amoureux s'étaient donné rendez-vous au-dessus de leurs têtes !
D'une même voix ils se mirent à crier :
- Au secours ! Nous sommes là...
Un grand silence leur répondit, puis le bruit d'une course précipitée...
- Les vaches ! protesta Yvon, ils nous laissent tomber... - Mais non, assura Loïc, ils ont eu peur, mets-toi à leur place... - Je le voudrais bien... répondit Yvon, faisant preuve d'humour pour la première fois depuis bien longtemps.
Comme pour donner raison à Loïc, un pas prudent se fit entendre :
- Qui est là ? demanda une voix d'homme peu assurée. - Nous, Loïc et Yvon, clama ce dernier qui avait réussi à se hisser près de la bouche d'aération. - Ah ! Les deux disparus d'hier, reprit la voix d’un ton grondeur, mais comment êtes-vous arrivés là-dessous, garnements ? - Nous vous expliquerons plus tard, allez plutôt chercher du secours, nous tombons d'inanition... cria Loïc. - Oui, tout de suite... répondit l'homme saisi tout à coup par l'urgence de la situation.
Réconfortés par l'imminence de leur délivrance, ils ne sentaient plus leurs souffrances et embrassaient en riant leurs visages barbouillés de larmes et de poussière mêlées. Néanmoins, ils pensèrent à leur trésor et se dirent avec raison qu'il leur fallait le dissimuler s'ils voulaient avoir une chance d'en profiter un jour... Rassemblant leur ultime énergie, ils poussèrent les lingots dans l'étroit boyau dont ils firent tomber, à l'aide des fusils, les parois qui ne demandaient que cela tant elles étaient friables. Ainsi, ils pourraient dire que tout s'était éboulé derrière eux et personne n'irait, sans doute, vérifier leurs dires. Plus tard ils n'auraient plus qu'à venir récupérer cette fortune bien à l'abri dans sa cachette improvisée...
Dans le "cercueil" vide ils couchèrent les os du pauvre squelette, cependant qu'en haut les secours s'activaient. Le petit jour éclairait légèrement le réduit et leur surprise fut grande lorsqu'ils virent glisser une dalle large et plate qui semblait faire partie intégrante de la voûte : une torche puissante les aveugla, pendant qu'une voix leur annonçait :
- Ça y est nous avons trouvé la trappe, ça va les enfants ? - Oui, mais par pitié sortez-nous vite de là !...
Une corde leur parvint à laquelle ils s'agrippèrent pour être hissés hors de ce trou qui avait failli leur être fatal.
Faussement penauds, ils contèrent leur histoire d'épave et tout le monde se moqua de leur naïveté : ce n'était, en fait, qu'un sous-marin allemand torpillé par la marine anglaise qui s'était échoué là. Aucun trésor à espérer sur cette ferraille, ça se saurait... Hector avait voulu épater son neveu, voilà tout !
Les deux complices, savourant leur secret, se remettaient rapidement de leur épreuve. Égarant les soupçons, ils obtinrent des sauveteurs que leur affaire ne s'ébruite pas afin que leur oncle n'en sache rien avant sa sortie d'hôpital, il ne s'en remettrait pas affirmaient-ils. Ainsi les journalistes ne vinrent pas mettre le nez dans "leur" souterrain...
Quand Hector fut guéri, il fulmina contre eux pour la perte de sa barque, son seul bien, mais quand il connut le fin mot de l'histoire, il éclata d'un rire énorme :
- Ça, c'est bien joué, les p'tits gars, affirma-t-il en se tapant sur sa cuisse valide. Ne vous inquiétez pas, quand ma patte folle sera tout à fait d'aplomb, nous irons le récupérer votre trésor et nous achèterons un chalutier... pour nous trois, ajouta-t-il malicieusement, vous me devez bien ça, puisque vous avez fini de démolir ma pauvre barque ! - Mais cet or, comment ferons-nous pour le convertir en monnaie courante ? s'inquiétèrent les jeunes gens. - Ne vous en faites pas, j'ai mes accointances... affirma le vieux malin en clignant de l'œil.
C'est ainsi que, quelques temps plus tard, Hector "hérita" d'un mystérieux et lointain parent mort sans descendance aux Amériques... N'ayant pas lui-même d'enfant, le vieux loup de mer désigna tout naturellement comme légataires universels son neveu Loïc ainsi que son cousin... à la mode de Bretagne, Yvon.
L'année suivante, chacun put admirer le superbe bateau de pêche qui dansait fièrement sur les flots avec, à son bord, trois marins heureux mais qui naviguaient toujours loin, très loin, de la Baie des Trépassés et du Gouffre de l'Enfer.
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