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Fantastique/Merveilleux
MrLoUpIoT : RDV demain, midi, Tour Eiffel
 Publié le 16/03/08  -  7 commentaires  -  7238 caractères  -  9 lectures    Autres textes du même auteur

Moi.


RDV demain, midi, Tour Eiffel


Je rentrais du boulot, comme à l'accoutumée. Trottoir, esplanade, route, trottoir, escaliers, couloir, quai, métro, quai, couloir, hall, couloir, métro... Pour occuper mon esprit ailleurs, je triturais un papier dans ma poche. Plié, roulé, déchiré, repassé, le rectangle de carton était mon défouloir. Comme pour abréger ses souffrances, je le sortis de ma poche pour l'ausculter. C'était un ticket de métro. Mais tripoter ce bout de papier ne suffisait pas à mobiliser toutes mes pensées. Ainsi, je m'évadais un peu dans les méandres de mes songes. J'avais tellement envie qu'il se passe quelque chose. Je cherchais un signe, partout où mes yeux s'arrêtaient. Je voulais connaître tout le monde. Et du monde, il y en avait. Je tentais désespérément d'accrocher un regard. J'attendais même un signe du ciel m'indiquant la marche à suivre pour quitter cette monotonie quotidienne qui m'étouffait chaque jour un peu plus. Tripoter un bout de papier m'aidait sans doute à me concentrer sur ces pensées ridicules. J'observais ces visages avec attention. Derrière chaque bonhomme, chaque bonne femme, il y avait une vie, une histoire. Un passé, un présent, un futur. Je n'arrivais pas à comprendre pourquoi, mais il fallait bien s'adapter. Beaucoup de regards me paraissaient familiers.

Soudain, par le plus grand des hasards, mes yeux se posèrent sur mon ticket. C'était un titre de transport normal, aux couleurs de la RATP, prématurément vieilli par mes manœuvres machinales. Pour la première fois, l'idée me vint de lire toutes les inscriptions qui pouvaient y figurer. La surprise fut souffle-coupante.


« RDV demain, midi, Tour Eiffel. »


Je relus le message dix fois, vingt fois, incrédule et paniqué. Je fouillai les poubelles pour examiner d'autres tickets, aucun ne portait cette étrange inscription. Mais petit à petit, à force d'y réfléchir, je décidai qu'il s'agissait là d'une blague ou d'un quelconque "jeu-concours" ou peut-être, même, une erreur d'impression. Je me résolus donc à jeter le papier et poursuivre ma route vers mon logis.

C'est à l'intérieur de mon appartement que le message me frappa une deuxième fois. Sur la table du salon, proprement alignées, des miettes de pain formaient une phrase.


« RDV demain, midi, Tour Eiffel. »


Tétanisé, le regard aimanté sur les lettres, j'imaginais toutes les possibilités, jusqu'aux scénarios les plus invraisemblables. Mais très vite lassé, j'abandonnai mes recherches mentales pour balayer la surface et son mystère d'un coup d'éponge. Et la soirée se déroula tout aussi tranquille que normale, jusqu'à mon endormissement.


Comme à l'accoutumée, un affreux buzz numérique me déchira les tympans, m'arrachant d'un doux rêve moelleux, me laissant dès les premières minutes du jour un méchant goût de frustration. Après avoir effectué mon traditionnel ronchonnage matinal, j'enfilai une chaussette, puis sa voisine. Un bol de café vint éveiller le reste de mes sens qui refusaient avec obstination de se manifester. Chaussures bien enfilées, c'est au moment de revêtir ma redingote que le troisième message me brûla l'iris et les pupilles.


« RDV aujourd'hui, midi, Tour Eiffel. »


Les lettres étaient cousues, régulières, avec du joli fil doré sur le dos de ma veste. D'une finesse extrême, avec un bon goût certain, l'inscription se mariait à merveille avec le velours vert, autant par couleur que typographie. Agrémentées de flocons de neige, de fleurs, feuilles et fruits, les lettres d'or scintillaient avec beaucoup de charme.

Mes yeux scrutaient en vain tous les recoins de l'appartement. Aussi, j'enfilai un autre manteau et filai rejoindre mon cher métropolitain. Les étrangetés de la veille et du matin ne quittaient ni mon esprit, ni ma raison. J'étais aussi incrédule, sceptique, émerveillé qu'épouvanté. J'imaginais que chaque usager, chaque inconnu croisé pouvait être l'auteur de cette drôle de farce. Car cela ne pouvait être qu'une farce.

Bien décidé à décliner cette invitation douteuse, c'est en apercevant le quatrième message que mon choix fit demi-tour. Une affiche publicitaire monumentale tapissait les murs de la station St Lazare.


« RDV aujourd'hui, midi, Tour Eiffel. »


Oui, c'est à ce moment que l'envie de m'y rendre me chatouilla les idées. Oui, cela devenait évident, il fallait voir, il fallait savoir. J'eus bien sûr le sentiment d'être pris au piège, comme un pigeon piégé. Baladé, abusé, "me suis fait eu comme un bleu" me dis-je... Mais une occasion comme celle-ci, si exceptionnelle ne se représenterait pas de sitôt.


- Allô, c'est David. Ça va...

- …

- Euh... Non, pas trop en fait, j'ai euh... Ma tante est morte...

- …

- Oui. Merci. Oui, non, je viendrai pas aujourd'hui.

- …

- Demain, oui, je pense. Je te rappelle. Allez, salut.

- …

- Oui, merci. Bye.


Et voilà, j'étais libre. Il me restait cependant trois heures à tuer avant mon rendez-vous. Ce que je fis derechef dans une demi-douzaine de brasseries parisiennes.


Enfin vint l'heure fatidique.


Onze heures cinquante, Champ de Mars.


Comme toujours, même en hiver, une petite foule de touristes et de Parisiens déguisés en touristes stationnait, à peu près statique, sous le phallus de fer. Mais mater les patienteurs ne suffisait pas à rassasier mon impatience. Je trépignais, debout, assis, marchant, tournant, je regardais devant, à droite, en l'air, à gauche, mais jamais par terre. Onze heures cinquante-six, je pouvais m'attendre à tout, un homme, une femme, une jeune femme, une soucoupe spatiale, un vaisseau volant, mais le plus probable était : rien. Onze heures cinquante-huit, j'envoyais mes yeux, un coup toutes les deux ou trois secondes, sur mon poignet serti d'une montre-bracelet. Onze heures cinquante-neuf, mon œil gauche suivait par à-coups les pas de la trotteuse tandis que mon œil droit parcourait le paysage avec minutie. Il n'était d'ailleurs pas très malin d'attacher autant d'importance à la précision de mon horloge portative puisqu'elle-même n'était pas réglée avec une grande précision. Aussi, mon rendez-vous se manifesta quelques secondes avant l'heure.


La surprise fut de taille. Le choc, violent, me secoua jusqu'à flirter avec les limites de l'évanouissement. Je ne pourrais dire si je fus plus émerveillé qu'intimidé, plus éberlué qu'étonné, mais je vécus là les minutes les plus intenses de mon existence. Peut-être plus puissante que la mort, bouleversante comme un premier orgasme, la rencontre me coupa le souffle et les idées.

Peu à peu je recouvrai mes esprits et commençai à imaginer la suite et les conséquences. Elles allaient être énormes. Il était clair que ma vie allait être totalement chamboulée. Cela dit, je n'éprouvais ni joie ni peine. Toute mesure du bien et du mal avait disparu, toute importance n'était plus. J'étais un autre, dans un autre monde, dans un autre temps.

J'étais pourtant le seul à vivre cette formidable expérience. Autour de moi, Paris, ses gens et sa tour continuaient de vivre, insensibles à ma révélation.


J'appris par la suite que rien n'aurait pu se produire si je n'étais pas venu. J'appris aussi pourquoi j'avais été choisi parmi tous mes compatriotes. J'appris et je compris tant de choses depuis ce jour...


 
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   widjet   
16/3/2008
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Ah ben c'est malin, ça...
Loin de moi l'idée d'être déagréable ou blessant...mais j'ai envie de dire : de qui se moque t-on ? A moins qu'une suite soit en cours (auquel cas il fallait préciser), je trouve que là l'auteur pousse le bouchon un peu loin...
Créer un petit suspens - efficace d'ailleurs -, tenir la main du lecteur pour l'abandonner à la fin sans lui donner la plus infime des infimes des explications.... NON !
On sait que la rencontre boueverse la vie du héros ok, très bien... Mais quelle est cette rencontre ? Pourquoi lui ? Bah rien, wallou, nada, niente, quedalle, le lecteur est devant le fait accompli, soumis à cette justice arbitraire de l'écrivain... Ce n'est pas acceptable....
La rencontre a eu lieu c'est tout ce le lecteur aura droit ....Démerdons nous avec ça....

Attention ! J'aime les histoires intriguantes et je suis 100% d'accord pour ne pas dire explicitement - voire même ne donner que de maigres indications, subliminales, bien cachées même - de ce qu'il en est (je le fais souvent aussi) mais ne donner pas l'ombre d'un aliment à picorer, pas l'esquisse d'une info sur quoi spéculer, imaginer, prendre un chemin (même stupide), là c'est fort en café !
Pour ma part, j'y vois plutot un aveu d'impuissance de l'auteur de
conclure son histoire ou d'y apporter de quoi la rendre plus mystérieuse. J'aimerais bien une explication.
Maintenant c'estpeut-être de ma faute et que le mystère se trouve bien dans ces quelques lignes. Dans ce cas, c'est moi le coupable.

Enfin et pour finir j'admets que le texte est fluide et se lit bien...

Widjet

   Sanderka   
16/3/2008
Atmosphère contemporaine teintée d'un début de vingtième siècle, cela m'a fait pensé aux égarements de Sam Lowry dans le film de Terry Gilliam "Brazil".
La moindre occasion est bonne pour "s'évader un peu dans les méandres de mes songes".
Certes, il est vrai que sur la fin on reste un peu... sur sa faim. Mais faut-il toujours se repaître à s'en faire péter la panse ?
Quand on est au salon de thé, on ne commande pas un Paris-Brest pour faire le plein de protéine. La lecture fut plaisante à l'oeil et à l'imagination. Et comme dirait George mon voisin : what else... would you like ?

   Anonyme   
16/3/2008
Bah..moi j'aime bien les nouvelles où il se passe rien. :-)

Là il se passe quelque chose puis rien.
Le rien est quelque chose, il trouble. On veut savoir si ce quelque chose est rien ou pas. Mais le rien est fait de plein de petits quelque chose qui finalement donnent rien.

Bon. Pour noter, il me faudra un petit quelque chose. Or j'ai rien là.

Je remarque quelque chose: la forme est élégante :-D

   calouet   
16/3/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Le fin est frustrante, en effet... J'ai relu ce fameux premier paragraphe, et je me pose encore des questions, mais peu importe finalement : c'est très bien écrit, j'ai lu avec envie et plaisir même... Bref c'était bien, et tant pis si la chute me semble foireuse, l'essentiel n'était peut-être pas là.

   clementine   
16/3/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Je partage l'avis des autres, la lecture est facile et plaisante car l'écriture est fluide, notre attention est d'emblée retenue.
La chute nous laisse, perplexe, en plein questionnement mais sans la moindre piste pour y répondre.
J'ai relu puisque tu dis que la clef est peut-être cachée dès les premières lignes.
Rien, rien trouvé, pas bien cherché ??
Dommage car j'ai néanmoins bien apprécié ta nouvelle.
Au plaisir de lire les suivantes donc.

   Manonce   
17/3/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
J'ai beaucoup aimé cette nouvelle et surtout la fin... qui n'en est pas vraiment une.
Je me suis reconnue dans le début comme beaucoup sans doute. Une large porte reste ouverte pour imaginer la suite : l'extraordinaire rencontre, celle que l'on aimerait faire, qui nous expliquerait le monde, le pourquoi et le comment.
Oui, vraiment, j'ai aimé.

   David   
19/3/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Merci pour ma curiosité,

Un plaisir à lire, mince il y a redingotte et RATP dans le texte, c'est un peu anachronique ? Il y a de belles libertés dans le vocabulaire, comme ce participe présent: "soufle-coupante". Je l'ai lu juste aprés "approximative", ici le titre et la fin sont trés bien, encore une étrange rencontre bien orchestrée.


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