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Sentimental/Romanesque
Myo : À quoi ça sert ?
 Publié le 18/05/21  -  11 commentaires  -  7563 caractères  -  124 lectures    Autres textes du même auteur

Lorsque le chemin nous semble flou, il faut pouvoir prendre du recul.


À quoi ça sert ?


Les cheveux en bataille, vêtue d’un vieux jean taché et d’un large pull gris, juchée sur un escabeau, une visseuse flambant neuve à la main, elle terminait la pose d’une tringle à rideau.

Les jours précédents, elle avait patiemment enlevé le vieux papier peint, rebouché de plâtre les fissures et autres petites imperfections des murs puis appliqué deux couches de peinture, blanche pour le plafond, cyan sur une partie des murs et bleu très pâle pour l’autre. La pose des grandes tentures couleur océan finissait le travail.

Elle fit un pas en arrière et admira satisfaite sa réalisation. Il ne restait plus qu’à accrocher au mur l’agrandissement d’une photo. Celle prise dans la campagne avoisinante un matin de février où la brume avait déposé un voile léger et fragile sur le décor. Enfin, elle était chez elle…


– À quoi ça sert un homme ? s'interrogea-t-elle


Depuis ce dimanche après-midi où elle avait mis un terme à presque quinze ans de vie commune avec celui qu’elle avait profondément aimé, mais dont l’amour immature l’avait blessée et épuisée, cette question lui revenait régulièrement à l’esprit.


Voilà longtemps déjà qu’elle rêvait de redécorer la chambre à coucher, d’en changer le papier peint sans âge mais chaque fois qu’elle en avait émis l’idée, il lui promettait de s’en occuper, sans jamais passer à l’action. Elle n’avait pas peur du bricolage et s’y serait bien attelée seule mais alors, il critiquait ses choix, sa façon de faire et la décourageait vivement de toute entreprise en mettant en doute ses capacités. Afin d’éviter tout conflit, elle avait préféré renoncer à ce projet.

En regardant le travail accompli, elle ressentit une bouffée de fierté et un étrange soulagement.

C’est vrai, elle avait bien laissé s’échapper quelques jurons durant ces derniers jours et comprenait mieux la mauvaise humeur de monsieur lorsque les choses sont moins faciles qu’elles n’en ont l’air, mais elle avait vite retrouvé le plaisir de la mise à neuf qui concordait avec ce nouveau départ.


Sa décision de rompre n’avait pas été simple à prendre, la peur de la solitude l’avait longtemps retenue, et comme toute rupture, elle portait son lot d’amertume, mais plus les semaines passaient et plus elle savait que ce choix était le bon.

Après avoir vécu en couple par deux fois, sa vie amoureuse en resterait là. Même si elle ne nourrissait aucun regret et préférait ne pas s’attarder sur le passé, elle découvrait les avantages de cette nouvelle vie et se sentait enfin libre, plus libre que jamais. Ses enfants, nés d’un premier mariage, étaient désormais indépendants et ne passaient la voir que de temps en temps. Cette solitude qu’elle avait si souvent crainte au cours de sa vie, aujourd’hui elle la savourait pleinement, avec sérénité.


Après tant d’années à organiser son temps en fonction des désirs et des attentes des autres, il lui avait fallu redécouvrir ses propres envies et gagner cette indépendance. C’est pourquoi elle avait mis un point d’honneur à apprendre à se débrouiller seule, en toutes circonstances.

Afin d’atteindre cet objectif, elle avait pris sur elle et dépassé la plupart de ses craintes. Elle avait réussi à accrocher la remorque à son véhicule pour aller jeter tout ce qui encombrait sa petite maison à la déchetterie, était montée, un peu tremblante, au sommet de l’échelle pour nettoyer les corniches où les feuilles mortes de l’arrière-saison s’accumulaient, puis s’était écorché les bras en taillant le rosier grimpant qui mangeait le mur de la façade.

Bien sûr, les premières nuits, elle n’avait dormi que d’un œil, sursautant au moindre craquement, prête à attraper son bâton de marche caché sous le lit, au cas où. Mais, peu à peu, elle avait appris à calmer ses angoisses et apprivoiser le silence. Chacune de ces étapes avait renforcé sa confiance et aujourd’hui elle se sentait forte et prête à tous les défis.


Son travail d'infographiste lui permettait de gagner suffisamment sa vie. Elle avait racheté à son ex-mari la part de cette maison qu’ils avaient acquise en commun bien des années auparavant et d’ici quelques années, l’emprunt contracté serait totalement remboursé.

Puis, si quelques soirs, son corps en manque de plaisirs se rappelait à elle, elle n’avait ni gêne, ni pudeur pour profiter pleinement de moments d’intimes douceurs au rythme de ses envies.


– À quoi ça sert un homme ? se répétait-elle.


Les jours de congé, elle oubliait maquillage et bijoux, vaquait à ses occupations en survêtements informes. Insidieusement, elle avait perdu l’envie de plaire et se sentait délivrée de tout diktat de mode ou jugement d’autrui. Elle se sentait alors, étrangement asexuée, oubliant son apparence mais à l’écoute de ses ressentis plus vrais et plus profonds que jamais, si loin de tout jeu de séduction. Elle était tout simplement en paix avec elle-même, comme engourdie dans le confort d’un état d’âme ou plus rien ne brûle, ne pique, ni ne frissonne…, sans âge, sans rêve, sans passion mais à l’abri des tempêtes.


– À quoi ça sert un homme ?


Pourtant, au bout de quelques semaines, il avait repris contact, était passé chercher une partie de ses affaires. Ça ne la dérangeait pas qu’il prenne son temps, elle avait désormais bien assez de place. Il s’était montré prévenant, à l’écoute. Il comprenait sa décision, reconnaissait ce caractère difficile, ses difficultés, avait pris conscience de bien des choses, du manque de communication des derniers mois, de son peu d’investissement dans leur relation. Elle était et resterait la femme de sa vie, elle savait tout de lui et il n’en voulait pas d’autre. Il l’avait trouvée jolie même sans apprêt. Il n’avait rien demandé.

C’est vrai qu’elle le connaissait par cœur et avait, au fil des ans, appris à comprendre chacune de ses angoisses… mais comprendre ne pardonne pas tout. Pourtant, les sentiments couvaient toujours, là, sous les cendres.

Semaine après semaine, ils s’étaient parlé, beaucoup, avaient mis leurs états d’âme à plat, chacun ayant trouvé avantage à cette indépendance nouvelle. Pourtant, le plaisir de leurs rencontres ne faisait que s’accroître.


C’est au potager, penchée sur la ligne de persil qu’elle essayait désespérément de nettoyer des mauvaises herbes envahissantes, qu’elle prit sa décision. Le soir même, lors d’une de leurs nombreuses conversations téléphoniques, elle énonça ses attentes. Chacun resterait chez lui, pas question de revivre ensemble, pas de coups bas, ni de trahison, si elle lui faisait confiance, il devait en faire de même. Elle ne voulait vivre avec lui que le meilleur. Il avait acquiescé, sans condition.


Le samedi suivant, elle attendit, fébrile, son arrivée. Elle avait finalement retrouvé au fond de la garde-robe cette paire d’escarpins sexy qu’elle n’avait plus mis depuis des mois et s’était réconciliée avec ses courbes de femme dans la robe fleurie qu’elle s’était offerte l’été dernier.

Lorsqu’il ouvrit la porte, ils se regardèrent longtemps, intimidés l’un et l’autre comme pour une première fois.


– Viens là, lui dit-il.


Lentement, elle déposa sa tête au creux de son épaule, rassurée par ce parfum familier. Il referma les bras sur elle.


– Comme tu sens bon, dit-il.


Alors, simplement, elle accueillit ses émotions, étonnée de ce ressenti si longtemps enfoui et se permit d’être, enfin, au chaud de cette étreinte, fragile.

À quoi ça sert un homme ? Elle avait désormais sa réponse, et elle n’attendait rien d’autre de lui que ce droit-là, celui de se sentir pleinement, viscéralement, sublimement… femme entre ses bras.


 
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   alvinabec   
30/4/2021
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Ah, l'amour, toujours l'amour, le personnage le plus central de tous les textes. Donc ici comme ailleurs, pourquoi pas.
Une histoire ténue, presqu'anecdotique et l'héroïne, après des exploits de bricolage, ouvre de nouveau son placard à paillettes, en sort les escarpins du bonheur et se love dans les bras protecteurs de son homme...
Beaucoup de plus-que-parfait alourdit la narration, style convenu et pas mal de poncifs 'comme tu sens bon', etc...platitude du rendu des émotions en quelque sorte.
A un moment l'auteur nous dit qu'elle est 'prête à tous les défis'. Ce serait un plus pour le récit de préciser lesquels par exemple.
Bonne continuation

   Donaldo75   
2/5/2021
 a aimé ce texte 
Pas
Je n’ai pas été emballé par ce texte ; à mon goût, il reste en surface et le style employé ne permet pas au lecteur – en l’occurrence ma pomme – de s’intéresser outre-mesure au thème. La faute à pas de chance, dirait ma logeuse, ou alors peut-être l’usage de la troisième personne du singulier avec une tonalité de voix-off d’un documentaire diffusé tard le soir sur France 3. Pourtant, avec la question « à quoi ça sert un homme ? » il y avait de la matière pour écrire du virevoltant, du décalé, de quoi se souvenir longtemps de ce texte, d’en remarquer les moments de bravoure ou de profondeur, de décaper la matière littéraire avec de l’ubuesque sociologique.

En espérant que ce commentaire soit utile, clair, autre chose qu’une éclaircie dans un ciel brumeux.

   plumette   
18/5/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Myo,

je salue votre venue côté nouvelles avec ce joli texte qui ne se prend pas la tête.
j'ai bien aimé l'angle par lequel vous abordez la "transformation" de votre personnage. Se découvrir autonome à l'occasion d'une séparation est un constat que j'ai souvent entendu, avoir de la fierté de réaliser soi-même son décor, être à l'écoute de ses propres désirs, et ne plus avoir le regard de l'autre jugeant et limitant, est une liberté retrouvée. Et puis, ce chemin une fois accompli, redécouvrir qu'on s'aime, voilà qui comble mon sentimentalisme assez basique.
J'aime aussi les nouvelles qui nous donnent à voir la vie qui nous ressemble.
Sur la forme, peut-être que vous auriez pu écrire au présent et au passé simple? L'écriture est fluide, mais je pense qu'elle pourrait gagner en légèreté sans tous ces verbes à l'imparfait.

   Corto   
18/5/2021
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour Myo,
Du tac au tac: "A quoi ça sert une femme ?"
Pour aborder ce thème tellement usé, il aurait fallu pousser carrément la provocation, la caricature, le rocambolesque.
Or je trouve ici un texte bien sage où la femme s'épanouit enfin dans le bricolage, la décoration, l'ascension de l'échelle. Elle ne craint ni la solitude ni les tenues informes...
Que d'exploits !

En d'autres termes l'homme n'était qu'une limite pesante aux envies de la femme.

A l'évidence on pourrait écrire un texte symétrique montrant combien la femme est une entrave à l'épanouissement masculin.

Où tout cela nous mène-t-il ?
A ne pas réfléchir aux fondamentaux nécessaires à l'épanouissement d'un couple.
Il y a donc encore beaucoup à écrire...

Ce texte s'est enfoncé dans une impasse qui n'enrichit guère la réflexion sur ce sujet. Dommage.

Cette critique de fond ne m'empêche pas d'avoir pris plaisir à cette lecture qui pourtant ne recule pas devant les clichés.

A vous relire.

NB: j'apprécie l'exergue.

   Anonyme   
19/5/2021
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonsoir Myo,
Beaucoup tireraient de votre scénario la définition du bonheur. Or le bonheur ne fait pas vendre. Personne n’est prêt à payer pour alimenter les caisses des gens heureux.

Votre héroïne nous explique que tout va bien désormais dans sa vie. Et lorsque tout d’un coup elle est prise d’un léger doute, elle a juste un coup de fil à passer pour rameuter Mr Plaisir, parce qu’elle découvre que pour se sentir femme, quatre mains valent mieux que deux, et si en plus on connaît déjà les deux autres... Ce qu’elle veut la p’tite dame, c’est donc nous éclabousser de son bonheur. Mais quel lecteur peut supporter ça ?

Si encore l’adversaire était de taille à compromettre la transformation de l’héroïne sur son chemin de l’indépendance… Le problème c’est que c’est un brave type qui signe toutes les conditions au fur et à mesure qu’elle les dicte. Et donc, il est où le problème ? Elle a pas prévu de chocolats ?
Pas de coups bas ni de trahison, prévient-elle. Si encore elle avait crié ça dans une corne de brume, on aurait pu profiter d’un frémissement d’oreilles de l’ancien mari. Mais non, le type n’en a vraiment rien à cirer, il est d’accord sur tout, du moment qu’il peut la voir de temps en temps pour autre chose que de lui repeindre le salon. Car il est évident que le salon ne va pas tarder à se teinter de couleurs anciennes. Le bonheur, je vous dis.
La fin en apothéose durassienne promet-elle un drame ? Vous nous direz.

Il y a tout de même quelques promesses dans ce texte. Après tout, la narration se tient correctement dans sa simplicité ; le style cursif aura sans doute un public plus large que celui des auteurs alambiqués, dont la seule consolation est souvent de considérer leur œuvre comme un sommet inatteignable.
Je crois qu’il faut revoir la conception du héros dans sa quête, affiner ses faiblesses et ses besoins, lui attribuer un débat intime plus ambitieux et lui trouver un adversaire à sa mesure.
Je vous encourage vivement à persister dans l’écriture de nouvelles.

Bellini

   ANIMAL   
19/5/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Une nouvelle sur la dépendance à l'autre et la peur de la solitude confrontées au besoin d'émancipation. Tout est dit dans l'incipit.

Je comprends cette femme qui s'aperçoit qu'elle peut vivre pour elle-même, se débrouiller seule pour la plupart des tâches soi-disant "masculines" et découvre qu'être seule peut avoir du bon. C'est comme un sevrage et ça sonne juste ; je connais un cas similaire. Et c'est épuisant de vivre avec un partenaire immature, homme ou femme.

Je trouve dommage qu'ayant connu cette transformation, notre héroïne replonge avec le même compagnon. Le syndrome du prince charmant a encore frappé mais il est douteux qu'il ait changé subitement. Elle risque de se retrouver avec les mêmes problèmes après la seconde "lune de miel". A quand la prochaine crise d'indépendance ?

La nouvelle est bien menée et montre ce besoin de parfois échapper à l'influence de l'autre pour être soi-même, sans contrainte ni obligation.

   Louis   
20/5/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
La narratrice de cette histoire, suite à une séparation, une "rupture", s’interroge sur la relation de couple, et son interrogation se ramène à la question :

« à quoi ça sert un homme ? »

L’homme n’est pas ici l’être humain en général, ni même l’homme au sens du genre masculin dans son ensemble, mais l’homme au masculin dans la vie de couple.

La narratrice découvre, au cours de cette histoire, que cette question avec tout ce qu’elle présuppose est une mauvaise question ; que la réponse à cette interrogation, c’est que cette interrogation n’a pas lieu d’être, ou qu’elle ne peut naître qu’au défaut de l’amour.

Que signifie cette question ?

« Servir à… », c’est être utile ; à quoi donc un homme serait-il utile dans un couple ?
Être utile, c’est être un moyen en vue d’une fin, le plus souvent une fin intéressée, une fin égocentrée, voire une fin égoïste.
De quels désirs en moi, l’autre peut-il être le serviteur ?

La question devient : quel intérêt de vivre avec un homme ? Qu’est-ce que cela m’apporte ?

Mais on voit aussi que la question tend à instrumentaliser l’autre, le partenaire du couple, à le chosifier, et lui ôter sa dignité de personne, à lui ôter toute valeur intrinsèque, en ce qu’il ne vaudrait que par les intérêts égoïstes auxquels il pourrait répondre.
Le jugement par le critère de l’utilité, du « à quoi ça sert ? » ne peut que rabaisser l’autre, en faire un instrument à son service, le réduire à celui qui sert, à n’être qu’un serviteur.

La question tend alors vers l’immoralité, lorsque l’autre n’est plus considéré, apprécié ou aimé, que selon ses mérites utilitaires.
Kant a énoncé un critère indépassable de la moralité, ainsi formulé dans Fondements de la métaphysique des mœurs :
« L'homme, et en général tout être raisonnable, existe comme fin en soi, et non pas simplement comme moyen dont telle ou telle volonté puisse user à son gré ; dans toutes ses actions, aussi bien dans celles qui le concernent lui-même que dans celles qui concernent d'autres êtres raisonnables, il doit toujours être considéré en même temps comme fin. »
La « fin en soi » définit un principe d’abstention, condamnant toute instrumentalisation intégrale d’autrui ou de soi ; elle est ce par quoi un individu peut être considéré dans sa dignité de « personne », comme être respectable.

La narratrice découvre en premier lieu que "l’homme" n’a pas une utilité indispensable aux réalisations qui nécessitent du "bricolage".
Le cliché du « mari bricoleur » est mis à mal, non pas, dans un premier temps, en remettant en cause la fonction utilitaire du mari bricoleur, mais dans le constat et la découverte que l’on peut soi-même, si l’on est une femme, réaliser des travaux dévolus traditionnellement aux hommes, et s’épanouir dans ces travaux.
L’autre alors, dans la vie du "foyer", on n’en a pas besoin. On pourrait se suffire à soi-même.

Elle découvre surtout que le rapport de couple qu’elle a vécu n’a pas été épanouissant ; que chacun n’a pas été soi-même dans la relation qui s’est établie.
Elle n’a eu la possibilité d’être elle-même dans l’accomplissement de toutes les potentialités de sa personne ; n’a pas pu exprimer ses goûts dans ses choix décoratifs ; s’est trouvé empêchée de satisfaire sa créativité.
Le couple imposait un renoncement à une partie de soi, un sacrifice.
Le conjoint, par ses atermoiements, par ses préjugés, empêchait une réalisation de soi épanouissante.

Après avoir surmonté sa crainte de la solitude, la narratrice découvre la liberté : « elle découvrait les avantages de cette nouvelle vie et se sentait enfin libre, plus libre que jamais »

La vie de couple a donc été vécue comme un ensemble de contraintes, opposées à la liberté, cette liberté par laquelle un individu peut s’accomplir sans entraves.

Elle se trouve donc prête à renoncer à toute vie amoureuse. L’amour étant vécu comme constitution d’un couple aliénant.
Sur le fond, le couple a été, en effet, vécu sur le mode du manque. L’autre est désiré parce qu’il manque. On en aurait besoin, il serait utile en ce qu’il comblerait des manques.
Mais la narratrice découvre que le couple ainsi conçu n’est pas satisfaisant, et ne correspond pas à l'authenticité de ce qu'est une couple.
Elle le découvre dans l’idée d’une indépendance, d’une autosuffisance, y compris dans les plaisirs de la chair, par l’onanisme : « si quelques soirs, son corps en manque de plaisirs se rappelait à elle, elle n’avait ni gêne, ni pudeur, pour profiter pleinement de moments d’intimes douceurs au rythme de ses envies ».
Par le renoncement au rôle social établi du féminin, à « tout jeu de séduction », en se délivrant de l’aliénation dans le paraître, elle retrouve une authenticité personnelle : « à l’écoute de ses ressentis plus vrais et plus profonds que jamais »

Les relations du couple reprennent, mais sur une base différente : «Il n’avait rien demandé ». Il n’a pas formulé de manque, il ne la considère pas comme objet d’un besoin à assouvir, comme utile à la satisfaction d’un manque.
Il l’apprécie désormais pour ce qu’elle est, et non pour ce à quoi elle pourrait être utile, non pour ce qu’elle pourrait encore lui apporter.

Renaît alors entre eux un amour, un amour dont le paradigme est celui de l’amour-amitié, celui que les grecs désignaient par le joli mot de « Philia », distinct de l’amour possessif et narcissique, nommé « Eros ».
Montaigne interrogé sur son amitié pour La Boétie avait répondu : «Si on me presse de dire pour quoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant : parce que c’était lui, parce que c’était moi. »
Amitié fondée, non pas en ce que l’un apporte quoi ce soit à l’autre ; non pas par une utilité de l’un pour l’autre ; non pas dans un rapport intéressé, mais parce que c’était lui, mais parce que c’était moi.
Il s’agit d’un amour-amitié, mais qui peut être le modèle d’un amour authentique, dans lequel l’autre est aimé pour ce qu’il est, et non pour les intérêts égoïstes auxquels il pourrait répondre.

La narratrice a la réponse enfin à sa question. Dans les bras de son « ami », la question s’annule, et ne mérite plus d’être posée.
Elle se réjouit de l’existence de son « ami », elle partage avec lui un amour plus authentique.
Son compagnon ne lui manquait pas, elle avait su trouver une autosuffisance. Mais parce qu’il est là, et parce qu’elle est là, et qu’ «il ne lui a rien demandé », alors ils peuvent ensemble jouir et se réjouir l’un de l’autre. Quelle manifestation plus grande d’un amour que cette déclaration : "je suis heureuse (ou heureux) que tu existes" !
L’amour fondé sur le manque, ou le besoin et l’utilité de l’autre, n’est pas un authentique amour puisqu’il n’ouvre pas sur l’autre, mais ferme narcissiquement sur soi-même, par la satisfaction de ses propres désirs, ou de ses intérêts.

Et c’est bien une relation sur le modèle de la philia qui est mise en place dans leur nouvelle relation, entre la narratrice et son "ami".
Elle repose sur une relation d’égalité, de confiance mutuelle, de réciprocité sans sacrifice, de relation librement consentie, comme l’est la relation authentique d’amitié.
Sur le modèle de l’ami, l’autre est considéré comme une "valeur", une fin en soi et non un moyen.

L’ "utile" n’est plus le critère à partir duquel on aime ou apprécie une personne.
Il ne peut d’ailleurs être le seul et exclusif critère de valeur dans tout domaine.
À qui sert une poésie ? à quoi sert le beau ? à quoi sert l’art ? Et pourtant quelle valeur nous leur accordons, et combien on peut les aimer !
À quoi ça sert la vie ? et l’on connaît la réponse qui s’impose : « à rien. Mais rien ne vaut la vie »

Le récit se termine de belle façon, par une déclaration qui annule la question : « à quoi ça sert un homme ? » : « Elle avait désormais sa réponse, et elle n’attendait rien d’autre de lui que ce droit-là, celui de se sentir pleinement, viscéralement, sublimement…femme entre ses bras »

Elle n’attend plus de lui, et réciproquement, que cette présence, cette existence auprès de laquelle elle peut trouver une joie, auprès de laquelle elle peut se sentir tout entière elle-même, en une coexistence où chacun se réjouit de la présence de l’autre, et peut s’épanouir sans contraintes, sans sacrifices et renoncements.

   papipoete   
20/5/2021
 a aimé ce texte 
Bien
bonjour Myo
Il était le roi des mufles, me rabaissait sans cesse, jamais le moindre le compliment à la potiche que j'étais devenue pour lui. On s'était pourtant follement aimés, mais nous nous séparâmes !
Je pus enfin profiter de ma liberté, et refaire l'appartement... toute seule " ah, ça a d'la gueule ! " mais j'aimerais bien qu'un autre me le dise " cet autre qui ne fut que mon ex, qui penaud se laissa reprendre, mais je n'étais pas à vendre !
NB à quoi ça sert un homme ? quand il est là en pensant à ailleurs, aux copains, une autre... N'arrose-t-on pas un rosier dont est admiratif ?
Mais quand le silence se fait ; qu'on peut ne plus s'habiller, se faire belle... pour quoi pour qui, ce peut être le début de la fin, ce temps où l'on fait la grimace au miroir, pousse la balance sous l'éteignoir !
à quoi ça sert un homme ? à voir une toilette nouvelle, humer ce parfum, et s'entendre dire " veux-tu que je t'apprenne ceci, cela ? "
La fin du récit qui voit les deux amants réconciliés, mais " que pour le meilleur ", chacun chez soi en autre situation est presque idéale ; mais viendra cette remarque, ce reproche enfoui, pour mettre le bazar dans cette onde si tranquille...
à quoi ça sert un homme ? peut-être aussi à lui demander : " mais tu pleures , que se passe-t-il ? "
Votre récit est trop " idéal " à la fin pour se concevoir réellement, mais ce fut un plaisir de vous lire dans ce registre !

   Ioledane   
22/5/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonjour Myo,

J'ai suivi tranquillement le récit des premiers temps d'émancipation de votre héroïne, en me demandant ce qui allait en résulter - son autosatisfaction était sûrement trop belle pour être durable.
De fait, ce qui m'a surprise c'est que ce soit le même homme qui l'amène à changer d'avis, semblant démontrer une capacité à soudainement se transformer de manière à balayer tout ce qui posait problème (de son côté) dans leur relation de quinze ans. Comme si l'indépendance de son ex-compagne avait suffi à le dompter. Ou peut-être à lui faire révéler le meilleur de lui-même ? Si c'est le cas, cela n'apparaît pas vraiment dans le récit. Il ressemble plus à un 'toutou', prêt à tout accepter, sans discussion, sans aspérité.

Une fois accepté le parti-pris qu'elle ait pu trouver de l'intérêt à retourner auprès de cet homme, on est en droit de se demander ce qu'il adviendra de cette relation apparemment plus mature et réfléchie : jouait-il un rôle pour la reconquérir, ou cette période de séparation a-t-elle vraiment permis aux deux protagonistes de reconstruire leur amour sur de nouvelles bases plus saines ?

Je regrette que cet homme n'ait pas eu plus de relief, qu'il n'y ait pas eu plus de discussions, pour rendre plus crédible la reprise de leur couple. En l'état, je trouve la chute un peu facile ... même si l'on peut entrevoir différents scénarios possibles pour une suite.

Petite remarque de forme : j'ai trouvé le style fluide et agréable à lire dans l'ensemble, mais il y a un passage qui m'a paru plus maladroit, et où le mot "vie" / "vécu" revient vraiment trop souvent : "Après avoir VECU en couple par deux fois, sa VIE amoureuse en resterait là. Même si elle ne nourrissait aucun regret et préférait ne pas s’attarder sur le passé, elle découvrait les avantages de cette nouvelle VIE et se sentait enfin libre, plus libre que jamais. Ses enfants, nés d’un premier mariage, étaient désormais indépendants et ne passaient la voir que de temps en temps. Cette solitude qu’elle avait si souvent crainte au cours de sa VIE (etc.)"

   Anonyme   
25/5/2021
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour Myo,

...et malgré tous ces commentaires prêts à me jeter la pierre...

Je ne vous ai pas commenté à votre parution car j'évite les sujets dont je me sens trop proche, d'une façon ou d'une autre. Mais vous commenter après vos réponses aux commentaires est hyper casse-gueule... malgré tout, j'ai un aveu à faire :

Ici, je suis l'ennemi, le mec immature et égoïste. Je me suis raccroché à l'idée d'un possible couple avec mon ex (mais ai je vraiment été son ex ?) sans me raccrocher à elle même.

Votre narratrice m'a vraiment fait penser à elle à l'époque où je l'ai connue. D'où mon identification au méchant de l'histoire...

D'autres commentateurs l'ont dit, et c'est aussi ma critique de votre texte : aujourd'hui, je me prépare à ma prochaine rencontre. Pourquoi pas votre narratrice ? Serait-elle comme moi, impatiente de connaître le bonheur d'être en couple ?

Dugenou.

   Babefaon   
15/6/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Comme vous le dites si justement, une mise à distance est parfois nécessaire pour nous permettre de répondre aux questions existentielles que l'on se pose. En l'occurrence, ici : à quoi ça sert, un homme ?

Dans le cas de votre héroïne, même si elle est capable de réaliser les tâches que son cher et tendre semblait toujours remettre au lendemain par paresse ou par manque d'envie, et que des moyens de substitution peuvent lui procurer le plaisir qu'elle est en droit d'attendre de lui, la réponse se trouve dans ces dernières lignes qui répondent à elles seules à cette question qui revient tout au long du récit :


« Lentement, elle déposa sa tête au creux de son épaule, rassurée par ce parfum familier. Il referma les bras sur elle.


– Comme tu sens bon, dit-il.


Alors, simplement, elle accueillit ses émotions, étonnée de ce ressenti si longtemps enfoui et se permit d’être, enfin, au chaud de cette étreinte, fragile.

À quoi ça sert un homme ? Elle avait désormais sa réponse, et elle n’attendait rien d’autre de lui que ce droit-là, celui de se sentir pleinement, viscéralement, sublimement… femme entre ses bras. »


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