Page d'accueil   Lire les nouvelles   Lire les poésies   Lire les romans   La charte   Centre d'Aide   Forums 
  Inscription
     Connexion  
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 

Conserver la connexion

Menu principal
Les Nouvelles
Les Poésies
Les Listes
Recherche


Réalisme/Historique
Neojamin : Dans le bus
 Publié le 10/12/23  -  15 commentaires  -  11885 caractères  -  160 lectures    Autres textes du même auteur

Dans le bus, un homme compte les minutes.


Dans le bus


La nuit est totale, d’un noir presque parfait, sans lune et sans étoiles. Nous roulons sur une route solitaire, dans le sillage de deux gros phares jaunes qui font jaillir des bornes, des panneaux, des bouts de murs silencieux. Les villages se sont éteints, seules quelques lumières scintillent ici et là, une rangée de lampadaires le long d’une rue, un distributeur de pizzas traditionnelles, cuites au feu de bois, prêtes en trois minutes, chaudes ou froides, une paire de phares au loin, un panneau de limitation de vitesse, le regard d’une bête, cachée dans les fourrés.


Seul dans le bus, j’attends que les kilomètres défilent. Je n'ai pas d'arrivée, pas de destination autre que celle qui s'impose à moi. Peut-être qu’un jour, j’apprendrai à rester. J’ai pris mon sac à dos alors qu’elle prenait sa douche. Elle était gentille, douce, aimante… c’est moi qui ne conviens pas. Je me suis levé sans vraiment y penser, machinalement, par habitude. Le chien s’est redressé, la queue alerte, il a braqué son regard naturellement perplexe sur ma personne alors que je prenais mon sac, mon manteau, ramassais un livre que j’avais laissé sur la table de la cuisine et enfilais mes chaussures. Il m'a suivi et s’est installé sur le paillasson devant la porte d’entrée, juste en face de la laisse accrochée au mur, agitant joyeusement sa queue, la gueule grande ouverte. Je n’ai rien dit, j'ai déverrouillé la porte et je l’ai laissé là.

Il ne m’a pas accompagné dans la nuit, il est resté sur le paillasson, silencieux. Les chiens n’aboient pas quand les étrangers s’en vont.


J’avais vérifié les horaires sur Internet. 18 h 30, dernier bus. Le chauffeur attendait dehors, une cigarette à la main. Il était en chemise et sautillait sur place, mais sa peau ne frissonnait pas, c’était juste un nerveux. Il avait des cernes et les cheveux en pagaille, mais un sourire franc et un regard amical. Il m'a demandé où j'allais d’une voix pressée et nasillarde. J'ai répondu au bout et il a lâché : Nevers ? J’ai acquiescé sans conviction, sans savoir de quoi il parlait et j'ai sorti mon portefeuille, mais il m'a dit qu’on verrait plus tard. Il a écrasé sa cigarette par terre et m’a invité d'un geste à monter. Il y avait une dizaine de gens éparpillés aux quatre coins du bus, le plus loin possible chacun les uns des autres. J’ai choisi une place à mi-chemin, pour ne pas avoir mal au cœur tout en évitant la proximité du chauffeur qui me paraissait du genre à aimer discuter de tout et de rien avec les passagers. Je ne me suis pas trompé, à peine étions-nous partis qu’il a commencé par pester contre un virage trop serré, évoquer l’absence d’un miroir de sécurité avant de débattre sur la politique routière de la région. Son interlocuteur était un vieil homme à béret, sans bagage, il avait l’air d'appartenir à la catégorie des gens qui montent dans les bus juste pour passer le temps.


Les villages ont défilé, perdus dans l’obscurité, le bus s’est arrêté devant des gares abandonnées, le vieil homme est descendu au premier arrêt, les autres ont suivi et nous n’étions soudainement plus que deux dans l'habitacle. C'était une femme que je n’avais pas remarquée et dont je n’avais pas vu le visage. Elle s'était mise tout au fond, je devinais sa présence à la lumière de son portable qui se reflétait dans la vitre.


L’horloge numérique indique 20:01. Mon année de naissance. Juste au-dessus, « Bienvenue » s’affiche par intermittence. Les minutes s’égrènent et je remonte le temps. 20:02, j’ai un an et je ne comprends pas où je suis, mon père part sans que je réalise ce que ça veut dire. Ma mère est en colère, mais je ressens surtout la tristesse qui me serre fort dans ses bras et la solitude des nuits d’hiver. 20:03, deux ans, mes premiers mots, je marche et je tombe, j’attrape tout ce qui est à ma portée et je m’amuse à répéter « non », un mot qui met ma mère hors d’elle et qui me fait rire. 20:04, je sais ce que je veux et ce que je ne veux pas. Enfin, je crois. Du Nutella et des crêpes, pas de légumes, surtout quand ils sont verts. La télévision et les histoires du soir. Je vois mon père pour la première fois, revenu d’entre les morts. Qui c’est qui est venu ? C’est ton papa ! Mais je ne vois qu’un inconnu à la voix vaguement familière. 20:05, quatre ans déjà et je commence à comprendre que les larmes disent des choses et que quand je crie, ça rend ma mère triste. J’apprends le silence pour ne pas la blesser. 20:06, je découvre que chaque mot veut dire quelque chose de précis et que, moi aussi, je peux apprendre à les dire et à les écrire. Je commence avec mon prénom : Camille.


Le bus est silencieux, la radio s’est éteinte et je peux entendre le bruit du moteur et le souffle du vent contre la coque de notre navire qui continue de fendre l’obscurité avec ses gros phares jaunes. La route se dévoile et disparaît aussitôt. Un village en vue, il s’appelle Fours et je repars en voyage. Il est 20:07, j’ai six ans et j’apprends à lire, je suis en avance et on me félicite, la fierté de ma mère me fait chaud au cœur et se révèle une vocation : la rendre heureuse. 20:08, je découvre le système carcéral éducatif, j’apprends à rester sur ma chaise, on se moque de mes lunettes et je tombe amoureux de quelqu’un d’autre que ma mère. Je constate également que les mains ne servent pas qu’aux caresses, et que serrés, les doigts font mal.


Les lampadaires dessinent la rue principale d’une ville, vide et désincarnée. Les façades sont grises et mornes et quand les volets ne sont pas fermés, les téléviseurs illuminent l’intérieur des maisons de leurs lumières bleutées. 20:09 et je ne suis plus le bienvenu, les premières crises, j’ai cassé une assiette et j’ai répondu, je n’ai plus de bons résultats et mes vêtements sont trop sales, je suis tombé et je me suis encore battu. Elle n’en peut plus de moi. 20:10, j’ai mes premières envies de partir, de quitter ce monde, de claquer la porte, de sauter par le balcon et de courir de l’autre côté de la route, de me perdre dans la forêt qui borde le terrain de foot. Mais entre deux colères, ma mère me retient, serré contre elle, ses seins tout mous me rappellent la douceur de mon enfance, et devant Patrick Sébastien, je tiens le coup. 20:11. Je suis presque un homme, des poils et un corps maladroit, des gestes qui se cognent et font tomber des choses, j’ai du mal à me tenir droit et ma mère m’achète un tabouret. Elle m’offre également un ordinateur et je reste dans ma chambre toute la journée. On se voit moins, on ne se raconte plus rien, je communique avec des onomatopées et elle dit que c’est normal, c’est l’adolescence qui lui a pris son petit chéri.


L’obscurité est percée d’un coup par la lumière d’une ferme au loin, une oasis au milieu du noir. Tout autour, des bêtes s’échappent des fourrés pour aller voler le maïs ou changer de cachette avant le jour. La chasse a repris et le dimanche, les coups de fusils rythment les repas familiaux. 20:13, j’ai sauté une année et je suis déjà perdu. Le collège et les bastons à la récré, je me fais renvoyer et je crache au visage de ma mère qui ne comprend rien. Je suis envoyé loin d’elle, dans un pensionnat où un grand du nom de Malik prend plaisir à me taper sur la tête dès que j’ouvre la bouche. Il deviendra pourtant mon meilleur ami quand j’aurai insulté la prof de français et volé les clés du proviseur.


20:14, déjà, treize ans et je me crois homme, mais je n’arrive pas à bander devant la fille que j’avais entraînée dans les toilettes de l'internat. Malik se moque et dit que je suis pédé et c’est la seule fois que je le frappe.

Nouvelle gare, la femme au fond du bus descend, j’essaye de voir son visage, mais elle éteint son portable et je ne devine qu’une chevelure blonde. C’est une gamine, ses Adidas brillent sur le trottoir, elle s’engouffre dans une voiture et le chauffeur me dit que je peux fumer une clope si je veux. Je réponds que je ne fume pas et je me recroqueville sur moi-même. Le bus est à l’arrêt, mais les minutes continuent leur course.


20:16, quinze ans et l’impression que la vie avance à toute allure. Pas le temps de comprendre ce qui se passe. Ma mère ne sait plus quoi faire de moi. Les dimanches sont de longues odyssées à traverser, on s’évite pour aller aux toilettes et on reste chacun dans notre chambre. Je sais que ça la rend triste, mais je n’y peux rien. Dans ma tête, c’est le brouillard complet, je ne comprends pas ce qui se passe, j’ai à la fois envie de vivre et de mourir.


20:17, première copine, mais je ne suis pas capable de communiquer et elle me jette au bout de trois mois. Je me croyais fort, invincible, je me retrouve sur un trottoir, j’ai vomi sur mon pantalon, je n’aurais pas dû fumer autant, et ces souvenirs qui ne s’effacent même pas. J’ai envie de disparaître, mais Malik dit que ce n’est pas si grave, je verrai, ça passera.


Le bus repart et le chauffeur se plaint de quelque chose que je n’entends pas. J’ai monté le son du casque, le noir de la nuit engloutit tout à nouveau. Il est 20:19, la majorité, synonyme de liberté, mais je n’ai plus rien de quoi me libérer. Je suis parti l’année d’avant, juste après avoir abandonné le CAP et ces profs à la con qui n’ont rien compris à mon mal-être. Je crèche chez le cousin de Malik en échange de quelques services. Les petits sachets sont faciles à refourguer, je me fais un peu de thunes et je deviens quelqu’un d’important dans le quartier. Je sais bander maintenant, mais l’amour reste un mystère. 20:20, Malik dit que je suis devenu un Casanova. J’aime la peau des femmes et sentir leurs reins se briser sous mon rythme, j’ai envie d’elles tout le temps, mais jamais trop longtemps. Je ne ressens pas grand-chose, mon sexe est comme anesthésié, mais j’aime les voir prendre du plaisir. Ma vocation se confirme, je suis fait pour les rendre heureuses.


Le bus accélère et la nuit devient encore plus dense, pas de villages à l’horizon, juste le noir du monde et ce bus qui remonte le temps. Le chauffeur a changé de radio, ça parle de politique et je rêve de m’enfuir.


20:22, je croyais les rendre heureuses, mais c’est l’inverse qui se produit. Je ne comprends rien à l’amour et elles me crient dessus. Je pars et j’en rencontre une autre, c’est facile, il suffit de rester là, sous un arrêt de bus, devant une gare, sur un banc, accoudé à un bar, j’ai juste à attendre et tôt ou tard, elle vient, Sabrina, Sophie, Jennifer, Claude. Ça doit être écrit sur ma figure.


20:23, on approche de la fin de l’année. Elles me nourrissent et m’hébergent, je les rends heureuses le temps d’une nuit, parfois plus, puis je m’en vais. Je ne veux pas les voir malheureuses, ce n’est pas pour moi. Ce serait trop douloureux. Je veux juste être là pour les bons moments. Dès que je sens la curiosité pointer dans leur regard, je prends un bus, un train et je pars.

Il est 20:24 et je ne sais pas conjuguer ma vie au futur. Je ne sais pas où je vais, je n’ai jamais entendu parler de Nevers, je ne sais même pas où c’est sur la carte, quelque part dans le centre de la France, entre Lyon et Paris ?

Je suis fatigué de voyager. Je ferme les yeux et me concentre sur la sensation de mouvement, je crois sentir les roues glisser sur l’asphalte froid, la vitre sur laquelle j’ai posé ma tête vibre doucement.


Le bus s’arrête brusquement. Nevers ! crie le chauffeur, toujours aussi gaillard. Les pistons s’actionnent, l’air est évacué, les portes s’ouvrent et le bruit de la ville s'engouffre dans l'habitacle. Par la fenêtre, je m'étonne de l'agitation soudaine autour de moi. La gare routière est pleine de gens qui, eux, ont l'air d'aller quelque part.


L’horloge indique 20:55. Je serai sans doute mort, enterré sous une tombe sans nom, ou peut-être que non, peut-être que je trouverai une sortie heureuse, une raison de rester quelque part. Mon téléphone vibre. C’est ma mère qui ne perd pas espoir.


 
Inscrivez-vous pour commenter cette nouvelle sur Oniris !
Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   Jemabi   
23/11/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
De biens belles idées parcourent ce récit attachant, qui avance au rythme soutenu du voyage dans le bus et du temps qui passe pour mieux s'en servir comme d'un rétroviseur. Parcours dans l'espace qui, simultanément, renvoie le narrateur à ses propres souvenirs, depuis sa petite enfance jusqu'à ses premières années d'adulte. Parcours chaotique, certes, mais finalement assez commun, celui d'une jeunesse mal aimée et qui se débrouille comme elle peut. Même si l'incertitude de l'avenir domine à la fin, il demeure toujours l'espoir d'une nouvelle vie, et ça fait du bien.

   jeanphi   
10/12/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
Bonjour,

Comment dire d'un texte qu'il n'est pas excellent lorsqu'il fait pleurer autant et laisse une telle impression de légèreté et d'équilibre parfait.
La forme simple est idéalement élaguée, et laisse toute la lumière se faire sur cette vie. Il y a quelque chose de l'ordre de la perception de l'instant présent, de l'acquité naturelle des sens, dans le fond.
Je repense également à L'herbe bleue avec des règles de temps inversées, plutôt qu'un journal intime où des minutes sont données à travers les années, une chronique accélérée, ce sont les minutes qui donnent l'année.

   in-flight   
10/12/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
L'idée de fond est sympathique: associer l'écoulement des minutes à l'écoulement rétrospectif de son existence.
Mais, j'ai surtout aimé le début du texte où vous abordez le déracinement volontaire perpétuel. Il y a de très belles formules :
"des bouts de murs silencieux"
"Peut-être qu’un jour, j’apprendrai à rester."
"je ne sais pas conjuguer ma vie au futur."
Même si cela a pu être lu ailleurs, ces phrases servent parfaitement le propos.

Vous avez su instaurer une belle ambiance et j'ai songé que le texte allait suivre cette réflexion sur l'incapacité à aimer, à s'ancrer dans un couple, à bâtir du futur. Mais c'est une biographie (je n'ai pas dis autobiographie) que vous nous proposez et elle est plaisante à lire dans toute sa banalité. Mettre de belles sensations de lecture sur la banalité d'une existence est un exercice dans lequel il est facile de tomber dans une forme d'empâtement ou de narcissisme. Rien de ça ici.
La fin aurait pu être un peu moins "classique" avec ce côté peut-être que... Ou alors... Mais le message de fond conclut bien le propos: avec l'espoir, on ne fait pas grand chose, sans espoir, on ne fait rien.


PS: Par un heureux hasard, j'ai lu votre nouvelle en écoutant "Home" de Depeche mode. Belle expérience...

   Cornelius   
10/12/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour,

Une bonne idée que cette horloge numérique qui sert de point de départ pour faire défiler le temps, l'enfance, l'adolescence puis l'âge adulte. Puis pour terminer le futur encore inconnu avec le temps qui passe de plus en plus vite. Premier bilan pour cette première partie de l'existence et déjà la difficulté à communiquer, des relations humaines compliquées et la solitude.

Tout cela raconté dans un style simple et agréable à lire.

   Corto   
10/12/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Une vie qui se déroule dans l'esprit d'un voyageur en déroute, au rythme d'une horloge qui égrène ses minutes comme on ferait défiler les années. La mécanique qui organise ce récit est une belle trouvaille. C'est une innovation temporelle qui déstructure le temps réel pour nous faire pénétrer dans l'introspection ponctuée d'années et d'éléments qui sont le propre strictement personnel du narrateur. On passe ici d'une réalité partagée (l'horaire réel) à une réalité intime évoquée et non restituée.

Les descriptions de chaque âge coulent comme des souvenirs ineffaçables. On suit donc ce retour sur toute une vie, sans détails excessifs mais pleins de précisions comme autant de repères, de ceux qui restent en mémoire à tout jamais.

Sur le plan relationnel ce sont les événements bruts qui marquent chaque étape, comme si le personnage n'accordait guère d'importance à la dimension affective. La logique s'impose "je ne sais pas conjuguer ma vie au futur. Je ne sais pas où je vais".

On ne sait guère s'il faut plaindre ce personnage, mais il a tendance à faire peur...je lui trouve presque une vocation de tueur à gage !

Le récit est fort bien mené, l'ambiance est prenante, on s'interroge autant sur le passé que sur l'avenir.
Bravo.

   Perle-Hingaud   
11/12/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Neojamin,
Je retrouve votre plume avec plaisir. J'ai beaucoup aimé l'ambiance de cette nouvelle. Le thème de la route est presque un stéréotype en littérature et personnellement, j'aime cette idée de chemin vers une infinité de possibilités. Partir de l'heure comme année de naissance est original et très visuel, cela permet un déroulé des pensées à la fois libre et guidé par les chiffres. Ici, la donnée du chemin physique est ajoutée, troisième paramètre dans le déroulé. Le temps et l'espace sont liés dans l'esprit humain au moins depuis que l'homme cartographie à l'aide des méridiens, vous en tirez également partie. Il n'y a pas de transgression de frontière dans cette nouvelle, mais un glissement d'un lieu à un autre, un voyage dans un "non-espace-temps". Proposer un héros de 24 ans est aussi assez étonnant: pour ce genre de voyage rétrospectif, je m'attendais à une personne plus âgée. Mais votre héros est déjà fatigué de voyager, ce qui apporte une tristesse, une désespérance à ce personnage qu'on a envie d'encourager. Cet appel à l'empathie du lecteur trouve d'ailleurs écho dans la conclusion du texte, puisque c'est sa mère qui garde espoir, qui vient le tirer hors de ce "non-lieu", en renforçant par ailleurs l'aspect juvénile du héros.
Bravo pour ce texte, et je souhaite tout le meilleur à votre personnage !

   Geigei   
11/12/2023
"Nous roulons sur une route solitaire" et "Les villages se sont éteints" se suivent. La fluidité de ma lecture en a été entamée.

"un distributeur de pizzas traditionnelles, cuites au feu de bois, prêtes en trois minutes, chaudes ou froides"
C'est très drôle mais là, depuis un car en marche... d'autant que tout le reste de la phrase est neutre, seulement descriptif, et là, une observation ironiquement commentée. Deux ambiances dans une seule salle.

"Les chiens n’aboient pas quand les étrangers s’en vont."
Paradoxe. Lorsqu'il part, le personnage n'est plus un étranger pour le chien. La forme "aphorisme" est puissante pour, finalement, ne pas dire grand chose.

"en évitant la proximité du chauffeur qui me paraissait du genre à aimer discuter de tout et de rien avec les passagers. Je ne me suis pas trompé"
J'ai trébuché. Un peu à cause de "qui me paraissait du genre à". Le personnage juge, jauge, évalue. Cela annonce une personnalité autoritaire, désireuse de contrôler les autres. Mais pourquoi pas? Je le garderai à distance. Mais surtout "Je ne me suis pas trompé" qui enfonce le clou. Le narrateur juge, et sans faillir. Le texte est pourtant dans la catégorie Réalisme.

"un vieil homme à béret, sans bagage, il avait l’air d'appartenir à la catégorie des gens qui montent dans les bus juste pour passer le temps."
Est-ce un parti pris que d'utiliser deux sujets pour une même personne dans la phrase ? "vieil homme" et "il" ?
Là encore, le narrateur porte un jugement a priori. Serait-ce une projection ? Le narrateur lui-même a pris ce bus sans trop savoir pourquoi.

"je devinais sa présence à la lumière de son portable qui se reflétait dans la vitre." Un détail réaliste. Et comme il est inutile, il dit bien l'absurdité de la situation. Pour qu'une observation aussi insignifiante fasse relief, il faut bien que la vie de notre personnage soit une morne plaine. J'ai bien aimé.

Suivra la vie de Camille jusqu'à ses 23 ans. On n'y apprend pas grand chose. Les femmes, le sexe et sa mère. La base. Un peu de matière pour les experts mandatés pour une étude psychiatrique de Camille, après son arrestation pour meurtre, à la page 153.

   Meaban   
12/12/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Quelle idée que cette horloge, quelle analyse désabusée que ce voyage dans un transport en commun
J ai vraiment apprécié votre road movie qui sent le vieil autobus. La poussière de pluie au dehors et cet endroit mythique Nevers ou personne ne va jamais

C etait moi qui conduisait cet autocar brinquebalant...;)

   Cox   
14/12/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Excellent texte, beaucoup de plaisir à le lire. Même si ça pique un peu, parce qu’on se reconnait dans certains détails. Pas dans l’ensemble, non; mais ce petit truc un peu merdique, qu’on soulève, qu’on est forcé de renifler un peu ? Mouais, on se rappelle, et c’est pas tout a fait parti. C’est signe que le portait est bon.

Le style est élégant sans être précieux et sans se noyer dans des effets de manches. Les descriptions, évocatrices. Des images viennent à l’esprit, le tout a un cote cinématographique.

J’adore la structure du récit, très classe de caler les années sur l’horloge. Je n’aime pas aimer une idée que j’aurais pu avoir. Mais bon, on s’y fait. Très classe.

Le personnage sonne juste. L’histoire est touchante. C’est un très bon texte, quoi.

Merci pour la lecture !

   EtienneNorvins   
19/12/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Belle idée de marier un 'road movie' à un voyage dans le temps - les deux se rejoignant dans une errance qui pourrait mal finir, mais pas forcément.

L'histoire a un air de déjà lu - il y a des échos de Fabrice Del Dongo chez Camille, avant qu'il ne soit 'fixé' par la prison et par Clelia... - mais la fluidité de l'écriture fait qu'on se laisse emporter.

Merci !

   Eskisse   
24/12/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour Néojamin,

Moi qui ne m'arrête habituellement pas à la vraisemblance, je me suis fait la réflexion, en lisant ce récit, qu'elle me semblait ici malmenée. Si l'idée de l'horloge comme déclencheur de souvenirs est originale, elle ne me semble pas vraisemblable : la mémoire ne fonctionne pas sur une ligne aussi chronologique ou alors le protagoniste se force à une remémoration en ordre guidée par l'horloge juste pour le plaisir de revoir sa vie défiler comme le paysage ?

Mis à part ça, j'ai bien aimé car vous traitez de thèmes qui me plaisent: l'errance, la difficulté de vivre un amour, la difficulté à vivre tout court. Le style est agréable sans trop d'effets ( des personnifications et métaphores juste cequ'il faut ) et la lecture aisée.

   ninja427   
28/12/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour,

Je n'essaierai même pas de commenter ce qui à mon sens est un chef d'œuvre... Je préfère évoquer mon ressenti : vous avez réussi à faire pleurer un homme de 50 ans. Habituellement seul le "Nessun dorma" est capable de cette prouesse.

Merci.

   solinga   
30/12/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
La belle scansion, la belle trouvaille mêlant les nombres, microcosme des minutes, au macrocosme (tout relatif) d'une existence humaine. Merci pour cette traversée mettant la vie habilement en abyme.

   GLOEL   
3/1/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
J ai aimé le rythme dynamique fait de courtes phrases presque hachées pour décrire un voyage nocturne sans autre réelle destination que la vie.
Le point fort de cette histoire reste sans doute la très belle phrase "Les chiens n’aboient pas quand les étrangers s’en vont".
Nos vies sont pleines d'étrangers.

   fopouete   
15/2/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour,
Très beau récit poignant. J'ai aimé le rythme donné par les heures, qui dépeignent un bien triste chemin de vie. J'ai vraiment été touchée par ce personnage. Merci pour ce moment de lecture.


Oniris Copyright © 2007-2023