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Sentimental/Romanesque
Neojamin : Il aurait pu être arpenteur
 Publié le 09/03/24  -  6 commentaires  -  11331 caractères  -  85 lectures    Autres textes du même auteur

« Vos actions vont peut-être laisser de profondes traces dehors dans la neige de la cour mais pas davantage. » Le château, Franz Kafka


Il aurait pu être arpenteur


Je m’attendais à être accueilli par quelqu’un, mais personne ne venait. Je suis resté dix minutes, peut-être plus, devant la porte. J’ai insisté en appuyant de nouveau sur la sonnette, j’ai toqué, mais le bois était bien trop épais pour répercuter le son de mes poings. Je me suis d’ailleurs fait mal aux phalanges et je ne manquerai pas de le signaler à l’agence. Je me suis retourné pour voir quelque chose, ailleurs. Le jardin avait dû être splendide avant, avant quoi, je ne saurais dire, mais avant aujourd’hui où il était complètement délaissé, l’herbe s’immisçait au milieu du gravier, les buissons s’étaient affranchis de leurs frontières et le gazon était devenu une brousse jaune et avachie. Les arbres, ce qui ressemblait à un cerisier et peut-être un néflier, étendaient leurs branches jusqu’au sol. Ça sentait le foin et la fin de l’été.

Au premier abord, il était évident que plus personne ne vivait là. Les volets rouillés étaient tous fermés et la grille avait grincé quand je l’avais poussée. Mais on m’avait invité, alors j’étais là, à attendre que quelqu’un m’ouvre. Je suis ainsi fait, je ne suis jamais en retard et je ne me permettrai jamais de faire faux bond à quelqu’un, et comme le monde est mon miroir, j’ai toujours du mal à imaginer que quelqu’un d’autre pourrait en faire autrement.


J’attends depuis dix-sept minutes désormais. Je n’ose me risquer à appeler monsieur et madame Dumoulin à haute voix, c’est grossier et d’éventuels voisins pourraient m’entendre. Les maisons qui s’élèvent de chaque côté de celle-ci semblent habitées et je ne me plairai pas à troubler la quiétude du lieu.

L’ambiance est agréable, le jardin est peuplé d’oiseaux, je les entends à défaut de les voir. Il faut dire que ma vue n’est pas optimale, et que j’ai le soleil juste en face quand je me retourne. La maison donne plein sud, et je m’étais dit au tout début que cela expliquait peut-être les volets fermés. C’est un bon moyen pour garder la fraîcheur dans les maisons, surtout dans cette région, loin de la mer et où les étés sont parmi les plus chauds du pays.

J’ai hésité à faire le tour de la bâtisse. Un passage semble être possible sur le côté gauche, mais il faudrait enjamber des pots de fleurs et me frayer un chemin dans la brousse. Je redoute la présence des tiques qui affectionnent particulièrement mes jambes. Et puis, la sonnette fonctionne. Je l’entends. J’envisage un instant que mes hôtes sont dans le jardin derrière la maison, en train de prendre l’apéritif à la fraîche. L’heure s’y prêterait, mais on m’a invité et quand on invite quelqu’un à une heure précise, on l’attend. Peut-être se sont-ils assoupis, ensemble ? La chose est peu probable, mais mon esprit envisage toutes les possibilités, c’est une déformation professionnelle. Je suis trouveur de solutions et c’est d’ailleurs en tant que tel que j’ai été invité à venir me présenter au 35 rue des Lilas.

Mon neveu me dirait sans doute qu’avec l’un de ces objets bruyants et irradiants d’ondes néfastes, je pourrais appeler mon interlocuteur et mon problème serait réglé, mais cette manie de vouloir tout régler dans l’immédiat en se grillant les neurones ne me plaît pas. La décadence du monde est évidente, mais tant que je respirerai, je résisterai. Qu’ils courent à leur perte tous ces autres, je ne suis pas obligé de les suivre.


Le soleil passe derrière les branches touffues des grands pins qui bordent l’allée de l’autre côté de la rue. L’ombre est chaude et je pourrais m’asseoir ici, sur les marches, et attendre. Je n’ai finalement rien d'autre à faire aujourd’hui. La nuit ne tombera pas avant deux ou trois heures et j’ai tout le temps de rentrer ensuite chez moi. Je me décide à appliquer la méthode FRPD que j’utilise régulièrement à l’agence pour envisager toutes les solutions qui se présentent et effectuer le choix le plus rationnel qui soit.

Tout d’abord, les forces en présence. Il y a moi, je suis seul et j’ai rendez-vous avec une tierce personne, un couple qui se fait appeler monsieur et madame Dumoulin. J’ai été cité à l’adresse donnée au préalable, 35, rue des Lilas, Quartier De Gaulle, à Nanterre.

La raison qui m’a amené dans cette situation. On m’a demandé de venir pour résoudre un problème, évidemment, c’est mon boulot et ce pour quoi je suis connu.

La problématique est telle que les personnes qui m’ont appelé ne sont manifestement pas présentes, ou endormies, ou sourdes ou mortes. Toutes les possibilités peuvent être envisagées.

La demande est simple, adopter la stratégie la plus adéquate pour trouver ces personnes et pouvoir répondre à la demande originelle.

Voyons maintenant les diverses solutions qui se présentent à moi.

Nous avons d’une part la possibilité de rester immobile, là où je suis et de faire confiance au fait que les personnes concernées viendront me chercher. C’est, somme toute, ce qu’il y a de plus raisonnable à faire, mais c’est également compter sur une personne tierce, ce qui, selon les statistiques, est en moyenne 75 % moins fiable que moi-même.

Nous pouvons ensuite chercher cette personne, ici même, contourner le jardin, traverser les herbes hautes qui sont sans doute infestées de tiques et autres insectes sans que nous puissions être sûrs que cela donne quelque chose, à moins que les personnes soient endormies, sourdes ou mortes, auquel cas, il serait avisé d’aller les chercher.

Nous pouvons partir, laisser un message depuis une cabine téléphonique en explicitant la situation et en prenant un autre rendez-vous, peut-être dans un autre lieu. C’est la solution la plus égoïste car peut-être ont-ils appelé pour résoudre un problème immédiat, leur surdité ? Leur mort ? Une maladie étrange qui les pousse à s’endormir à tout moment, de manière incongrue ? Une panne d’électricité ? Un problème d’horloge ?


Je réalise qu’il me faudrait mon ordinateur pour résoudre ce problème en envisageant toutes les possibilités qui, comme dans la plupart des cas auxquels je suis confronté, sont multiples et nécessitent une capacité de calcul grandement supérieure à celle du cerveau humain.

J’étais venu à l’idée de prendre les données pour les compiler ensuite à l’agence où j’ai tout ce qu’il faut. Certains de mes collègues prennent leur ordinateur avec eux, mais je ne peux me résoudre à copier cette mauvaise habitude qui est soumise à trop d’aléas. Aurons-nous une prise de courant là où nous allons ? Nos clients auront-ils le temps d’attendre que nous compilions toutes nos données dans l’ordinateur ? Non, je préfère résoudre les problèmes humainement quand c’est possible ou donner le délai classique pour les problèmes qui nécessitent plus de capacités de calcul, c’est-à-dire trois jours ouvrés.

Une seule fois dans ma carrière, je me suis trouvé face à un problème que je ne pouvais pas résoudre moi-même et j’ai dû passer le dossier à un supérieur. Je n’ai jamais su s’il avait pu le résoudre lui-même. Ce n’était plus de mon ressort et le règlement est clair, les problèmes des autres leur appartiennent, la confidentialité est de mise et j’ai d’ailleurs été prié d’oublier sur-le-champ tout ce que je savais sur ce problème. Je me souviens de ne pas l’avoir résolu, mais je n’ai plus aucun souvenir de son contenu. Je suis très bon en effaçage de mémoire personnelle.


Chose que je réalise maintenant, c’est que je suis censé demander à un collègue de m’assister à chaque fois que je me retrouve confronté à un problème où je suis une des parties prenantes. Dans la confusion, j’avais oublié cet alinéa essentiel de notre code de conduite. C’est ce jardin oublié, ces volets fermés et cette absence de réponse qui m’ont induit en erreur.

Avant de pouvoir répondre au problème de monsieur et madame Dumoulin, je dois moi-même répondre au mien, ce qui veut dire rentrer à l’agence et demander à un collègue de prendre en charge mon cas. Ce sera difficile à cette heure-là, un vendredi soir, mais je n’ai pas vraiment le choix. Essayer de résoudre soi-même un problème dans lequel on est impliqué relève d’un délit d’arrogance puni sévèrement par l’entreprise. Je risquerais d’être rétrogradé, ou pire, suspendu pour une durée indéterminée jusqu’à ce que je puisse prouver que j’ai retrouvé mes esprits et effacé toutes traces d’orgueil mal placé en moi.


Je sonne une dernière fois. Le cri strident se répand à l’intérieur et par son chahut, j’imagine que la maison ne possède pas ou peu de meubles et que le sol doit être carrelé pour que le son se réverbère aussi facilement. Je sonne une fois de plus en me raclant la gorge, plus par habitude que pour un quelconque effet escompté, puis, je décide de faire demi-tour. J’évite soigneusement les herbes à moitié couchées qui débordent sur les graviers du chemin, fais crisser les gonds de la porte en fer blanc et, après avoir jeté un dernier regard sur la maison et ses volets verts et rouillés, je remonte dans ma voiture.

Je l’ai appris dès ma première année à l’agence, il y a des problèmes qui n’ont tout simplement pas de solutions et il n’y a que l’arrogance qui en fasse douter autrement. Pas de ça chez nous ! répétait le formateur. Nous ne pouvons pas résoudre tous les problèmes, nous pouvons en revanche trouver toutes les solutions possibles et c’est là notre seul emploi, trouver des solutions. Il ne faut jamais pencher pour une solution plus que pour une autre. C’est au client de choisir, car nous déclinons toute responsabilité par rapport aux solutions proposées. Nous pouvons à la rigueur renseigner la popularité des solutions avec des pourcentages et préciser si elles sont pratiques, efficaces, illégales, dangereuses, etc. Mais notre travail s’arrête là.


Avant de démarrer, je reste un peu dans l’habitacle de ma voiture de fonction. J’ai toujours été un employé exemplaire. À chaque fois que l’arrogance survient en moi, je sais ce qu’il faut faire. Fermer les yeux, respirer profondément et me rappeler les maximes du travail. Je ne suis pas spécial, je n’ai pas réponse à tout, je ne peux pas résoudre tous les problèmes. Je dois juste donner des solutions.

Je mets la voiture en route, un dernier regard vers la maison qui est désormais plongée dans l’ombre et qui a l’air encore plus abandonnée. Comment ai-je pu croire qu’elle était habitée ? C’est que j’ai un esprit très logique. Si on m’invite quelque part, à une certaine adresse, c’est que quelqu’un s’y trouve. Et s’il ne s’y trouve pas, s’ils ne s’y trouvent pas en l’occurrence, c’est que je fais face à un problème qui me concerne et je n’ai d’autres choix que de rentrer à l’agence et soumettre ma demande de soutien pour qu’un collègue me propose les solutions adéquates à mettre en place. En tant que membre de l’agence, j’ai le droit à trois demandes gratuites par mois. Heureusement, ce mois-ci, je ne les ai pas encore sollicitées. C’est que ma vie est plutôt simple. Comme je l’ai déjà dit, je suis une personne très correcte et très précise qui reste aussi éloignée que possible des problèmes. D’ailleurs, si ces monsieur et madame Dumoulin n’étaient pas absents, endormis, sourds ou morts, je n’aurais pas eu besoin d’avoir recours à l’agence.

Je ne m’inquiète pas outre mesure, ce n’est pas mon genre, et puis de toute façon, la devise de l’agence, écrite en gros sur le côté de ma voiture, est toujours là pour me rassurer : il n’existe pas de problèmes sans solutions.


 
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   Cox   
1/3/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
Un texte intriguant dont l’aspect Kafkaien est réussi !
J’ai envie de le suivre pas à pas :

« je ne manquerais pas de le signaler à l’agence. », pense le narrateur dans les premières lignes, après s’être blesse tout seul. On s’interroge : a-t-on affaire à un agaçant personnage excessivement procédurier, ou y-a-t-il un sens caché ? Ce début de texte s’attachera á cultiver le doute et á laisser le lecteur prendre ou perdre ses repères dans un environnement flou, incertain :
« Le jardin avait dû être splendide avant, avant quoi, je ne saurais dire »
« ce qui ressemblait à un cerisier et peut-être un néflier »

Des éléments viennent ensuite suggérer une certaine déconnexion du narrateur avec la réalité et les autres : « comme le monde est mon miroir, j’ai toujours du mal à imaginer que quelqu’un d’autre pourrait en faire autrement ». On peut se demander si l’on suit un personnage autiste ou légèrement sociopathe, avec peu de capacité d’empathie et de compréhension du monde humain qui l’entoure. L’impression se renforce avec une précision a la Rainman, peut-être obsessive : « J’attends depuis 17 minutes désormais », ainsi qu’une timidité excessive : « Je n’ose me risquer à appeler monsieur et madame Dumoulin à haute voix ».
Je n’ai pas compris, en revanche, ce que le paragraphe sur les étés chauds et l’exposition plein sud de la maison apportait au récit.
Le portrait mental du narrateur se confirme, avec sa crainte incongrue des tiques et une psychorigidité encore soulignée : « on m’a invité et quand on invite quelqu’un à une heure précise, on l’attend », « un de ces objets bruyants et irradiants d’ondes néfastes », « La décadence du monde est évidente ». La distanciation avec autrui est encore renforcée : le narrateur se refuse à suivre « tous ces autres ». On commence également á avoir quelques éclaircissements sur son emploi et la raison de sa venue : il est « trouveur de solution », ce que l’on suppose être une allusion délibérément vague.
On note cette intéressante opposition entre le flou général du tableau (qui est-il, pourquoi est-il là, quelles solutions, quel problème ?) et la méticulosité du narrateur, son attention voire son obsession pour certains détails rendus avec précision et insistance. Cela rend une inconfortable impression de focalisation sur des détails qui fait obstacle à une vision globale de la situation, et donc à notre compréhension. Je suppose que la narration imite ici la perception interne du narrateur et sa difficulté á saisir le monde extérieur ; procédé habile et bien rendu !

Le narrateur met ensuite en place la « méthode FRPD » (vous m’expliquerez l’acronyme ?😉) pour nous éclairer sur le qui, que, quoi. L’aspect méthodique qui confine à l’absurde colle avec le tableau mental précédemment dressé. Mais là encore, la méticulosité des questions se heurte á des réponses vides de sens : pourquoi est-il là ? «pour résoudre un problème, évidemment, c’est mon boulot et ce pour quoi je suis connu. ». Nous ne sommes pas plus avances, et l’on commence à ressentir une inconfortable sensation d’absurde. Inconfortable parce que le personnage semble, lui, s’en satisfaire tout á fait : il y a un décalage entre la perception de ce qui fait sens pour le lecteur et pour le narrateur. Cette dissonance rend une intéressante impression de malaise.

Le personnage qui s’était jusque lá montré parfaitement fidèle á la logique (même si c’était parfois sa déroutante logique personnelle), fait preuve par la suite de plusieurs raisonnements ouvertement absurdes, comme lorsqu’il considère que les résidents ont pu l’appeler « pour résoudre un problème immédiat, (…)leur mort ? », ou lorsqu’il justifie ses raisons de ne pas prendre un ordinateur (qu’il y ait une prise ou non n’empêche pas de prendre son matériel au cas où). Ce changement dans les raisonnements, quoique possible, manque peut-être d’une justification, d’un élément pour l’amener de manière plus justifiée ou naturelle.

La psychorigidité du personnage semble par la suite se faire l’écho d’un univers très bureaucratisé : « le règlement est clair, les problèmes des autres leur appartiennent, la confidentialité est de mise », « je suis censé demander à un collègue de m’assister à chaque fois que je me retrouve confronté à un problème ». On se rend compte alors que les étranges attitudes du narrateur sont peut-être la norme dans un monde dystopique aux règles absurdes, qui force le narrateur à « rentrer à l’agence et demander à un collègue de prendre en charge [s]on cas. Ce sera difficile à cette heure-là, un vendredi soir, mais [il n’a] pas vraiment le choix ». Un univers s’esquisse en filigrane, régi par la stupidité administrative de « l’entreprise ». Le caractère robotique du protagoniste s’inscrit maintenant dans ce cadre plus vaste. On comprend que « trouveur de solution » pourrait finalement être l’intitule officiel de son job. Ça ouvre la porte à des questions : a-t-il été recruté pour sa psychorigidité ? Lui a-t-elle été inculquée ? Est-il « contrôlé » par l’entreprise mystérieuse ? A-t-on affaire a une secte, comme le suggere certaines pratiques méditatives/spirituelles qui lui ont été enseignées ? (« À chaque fois que l’arrogance survient en moi, je sais ce qu’il faut faire. Fermer les yeux, respirer profondément et me rappeler les maximes du travail. »).

Autant de questions qui seront laissées en suspens. C’est un choix bien sûr, le flou est une part majeure de ce récit comme on l’a déjà relevé, et ça participe à son atmosphère. Je regrette tout de même un peu de ne pas trouver plus d’éléments de réponses avant la fin du texte, qui me laisse curieux d’en apprendre plus. Il y a de suggestions intéressantes qui donnent au texte une certaine portée, et ouvrent la voie à une réflexion, mais elle ne parait pas finalisée ou poussée á bout, ce qui est peut-être une facilité. Une suite ? 😉


En bref, un texte que j’ai trouvé très intéressant. L’écriture est fine, toute en suggestion, même s’il y a peut-être dans l’ensemble une insistance légèrement excessive sur des même traits de caractère déjà établis. La nouvelle dépasse le simple exercice de style imitatif grâce aux idées et aux parallèles qui son suggérés en filigrane. Cependant, je ressens encore une petite frustration en fin de lecture ; si le flou ne me dérangeait pas dans le corps du texte et me paraissait efficace, il est dommage de ne pas en sortir pour le dénouement.

   jeanphi   
9/3/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour,

Il faudrait une catégorie absurde pour donner la mesure de cet écrit. Un personnage cartésien jusqu'à l'irrationnel, qu'incombe une fonction dont la rationalité ne peut qu'échapper aux lecteurs, émet une réaction d'une complexité frisant la paranoïa en réponse à l'absence de ses clients à leur rendez-vous. J'y vois une caricature de la société de services, ainsi qu'une satire du cloisonnement des compétences professionnelles.
Une lecture agréable qui laisse un petit goût d'insatisfaction, comme par retour de la rigidité et de l'hygiènisme de la pensée du narrateur.

   Pouet   
11/3/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Slt,

il aurait pu mesurer des terres, il est payé par l'Agence pour mesurer l'étendue de ses limites. Les fameux élans externes et internes.
La maison vide c'est certainement de l'écho physiologique, son intérieur quoi aux parois de muqueuses en pré putréfaction à la place du lambris. Son nid douillet.
On a beau sonner... enfin bon.
Le gonze, il compte sûrement sur les 75%, j'ai l'impression qu'il cherche un truc en à côté ou sur lui-même et que les Dumoulin n'étaient (pas) là que pour apporter de l'eau à sa métaphysique, métaphysique peut-être étendue entre un copeau de Beckett et une brindille de Kafka. (on y est bien, ici, dans cette ambiance, légèrement décalée, juste ce qu'il faut pour être en définitive "réelle").
Du coup il compte sur les 75%, le problème c'est l'histoire du miroir, "le monde est mon miroir", elle doit donc se situer dans le coin la "tierce" personne, dans l'angle survivant. Après c'est sûrement moins "déformant" que les 25% qui restent, ceux qui dégoulinent d'instinct, d'espoir, de cécité. Je ne sais pas si on se voile mieux la face de l'intérieur ou de l'extérieur. J'ai pensé à deux solutions avant de me rétracter.
Il y a cette idée de confinement de l'être, d'ego à museler, d'une chappe de dogmes et d'un jardin à la française flottant sur le fleuve de la conscience à bien débroussailler sur les berges (contrairement au jardin touffu (de quoi?) des Dumoulin - sûrement une histoire de surmoi :) ; la coiffure de l'employé des modèles doit être bien soignée, conserver précieusement sa raie au milieu parfaitement lisse, frontière impeccable, impératrice de l'orée centrale ; ô destins oniriques! Liberté à pourvoir. Et les chemins de traverse seront d'autant plus attrayants...
Ce doit certainement être écrit quelque part dans le règlement.

   dowvid   
12/3/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
J'aime bien les tergiversations internes des méandres du cerveau.
Et ce fonctionnaire me plaît bien.
Une histoire un peu sordide, bien écrite, qui m'a fait rire.
Merci

   Cairote   
14/3/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Le texte réussit à nous faire pénétrer dans l'esprit (faussement) rationnel jusqu'à l'absurde de l'employé et de son agence, ce qui contribue, avec l'absence voulue d'information, à leur donner un côté mystérieux et intriguant, un peu dystopique. Le ton est approprié, la langue est simple et directe, comme le personnage semble s'imaginer qu'il l'est.

Quelques passages m'ont fait un peu tiquer, à tort ou à raison:
- comment une agence aussi sévère qui "punit l'arrogance" accepte-t-elle le manque d'efficacité qui résulte de son refus d'utiliser un téléphone portable ou un ordinateur. Et lui-meme se voit pourtant comme effaçant toute trace d'orgueil en lui?
- un cri strident qui "se répand" ? et qui fait un "chahut" ?
- l'existence d'une "tierce" personne, il me semble, suppose deux autres parties.

Une lecture plaisante, au total.

   hersen   
17/3/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Un texte que j'ai fort apprécié par son côté rigoureux dans la réflexion du narrateur, mais rigueur... qui ne sert à rien;
tout ce monde de l'agence est un délice d'absurde; et l'absurde n'a prise sur personne, et pourtant, on est là, on regarde ce monsieur qui attend les Dumoulins, qui sont peut-être morts, sourds ou je ne sais plus quoi, pour les aider à résoudre leur problème, dont on ne sait rien, et ça ça qui qui est génial dans l'histoire : on ne sait rien et on se balade sur le fil de l'absurde;
Bon. Moi je pense à une autre raison, peut-être qu'ils sont bourrés ou défoncés , là, on quitte le genre bien comme il faut de cet employé d'agence à résoudre les problème. Finalement, il n'envisage que des problèmes à sa portée à lui, pas à la portée de ses clients.
N'est-ce pas ce que l'on fait dans la plupart des cas ? tout ramener à soi avec bonne conscience, sous couvert d'une agence , d'une morale ? de convictions ?
Bon; j'ai adoré lire ce texte, merci pour la lecture;
Et l'écriture colle pile-poil, elle est brève, nette, on ne s'embarque pas dans des machins compliqués. ça fait très entreprise d'aujourd'hui : réponds au problème, on ne te demande rien d'autre, ne t'embarque pas dans des élucubrations existentielles, en gros, ne discute pas avec toi-même en dehors de la question posée.
j'adore. je l'ai déjà dit ? c'est parce que je focalise sur un sujet, on ne se laisse pas avoir par des considérations oiseuses. On bosse.
Ah ah ah, merci Néojamin !
Lis kafka plus souvent !


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