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Fantastique/Merveilleux
Nicky : Turbulences oniriques
 Publié le 02/03/11  -  9 commentaires  -  20541 caractères  -  108 lectures    Autres textes du même auteur

Un vol long-courrier New York - Bruxelles. Une fillette étrange et soudain, tout s'accélère pour Alice... Un rêve ? Elle l'ignore. Tout ce qu'elle sait c'est qu'elle ne sortira pas indemne de cette curieuse aventure en plein ciel.


Turbulences oniriques


Alice s’installa confortablement dans son siège, les écouteurs enfoncés dans ses oreilles diffusaient en sourdine un air de blues. Elle jeta un œil au hublot, c’était le néant. La nuit avait enveloppé le Boeing 777. Alice avait beau tenter de percer l’obscurité, ils se trouvaient probablement au-dessus de l’océan et la nuit noire, parsemée de timides nuages floconneux, donnait l’impression de flotter au beau milieu de nulle part. « C’est l’endroit qu’il me fallait, se dit-elle intérieurement. Nulle part. Loin. » Depuis toutes ces années, elle allait revoir son pays natal, sa famille et ses amis. Une rupture totale avec sa nouvelle vie qui, finalement, ne lui avait pas apporté tout ce qu’elle aurait espéré. Son angoisse des aéroports et de l’avion s’était dissipée après le décollage. Elle s’imprégna du silence ambiant, du léger ronronnement du moteur et sentit que le sommeil ne tarderait pas à écourter son voyage.

Elle tourna la tête et sursauta, son cœur manqua un battement et une boule atterrit au creux de son estomac vide. Une fillette avait pris place dans le siège vide à côté d’elle. Elle la regardait fixement. À cause de ses écouteurs, elle ne l’avait pas entendue arriver. Elle était maigre, deux grands yeux bleus enfoncés dans des orbites trop grandes et une peau si fine qu’on pouvait deviner les sillons de ses veines bleutées à travers. Elle devait avoir six ou sept ans mais son air grave n’était pas celui d’une enfant. Elle avait cet air des gens qui souffrent, qui ont une maladie incurable qu’ils traînent avec eux en attendant la fin. Ses cheveux blonds pendaient négligemment sur ses épaules frêles. Elle portait un pull beaucoup trop grand en laine, le genre de pull qu’on se passe de génération en génération au sein d’une même famille. Mais dans son cas, elle semblait être un petit poucet issu d’une famille de géants.

Alice esquissa un sourire mal à l’aise et retira ses écouteurs. La petite fille ne la quitta pas du regard et n’eut aucune réaction. Elle se contentait de regarder Alice de ses yeux implorants. La jeune femme regarda autour d’elle, la plupart des passagers étaient endormis, le personnel de cabine avait diminué l’éclairage et seuls quelques écrans diffusaient un éclat bleuté dans les couloirs. Elle ne vit aucune hôtesse à l’horizon. La petite avait dû profiter du sommeil de ses parents pour voyager à sa guise dans l’appareil. Alice se racla la gorge et sourit gentiment.


- Bonjour ! Comment t’appelles-tu ?


Comme elle le craignait, la fillette ne répondit pas. Était-elle muette ? Sourde ? Peut-être parlait-elle une autre langue ? Un vol New York - Bruxelles était on ne peut plus diversifié quant aux passagers. Alice réitéra sa question en anglais, en flamand et en espagnol. Sa brillante carrière d’interprète au sein de l’ONU lui permettait d’aller à peu près partout dans le monde. Toujours aucune réaction. Compte tenu de sa chevelure blonde et de sa peau laiteuse, Alice tenta de lui parler en suédois. Aucun résultat. Si la petite parlait français, elle devait se demander ce qu’était en train de lui raconter cette inconnue. Elle reprit dans sa langue maternelle :


- Tu es toute seule ? Où est ton siège ?


Tout en parlant, Alice cherchait désespérément une hôtesse à qui confier la fillette. Elle finit par se lever à moitié.


- Je vais aller avec toi chercher après ta place, d’accord ?


Elle toucha la main de la fillette. À son grand étonnement, elle était glacée. Il faisait frais dans les avions mais pas à ce point-là. Elle eut l’impression de toucher de la pierre restée dehors en plein hiver. La petite était malade, elle en était sûre. La fillette se recula pour laisser passer Alice. Elle se tint immobile à côté du siège et ne quitta pas la jeune femme des yeux. Elle attendait quelque chose, mais quoi ? Alice lui prit sa main glacée et avança dans le couloir. Si elle ne trouvait pas les parents de la petite, elle finirait bien par trouver une hôtesse de l’air encore éveillée. La fillette suivit docilement sans marquer aucune résistance. Tous les passagers semblaient assoupis. Quelle heure était-il ? Peu importe. Tous les sièges étaient occupés. Elles arrivèrent devant le rideau séparant la classe économique de la classe affaires. Alice regarda la petite fille et pointa un doigt en direction du rideau. Aucune réaction. Elle finit par s’agenouiller pour être à sa hauteur.


- Écoute, si tu ne me parles pas, je ne vais pas pouvoir t’aider.

- Ils sont morts.


La voix monocorde de la fillette retentit presque à l’intérieur de sa tête. Sa gorge devint sèche et elle prit conscience de l’absence de mouvement dans la cabine de l’avion. Elle eut la soudaine envie de réveiller le passager endormi à côté d’elle pour se rassurer. Mais elle était le genre de fille qui savait garder les pieds sur terre et n’avait pas pour habitude de délirer. Elle devait réfléchir de façon rationnelle. Elle était stressée, fatiguée et le retour au pays n’était pas pour lui embellir le voyage. Le silence ambiant pouvait, dans ce cas, devenir inquiétant. Si elle réveillait quelqu’un juste parce qu’elle avait eu peur, elle risquait fort de passer pour une idiote, qu’elle n’était pas. Elle inspira profondément.


- Qu’est-ce que tu as dit ? Qui est mort ?


De nouveau le silence. Peut-être avait-elle perdu ses parents et son mutisme trahissait un traumatisme. Alice devait trouver une hôtesse et lui confier l’enfant en précisant que sa pâleur indiquait probablement une maladie. Elle posa machinalement la main sur le front de l’enfant. Une réaction de mère. Son instinct maternel qu’elle pensait perdu. Elle n’avait pas de fièvre, mais la froideur de la peau de la fillette ne la rassura pas pour autant.

Elle tira le rideau de la classe affaires et ce qu’elle vit la figea. Les luxueux sièges étaient entièrement vides. Pas un passager en classe affaires. Le cœur d’Alice commençait à s’emballer. Même si elle essayait de se convaincre qu’il n’y avait rien d’exceptionnel, elle savait qu’elle se mentait. Elle fit un pas puis rebroussa chemin. Tant pis si elle passait pour une idiote mais elle commençait à paniquer. Elle secoua le bras de l’homme assis dans la première rangée. Un homme plutôt imposant en jeans et chemise à carreaux. Le visage tombant sur le torse et les mains jointes sur son ventre proéminent, il semblait profondément endormi. Le problème, c’est qu’Alice n’entendait pas sa respiration. Son torse ne se soulevait pas. Il était complètement immobile. Une sueur glacée perla en haut de ses omoplates et elle sentit sa chair se contracter. Elle secoua de nouveau l’homme qui, bien sûr, ne réagit pas. La fillette avait toujours les yeux braqués sur elle. Alice tenta de dédramatiser la situation devant l’enfant.


- Il s’est endormi…, se justifia-t-elle.


Mais ça sonnait faux. Aussi bien pour elle que pour la fillette.


- Ils sont morts, répéta-t-elle sur le même ton.

- Mais qui ? Qui est mort ? s’enquit Alice en élevant la voix.


Pourtant, personne dans la cabine ne réagit. La fillette désigna le gros homme de son doigt aussi maigre qu’un os de poulet.


- Non, voyons… Il est juste très fatigué et… il…

- Ils sont tous morts.


Alice n’en croyait pas ses oreilles. La petite devait délirer. Pourtant, elle avait de plus en plus de mal à respirer et la transpiration collait son polo à sa peau fraîche. Les muscles de ses épaules étaient contractés et son esprit commençait à s’affoler. Elle ne voulait pas croire ce qu’elle venait d’entendre. Mais elle avait du mal à penser que c’était juste son stress qui lui jouait des tours. Elle n’était pas non plus seule dans un avion avec une petite fille sortie de nulle part. C’était impossible. Elle traversa la cabine de la classe affaires jusqu’au box du personnel de bord, la petite fille sur ses talons. Elle tira le rideau. Personne. Là, la frayeur l’avait submergée. Elle la sentait monter en elle sans pouvoir la stopper, comme prisonnière.

Elle regagna d’un pas rapide la cabine économique. Elle avait envie de crier. Elle secoua une femme d’un certain âge, endormie dans l’allée centrale entre deux autres femmes plus jeunes, qui semblaient être ses filles. Aucune des trois ne réagit. Et aucune des trois ne respirait. Alice répéta l’opération sur plusieurs personnes, sans résultat.


- S’il vous plaît ! Réveillez-vous ! dit-elle beaucoup moins fort qu’elle ne l’aurait voulu.


Elle regarda autour d’elle sans la moindre idée de ce qu’elle allait faire. Elle finit par s’agenouiller de nouveau à la hauteur de la fillette. Son regard sans expression était tout aussi effrayant que la situation. Alice tenta de réfléchir raisonnablement. Il y avait peut-être quelque chose dans l’air. Une fuite de… gaz ? Elle se releva et frappa violemment contre la paroi supérieure de la rangée du milieu. Trois masques à oxygène tombèrent, pendant au bout de leur ficelle blanche. Au moment où elle en attrapa un, la voix monocorde de l’enfant retentit à nouveau au-dessus du ronronnement du moteur.


- Ça ne sert à rien.

- Quoi ? Écoute, il y a quelque chose dans l’air… Tu vas mettre ce masque et je vais aller voir dans la cabine de pilotage ! Je vais prévenir les pilotes et ils essaieront d’entrer en contact avec la tour de contrôle… Nous serons bientôt sorties d’affaire !

- Ils sont morts.


Alice essaya tant bien que mal d’ignorer la dernière affirmation qu’elle venait d’entendre.


- Je me suis réveillée et tout le monde était mort… continua l’étrange fillette, j’ai peur maintenant… On va mourir aussi.


Alice se dirigea à grandes enjambées vers la cabine. Elle força la porte qui s’ouvrit sur le cockpit. Des dizaines de voyants rouges, verts et blancs clignotaient sur la table de commandes. Les deux pilotes étaient assis dans leur siège, face à la fenêtre donnant sur l’immensité noire du ciel. Aucun des deux ne s’était retourné quand Alice avait poussé la lourde porte, ce qui amplifia encore son degré d’angoisse.


- Excusez-moi…, murmura-t-elle.


Au moment où elle s’approchait des deux pilotes, plusieurs bips se firent entendre et elle sentit l’avion pencher dangereusement vers l’avant. Elle se tint au siège pour garder l’équilibre. L’appareil prit de la vitesse et les avertisseurs se mirent à émettre des signaux de plus en plus forts. Ça clignotait de tous les côtés et Alice sentit que l’avion piquait du nez. La pression remonta dans la cabine et ses oreilles se bouchèrent. Elle avança comme elle put près des commandes. Les deux pilotes étaient eux aussi endormis. Ou morts. Elle vit un micro. Elle enfonça le bouton « Call » :


- S’il vous plaît, avion en détresse ! Est-ce que quelqu’un m’entend ?


Rien. Pas même un crachotement. L’avion tombait de plus en plus vite. Alice entendit un cri strident provenant de la cabine.


- La petite ! s’exclama-t-elle.


Elle laissa le micro et retourna vers la classe économique. Elle tomba plusieurs fois, perdant l’équilibre à cause du mouvement incessant et des soubresauts de l’appareil. La fillette hurlait de toutes ses forces. Arrivée à sa hauteur, elle la prit dans ses bras, machinalement. L’enfant tenait toujours fermement le masque à oxygène. Elle cria sans même reprendre sa respiration d’une voix stridente qui perça les oreilles de la jeune femme de part en part. Alice avait envie de hurler avec elle. L’avion se rapprochait de la terre de seconde en seconde. Elles allaient périr dans un crash et les dernières minutes avant que l’avion ne touche le sol seraient probablement les plus longues de leur vie. Elle ferma les yeux et s’accrocha à la fillette toute maigre qui tremblait de peur, de cris et de pleurs. C’était la fin.


Alice eut un sursaut. Elle ouvrit les yeux. Elle était tremblante et en sueur. Son cœur battait la chamade et un goût amer emplissait sa gorge. Elle regarda autour d’elle. Elle était calée dans son siège, l’avion avait atteint depuis longtemps sa vitesse de croisière et le ronronnement des moteurs avait quelque chose d’apaisant. Le hublot donnait toujours sur une noirceur totale. Elle avait rêvé. Elle jeta un œil à côté d’elle, le siège était toujours vide, comme au moment de l’embarquement. Pas de fillette. Elle expira profondément et se frotta les yeux. Elle avait besoin de se rafraîchir. Elle se leva péniblement et se dirigea vers les toilettes. Elle ne put s’empêcher de regarder tous les passagers. Certains dormaient, d’autres discutaient en sourdine, d’autres encore regardaient la télévision sur leur petit écran personnel. Une hôtesse de l’air passait, souriante malgré la fatigue, entre les rangées et s’assurait que tout le monde allait bien. Un trajet en avion long-courrier tout ce qu’il y avait de plus normal. Pourquoi avait-elle fait ce cauchemar terrifiant ? Et surtout si réel.

Les toilettes étaient occupées. Elle attendit dans le petit sas. Elle commençait à se détendre quand la porte des toilettes s’ouvrit. Elle ne vit personne à sa hauteur. Une petite fille se tenait devant elle, quelques centimètres plus bas. C’était elle. La fillette du rêve, elle en était sûre ! Peut-être l’avait-elle vue dans la salle d’embarquement sans s’en rendre compte et qu’elle l’avait insérée dans son monde onirique ? Mais Alice avait du mal à croire qu’elle avait aussi bien imaginé les détails de la petite fille. Sa peau presque transparente, ses cheveux, son pull trop grand. Jusqu’aux motifs de la laine. Elle ne pouvait détacher ses yeux de cette apparition, sentant son cœur s’emballer à nouveau. La fillette l’examinait attentivement aussi. Alice jeta un œil rapide aux alentours mais rien n’avait changé. L’hôtesse avait avancé de quelques rangées, une femme s’étirait et deux hommes riaient en silence en regardant la télévision. Cette réalité la rassura. Elle se retourna vers la fillette.


- Bonjour, fit-elle, sans se forcer à sourire, ne sachant pas si elle était toujours en plein rêve.

- Bonjour, répondit timidement la petite fille.

- J’ai l’impression de t’avoir déjà vue…, dit-elle sans même s’en rendre compte.


La fillette sourit. Un sourire serein et à la fois plein de sous-entendus. Elle passa devant Alice et alla rejoindre en sautillant une dame entre deux âges assise dans la rangée de droite. La fillette prit un livre posé sur son siège, un livre d’illustrations et plongea son regard dans le bouquin sans faire plus attention à cette jeune femme qui l’observait depuis l’entrée des toilettes. La dame à ses côtés semblait être absorbée dans une revue people et ne jeta même pas un regard vers sa jeune compagne de siège.


- Vous y allez ? demanda une voix derrière Alice.


Elle se retourna et vit une dame qui semblait s’impatienter devant les commodités.


- Non, je… Allez-y…


Elle repartit vers son siège en passant dans la rangée de droite, à proximité de la fillette. Alice ne pouvait s’en empêcher, elle était comme hypnotisée par cette enfant, attirée comme un aimant. Elle ralentit lorsqu’elle arriva à sa hauteur. Elle ne voulait pas s’arrêter mais sentait le besoin irrépressible de la regarder. Elle frôla l’accoudoir de la petite fille et regarda par-dessus son épaule le livre qu’elle lisait. Il s’agissait d’un livre d’images sur les transports. Le train, la voiture, l’autobus. Elle tourna la page et l’avion était détaillé en coupure transversale. Elle tourna à nouveau la page et l’image sauta aux yeux d’Alice. Un avion en feu au-dessus d’une étendue d’eau. La page suivante, l’avion se rapprochait et on pouvait apercevoir des visages alarmés aux hublots. Qui pouvait bien acheter ce genre de livre à une enfant ? L’image était terrifiante et bien trop réelle. La petite fille s’apprêta à tourner la page quand elle se sentit observée. Elle se retourna et vit Alice. Elle lui sourit. Alice essaya de lui rendre un sourire à peu près normal. Elle referma son livre. Alice fut légèrement lésée de ne pas savoir ce qu’était l’image suivante.


- C’est un joli livre, que tu as là, s’entendit-elle dire.


La dame assise à côté de la fillette se retourna et scruta Alice d’un regard interrogateur.


- Je vous demande pardon ? dit la femme.

- Ho, sourit Alice, je parle à votre petite fille !


La dame regarda le siège à côté d’elle puis fronça les sourcils en direction d’Alice.


- À qui ? reprit la dame qui referma son magazine et regarda autour d’elle.

- Excusez-moi, ce n’est pas votre fille ?

- Mais qui ? s’exclama la femme sur un ton inquisiteur.


Alice sentit ses jambes défaillir sous elle. Elle regarda à nouveau la fillette. Elle lui souriait. Ses yeux allèrent de la dame à l’enfant. Elle avait la tête qui tournait. Elle s’appuya sur le dossier du siège.


- Vous ne vous sentez pas bien ? s’inquiéta la dame

- Je… Je ne sais pas…, bredouilla Alice.

- Vous avez pris des médicaments ?


Alice ne répondit pas et se contenta de fixer la fillette, toujours assise immobile et muette. Elle comprit. Elle sentit son esprit s’évader de son cerveau habituellement si cartésien. Elle sentit qu’elle luttait pour ne pas perdre connaissance. Elle avait des bouffées de chaleur et la gorge aussi sèche que le désert du Nevada. L’hôtesse arriva à sa hauteur.


- Ça ne va pas madame ? demanda-t-elle de sa voix professionnelle et douce.

- Elle ne se sent pas bien, répliqua la femme assise au hublot. Je crois qu’elle a des…


Elle passa ses doigts devant son visage pour illustrer le mot « hallucinations ».


- Madame ? reprit l’hôtesse.

- Je… Je parlais à la petite fille…

- Quelle petite fille ?

- Elle est assise là…

- Ce siège est vide, madame. Vous désirez un verre d’eau ?

- Non, il n’est pas vide ! s’entendit crier Alice comme si elle n’était plus maîtresse de ses paroles.


À présent, les passagers assis autour d’elle s’étaient retournés et chuchotaient entre eux. L’hôtesse semblait embarrassée et elle souriait à tout le monde, pour assurer que tout allait bien.


- Je vais vous reconduire à votre siège, madame.

- Non ! Je parle à la petite fille ! Juste là, vous voyez ?


L’esprit d’Alice explosa et elle était à présent à peine consciente de ce qui se passait.


- Il n’y a personne à cette place, je vous assure…


L’hôtesse s’assit sur le siège et la fillette disparut. Alice s’évanouit.


Elle ne se réveilla que de longues heures plus tard, à l’hôpital. Elle lut sur le bracelet de plastique attaché à son poignet « Patiente 30022 - Hôpital Psychiatrique de la Sainte Trinité - Bxl ». Elle vit deux médecins habillés de blanc au pied du lit. Ils ne semblaient pas faire attention à elle. Elle avait l’esprit embrumé et leurs paroles lui arrivèrent à l’oreille à travers un épais nuage.


- Troisième récidive, dit l’un. Je pense qu’on va la garder plus longtemps cette fois-ci.

- C’est bien malheureux… Quel est son dossier ?

- Alice Baker, 35 ans. Première visite en 2008, elle a perdu son boulot haut placé à l’ONU et sa fille est morte quelques années plus tôt. Puis elle s’est retrouvée à la rue. Le tout l’un dans l’autre… Ensuite, elle a voulu reprendre un vol pour Bruxelles en 2009, après sa sortie, mais a fait un scandale dans l’aéroport et on nous l’a ramenée.

- Un scandale ?

- Elle a perdu sa fille dans un aéroport en 2005.

- Quoi ?

- Kidnappée, retrouvée morte deux jours plus tard, une triste affaire. Elle ne s’en est jamais remise mais tant qu’elle travaillait, elle arrivait à surmonter la douleur. Ensuite, les aéroports sont devenus un stimulus de crise. 2009, elle hurlait que sa fille était quelque part. Elle a mobilisé toute la sécurité de JFK avant que la police ne découvre le fin fond de l’histoire. Et puis aujourd’hui… J’ai reçu le dossier par e-mail de l’hôpital dans lequel elle a été internée dans le New Jersey.

- Et qui l’a amenée ?

- Le personnel de sécurité de l’avion, elle a juré que l’avion allait se crasher, qu’une fillette fantôme lui avait dit…, bref, tu imagines la crise de panique chez les passagers ! On lui a donné des calmants jusqu’ici…

- C’est triste.

- Ouais… Tu fais quoi ce week-end ?


Leurs pas s’éloignèrent. Alice pleurait en silence. Tout était fini. Elle qui voulait retrouver un peu de stabilité avec sa famille et ses anciens amis. Mais personne ne viendra la voir dans cet endroit. Elle se replongea dans sa vie d’avant avec nostalgie quand elle sentit une main frêle sur la sienne. Elle tourna la tête. La fillette de l’avion était assise à son chevet. Étonnamment, elle ne fut pas surprise, elle n’eut pas peur et se sentit, au contraire, apaisée. Elle lui sourit.


- Je suis là, dit la fillette, ne crains rien.

- Je sais ma puce… Je sais…


FIN


 
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   Anonyme   
28/1/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Cette nouvelle fantastique est signée d'une fin surprenante, et triste.

L'histoire nous immerge dans le cadre dépeint par l'auteur. Les émotions sont palpables, la description maitrisée. L'écriture est affirmée.

La forme et le fond s'unissent dans un tout cohérent, homogène. Cette nouvelle est écrite par une plume experte.

   Anonyme   
16/2/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Au début de ma lecture, et ceci m'a gênée, j'ai trouvé beaucoup de répétitions de certains mots, un abus de "elle" par exemple. Puis, à partir de l'instant où l’héroïne découvre que les passagers sont morts, une vraie tension se met en place, les suspenses s'enchaînent, c'est très prenant ...jusqu'à la chute finale, elle même inattendue.
Bonne continuation à l'auteur

   LeopoldPartisan   
25/2/2011
 a aimé ce texte 
Un peu
Lecture aisée quoique la fin soit à mon sens assez téléphonée.

La première partie m'a semblée mieux raisonnée que la seconde dont la fin, je sais j'y reviens encore, m'a semblée baclée. Tout s'enchaine à grande vitesse pour fournir au lecteur une vérité plausible. En cela c'est assez nouvelle "readers digest".

j'essayerais aussi d'éviter des lieux communs du genre :"elle a perdu son boulot haut placé à l’ONU ", cela sonne amateur au possible.

autre chose qui m'a vraiment gèné : "Alice réitéra sa question en anglais, en flamand et en espagnol. Sa brillante carrière d’interprète au sein de l’ONU..... "
Le flamand est un dialecte, le néerlandais est la langue que parlent la mojorité des flamands de Belgique. C'est un peu comme si vous aviez écrit: Alice réitéra sa question en américain, en belge et en wallon..."

   Pascal31   
2/3/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
J'ai beaucoup apprécié cette nouvelle. Elle se lit aisément, une véritable tension s'installe jusqu'au réveil de l'héroïne. La suite, je l'avais déjà un peu anticipée, la blancheur de la petite fille m'avait bien guidé sur l'idée du fantôme. Donc j'ai moins été surpris à la fin, mais j'ai tout de même aimé la note triste sur laquelle l'histoire s'achève. Vous avez réussi à créer beaucoup d'empathie vis-à-vis du personnage principal.
L'histoire est bien construite, bien écrite. Un seul petit passage m'a gêné : "Alice essaya de lui rendre un sourire à peu près normal. Elle referma son livre. Alice fut légèrement lésée de ne pas savoir ce qu’était l’image suivante." Le "elle" de la deuxième phrase est censé renvoyer à la petite fille et là, on dirait que c'est Alice qui referme le livre. De plus, je trouve que le mot "lésée" ne convient pas dans cette phrase. J'aurais mieux vu "frustrée", par exemple, mais ce n'est que mon avis.
Ces petites remarques n'ont en rien gâché mon plaisir de lecture.
C'est une bonne histoire, qui m'a apporté l'essentiel : des émotions réelles. Bravo et merci !

   Lunar-K   
2/3/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Une nouvelle angoissante, écrite d'une main assurée. La tension qui monte progressivement au fil du récit est palpable ; un véritable talent pour la description psychologique. J'ai bien aimé cette anticipation du dénouement : "Son instinct maternel qu’elle pensait perdu". Cela crédibilise le final qui ne tombe dès lors pas du ciel mais qui est, partiellement, prévisible.
Un léger bémol cependant, la réplique du médecin : "Ouais… Tu fais quoi ce week-end ?". Était-ce bien nécessaire ? Ça gâche un peu l'ambiance pesante de ces dernières lignes.
Un très bon moment de lecture. Bonne continuation !

   toc-art   
2/3/2011
bonjour,

sans être très originale, l'histoire est prenante. C'est une vraie qualité dans cette catégorie.

je pense qu'il y a des choses qui mériteraient d'être corrigées :

- une confusion dans les anaphores. On ne sait pas trop parfois (souvent même) à quel personnage le "elle" se réfère.
- une profusion de "et" qui alourdit les phrases et leur donne un petit aspect scolaire qui mériterait d'être vite effacé.
- j'ai relevé rapidement quelques incorrections. Rien de grave sur un texte si long, je vous les signale tout de même :

"et une boule atterrit au creux de son estomac vide. " / pas incorrect mais plutôt maladroit.
"Alice esquissa un sourire mal à l’aise " / un sourire embarrassé passerait mieux.
" Un vol New York - Bruxelles était on ne peut plus diversifié quant aux passagers" / diversifié ne convient pas ici à mon sens. et le "quant aux passagers" est maladroit.
"Mais elle était le genre de fille qui savait garder les pieds sur terre et n’avait pas pour habitude de délirer. "/ pas d'incorrection à proprement parler mais la phrase sonne bizarrement, non ?
"et le retour au pays n’était pas pour lui embellir le voyage." / le verbe embellir me parait mal employé ici et, même si je comprends ce que vous voulez dire, je trouve ça incohérent avec les premières lignes où le retour au pays semble plutôt une perspective, sinon heureuse, du moins rassurante.
"Peut-être avait-elle perdu ses parents et son mutisme trahissait un traumatisme. "/ incorrection ici : trahissait-il s'impose automatiquement.
"Mais elle avait du mal à penser que c’était juste son stress qui lui jouait des tours." / là, désolé, mais le style donne vraiment une impression d'application un brin scolaire. C'est charmant mais peu crédible. Il faudrait muscler un peu tout ça.
" Elle tira le rideau. Personne. Là, la frayeur l’avait submergée. " / Problème de concordance des temps ici. Le plus-que-parfait n'est pas approprié.
" Elle cria sans même reprendre sa respiration d’une voix stridente qui perça les oreilles de la jeune femme de part en part" / concordance de temps ici encore. Juste avant, vous écrivez que la fillette hurlait de toutes ses forces. Elle continue donc de crier, le passé simple ne convient donc pas. "Elle criait" serait plus indiqué.
"Elles allaient périr dans un crash et les dernières minutes avant que l’avion ne touche le sol seraient probablement les plus longues de leur vie" / vraiment très cliché, ce genre d'expression, à éviter si possible.
"Une hôtesse de l’air passait, souriante malgré la fatigue, entre les rangées et s’assurait..." / je pense que le "souriante malgré la fatigue" serait plus à sa place ainsi : une hôtesse de l'air passait entre les rangées, souriante malgré la fatigue, et s'assurait...
"Peut-être l’avait-elle vue dans la salle d’embarquement sans s’en rendre compte et qu’elle l’avait insérée dans son monde onirique ?" / incorrection ici : il faut inverser le sujet dans les deux cas : l'avait-elle vue et l'avait-elle insérée...

voilà, je n'ai pas fait un recensement exhaustif et certaines choses remontées relèvent d'une appréciation personnelle. Cependant, les fautes syntaxiques et de concordance des temps ne sont pas à négliger, de même que des précisions à apporter quant à la pronominalisation tout au long du récit.

Par ailleurs, le dialogue entre les infirmiers censé donner toutes les clés manquantes est terriblement artificiel et sa fonction saute aux yeux de façon trop évidente. Il faudrait plus de subtilité me semble-t-il.

C'est ce que je reprocherai d'une manière générale à votre texte. Il me semble qu'il lui manque un vrai polissage afin de lui ôter ce côté un peu cartoon où l'on sent l'envie de raconter une histoire (ce qui est une vraie qualité à conserver) mais avec la maladresse d'un chien fou débordant d'une énergie encore mal canalisée, si vous m'autorisez l'expression qui n'a rien de péjoratif, soyez-en sûr.

bonne continuation.

   victhis0   
3/3/2011
 a aimé ce texte 
Bien
c'est rare de lire un "thriller" qui ne sonne pas faux : et bien voilà un bon exemple. Un texte bien mené, pas ennuyeux du tout qui m'a fait flipper ! Et pourtant j'en ai lu et vu des trucs glauques...Donc je ne peux que saluer ce beau morceau, un bon moment passé en compagnie de personnages "réels". Pas de pétouille d'écriture relevé, rien qui m'ai choqué.
Oui, bien sûr c'est assez classique mais c'est de la belle ouvrage.

   Calissonne   
3/3/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Merci pour cette lecture très prenante.
Ce texte m’a tenu en haleine tout le long, le suspens est bien rendu, l’écriture coule toute seule (ou du moins, prise par le récit, je n‘ai pas eu envie de décortiquer et rien ne m‘a sauté aux yeux).
La situation est parfaitement choisie, augmentant l’angoisse dans ce lieu clôt et susceptible d‘écrasement.
La description de la fillette m’a fait froid dans le dos, parfaite pour un fantôme, d’ailleurs c’est cela et l’instinct maternel pas perdu qui m’ont mis sur la piste bien avant la fin, ce qui n’est pas très grave et n’enlève rien au plaisir de lecture.
Pour pinailler, j’ai moins apprécié le dialogue entre les infirmiers, trop précis en détails, pas très naturel, par exemple citer les années n’apporte pas grand-chose et je crois que l’impact d’une chute est plus fort quand elle est brève, donc personnellement j’aurais préféré un passage plus condensé, évoquant sans s’attarder sur tant de précisions.
La fin est poignante.

   Anonyme   
14/3/2011
Pour moi, les quelques phrases après le dialogue des infirmiers sont inutiles. Sinon, l'histoire m'a paru bien menée ; je trouve intéressant que l'héroïne ne reconnaisse pas la fillette de son hallucination. Cela dit, il faudra quand même m'expliquer comment quelqu'un qui a perdu son travail, s'est retrouvé à la rue et en hôpital psychiatrique, qui en outre a l'air dénué de toute famille, parvient à se payer des voyages en avion Bruxelles - New York...
Peut-être quelques longueurs dans la scène où Alice parcourt l'avion avec la gamine ; sinon, je trouve la phrase "Un vol New York - Bruxelles était on ne peut plus diversifié quant aux passagers." maladroite, inutilement alambiquée.


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