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Réalisme/Historique
Nicolas : Pauvre Toby
 Publié le 18/04/09  -  21 commentaires  -  7327 caractères  -  40 lectures    Autres textes du même auteur

Jeannot n'a jamais eu de chance avec les femmes, ça non !


Pauvre Toby


Elle aurait pas dû, l'aurait pas dû toucher à Toby !


« T'es qu'un raté, qu'elle me disait, t'as de la chance de m'avoir pour faire ta soupe ! » Mais qui c'est qui ramène l'argent, qui c'est qu'entretient la ferme, c'est bien moi ! Qui c'est qui s'occupe des bêtes tous les jours ? Qui c'est qui s'lève toutes les nuits à la saison des vêlages ? C'est encore moi !

Tout ça pour entendre à longueur de temps : « Tu pues, tu peux pas t'laver ! T'as encore pissé partout ! Dépêche-toi, faut que tu ailles chez Yvette retourner son jardin ! »

Sa sœur Yvette ! Une belle saloperie, celle-là aussi ! Elle, au moins, elle s'est pas mariée ! Faut dire qu'elle faisait fuir tous les gars du village avec son arrogance. Déjà à l'école, on l'appelait la kommandantur ! Ma Simone, c'est bien pareil, une vipère, elles auraient dû rester ensemble les deux frangines, ah j'imagine, deux pestes ensemble, ça aurait donné !


Mon corps n'est que tremblements. Une demi-heure déjà que je me suis sauvé de la maison. À marcher si vite, j'ai ma sciatique qui se réveille ! Je suis en nage. Quelle chaleur, il tape le copain là-haut ! Faut dire qu'on est déjà le 20 juillet ! Plus qu'un kilomètre et j'arrive à ma cabane de pêche !

Y a que là que j'suis bien, au bord de mon étang. Mes deux gaules tendues, j'aime attendre le bouchon remuer tout en regardant les grenouilles se grâler la couenne avant le plongeon, tout en lorgnant sur les libellules bleutées qui paradent au-dessus des joncs.


L'aurait pas dû toucher à Toby, ça non !


Elle m'a mis le grappin dessus. Maman m'avait bien dit de m'méfier : « Benêt comme t'es, tu vas bien te faire plumer ! » Faut dire que les filles m'ont jamais regardé !

J'aurais bien aimé moi aussi, comme mon copain Jacques (un Don Juan celui-là), fricoter avec elles. C'est pas l'envie qui m'en manquait, ça non ! Seulement, dès que je les approchais, elles me riaient au nez ! Mon pauvre Jeannot, danser avec toi, t'y penses quand même pas !

Toujours pareil ! À la fin, je haïssais les bals du village, comme celui du 14 juillet, où j'ai surpris Jacques avec la belle Martine derrière le presbytère. Tous les deux au clair de lune, nus comme des vers, à s'emmêler l'un l'autre. Ça m'avait retourné le sang.

Évidemment, quand quelque temps après, la Simone qui m'avait jamais regardé jusque-là, m'a embrassé, j'en suis tombé fou. Oh, elle était pas belle belle, des yeux déjà bien durs, pour pas dire méchants, un nez trop long, mais sinon, deux gros tétons qu'elle me laissait toucher, et un cul à tomber par terre !


La première fois que j'l'ai prise, ça a été le plus beau jour de ma vie ! Moi aussi j'y avais goûté ! J'étais comme un gosse devant un nouveau jouet ! J'voyais à son regard qu'elle s'en amusait. Elle m'a attiré comme on attire les guêpes avec un fruit sucré ! J'me suis gavé de son corps, repu de ses jambes, de son ventre, de ses seins blancs et doux. J'étais comme appâté ! J'en voulais encore plus les autres jours jusqu'à ce qu'elle me dise : « D'abord on se marie, après on verra ! »


On a fait comme elle a dit. On s'est marié un 20 juillet, le samedi 20 juillet 1968, y a tout juste 40 ans. J'm'y vois encore : tout le village était là, papa et maman aussi ! Moi, j'étais fier même si j'ai entendu ricaner dans le cortège : « Pauvre vieux, s'il savait ce qui l'attend ! » J'm'en foutais des ragots, moi j'étais content, j'étais comme tout le monde, et puis j'avais ma Simone à arranger !


Ça a duré six mois avant qu'elle se mette à me critiquer : « T'es qu'un gros porc, tu penses qu'à ça, va donc bosser, y a tout à faire ! »

Trois ans après le mariage, j'ai plus eu droit de la toucher. Même en m'faisant insulter, j'en aurais bien eu envie ! « L'est pas né le prochain qui m'troussera maintenant ! » qu'elle disait. Elle avait pas tort ! C'est là que j'ai compris qu'elle voulait ma maison et mes sous, et pis c'est tout !


Parce que c'était une dépensière avec ça ! Pour s'acheter des robes et des saloperies à la foire de Miradel, je pouvais lui faire confiance ! Pour faire venir les pires mégères du canton pour des réunions de « Tupaieras », et acheter des tas de boîtes en plastique qu'il y en a déjà deux grands placards pleins, ça marchait ! Mais moi, j'avais le malheur de demander des tôles pour refaire le poulailler, ou un billet pour mes gauloises et pour mon mauvais vin qui m'fait tant de bien : « Y a plus d'sous ! » qu'elle disait !


L'aurait pas dû toucher à Toby, ça non !


C'est l'année dernière que ça a empiré. La guerre s'est déclarée quand j'ai refusé de repeindre la chambre de sa sœur. Elle a découpé mes cannes à pêche neuves en tuteurs. Je venais de les acheter « Au p'tit bouchon », avec la vente de mes derniers poulets. La rage que j'avais ! Alors je lui ai brisé le cadre de sa mère, qui trônait sur la télé depuis trop longtemps. J'avais toujours l'impression qu'elle me surveillait, sa vieille, quand je la regardais, la télé.

Je l'avais jamais vue comme ça, ma Simone, une vraie furie ! Ensuite, elle a arrêté de laver mon linge. Puis quand j'arrivais, à midi, mon assiette n'était plus mise, comme avant, en face de la sienne. La casserole de choux ou de ragoût qui restait sur le bord de la gazinière était trop salée, ou brûlée, immangeable. Maintenant, la porte de la chambre reste barrée. Je suis obligé de dormir dans celle d'à côté, celle qu'a le carreau de cassé, qu'il y fait si froid l'hiver, qu'elle est au nord !


J'l'aperçois enfin ma cabane, derrière le champ de marguerites. Y a que moi qui sais où est la clef, sous la grosse pierre plate de l'appentis. J'y ouvre enfin la vieille porte qui force un peu vu qu'elle s'est travaillée. Je sors mon banc de bois. Il vaut trois sous mais c'est papa qui l'avait fait ! Je l'installe au bord de l'étang, sous les grands noisetiers qui me font de l'ombre. Mes mains tremblent, j'ai eu si chaud, pas idée de courir avec une chaleur pareille ! Je regarde les vaguelettes à la surface de l'eau...


L'aurait pas dû toucher à Toby, brave Toby qui me suivait partout, qui dormait sur mon ventre quand je faisais la sieste, qui frétillait la queue quand elle gueulait. On a jamais eu d'enfants, mais moi j 'avais mon Toby !

L'aurait pas dû toucher à ce pauvre Toby. Suspendu au gros noyer dans la cour, je l'ai retrouvé ce matin ! Comme ça, au bout de sa laisse, les yeux tout grands ouverts qui m'fixaient. Quand j'l'ai détaché. J'ai hurlé : Toby !!!

Plus de Toby... alors j'ai pleuré comme jamais j'avais pleuré, dans l'étable, mon pauvre chien, tout flasque sur les genoux. Même les bêtes me regardaient d'un air bizarre, comme si elles comprenaient que sans Toby, rien ne serait comme avant.


L'aurait pas dû toucher à Toby... surtout avec ses problèmes de jambes, à 65 ans passés. « Y a que la jouvence de l'abbé Soury qui me fait du bien ! » qu'elle disait. Elle en buvait 4 fois par jour. Un breuvage tout marron, aux extraits de 11 plantes. Moi, j'ai revu la recette. Une dose d'arsenic liquide en plus, ça nuit pas au goût. J'avais vu papa en mélanger avec de la charogne pour les rats. C'est sûr, moi, j'en ai bavé, mais ce midi, c'est elle qui bavait sur le sol de la cuisine.


L'aurait pas dû toucher à Toby ! « La jouvence est bonne pour la circulation ! » qu'elle disait. Alors circulez, y a rien à voir !



 
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   David   
18/4/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Nicolas,

Je l'aime bien ton héros ! Merci pour la p'tite histoire.

   costic   
18/4/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'ai bien aimé l'écriture dans cette histoire de vengeance à la campagne. Pauvre Toby vraiment!
J'ai trouvé sympa les réunions de "tupaieras".
Un petit point plus technique: dit-on d'une porte qu'elle "s'est
travaillée? " ou bien qu'elle a travaillé?Encore une preuve que
le temps nuit à la santé des couples en généraaaaaal.

   Anonyme   
18/4/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Bien, très gai... L'utilisation de la langue pour rendre le climat... super...

L'aurait effectivement pas dû...

Un seul truc... voir des grenouille se gratter la couenne en juillet !... Pas sur non, à cette époque, on les voit peu... détail, pécadille pour ce petit truc sympa comme tout

   Selenim   
18/4/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Une autre version des chroniques de la haine ordinaire.

Le style narratif est bien choisis, même si on voit arriver la fin très rapidement.

Le sujet manque un peu d'originalité, mais le plaisir se trouve ailleurs.

Je me suis remémoré "Un crime au paradis" ou "La guerre des Rose" pour cette gentille descente aux enfers du couple.

Selenim

   Anonyme   
18/4/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Très bonne histoire, je me suis bien amusée à la lecture et bizarrement l'épisode avec le chien ne m'a pas émue plus que ça.
Belle montée dans la haine.
Un texte vraiment plaisant à lire.
Mais... j'aurais bien aimé que le héros de l'histoire ait quelques torts à son actif. Parce que quand même, ça nous donne du trente ans de mariage et c'est quelques mois après le mariage que les ennuis pour lui ont commencé, alors... j'imagine que des petits coups en vache y'a du en avoir. Là, telle qu'est racontée l'histoire c'est Simone qui a tous les torts. D'accord c'est elle qui a commencé mais il a bien dû se mettre en colère, s'emporter et se venger quelques fois ?
C'est juste un détail et c'est juste mon avis, ce texte a été un vrai petit plaisir.
Bonne continuation et au plaisir de te lire.

   Anonyme   
18/4/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Bonjour
J'ai bien aimé ce texte mais il m'a manqué un petit quelque chose pour accrocher vraiment;

Le style est bien choisi et correspond au personnage un peu demeuré et rustre mais je n'ai pas senti suffisamment la montée de la haine en lui même s'il avait de bonne raison pour cela

Merci pour ce moment

Xrys

   Anonyme   
18/4/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Mis à part les points d'exclamation qui, à force d'envahir le texte, deviennent lassants, j'ai beaucoup apprécié la vivacité du récit, son "oralité", le cynisme des propos, cette gouaille paysanne pleine de bon sens, cette répétition de "l'aurait pas dû toucher à Toby", comme fil rouge qui laisse le lecteur en suspens.

Ecriture très efficace, et scénario, hélas, réaliste.

Bravo, Nicolas!

   Menvussa   
18/4/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
Ce n'est pas mal écrit. Dès le début, on sait qu'il l'a tuée, c'est voulu par l'auteur. Le problème c'est qu'il ne s'en sert pas pour que le lecteur sente l'ambiance sordide s'épaissir, il n'y a pas de montée en puissance, juste une énumération de fait. On ne sent pas chez le personnage la haine qui s'installe et s'amplifie, du début à la fin ce n'est qu'un pauvre chien battu qui ne se rebiffe qu'à peine.

Donc, pas de surprise, pas de rebond, pas de point fort.

J'ai bien aimé : des réunions de « Tupaieras »

   victhis0   
18/4/2009
 a aimé ce texte 
Bien
L'aurait pu aussi avoir quelques torts à son actif pépère, l'est un peu trop manichéen le texte. Mais l'est quand même pas mal écrite la p'tite histoire paysanne. Mé, j'y aurais bien alourdi un poil l'ambiance, j'y aurais bien collé de la bave aux commissures des lèvres, au pépère. Et pis j'aurai pris un plaisir malin à voire crever la vioque, assis à califourchon sur une chaise, la gitane à la main. Mais j'y es pas écrit l'texte, y'es lu seulement...

   Anonyme   
18/4/2009
Cela me rappelle ces vieux films avec Gabin et Signoret quand la vie de l'homme du foyer s'anime seulement avec le chat et quand madame s'en rend jalouse au point de. Ou La chatte, de Colette, aussi. Bref le thème est un peu éculé mais il est ici traité d'heureuse façon, avec un joyeux cynisme.

Toutefois.

Quand retrouverons-nous la griffe de l'auteur du Maître du temps, Nicolas ?

:)

   antares77   
18/4/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
C'est simple, écrit comme il faut, et surtout très efficace
Bravo pour ce petit instant de vengeance bucolique !

   liryc   
18/4/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Vraiment prenant ta nouvelle. Elle m'a fait penser à l'histoire écrite par Simenon : "le chat". La dégradation du couple est palpable grâce à un écrit très peaufiné. Bravo

   Anonyme   
18/4/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
T'as raison, l'aurait pas dû toucher à Toby... d'autant que t'y touchais ben plus toi, à la Simone ! En tout cas, Nicolas, pour ce qui te concerne, continue de toucher à cette plume qui m'a enchanté. Bravo et merci pour cette immersion en campagne profonde... pas si fictive qu'on le croit.

   Anonyme   
18/4/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Moi j'ai un avis un peu mitigé.
J'hésite entre c'est génial parce qu'il y a de l'idée, vraiment...
et puis entre oui belle entourloupe...

Il y a le langage, que je trouve... riche et pourtant un rien vulgaire (j'ai rien contre) mais je sais pas il y a quelque chose d'inabouti et de... pas fini.

Mais il y a l'histoire, le langage... bref entre exceptionnel et faible, ya bien, non?
Merci

Edith: en lisant les autres coms je me rends compte en effet que ce qui me trouble est l'absence de crescendo dans la folie. et en soi ça pourrait aller le fait de déboulonner d'un bloc ça arrive, mais en ce cas le récit est un rien trop clinique.
enfin je crois.

   Anonyme   
18/4/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Excellent !

Alors, haineux, le Jeannot ? Perso, je ne pense pas... plutôt excédé, au delà de tout, par "la vipère" - Dieu comme ça se reproduit facilement, ces bestioles ! - et la "vie" qu'elle lui a menée depuis tout ce temps.
Alors oui, le geste de trop et hop, le type pète un câble.

J'ai beaucoup apprécié le côté "langue vivante" avec lequel cette histoire est rendue.

   Anonyme   
19/4/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ai bien aimé. Simplement. Parce que le langage est vraiment mis en avant, parce que si l'histoire n'a rien d'originale, elle a le mérite d'être cynique, drôle, et un brin pathétique.

Je regrette un peu qu'il n'y ait pas plus de scènes entre les protagonistes (la sœur notamment), mais j'adhère.

   Marite   
20/4/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Quel personnage sympathique et attachant que ce Jeannot. Finalement c’est une trop « bonne pâte » ! Je suis très tentée d’applaudir à la solution qu’il a trouvée pour mettre fin au harcèlement et avoir enfin la paix. Dès le départ les cartes étaient faussées entre lui et Simone. Comme il y a toujours une limite à ne pas franchir dans la cruauté et l’humiliation, la situation a échappé à Simone, après tout elle l’avait bien cherché. J’espère qu’on conclura à sa mort naturelle et que Jeannot pourra enfin respirer en paix…
Merci Nicolas, j’ai bien aimé cette histoire.

   Flupke   
22/4/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Chute très prévisible, mais histoire bien narrée et personnage bien campé. Merci pour cette agréable lecture.

   widjet   
24/4/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Oui, sans doute que Nicolas a du voir Un crime au paradis de Jean Becker où Balasko et Villeret, vieux couple hargneux et provincial, se font des crasses.
C’est gentiment cruel et assez réaliste au niveau du langage, même si j’en attendais plus (dans le coin, ils doivent avoir de ses dictons assez succulents, dommage que l’auteur ne nous en pas fait bénéficié !). On en a pas souvent de ce type de texte, alors même s’il est très perfectible, je fais pas la fine bouche.

Widjet

   Jean   
27/5/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
C'est vrai, on connaît la fin dès le début, ça fait étrangement penser à Villeret et Balasco dans "Un crie au paradis", le thème est classique.

Celà dit, la nouvelle très plaisante et très agréable à lire.
Les expressions et les descriptions nous plongent bien dans le décors dans lequel tu souhaites nous enmmener.

   colibam   
27/5/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Sans être original, j'ai bien aimé ce texte et la phrase du pauvre Jeannot qui revient à l'unisson de sa colère.
Le style employé colle parfaitement au personnage (peut-être quelques mots un peu trop recherchés ici ou là), plutôt attachant dans sa simplicité.
Toby m'a rappelé le Dobby d'Harry Potter.
La fin est bien trouvée.


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