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Fantastique/Merveilleux
Ninjavert : Le roi venu du froid [concours]
 Publié le 21/12/07  -  22 commentaires  -  37325 caractères  -  136 lectures    Autres textes du même auteur

Le parcours initiatique d'un jeune chevalier en quête de son roi...


Le roi venu du froid [concours]


Cette nouvelle est une participation au concours n°3 : Le Conte de Noël (informations sur ce concours).



Il était une fois, il y a fort longtemps, un pays où il y avait tellement de neige qu’on disait que l’hiver durait toujours.


Il y faisait si froid, que les arbres, les animaux, et même les rochers étaient depuis longtemps partis pour des contrées plus accueillantes.


Personne ne vivait là.


Personne ? Pas tout à fait.


Cette terre hostile était le territoire des manchots. Les manchots n’étaient pas un peuple courageux : ils n’étaient pas restés par bravoure, ni pour prouver quoi que ce soit. Ils étaient simplement nés ici, et ils considéraient qu’ils y étaient chez eux.


Ainsi commence l’histoire de Fred le manchot : elle ne précise pas si c’était le printemps, l’été, l’automne ou l’hiver, mais une chose est sûre, il faisait sacrément froid.


======================


C’était un jour de deuil, chez les manchots. Le roi, le sage et courageux monarque qui les guidait vers un avenir serein, était mort.


La légende disait que si au vingt-cinq décembre succédant la mort du roi il n’avait pas été remplacé, les manchots entreraient dans une ère de ténèbres et de désespoir, qui aboutirait inéluctablement à leur extinction.


C’était un jour de fête, chez les manchots. Le jeune chevalier chargé d’aller trouver le nouveau roi et de le ramener au sein de son peuple, allait être nommé.


La légende disait que seul un manchot au cœur pur serait capable de surmonter les épreuves qui se dresseraient sur sa route, et de ramener sain et sauf le nouveau souverain.


======================


- Frères manchots !



Le silence se fit sur l’assemblée : toute la colonie était regroupée sur la place du village. Les regards se tournèrent vers le grand prêtre, dressé fièrement derrière l’autel.


- Notre bon roi nous a quittés pour son dernier voyage. Il est temps pour nous de désigner celui qui ira à la recherche de son successeur ! La date fatidique est proche, l’heureux élu portera sur ses épaules une lourde responsabilité… Fassent les cieux qu’il soit à la hauteur des embûches qui l’attendent !


Le prêtre s’empara d’un grand sac, qu’il agita quelques instants.


- À l‘intérieur, mes frères, sont inscrits les noms de tous les manchots en âge de partir pour un tel périple ! Comme le veut la tradition, celui dont le nom sortira deviendra le chevalier en charge de notre salut !


Un murmure se répandit dans l’assistance expectative, tous les jeunes manchots gonflant le torse, pleins d’espoir à l’idée de se voir attribuer un tel honneur.
Le prêtre retira la main du sac, et déplia le papier.


- Notre sauveur est… Fred ! Que Fred le manchot s’avance !


Personne ne bougea. Les manchots se dévisageaient, interloqués, mais après plusieurs minutes de recherches infructueuses, on dut se rendre à l’évidence : Fred n’avait pas assisté à la cérémonie.


======================


On toqua.


- Et merde ! Qu’est-ce que c’est encore ?


Fred se leva du canapé, et reposa sa bière sur la table. Il rota, baissa le son de la télé, et se dirigea vers la porte en se grattant le cul.


- Ouais ?


Quatre manchots se tenaient sur le seuil. Fred les toisa d’un œil morne.


- Fred ? Nous sommes très surpris que tu n’aies pas assisté à la cérémonie.
- Pff… La belle affaire. Le roi est canné. Ça change quoi qu’je sois là ? Pour voir partir le guignol qu’on va tirer au sort ?


Le plus âgé des quatre émissaires s’avança et pointa une plume accusatrice sur le ventre rebondi de Fred.


- Je pourrais te parler de respect, de solidarité et de civisme, Fred, mais j’ai l’impression que je parlerais dans le vide alors je serai bref. Le ciel nous protège, mais c’est toi « le guignol » qui a été choisi.
- Moi ? Nan désolé, ça n’m’intéresse pas. Trouvez quelqu’un d’autre.
- Tu devrais mieux connaître nos traditions… La légende est formelle : l’Élu ne peut se désister. Si tu refuses, ou si tu échoues, tu seras banni à jamais de la colonie.


Les quatre manchots firent volte-face et s’éloignèrent. Celui qui avait parlé se retourna.


- Sois parti dans l’heure, et reviens avec le roi… Ou ne reviens pas.


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- Foutue légende de mes deux ! J’t’en foutrais des élus, moi…


Fred ruminait sa colère, ses pattes s’enfonçaient dans la neige sous le poids de son baluchon.


- Comme si j’avais l’âme d’un chevalier ! N’importe quoi…


Il s’arrêta, s’assit et tira de son sac la lettre cachetée de cire que lui avait remis le grand prêtre.


Il y découvrit signée de la main du roi lui-même, une carte indiquant la route à prendre pour parvenir à la contrée mystérieuse dans laquelle vivaient les rois des manchots.


- Tu parles d’une trotte ! ‘Peut pas vivre moins loin ce gland ? Comme si j’avais que ça à foutre…


Il reprit sa route, pestant tout seul contre l’infortune de son sort.


======================


Fred marcha longtemps.


Très longtemps.


Il marcha si longtemps, qu’il finit par ne plus savoir depuis combien de temps il marchait.
Il traversa le vaste désert de glace, les grandes plaines de neige, et les montagnes de givre.


Fred ne croisa personne. Seule la neige tombant à gros flocons désapprouvait ses ronchonnements, crissant sous ses pas avec sévérité.
Le soleil avait beau briller dans le ciel, il n’en faisait pas moins froid et Fred commençait à souffrir du manque de nourriture.


- ‘Tain, j’ai la dalle… J’pourrais bouffer l’cul d’un morse !


L’estomac grondant, il finit par arriver au sommet de la plus haute des montagnes : au-delà s’étendait le territoire du manchot royal. Il touchait au but.


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- Y a quelqu’un ?


Fred se tenait sur le seuil d’une grotte, en plein cœur du pays mentionné par la carte. Des traces de pattes, tout autour, témoignaient de la fréquentation de l‘endroit.


- Oui ? C’est à quel sujet ?


Fred se retourna et se trouva nez à nez avec un manchot.


- Salut. J’m’appelle Fred. Je cherche…
- C‘est moi. Je suis votre nouveau roi.


Fred arqua un sourcil méfiant.


- Comment savez-vous qu’je cherche un roi ?
- Je ne serais pas roi si j‘ignorais les attentes de mon peuple, sourit le manchot. De plus, j’ai perçu la mort de mon prédécesseur. Allons-y, une longue route nous attend.


C’était presque trop facile. Mais le souvenir de la longue marche qu’il venait de faire découragea Fred de pousser ses investigations. Après tout, on lui avait demandé de ramener un roi, pas de le choisir. Ils n’auraient qu’à se contenter de celui-là.


Côte à côte, les deux manchots prirent le chemin du retour, vers la montagne.


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- On va passer par là mec… ‘Fin j’veux dire majesté !
- Ça n’est pas un peu raide ?
- Mais nan. J’ai pas envie de m’retaper tout le trajet, en coupant par là, ça va nous faire une vache de raccourci.
- Soit. Je vous fais confiance.


Fred commença à descendre la paroi, glissant ses pattes dans les interstices de la montagne gelée. Le roi suivait en cherchant des prises, saisissant avec maladresse les anfractuosités de la roche.


- C’est bonnard messire, on s’ra bientôt en b…


Un gros truc frôla Fred, manquant de peu de l’entraîner dans le vide. Levant les yeux, il s’écria furieux :


- Merde, faites gaff…


Il n’y avait plus personne au-dessus de lui. Regardant en bas, il aperçut le regard terrifié du roi avant qu’il ne disparaisse dans la brume.


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Fred était resté un long moment à ses côtés : sa pauvre et royale carcasse s’était écrasée sur la glace.


Puis, poussé par le froid et la faim, Fred l’avait recouvert de neige et avait reprit sa route. Il avait marché pendant des jours, seul et désespéré.


Il était assis au pied d’un sapin, la tête dans les ailes, lorsqu’une voix féminine le fit sursauter.


- Salut ! Tu t’es perdu ?


Peu enclin au bavardage, il se retourna pour expédier l’importune.


- Mets les voiles poufiasse ! Tu vois pas qu’je…


Sa phrase gela sur son bec : devant lui se trouvait la plus ravissante pingouine qu’il lui ait jamais été donné de contempler.


Gonflant le torse, il se leva d’un bond.


- Salut, j’m’appelle Fred ! La vache ! L’bon Dieu n’s’est pas foutu d’toi quand il t’a gaulée, c’vieux triquard !
- Hi hi ! Merci Fred… Je m’appelle Cynthia ! C’est gentil… Qu’est-ce que vous faites ici tout seul ?


La dure réalité retomba sur Fred tel un manteau de neige, fardeau éternel dont il devrait faire le deuil.


- Je suis à la recherche d’un roi…


Et Fred raconta toute l’histoire : de sa nomination à la rencontre du manchot, et à sa mort tragique. Cynthia s’approcha et posa son aile sur son épaule.


- Je suis désolée Fred. Ne pouvez-vous pas trouver un autre roi ?
- Not’ légende est formelle : y a qu’un seul roi par génération, et le notre est canné par ma faute.
- Allons, allons il ne faut pas dire ça. Venez avec moi, je suis sûre que mon père pourra vous aider.
- Qu’est-ce que ton vieux vient foutre là-dedans ?
- Il trouve toujours des solutions à tout. Ce n’est pas le roi des pingouins pour rien.
- Le roi des...?


Cynthia sourit et fit une élégante courbette en signe de déférence. Elle tendit ensuite son aile à Fred en rigolant.


- Si vous voulez bien vous donner la peine de me suivre, mon cher.


======================


Fred réchauffait ses ailes devant la cheminée, premier luxe qu’il rencontrait depuis son départ.
Cynthia revint de la cuisine, et le fit passer dans sa chambre, où elle le suivit une théière brûlante à l‘aile.


- Mets-toi à l’aise, Fred, mes parents seront bientôt là.
- Alors comme ça, t’es princesse ?
- Ben oui. Même si ça n’est pas facile tous les jours. J’aimerais bien parfois ne pas avoir toutes ces responsabilités…
- À qui l’dis tu !


Fred se leva et fit le tour de la pièce, regardant les tableaux pendus aux murs.


- Sympa çui-lAÏE !


Il venait de s’accrocher dans un clou, dépassant d’une poutre. Cynthia se leva d’un bond, et le fit asseoir sur le lit.


- Ça va ?
- Nan, j’me suis déchiré !


Une longue entaille marquait le plumage de Fred au niveau de la hanche. Cynthia s’agenouilla devant lui.


- Je vais t’arranger ça en deux coups de bec, ne bouge pas.


La porte s’ouvrit à cet instant et le père de Cynthia pénétra dans la chambre d’un pas vigoureux.


- Cynthia ? Il paraît que tu nous as amené un visit…


Il se figea sur le seuil, à la vue de sa petite fille, agenouillée entre les jambes d’un odieux manchot.


- Euh… Salut messire… C’est pas c’que vous croyez hein, elle est juste en train de m’tailler une plume !


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Fred marchait dans la tempête, le dos courbé, ployant sous les rafales de vent. La neige s’était mise à tomber et lui cinglait le visage.


- Banni d’chez les manchots… Banni d’chez les pingouins…


Il s’arrêta et leva un poing menaçant vers le ciel.


- Mais qu’est c’que j’t’ai fait pour mériter ça !? ‘foiré !


Il reprit sa route en maugréant, la tempête redoublant de rage devant son insolence.


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- Fred !
- Cynthia ?
- Fred !
- Cynthia !


La petite pingouine se jeta dans ses bras. Fred la souleva par la taille jusqu’à son visage.


- Mais qu’est-ce que tu fais là ?
- Je me suis enfuie. J’en ai marre ! Mon père n’a rien voulu savoir quand j’ai essayé de lui expliquer… Il ne veut plus jamais entendre parler de toi.
- Laisse tomber va, de toute manière j’vois pas c’qu’il aurait pu faire pour m’aider.


Le manchot reposa la pingouine et s’assit dans la neige.


- Personne ne peut rien pour moi.
- En fait… Il y aurait peut être quelqu’un.


Fred leva les yeux. Cynthia se dandinait en croisant les ailes, hésitante.


- Et c’est maintenant qu’tu l’dis ? Qui ça ?
- Un vieil homme. Il vit seul, à l’écart de tout.
- Et en quoi il peut m’aider ton mec ?
- Il paraît qu’il fait des miracles. Il rend les gens heureux, il résout leurs problèmes, il offre des cadeaux… Ce genre de choses.


Le manchot n‘avait pas l‘air convaincu.


- S’il est si merveilleux que ça ton bonhomme, pourquoi tu n’en as pas parlé avant ?
- Je n’ai jamais été le voir, on nous l’interdit.
- Mouais… Je suppose que les vieux ermites qui distribuent des cadeaux aux petites filles n’ont pas la cote auprès des parents.
- C’est un peu ça.
- Bon. Et il crèche où ton magicien ?
- Suis-moi !


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La neige tombait toujours. Les lourds flocons voletaient dans les bourrasques, lucioles givrées dansant au clair de lune. Un sentier débouchait sur une clairière perdue au milieu d’une infinité de sapins, drapés dans leur linceul gelé. À l’orée du bois, deux silhouettes se tenaient immobiles hésitant à franchir le pas.


- Que fait-on ?
- T’es sûre qu’on risque rien ? J’ai pas envie d’me prendre un coup d’fusil.
- C’est la première fois que je viens, Fred. Il n’y a qu’un moyen d‘être fixés…


La pingouine et le manchot clopinèrent de concert, leurs ombres s’allongeant vers la maisonnette plantée au cœur de la clairière. Une chaude lueur orangée se déversait par les fenêtres embuées, projetant sur la neige des reflets chatoyants.


- J’augure une cheminée avec un bon feu, Fred !
- Tant qu’on m’fout pas une broche dans l’cul pour m’y rôtir, ça me va.


Cynthia s’arrêta, le visage barré d’une moue hésitante.


- Tu crois que…
- J’me méfie des humains, c’est tout.
- Peut-être qu’on ferait mieux de…
- Bon, eh, là ! Entrez ou sortez mais restez pas d’vant la porte !


Les deux amis sursautèrent, au son de cette petite voix. Derrière eux se tenait un lutin, traînant dans son sillage un gros sac.


- Ben ouais, eh ! J’bosse moi !


Ils s’écartèrent, laissant passer le lutin et son lourd chargement. Voyant qu’il avait laissé la porte ouverte, les deux amis se faufilèrent à l‘intérieur.


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La maison était chaude et accueillante. Un bon feu ronflait dans la cheminée, la sève crépitante s’échappant des bûches enflammées. Partout scintillaient des décorations, mêlées de branches de houx et de pommes de pin. Dans le fond de la pièce trônait un énorme sapin, drapé d’une infinité de guirlandes, aux branches duquel étaient pendues des centaines de boules multicolores.


Saisis par la beauté du lieu, Fred et Cynthia restaient plantés sur le seuil. Le lutin disparut dans une autre pièce, traînant son barda en ronchonnant.


- HO HO HO !


Une grosse voix les fit sursauter : un vieux barbu au ventre bedonnant descendait l’escalier, s’amusant de leur air stupéfait.


- Un manchot et une pingouine ? Vous êtes bien loin de chez vous mes petits !


Cynthia se blottit contre Fred et saisit son aile entre les siennes. Le vieux bonhomme reprit :


- Les visites sont plutôt rares par ici. Nous allons nous asseoir devant le feu, autour d’un bon chocolat chaud, et vous allez me raconter ce qui vous amène.


Ainsi fut fait, et Fred raconta à nouveau toute l’histoire. Le vieil homme qui s’appelait Noël, l’écoutait attentivement passant de temps à autre une main dans sa longue barbe blanche. À l’autre bout de la pièce, le lutin continuait ses allées et venues, les bras chargés de paquets toujours plus lourds, et leur lançait de temps à autre un œil noir.


Lorsque Fred eut terminé, il demanda simplement à leur hôte :


- Y paraît qu’vous faites des miracles, que vous offrez des cadeaux et réalisez l‘impossible… Moi j’ai besoin d’un roi.


Le vieil homme rigola.


- Mais mon jeune ami, un cadeau ne se demande pas ! Quelle valeur aurait-il sinon ?


Fred se leva, et fit signe à Cynthia de le suivre.


- Tu vois ? J’te l’avais dit. Merci quand même pour l’chocolat…


Noël se leva à son tour, lissant sa barbe sur sa bedaine.


- Un instant, Fred. Tu ne peux pas exiger un cadeau, mais j’ai peut être envie de t’en faire un : après tout, vous êtes venus de loin et je ne reçois pas beaucoup de visites.


Le regard du manchot se mit à pétiller. Il se voyait déjà rentrer chez lui, ramenant fièrement un roi tout neuf au village.


- Mais un tel cadeau doit se mériter… Voilà ce que je te propose : si tu me rends un petit service, tu auras ton roi.


Fred tendit l’aile et s’exclama joyeusement :


- Tope-là mon pote !


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La nuit avait été réconfortante. Il faut dire que la chambre où ils avaient logé, avec ses lits moelleux, ses gros édredons et ses chaudes couvertures de laine, était plus confortable qu’un tapis de neige… Souriants, Fred et Cynthia débarquèrent dans la salle à manger où crépitait déjà un feu vigoureux.


- Bonjour mes petits amis ! On a bien dormi ?
- Comme des bébés, répondit Cynthia en s’attablant.


Ils prirent le petit déjeuner, sous le regard bienveillant de leur hôte.


- Alors Fred, tu as réfléchi à ma proposition d’hier soir ?
- Ben ouais… Distribuer trois cadeaux à des mouflets ça n’devrait pas être sorcier !
- Tant mieux, car ça ne va pas être aussi simple : ces enfants sont sur la liste noire, celle des enfants punis par leurs parents. Il n’y a pas de cadeaux pour eux, normalement.
- Ben et alors ? Z’avez dit qu’un cadeau ne se demandait pas… On leur offre, point barre.
- Ça ne marche pas comme ça, Fred. Un cadeau ne se demande pas, mais il se mérite. S’ils ne les ont pas mérités, il n’y a que leurs parents qui puissent décider de leur en faire un malgré tout.
Fred fronça les sourcils.
- Ta mission va justement être de convaincre les parents de pardonner à leurs enfants, pour que nous puissions leur offrir ces cadeaux.
- T’inquiète va, j’ai ma gazeuse ! ‘Vont pas moufter longtemps les péquenots, c’est moi qui te l’dis.


Cynthia ouvrit de grands yeux et s‘écria :


- Fred ! Range cette bombe lacrymogène ! On ne peut pas forcer quelqu’un à pardonner, ça n’est pas quelque chose qui s’impose !
- Et pourquoi ça ? Faut qu’ils pardonnent, non ? Ben ils vont pardonner, fais-moi confiance.
- Ton amie a raison, Fred. À quoi sert la joie, si elle n’est pas partagée ? À quoi sert le plaisir, s’il n’est pas réciproque ? Et à quoi servirait le bonheur, si nous n’y avions pas tous droit ? Les gens doivent agir de leur plein gré, pour que tes actions aient une quelconque valeur.
- … Mouais.


L’air peu convaincu, le manchot rangea son arme.


- De toute manière, reprit le vieil homme, Boris vous accompagnera.
- Boris ?
- Mon lutin. Je suis sûr qu’il sera ravi de faire une pause dans son travail…


Ce dernier fit irruption dans la pièce, un baluchon sur l’épaule. Son air traduisait tout l’enchantement qu’il ressentait à interrompre ses chargements.


- Allez on s’magne là. J’ai encore trois hottes à remplir moi !


======================


- Eh mec, t’es sûr qu’tu sais où on va ?
- Qui habite ici ? Toi ou moi ?
- Toi mais…
- On est d’accord.


Le lutin reprit sa route en maugréant, suivi par Fred et Cynthia qui observaient le paysage. Ils traversaient une immense forêt de pins, leurs branches ployant sous le poids de la glace. Le silence n’était troublé que par le craquement de la neige sous leur pas ou l’avalanche occasionnelle causée par une branche à bout de forces.


Enfin, après d’interminables heures de marche, il débouchèrent à l’entrée d’une vallée perdue dans les glaces. Sous leurs yeux reposait le petit village, profondément encaissé entre les parois abruptes.


- On y est.
- Bon. Ce s’ra vite réglé, allons-y.


Cynthia agrippa l’aile du manchot entre ses plumes.


- Souviens-toi ta promesse, Fred : du tact !
- Ouais, ouais…


Boris distribua à chacun son cadeau, et le petit groupe se dirigea vers le village d’un pas résolu.


======================


Le soir venu, les trois amis assis autour du feu discutaient de leur échec.


- Non ! Non ! Non ! Ils n’ont que c’mot là à la bouche ou quoi ?
- Il faut les comprendre, Fred. Ils voient débarquer un manchot, une pingouine et un lutin qui veulent leur refourguer un cadeau et les faire s ‘excuser auprès de leur enfant. Je me formaliserais pour moins que ça !
- N’empêche ! On va réessayer demain et si ça ne marche pas, c’est coup d’bec-balayette direct ! On va pas y passer cent-sept ans…


Le petit groupe envisageait les différents moyens de parvenir à leur fin. Jusque là, les villageois n’avaient pas été très réceptifs et même si personne n’avait été blessé, la journée du lendemain ne s’annonçait pas facile.


Cynthia se blottit entre les bras de Fred et s’endormit rapidement.


- Fred ?


La pingouine frissonna, cherchant le manchot à tâtons pour se serrer contre lui. Sa main ne rencontra que la neige.


- Boris ! Fred a disparu !


Le lutin ouvrit un œil.


- Et alors ?
- Alors ? Mais il faut le retrouver !
- Il a dû aller faire un tour, rendors-toi.
- C’est hors de question ! Debout !


Le soleil pointait à l’horizon. La neige se teintait d’orangé, prenant des allures de sorbet tropical.


- Ah ben vous êtes réveillés !
- Fred ! Mais où étais-tu ?! On t’a cherché pendant plus d’une heure !


Le manchot approchait de sa démarche nonchalante, les ailes le long du corps.


- J’suis allé me promener, j’avais besoin d’réfléchir. Z’avez bien dormi ?
- Fred ! J’étais morte d’inquiétude, tu aurais pu nous avertir.
- J’voulais pas t’déranger. Mais t’inquiète va, j’suis un grand garçon. Bon, on y va ? J’ai envie de régler cette histoire vite fait et de rentrer à la maison…


Ils reprirent les cadeaux, et retournèrent au village.


- Laisse-moi faire, cette fois.


Cynthia toqua à la première maison : la porte s’ouvrit sur une femme aux traits tirés.


- Bonjour ! Nous sommes passés hier. Je…
- Mon petit Étienne a disparuuuuuuuu !


La pingouine s’interrompit, bouche bée.


- Disparu ? Comment ça ?
- Je suis montée dans sa chambre pour le réveiller, mais il… Il… Il n’était plus lààààà !


Elle éclata en sanglots, laissant les trois visiteurs perplexes sur le pas de la porte.


- Peut-être qu’il a fugué ? intervient Fred.


La mère s’étouffa d’un hoquet, en se tournant vers lui.


- Fugué ? Grands dieux ! Pourquoi ferait-il une chose pareille ?


- Nous sommes passés hier, reprit le lutin, pour vous convaincre de faire la paix avec le petit… Imaginez qu’il nous ait écouté parler, et qu’il ait entendu que vous ne souhaitiez pas lui pardonner… Il a peut-être cru que vous ne l’aimiez plus ?
- Oh mon dieu ! C’est ma faute ! C’est ma faute s’il a disparuuuuuu !


Cynthia fustigea le lutin du regard, et posa son aile sur la main de la mère éplorée.


- Allons allons, ne dites pas ça. Je suis sûre que nous allons le retrouver. Nous allons aller voir le maire du village, et organiser des recherches.


La pauvre femme les remercia, et repartit vers la chambre de son fils à la recherche d‘un quelconque indice.


En chemin, les trois amis s’arrêtèrent devant la seconde maison, où on leur apprit à leur grande stupeur que là aussi l’enfant avait disparu.


- C’est dingue ! s’écria Fred. Comment est-on censé rabibocher ces couillons, si leurs mouflets mettent les voiles ?
- Ils ont peut être été enlevés, hasarda le lutin.


Cynthia frissonna à cette idée et se rapprocha instinctivement du grand manchot.


Arrivés devant la troisième maison, leur appréhension se confirma : des pleurs leur parvenaient au travers de la porte close.


======================


- Bon. Nous sommes devant un sérieux problème.


Tous les habitants étaient réunis sur la place du village, pendus aux lèvres du maire. À sa droite, les parents des petits disparus reniflaient bruyamment, les yeux rougis par les larmes. À sa gauche, un lutin, un manchot et une pingouine se tenaient en silence. Le maire reprit.


- Ces enfants n’ont pas pu se volatiliser. Ils ont été vus par leurs parents pour la dernière fois hier soir, avant d’aller se coucher. Qu’a-t-il pu leur arriver ?


Fred s’avança, et prit la parole.


- Personnellement, j’pense à une fugue. L’ambiance était tendue quand on est passé hier proposer aux parents un cadeau à offrir à leur môme.


Une des mères fondit en larmes à l’évocation de ce souvenir.


- La pression était p’têt’ trop forte pour les mioches, reprit le manchot. Ils auront préféré foutre le camp à la recherche d’une turne où on les aime.


Boris s’avança à son tour, et toussota pour s’éclaircir la voix.


- Je pense plutôt à un enlèvement.


Un murmure parcourut l’assemblée.


- Ces enfants sont de vilains garnements. Ils sont toujours punis, c’est de notoriété publique dans le village.
- Mais qui aurait pu oser les enlever ? interrogea le maire.
- Je ne vois que le Décolleur.
- Le Décolleur ? Qu’est-ce que c’est que ça ?


Boris voûta ses épaules et courba ses doigts tels des serres de rapace. Il fit une horrible grimace, la bouche déformée par un rictus machiavélique.


- Un terrible monstre qui s’empare des enfants pas sages à la nuit tombée, et les dépèce dans son repaire. Il fait des lanières de leur peau, qu’il ajoute à son fouet et…
- Quelle horreur !


Les pleurs des parents s’amplifièrent, les habitants du village se serrant instinctivement les uns contre les autres.


- Le pire, reprit Fred, c’est que les pauvres petits ont été enlevés sans même avoir pu faire la paix avec leurs parents chéris…


Le maire blêmit, et tenta de rassurer ses ouailles effrayés.


- Où peut-on trouver ce monstre ? Il doit bien y avoir un moyen de le vaincre !
- Beaucoup ont essayé, répondit Boris. Leurs ossements lui servent désormais de trône.


Un murmure de terreur parcourut l’assistance. Les parents s‘étreignaient, hurlant leur désespoir au vent glacial. Le maire restait coi, impuissant devant la cruauté du destin.


- Maint’nant… On pourrait p’têtre…
- Ça ne marchera pas, Fred.
- On doit essayer, Boris. On peut pas laisser ces pauv’ mômes aux mains d’ce monstre.


Le lutin réfléchit un instant, le menton entre les doigts.


- Il y aurait peut être un moyen, en effet.


Le maire les interrompit, dans un élan d’espérance.


- Vous pensez pouvoir les sauver ?
- On peut rien promettre, m’sieur l’maire.
- C’est vrai, confirma Boris. L’espoir est si mince… On ne voudrait pas donner de faux espoirs aux pauvres parents.
- Je vous en prie, s’écria une mère en larmes, si vous pouvez faire quelque chose pour mon petit faites-le !


Le manchot et le lutin se regardèrent un instant, et se tournèrent vers le maire.


- En se dépêchant il reste une chance ! Restez ici, et protégez les enfants restants : le Décolleur en reste rarement à son premier crime. Si nous ne sommes pas revenus avant la nuit, oubliez tout espoir.
- Allez Boris, le temps s’barre !


Les trois amis s’éloignèrent en trottinant dans la brume glacée, sous l’œil terrifié des habitants.


======================


- Vous devriez avoir honte de vous !


Boris et Fred se tenaient les côtes tant ils riaient, assis au pied d’un sapin.


- Pourquoi ? articula le lutin entre deux fous rires.
- Faire croire une chose pareille à ces pauvres parents morts d’angoisse ! Où sont ces enfants ?
- Bien au chaud dans une grotte, précisa Fred. On ira les chercher dans l’après-midi, ‘faut que les bouseux mijotent un peu… En attendant le Décolleur ! conclut-il d’une voix caverneuse.
- Tu as oublié ce qu’a dit Noël ? On ne doit pas forcer les gens !
- J’force personne, répondit Fred en ricanant. J’aide juste ces nazes à mesurer l’importance de leurs gosses. Après tout, on doit juste refiler les cadeaux, non ? Le vieux n’avait qu’à préciser les termes du contrat, s’il voulait qu’on agisse autrement.


La pingouine s’assit à l’écart, furieuse.


- Je ne sais pas ce qui me retient de vous dénoncer. Vous avez intérêt à ce que ces enfants aillent bien.
- Mais ils vont bien… Euh… On va quand même aller jeter un œil. Ce s’rait con qu’y s’fassent bouffer par un ours.


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La fête battait son plein : le village en liesse fêtait le retour des héros qui étaient parvenus à arracher les pauvres enfants au Décolleur. Lorsqu’ils étaient revenus au village peu avant la tombée de la nuit, tenant par la main les trois petits disparus, les habitants leur avaient fait un véritable triomphe, les portant à bout de bras en signe de gratitude.
Ils avaient été acclamés, et le maire avait promis de faire édifier une statue à leur effigie en hommage à leur bravoure.
Seule Cynthia traînait un peu la patte, mais elle finit par se réjouir elle aussi lorsqu’elle vit les parents serrer dans leurs bras les enfants retrouvés, avant de leur offrir les splendides cadeaux que Fred leur avait donné. Tout le monde rigolait, chantait, mangeait et dansait autour du feu. La fête prit fin tard dans la nuit, et nos trois héros furent logés dans le plus bel hôtel du village, où on les traita comme des rois.


Lorsque vint l’heure du départ, le lendemain matin, le maire leur offrit un magnifique attelage, tiré par de puissants rênes. Chargés de provisions, de présents et de couvertures bien chaudes, les trois amis prirent place à bord du traîneau et après un dernier adieu repartirent vers la maison du vieux Noël.


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- Le deal ne précisait pas les conditions de leur réconciliation !
- Le but était de leur inculquer le pardon, pas de les terroriser…


Fred trépignait, s’embourbant dans ses explications. Il n’avait pas prévu que le vieux découvrirait leur petite combine, et il cherchait un moyen de sauver les apparences.


- En fait, dit-il, j’voulais leur montrer que quelles que soient les p’tites querelles qui peuvent les opposer au quotidien, leur amour pour leurs gosses était plus fort que tout et qu’ils ne devaient rien laisser s’mettre en travers de ça. Ça m’a semblé être une meilleure méthode que d’leur arracher un pardon éphémère.


Noël lui lança un air peu convaincu en lissant sa barbe sur sa poitrine.


- Je suis content qu’il en soit ainsi, Fred.
- Merci, soupira le manchot.
- Car l’heure est venue pour toi d’obtenir ton roi : un dû est un dû.


Fred sourit et attendit patiemment que le vieil homme aille le chercher.


Quelques secondes après, voyant qu’il ne bougeait pas, le manchot hasarda :


- Et euh… Il arrive ?
- Il est déjà là.


Fred regarda autour de lui.


- Où ça ?
- Il est devant moi.


Fred comprit. Un sourire mauvais se dessina sur son visage.


- T’essaierais pas de m’la faire à l’envers, papa ?
- Noël, corrigea le vieil homme.
- Parce que tu crois qu’je vais m’laisser blouser sans rien dire ?
- Tu apprendras qu’un roi ne tient pas son rôle de son titre, mais de son cœur.


Le sourire paisible de Noël répondit à l’air furieux du manchot.


- Ça m’a semblé être une meilleure méthode que de t’offrir un espoir éphémère.


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- Vous partez ?
- Ouais Boris. Le vieux s’est foutu d’moi.


Le lutin se frotta le menton.


- Ouais. Le jour où j’ai compris qu’il n’y aurait jamais de petites elfes sexy pour m’aider à faire les livraisons, j’ai pigé que j’m’étais fait enfler aussi.
- Garde le traîneau, répondit Cynthia, ça te facilitera la tâche pour tes tournées…


Les trois amis s’étreignirent dans l’air glacial avant de se séparer.


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- Ils vont me tuer.
- Pas forcément ! Je suis sûre qu’ils comprendront. Tu as fait de ton mieux, Fred, c’est tout ce qui compte.


La petite pingouine trottinait à côté du manchot, tenant son aile entre ses plumes.


- La légende est stricte, Cynthia. Pas de roi, pas de retour. Aucun manchot n’avait échoué jusque là. Personne ne va me faire de cadeau.
- Ça se passera bien, tu verras.
- Ah ouais ? J’vais me pointer tout seul, le bec au vent, et leur dire « ha ha, en fait le roi, c’est moi ! » T’y crois vraiment ?


La pingouine resta coite.


Le vent hurlait sa fureur le long des plaines givrées du pays des manchots. Les bourrasques de neige et de glace leur cinglaient le visage, rendant le trajet du retour encore plus pénible.


Fred conserva le silence pendant toute la durée du voyage. Il était perdu dans ses réflexions, tournant et retournant dans tous les sens les derniers événements.


Enfin, le village apparut à l’horizon. Rentrant la tête dans les épaules, le manchot se prépara à subir le courroux de son peuple.


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La foule était rassemblée sur la grand-place. La rumeur avait fait le tour du village et l’effervescence était à son comble.


- Fred est de retour !
- Il ramène notre roi !
- Quelqu’un l’a vu ?
- Qui, Fred ?
- Non, le roi !


Cynthia se frayait un chemin parmi les manchots frénétiques, essayant de se glisser entre eux sans se faire écraser.
Elle arriva au premier rang, juste sous l’autel où le grand prête avait fait son allocution le jour du départ de Fred.


Ce dernier arriva enfin, se hissant sur l’estrade avec maladresse. Son air inquiet traduisait le malaise qui l’étreignait. La foule l’acclama dès son arrivée, impatiente de découvrir son nouveau souverain.


- Vive Fred !
- Hourra pour notre sauveur !
- Fred avec nous !


Le manchot interrompit les acclamations d’un geste de la main.


- Euh… Hum. Salut.


L’assemblée se refroidit. L’air de Fred n’augurait rien de bon. Sans se démonter, le manchot continua.


- Vous d’vez vous d’mander où est le roi. Hum. Entre nous, c’est une bonne question.


Des murmures indignés parcoururent la foule. Cynthia ne quittait pas Fred des yeux. La tension s’élevait dans l’assistance.


- Mais ça n’est pas très important, reprit le manchot. Quand j’ai quitté ce village, je n’avais qu’une idée en tête : ramener c’couillon de roi et me poser au chaud devant ma télé pour qu’on me foute la paix.


Des huées fusèrent. Quelques boules de neiges volèrent, s’écrasant mollement sur l’autel.


- Je n’croyais pas à ces stupides légendes, et entre nous j‘y crois pas plus aujourd‘hui.


Le grand prêtre s’avança, et brandit un poing menaçant à l’encontre de l’orateur.


- Blasphème ! hurla-t-il.


L’ignorant, Fred continua.


- J’ai ramené le roi avec moi.


Le silence s’abattit sur la foule, tous les regards se tournèrent à nouveau vers le manchot.


- Le roi des manchots est mort. Une chute mortelle lui a coûté la vie.


- Hérétique ! s’écria le grand prêtre. Si tu dis vrai nous sommes maudits pour l‘éternité !


- C’est la vérité. Mais qu’est-ce qui fait d’un roi ce qu’il est ? Je vais vous le dire. Un roi a le pouvoir de diriger son peuple. Il a le pouvoir de prendre les décisions qu’il faut, pour guider ses sujets vers l‘avenir. Or ce pouvoir n’est pas un dû, c’est une responsabilité.


Les murmures reprirent, plus agités cette fois. Cynthia sentait ses yeux pétiller, elle se demandait si le manchot pouvait percevoir son regard, braqué sur lui avec toute la force de son âme.


- J’ai appris d’autres choses durant ce voyage. J’ai appris que nous devions parfois nous forcer à prendre certaines décisions. C’est pourquoi moi, Fred le manchot, je prends aujourd’hui celle d’endosser cette responsabilité. Je deviens votre roi.


- Tu ne peux pas devenir le roi des manchots !


Fred ignora le prêtre et reprit.


- Mais à quoi me servirait cette responsabilité, si elle n’est pas partagée ? On a parfois besoin d’y être forcé, pour partager ce que l’on a. C’est une autre des choses que j’ai apprises. Et c’est pourquoi aujourd’hui, je partage avec vous la seule chose que j’ai à vous offrir : le pouvoir. C’est ensemble, que nous marcherons vers l’avenir. Ensemble, que nous bâtirons notre futur. Nous avons trop longtemps laissé de vieilles légendes débiles nous aveugler.


Des exclamations fusèrent, un brouhaha se répandit dans la foule comme une traînée de poudre. Bientôt, les hurlements offusqués du prêtre ne furent plus qu’une ponctuation dans les bavardages fiévreux de l‘assistance.


- À partir de ce jour, conclut Fred, je déclare tous les manchots libres et égaux en droit !


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Ainsi s’achève l’histoire de Fred, dernier roi des manchots, et de celle qui devait devenir sa compagne : Cynthia, la petite princesse pingouine. L’histoire ne précise pas s’ils vécurent heureux, ni s’ils eurent beaucoup d’enfants, mais une chose est sûre : les manchots ne laissèrent plus jamais un roi décider de leur avenir pour eux car, depuis ce jour, tous les manchots naissent empereurs…


FIN


 
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   Pattie   
21/12/2007
Rhâ qu'est-ce que c'est bon ! C'est bon depuis le début jusqu'à la fin sans faillir et les 46 000 caractères passent comme un rien. On en avalerait bien 46 000 de plus ! Merci pour ce conte irrévérencieux et drôle, avec une morale pas lourde du tout.

   Marsupilmi   
23/12/2007
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
J'ai aimé surtout le style, également l'inventivité romanesque. Les biologistes savent-ils qu'une pingouine s'apprète à foutre le boxon dans l'ADN des manchots ?

   aldenor   
24/12/2007
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Très distrayant. Le héros est attachant. Le récit parait d’abord un peu décousu, mais finalement ca sert le thème : débouter les traditions et les certitudes.
A ce sujet, le ton trop pompeux du dénouement m’a dérangé.

   Bidis   
4/1/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Un régionalisme m'a gênée : "toquer". Si les répliques sont du domaine familier, le texte, lui, est plutôt bien écrit, alors ce "toquer" ne me plaît pas. Mais c'est vrai que ce texte est distrayant et amusant.
Edit : mon commentaire n'est pas dithyrambique mais j'ai placé ce texte en seconde place, derrière mon chouchou : "Mugolt"... Et j'ajoute ma note.

   philippe   
31/12/2007

   Jefka   
2/1/2008
Une nouvelle pleine d'imagination et on se laisse facilement porter par les péripéties de Fred. Le ton décallé est bien employé, même si parfois on pense un peu trop à Shrek (ce qui n'est pas forcément une mauvaise chose).
La fin est un peu moralisatrice mais soit, ne boudons pas notre plaisir de se sentir tous égaux.
En conclusion, j'ai passé un bon moment à la lecture de cette nouvelle et n'est-ce pas là le principal.

   Lariviere   
4/1/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
En voilà une nouvelle qu'elle est excellente !

Franchement bravo !

L'écriture est épurée à souhait et donne une extrème fluidité au récit.

Les dialogues sont menés à la perfection.
Le phrasé gouailleur de Fred (dialogue superbe !), sont tempérament "anar" et bougon (partagé un peu par le lutin) amène un coté décalé à ce conte avec une extrème finesse.

Les situations et la progression du récit sont exemplaires, sans faille et captivants.

Le fond de l'histoire est intelligent et mené habilement jusqu'a la fin, avec juste assez de surprise et d'éléments de découverte personnelle pour que ce ne soit pas frustrant pour le lecteur...

La fin est d'ailleurs excellente et mené d'une main de maitre pour ponctuer agéablement cette histoire.

Petit bémol, peut être : l'émotion, qui se trouve du début à la fin du récit (l'histoire est quand même celle d'un couple de manchot empereur, merdre !) mais perpetuellement et pudiquement enveloppée sous des tonnes de neige et de drôlerie...

En résumé, un conte de Noël magnifique, bourré d'humour et d'intelligence, réalisé (au compas, à l'equerre et au cordeau) avec finesse...

Je crois savoir quel talentueux et rigoureux auteur se cache derrière ce joli conte !...

PS : "Le soleil pointait à l’horizon. La neige se teintait d’orangé, prenant des allures de sorbet tropical."... Bravo ! Il fallait oser !!!

   Ecrimal   
4/1/2008
Superbe texte, bien écrit. Je me suis bien amusé.
Je remercie l'auteur.

   Maëlle   
4/1/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Un régal... Drôle, irréverencieux, et mignon tout plein (presque un dessin animé, tiens...)

   nico84   
7/1/2008
 a aimé ce texte 
Passionnément ↓
Bravo Ninjavert, j'ai vraiment adoré ton humour et ta science de construire de belles histoires originales à partir d'idées assez basiques au fond.

Je voyais les images de dessins animés à la maniére de l'âge de glace en même temps, tu m'as emporté dans ton récit.

Que puis je dire de plus ? Je suis admiratif davant tant d'imagination, de créativité, de folie et de rigueur mélés, c'est un merveilleux conte, un superbe travail.

J'ai accroché de bout en bout, je sais que tu préfére les commentaires "négatifs" pour évoluer mais de là où je suis, je ne vois rien à redire, à part un grand bravo à un grand auteur talentueux.

   victhis0   
7/1/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Parait que Ninj' aime les commentaires destructeurs (pour construire mieux). Bigre. Diantre. Va falloir que je me creuse...C'est vachement bien, drôle et enlevé, intelligent et plein d'images de cinéma. Ca se lit à la vitesse d'une avalanche et j'ai eu hâte de connaitre la fin.
Petite remarque : j'ai trouvé la gouaille de notre manchot est un peu trop appuyée, un peu trop systématique, c'est à dire trop démonstrative-dans-le-genre-iconoclaste. Père Noël un peu mince (il aurait pu avoir un ou deux défauts de caractère ?). Mais je chicane. Je grignotte quelques miettes mais juste pour pas donner dans le genre "cesthypergénialmecjadorecequetufais". Même si je pense que "cestsuperchouettecommetextebravomec".

   Ninjavert   
8/1/2008

   macalys   
17/1/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Très punchy et frais (si je puis me permettre ce jeu de mot^^). Bravo !

   Gnioupette   
23/1/2008
Bravo ! Bravo ! Bravissimo ! Ce premier prix est bien mérité. Le texte est magnifiquement bien écrit et j'ai aimé cette rencontre de personnages aux caractères si bien "dessinés". Chapeau bas, "Monsieur" Ninjavert !

   JP67   
25/1/2008
Le privilège d'une bonne histoire est d'accrocher le lecteur dès les premières phrases. C'est le cas ici et je n'ai pas pu me détacher du texte avant le point final. J'ai failli être déçu par la fin, c'était sans compter sur la dernière phrase. Merci d'avoir fait voyager mon imagination.

   Anonyme   
14/2/2008
Histoire plaisante et désopilante au possible. On y rencontre quelques images fortes du symbolisme des contes : le roi qui meurt, l'élu de la communauté, mais cette fois sous les apparences de l'anti-héros et la jeune fille promise en bonus au nouveau roi.

Et tout cela porteur de sens (paragraphe final).

J'ai bien accroché.

   widjet   
13/3/2008
 a aimé ce texte 
Bien
On peut le voir comme un simple conte (amusant par ailleurs) ou autre chose de plus caustique, c'est selon....L'auteur personifie ses héros animaliers; on peut aussi y voir un petit clin d'oeil à Lafontaine. Langage moderne (je retiendrais le cultissime "Tain, j’ai la dalle… J’pourrais bouffer l’cul d’un morse ! ) et un rythme assez soutenu pour maintenir l'intêret jusqu'à son terme. De bonnes idées, des passages écrits comme des sketchs....Au final rien de renversant donc (et un poil surévalué à mon sens...sorry) mais tout à fait recommendable.

Widjet

   xuanvincent   
18/6/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'ai bien cette histoire (qui fait penser à un conte), pour son humour et son rythme alerte, malgré sa relative longueur.

L'histoire me paraît bien écrite. Je note la coexistence de phrases au style soutenu avec des dialogues écrits dans un langage plutôt familier. D'ordinaire, j'apprécie modérément les dialogues écrits en langage familier. Pourtant dans ce texte ce registre de langage ne m'a pas gênée.

J'ai apprécié le début du récit, au moins autant la chute de l'histoire.

Bravo !

   Anonyme   
20/6/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Ninjavert
Un grand plaisir de lecture sauf que :

J'ai trouvé les premières phrases un peu difficiles. Cet hiver qui dure toujours sans en être un tout en en étant un... "(l'histoire) ne précise pas si c’était le printemps, l’été, l’automne ou l’hiver, mais une chose est sûre, il faisait sacrément froid. Un pays où il y avait tellement de neige qu’on disait que l’hiver durait toujours."
Branchée sur Fantastique/Merveilleux, j'ai mis du temps avant de me convaincre que j'étais bien au Pôle Nord et qu'il s'agissait de vrais manchots.

Après, ce n'est que du plaisir, un éclat de rire, un style alerte, des personnages bien campés et un Fred absolument craquant.

Arrivée Chez Noël, les choses se sont gâtées. Je trouve le ressort de l'histoire bancal. Les parents doivent pardonner à leurs enfants ? Oui, bien sûr, mais ce sont les enfants qui font des bêtises et c'est donc aux enfants - quand même un peu de se racheter en faisant quelques petits efforts... et en s'excusant aussi, non ? -
Franchement le principe énoncé tel quel m'a gênée et du coup j'ai éprouvé un petit peu de gêne à re rentrer dans l'histoire.

Mais il reste que c'est une histoire vraiment amusante, j'ai particulièrement aimé les descriptions des postures, les attitudes et les dialogues.
Il y a des trouvailles très amusantes (le taillage de plume est vraiment rigolo)
Et la toute dernière phrase clos la nouvelle en beauté.

   oxoyoz   
19/2/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Un texte agréable, frai (le moins qu'on puisse dire) et drôle, avec un bon décalage personnage/narrateur. Mais vis-à-vis du concours, je trouve ça un poil éloigné de la forme classique du conte. Après je me suis demandé "pourquoi des manchots" et alors, "pourquoi l'anthropomorphisme" ? Mais l'utilisation des palmipèdes se justifie avec finesse, et l'arrivée du Père Noël est finement jouée, j'aime beaucoup.

Les points qui m'ont paru faibles sont : l'incrédulité assez courte de Fred lors de l'annonce, l'échappé de la princesse et son amourachement rapide et facile. Sinon la multitude de sauts de ligne et d'ellipses m'ont d'abord troublé, mais ce n'est pas gênant au final, ça donne rythme au texte, et une structure originale.

Dernier point, j'aurai aimé un poil plus de description. Certes il y a beaucoup de blanc en arctic, mais c'est possible de parler de la lumière, des reflet du ciel, des formes et de la texture de la neige.

   Mistinguette   
19/2/2010
 a aimé ce texte 
Passionnément
Pas évident de faire sourire le lecteur de la première phrase au point final. Challenge réussi !
Tout au long de ma lecture les personnages se sont animés dans mon esprit ; un texte qui mériterait d’être porté à l’écran. Personnellement, je n’ai pas relevé de point faible, si ce n’est que j’en aurais bien repris quelques lignes malgré la longueur du texte… Un rythme effréné, des dialogues percutants et hilarants qui font que pour un temps trop court on est déconnecté de la réalité… et une fin à mon sens parfaite.
Pour mon premier texte lu de Ninjavert, je suis aux anges. J’espère de tout cœur que Fred vivra d’autres aventures. En attendant, MERCI à l’auteur pour cette savoureuse lecture.

   Perle-Hingaud   
19/2/2010
 a aimé ce texte 
Passionnément ↓
Je suis fan de Ninjavert. C’est dit, même si vous vous en fichez. Ecrire des textes aussi drôles, intelligents, fins, ben… c’est juste un chocolat de Noël. A savourer toute l’année.


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