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Policier/Noir/Thriller
nino : Ça part du ventre...
 Publié le 11/02/17  -  10 commentaires  -  18074 caractères  -  124 lectures    Autres textes du même auteur

Et toi, ta douleur… elle va comment ?


Ça part du ventre...


J’en retrouverai plus… j’en retrouverai plus… non !

Il y eut cette période où je fus en proie à de bruyantes incantations qui lui permettaient de m’expédier illico finir ma nuit dans le salon ; ma femme devait se lever tôt pour « assurer » ce dont, selon ses propres termes, j’étais devenu parfaitement incapable. Lorsqu’elle m’avait quitté, je n’avais pas eu d’autre choix que de reprendre ma chambre dans le vieux pavillon en pierres meulières où vivait encore ma mère. Un drôle de flashback sur ma jeunesse…

Là, j’avais tout retrouvé !

Le même mobilier, le buffet et la table en formica, la toile cirée à carreaux, les mêmes odeurs de cuisine mêlées à celles du détergent et de l’eau de Javel. Ah ça, on peut dire qu’elle tenait son intérieur ! Traquer la poussière, son combat quotidien. Je la vois encore, bien penaude et les joues en feu, toute recroquevillée qu’elle était dans ces moments-là, avouer à son ordure de mari s’être fait refiler un aspirateur à cinq cents balles par un démarcheur très persuasif. Une faiblesse qui lui avait occasionné quelques ecchymoses… « Cinq cents balles… on voit bien que c’est pas toi qui les gagnes ! » Ce qui est sûr, c’est qu’elle n’allait pas m’emmerder question boulot, si peu concernée qu’elle était par tout ce qui pouvait m’arriver. En l’occurrence, toutes mes démarches et candidatures avaient abouti au mieux à des réponses courtoises teintées de faux regrets, évoquant de vains espoirs et me souhaitant bonne chance, les fumiers !

Fatalement, je commençais à m’habituer à cette nouvelle vie. La générosité de l’État me permettait d’aller me distraire au bistrot et de me payer une pute de temps en temps. Les repas étaient préparés et comme il faisait gris et doux, je passais mes après-midi au parc des Closiers. C’était une brune assez quelconque au débotté mais si le regard s’attardait un peu, on finissait par lui reconnaître un charme étrange, légèrement suranné. Elle m’avait adressé un petit signe de tête car on se voyait tous les jours depuis le début de la semaine. Elle lisait sur son banc dans une posture sage et tranquille, j’étais assis dans l’herbe avec ma grille de mots croisés, séchant sur une définition tarabiscotée.

Jocelyne, car il ne fallait pas compter sur moi, avait fini par engager la conversation exprimant à haute voix, qu’« au vu des nuages noirs s’amoncelant, fallait partir fissa avant que ça dégringole ! » Ce à quoi j’avais rétorqué « oui vous avez raison, de toute façon il est tard mais dites-moi, vous aimez la tête de veau ? C’est le plat du jour à "l’Ardoise" ». Certes, comme approche c’était brutal mais ma gaucherie ne n’avait jamais facilité le contact avec les femmes ; l’effet de surprise passé, elle avait fini par accepter ! Elle n’avait pas dû crouler sous les invitations ces derniers temps…

Nous avions échangé diverses banalités durant le trajet et il me semblait déjà connaître l’essentiel… Maintenant que nous étions face à face dans ce restaurant, je me demandais bien ce que je foutais là !


– Vous la trouvez comment ?


J’étais totalement absorbé par le fin duvet qui ourlait sa lèvre supérieure et tentais péniblement de soutenir la conversation.


– Quoi ?

– Votre tête de veau !

– On s’habitue…


Hormis cet échange à la spontanéité rafraîchissante, Jocelyne se racontait facilement et ça m’arrangeait bien, même si j’avais eu droit à un condensé affligeant qu’elle aurait bien fait d’embellir d’un mensonge ou deux, merde ! Ça m’aurait aidé !

Elle avait un boulot de réceptionniste chez un concessionnaire automobile. Oh, rien de bien folichon, un salaire minimum et le devoir de calmer les clients difficiles et les râleurs patentés. Elle habitait un deux-pièces perché au cinquième sans ascenseur dans un immeuble ancien donnant sur la rue principale. Peu de relations, une vague copine qu’elle avait rencontrée lors d’un voyage en Tunisie, une semaine dans un hôtel-club deux étoiles, un rêve de pauvre, réalisé grâce à une offre promotionnelle qu’elle avait réussi à payer en trois fois sans frais. Elle en avait encore plein la tête de sa semaine à Djerba, à se brûler les pieds et les yeux à cause du soleil et de son éclat sur le sable blanc. À se remémorer la soirée d’adieu et le dîner spectacle autour de la piscine où un couscous royal, rendez-vous compte… royal ! leur avait été servi par des filles bien grasses, parées de bijoux lourds et grossiers et qui, sur des musiques lancinantes, ondulaient frénétiquement du bassin à chaque fois que le responsable de l’animation leur en intimait l’ordre. Enfin voilà comment moi je voyais les choses ! et peu m’importait si elle préférait en conserver un souvenir délicieux !

Bien sûr, elle avait fini par me poser quelques questions auxquelles j’avais répondu de manière laconique, pressé que j’étais d’en finir jusqu’à ce qu’elle me suggère le tiramisu de la maison, « excellent j’ai déjà testé ! ». Je lui racontais alors ce qui me revenait en tête, va-t’en savoir pourquoi ! En un mot, l’histoire de cette recette riche en crème que l’on prescrivait aux Vénitiennes suite à l’accouchement, afin de les remettre sur pied, leur redonner des forces, les tirer vers le haut, en italien… tira… et ce jusqu’à ce qu’elle repose brutalement sa cuillère et qu’interloqué, je m’interrompe ! Elle me regardait bizarrement, les yeux légèrement embués, le teint pâle et par contraste, l’empreinte du cacao autour de sa bouche lui conférait une expression tout à fait grotesque, un rien pathétique. Ce barbouillage enfantin aurait presque pu m’attendrir et cette fêlure me donner envie pour la première fois de la prendre dans mes bras et la serrer très fort…

Nous sommes remontés vers le centre-ville, drôle d’appellation pour une simple artère bordée de magasins de vêtements aux vitrines de soldes, quelques cafés où des hommes en essaims sirotaient des bières et s’évertuaient à défaire un monde qui n’en avait pourtant plus besoin. L’agence bancaire et l’assureur, l’opticien et la pharmacie occupaient les angles du carrefour et c’en était fait de la commune. Au-delà on arrivait vite à la périphérie hideuse, la zone d’aménagement concertée, le résultat classique de combinaisons politiques et de marchés truqués qui avaient abouti notamment à la construction d’immeubles au milieu desquels sur une dalle bétonnée, s’épanouissaient les rejetons des nouveaux propriétaires d’emprunts à taux d’intérêts progressifs. En chemin, elle m’avait fait promettre de se revoir car j’avais payé l’addition et bien sûr – la prochaine fois ce serait pour elle. Parvenus devant la porte de son immeuble, je redoutais qu’elle m’invite à boire un dernier verre mais lorsqu’elle m’en fit la proposition, je n’eus pas la force de refuser. Nous avons grimpé les cinq étages et je suis arrivé le souffle court. Je me suis rencogné dans le canapé recouvert d’un tissu en chenille beige très laid. Elle s’est absentée quelques minutes et j’ai laissé errer mon regard, repérant sur un buffet bas une photo insérée dans un cadre à chevalet où l’on pouvait la voir, vraisemblablement avec sa compagne de voyage, juchée sur un dromadaire et arborant un sourire crispé. Il y avait aussi une télévision placée au centre du mur et sur le côté une mini chaine hi-fi ainsi qu’un stock de trente-trois tours. Elle a posé deux verres ainsi qu’une bouteille de scotch sur le guéridon et s’est assise en face de moi. J’ai remarqué qu’elle avait dû retoucher un peu son maquillage. Au bout du deuxième verre, alors que s’égrainaient les notes d’une chanson que j’aimais beaucoup, elle a fini par me livrer ce qui devait être le terreau de sa mélancolie et vraisemblablement le point d’ancrage de sa résignation, d’une vie sans fantaisie, ponctuée de rêves si étriqués que j’en aurais presque chialé.

Cela commençait par un début d’histoire d’amour tout de même et ce n’est pas rien, j’en sais quelque chose… Elle m’avait donc relaté sa liaison avec un homme rencontré lors d’une soirée organisée dans la concession, à l’occasion de la sortie d’un nouveau modèle qui portait le nom d’un peintre ! Décidément on ne recule plus devant rien depuis bien longtemps. Passés les premiers mois où ils avaient pu juger d’une communion de corps et d’esprit, ils s’étaient projetés à deux puis avaient même envisagé une progéniture. Sûrement de quoi légitimer l’acquisition de cette merveille de monospace, symbole dérisoire de l’accès au modèle sociétal en vigueur et qui devait garantir la promesse d’échappées familiales en bord mer.

Cette mer, ils ne l’auront jamais vue…

À sept mois et demi, un violent mal de ventre la conduira aux urgences. Le monitoring de contrôle révèlera un placenta décollé, le bébé en manque d’oxygène et le cœur qui s’arrête. Jocelyne, malgré la morphine souffrira, elle souffrira bien au-delà de la douleur irradiant son corps et surtout ses reins. Le couple n’avait pas tenu. L’incompréhension et la rage avaient fait place à une immense détresse, une période où la charge émotionnelle encore bien trop lourde les avait éloignés.

Chacun possède sa propre recette, son kit de survie.

L’homme s’était réfugié dans une activité professionnelle intense, Jocelyne avait eu beaucoup plus de mal à renaître et aujourd’hui, même si le souvenir s’estompait, si le temps avait fait son œuvre, elle portait encore viscéralement cette souffrance…


« Cet enfant que je t’avais fait, pas le premier mais le second, te souviens-tu ?

Où l’as-tu mis, qu’en as-tu fait, celui dont j’aimais tant le nom, te souviens-tu ? »


Elle s’est levée pour interrompre le disque puis m’a rejoint sur le canapé, très proche. Peut-être voulait-elle simplement baiser, ce dont j’aurais sûrement été incapable vu qu’elle m’avait invité à me servir et que pour m’étourdir, j’avais descendu la moitié de la bouteille mais ce que j’avais surtout redouté, c’est qu’elle me réclame juste de la tendresse, un peu d’affection car de cela, c’est sûr, je n’en avais jamais été capable…

J’étais terriblement mal à l’aise, arguant d’un improbable rendez-vous tôt le lendemain matin, tout à ma honte, je me suis quasiment enfui.

De retour au pavillon, trop ivre pour me coucher, je me suis installé dans l’immonde fauteuil crapaud que j’avais malgré tout adopté puisque c’était le siège de l’ordure et que j’éprouvais une certaine jouissance à m’asseoir dessus. Plus tard, j’ai regagné ma chambre en proie à des images obscènes, telles des visions délirantes où s’imbriquaient des têtes de veaux roulées ressemblant à des fœtus d’enfants, des plages où d’infâmes rombières adipeuses, échouées sur le sable chaud engloutissaient des tiramisus qui finissaient par leur ressortir par tous les orifices et tant et plus qu’elles en auraient crevé.

J’avais une bonne gueule de bois au matin et comme aucune raison ne me venait à l’esprit pour m’inciter au réveil, je somnolais et repiquais jusqu’au début de l’après-midi.

Je descendais au moment où ma mère s’apprêtait à sortir pour faire quelques courses. Ma mère, je ne l’avais donc jamais intéressée, aucune marque d’attention, nulle manifestation d’amour. J’étais l’accident, l’incarnation de sa faute, le fardeau.

Tout y était passé, son instinct maternel aussi…

Mon père, je ne l’ai jamais vu, pas même en photo.

Elle m’avait mis au monde discrètement et avait dû chercher rapidement le moyen de subsister ce qui malgré les aides de la collectivité s’était avéré incroyablement difficile. Seules quelques heures de ménage glanées ici et là, quelques services rendus et un logement dont elle avait pu bénéficier gratuitement au vu de sa condition lui avaient permis de traverser cette misère.

De ces années je n’ai aucun souvenir, les premiers me ramènent au moment où l’ordure est entrée dans nos vies et où nous sommes entrés dans son pavillon…

Au début il y a bien eu une période d’embellie, j’avais enfin une chambre et ma mère appréciait de ne plus avoir à faire le ménage pour les autres.

Il n’a pas donné tout de suite sa pleine mesure.

C’est progressivement, insidieusement que les choses se sont faites, soir après soir, chaque jour un peu plus mauvais, un peu plus vache de mois en mois, prenant plaisir à la contraindre, à la soumettre, à l’humilier.

Bien plus tard, lorsqu’il m’était arrivé de la questionner, elle m’avait répondu invariablement, Quand t’es au bord de la noyade, la première bouée qui passe, peu importe la couleur, tu l’empoignes et tu t’accroches !!!

Elle se foutait de moi comme de tout, sauf peut-être de son petit chez-soi « qui valait mieux qu’un grand chez les autres ». Foutaise ! car durant toutes ces années, du moins jusqu’à ce que l’ordure lui fasse la bonne surprise de rater un virage et de s’encastrer dans un mur, elle n’avait pas été chez elle mais bien chez lui nom de Dieu !

Il détenait un poste de responsable dans un supermarché, une promotion obtenue grâce au zèle dont il faisait preuve et une attitude obséquieuse qui plaisait beaucoup à ses supérieurs. En prime, lorsqu’il s’était agi de dénoncer les rares emprunts d’un manutentionnaire ou les articles qu’une caissière distraite avait omis de compter, il n’avait pas molli, bien au contraire…

Au final j’ai eu de la chance, je ne l’intéressais pas non plus, je n’existais donc pour personne ! Il faut dire que j’avais développé une stratégie de l’évitement très au point. Je savais m’effacer, disparaître, j’étais devenu presque invisible ! Ne pas traîner après les repas, ne jamais contrarier, filer dès les prémices d’une nouvelle crise et surtout bien avant que le ton de sa voix n’enfle jusqu’à dérailler comme dans ses plus grands soirs… Ça commençait souvent comme ça… « J’ai suffisamment d’emmerdements au boulot… Je vous nourris… Je vous loge… Vous n’allez pas me chier dans les bottes plus longtemps hein !… Je vais finir par vous foutre dehors moi, j’en ai marre de me crever le cul pour rien, pour une bonne femme qu’est même pas foutue de me préparer correctement à bouffer ! Tu m’entends dis ! C’est encore trop cuit merde ! Combien de fois faudra-t-il que je te le dise ! J’aime la viande saignante pas cette semelle que je vais finir par te foutre sur la gueule si tu continues à te dandiner comme ça ! »

La pauvre n’arrivait plus à se tenir, elle se tortillait, se tordait les mains dans une supplique désordonnée, moi j’entendais tout ça du fond de ma tanière, le pire étant que je ne ressentais guère de tristesse…

Je l’ai vue revenir, les provisions à bout de bras, affublée de la coiffe ridicule qu’elle portait pour dissimuler sa chevelure éparse, on aurait dit une meringue avachie, d’un blanc passé à liseré brun qui lui aurait coulé sur le crâne, vêtue d’une veste de teinte indéfinie où de ridicules boudins de fourrure synthétique accrochés au col pendouillaient lamentablement.

J’ai passé une bonne partie de la soirée dans le salon jusqu’à atteindre encore cet état d’hébétude dans lequel le scotch me plongeait, jusqu’à refaire tout le sale voyage. Mes première années d’école, livré à moi-même car ma mère entamait déjà son calvaire. L’absence de copains où seule parfois, la compagnie d’un gamin un peu plus triste, un peu plus solitaire que les autres, rompait mon isolement. Le début du collège où j’ai commencé à entendre parler d’orientation, la voie professionnelle puis rapidement les travaux pratiques… Je me souviens de ces heures au garage, du cambouis, des odeurs d’huile, de la basse besogne et des brimades des plus anciens. L’ordure connaissait le gérant d’un atelier de mécanique et avait obtenu ma place d’apprenti en échange de menus services. Il voulait bien sûr s’y retrouver et dès que possible m’avait chargé du petit entretien de son véhicule… Je me souviens tout particulièrement et dans les moindres détails de cet après-midi que j’ai passé sur son break à vérifier les freins…

J’ai songé aussi à ma femme, je savais depuis peu qu’elle avait rencontré quelqu’un, je n’en éprouvais aucune jalousie, je n’avais jamais vraiment réussi à l’aimer.

J’ai pensé à Jocelyne, privée du don de vie…

J’ai pensé à ma mère et son déni…

J’ai pensé à lui…

Puis j’ai continué à boire, boire jusqu’à vider complètement cette bouteille, jusqu’à en perdre le sens du réel, l’esprit hanté par toutes ces réminiscences, ces instantanés douloureux, jusqu’à ces visions où leurs visages déformés se répondaient, s’imbriquaient comme dans un horrible kaléidoscope d’images qui me déchiraient la tête. J’ai eu mal, mal à supplier, à implorer la fin.

Elle était à moitié endormie dans le canapé du séjour, il a fallu que j’attende qu’elle se réveille un peu…


– Tu sais maman, c’est bizarre ce mot dans ma bouche… maman, je crois que je ne t’ai jamais appelée maman… Non, tu ne sais pas… mais je voulais tout de même te dire avant de partir…

– Partir… Tu vas où ?

– Tu te souviens lorsque j’ai fait mon apprentissage, à quinze ans ? Non tu ne te souviens pas… Mais cela avait été une bonne chose, même si j’ai changé de métier et qu’aujourd’hui je n’ai plus de travail…

– Qu’est-ce que tu racontes, qu’est-ce que t’as ? T’as bu ?

– Oui… mais ça me fait du bien de te parler… Tu sais, je n’en referai pas de la mécanique, c’est trop sale !

– Qu’est-ce que tu veux dire enfin !

– S’il te plaît maman, aide-moi ! Je t’en prie, dis-moi seulement que j’ai bien fait, que c’est ce que tu voulais…

– Jean arrête !

– Non ! Il le faut, je veux t’entendre me le dire, aide-moi ! Je n’en peux plus de porter cela, seul, c’est trop lourd… Tu le sais bien dis, que cet accident, c’est moi qui l’ai provoqué… tu le sais… dis-le-moi !

– Jean je t’en prie… tais-toi !


Elle en tremblait… alors je lui ai pris la main et pour la première fois, elle m’a regardé comme elle ne l’avait jamais fait auparavant, comme on regarde son tout petit…

Je me suis serré contre elle, l’ai embrassée, nous sommes restés longtemps unis dans cette étreinte, puis je l’ai laissée gagner sa chambre. Il nous fallait maintenant partir, j’ai arraché le tuyau de gaz de la cuisinière, ouvert la vanne et j’ai rejoint l’étage, je lui ai jeté un dernier regard, elle semblait dormir, je me suis étendu et j’ai fermé les yeux, apaisé, enfin…


 
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   Anonyme   
18/1/2017
 a aimé ce texte 
Bien
Ouf, c'est du lourd ! La fin m'a surprise, mais je reconnais qu'elle est dans le droit fil du récit et surtout de son ambiance que, au début, je trouvais désabusée mais qui en fait est désespérée. Voire tragique, si l'on considère que le narrateur refuse de vivre par culpabilité. Je trouve raté le dialogue final avec sa mère, où il lui révèle son crime (trop de pathos exprimé entre ces deux êtres habitués à ne plus rien exprimer), en revanche cela me convainc :
Elle en tremblait (...) nous sommes restés longtemps unis dans cette étreinte
Entre eux les mots ne sont plus guère possibles.

Je pense que votre texte serait plus efficace au présent, car en l'écrivant au passé vous vous retrouvez confronté à la difficulté d'avoir un narrateur à la première personne qui raconte sa mort passée. Mais au final j'ai apprécié l'histoire, alors que d'ordinaire je me méfie de celles qui ont un ton aussi appuyé dans le tire-larmes ; en l'occurrence, le détachement complet du narrateur, déjà extérieur à sa vie, fait passer le pathos pour moi.

   PierrickBatello   
11/2/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Une histoire sombre sans que le style le soit, voilà qui est très agréable. Le début m'a peu emballé et j'ai failli survoler très vite. Après lecture, je ne comprends toujours pas la première phrase: "J’en retrouverai plus… j’en retrouverai plus… non !". Le récit se divise clairement en deux parties: la rencontre avec Jocelyne, sympathique mais sans plus (à la lecture de cette partie, je ne comprenais pas la classification), et puis la deuxième partie qui m'a beaucoup plu. J'aime cette façon de nommer "l'ordure". Je n'ai pas compris tout de suite qui parlait à qui à la fin. Un peu trouble, volontairement sans doute? En tout cas, beaucoup de détails qui sonnent très justes et qui prennent le lecteur par la main.
A vous relire avec plaisir.

   klint   
11/2/2017
 a aimé ce texte 
Bien
;
J'ai bien aimé cette histoire notamment parce que les personnages me semblent bien campés.

Il émane de l'écriture une énergie cruelle, violente qu'on a un peu de mal à cadrer avec les faits anodins au départ. Mais c'ets justement cette énergie qui m'a captivée

a partir du moment où Jocelyne se raconte, ons' attend à quelque chose, mais là l'auteur nous prend par surprise.. retour à la maison.

A partir de là "Je me souviens tout particulièrement et dans les moindres détails de cet après-midi que j’ai passé sur son break à vérifier les freins…" j'ai deviné qu'il était responsable, je crois que sans cette phrase, la suite deviendrait meilleure, là j'ai peu apprécié le dialogue et la "révélation" . Et pourtant à mon avis la réaction de la mère qui refuse qu'il parle sonne extremement juste.

Je ne suis pas certaine que le suicide apporte un plus.

Mais j'ai déjà beaucoup apprécie ma lecture.

   vendularge   
11/2/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour nino,

J'aime beaucoup cette écriture, précise et dense qui sert très bien le genre. Les personnages sont livrés bruts sans bavardages, la construction est efficace, bref...bel écrin pour un noir sans aucune lueur d'espoir.

Tout est sinistre, les décors, la ville, leurs vies, un concentré de désenchantement..

merci de ce travail.

vendulagre

   Tadiou   
11/2/2017
 a aimé ce texte 
Pas
Désolé, je n'ai pas vu l'intérêt d'un tel texte. Du malheur, du malheur, et encore du malheur : on sait que ça existe, et parfois à très haute dose. Ce texte en parle avec des phrases parfois bien emberlificotées, à coups de mots vulgaires. Et ensuite?????

"L'aventure" avec Jocelyne vient "comme un cheveu sur la soupe" : une couche de lugubre en plus.

On se doute bien que c'est le narrateur qui a "bricolé" le véhicule.

Un moment d'émotion, de vérité, de chaleur, vers la fin.

Mais enfin, après avoir embrassé sa mère, il l'assassine
dans la foulée de son suicide...

Voilà du tout noir...

A vous relire; en espérant d'autres couleurs.

Tadiou

   hersen   
12/2/2017
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
On ne pourrait pas en rajouter beaucoup plus dans la misère humaine. C'est pour moi un peu trop lourd, comme si l'idée était d'en remettre autant qu'il est possible. On reste un peu dans le sordide et la fin conforte cette impression.

ce qui me frappe, surtout dans le passage concernant Jocelyne, est la faculté du narrateur de trouver tout cela sordide. Mais rien dans ce que l'on sait de sa vie ne nous donne d'éléments qui viendrait expliquer son jugement. A-t-il connu mieux qui lui donne ce recul pour juger sa situation ?
J'ai trouvé la fin trop explicative, trop insistante. Je pense qu'il aurait été mieux de ne pas préciser qu'il avait provoqué l'accident. Ce n'est pas nécessaire.

je ne comprends pas l'idée de tuer sa mère. J'ai juste l'impression que c'est seulement pour rajouter du noir de chez noir.

Par contre, j'aime assez l'écriture, avec même un passage ponctué à la Saramago ! qui lui aussi a écrit beaucoup sur ""les gens".

Merci de cette lecture.

hersen

   plumette   
12/2/2017
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Nino,

c'est noir, très noir!
Et le narrateur se plait à nous faire prendre des chemins de traverse pour arriver à destination! ( mais toujours dans le même registre désespéré) c'est à dire un départ pour un ailleurs irréversible qu'il se choisit en nous laissant entendre qu'il n'a pas vraiment le choix.

A la fin du texte je n'ai toujours pas compris à quoi se rapportait ce " je n'en retrouverai plus " qui ouvre la nouvelle, mais au fond, cela n'a plus grande importance car j'ai été emportée plus loin par ce récit bien écrit.

Voilà une vie brossée à grands traits, avec habileté: une femme perdue, une mère indifférente, une absence de père, la pauvreté et l'arrivée d'un mari violent, une rencontre d'un soir qui réveille des douleurs chez les deux protagonistes, des indices semés dans le texte ( le tiramisu, la chanson, le travail de mécano trouvé par l'ordure...) C'est construit et efficace. je n'ai pas éprouvé de sympathie pour le narrateur, j'avais envie de lui parler de résilience!

Pour la fin, j'ai un petit bémol.Je n'ai absolument pas senti la culpabilité chez le narrateur et voilà qu'elle l'étouffe au point de le pousser au suicide ?
A côté de quoi suis-je passée?

un autre bémol: un petit décrochage dans les digressions sur la description de la ville. Ces digressions qui ont leur intérêt intrinsèque m'ont paru alourdir un peu l'histoire.

A vous relire sûrement

Plumette

   Bidis   
14/2/2017
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Un texte qui m’a d’abord progressivement intéressée jusqu’à ce que le personnage s’enfuie de chez Jocelyne, ce que le lecteur trouverait tout naturel parce qu’il aurait fait de même. Or c’est juste au moment où je m'intéresse vraiment à la relation entre ces deux personnages qu’on abandonne la fille pour se consacrer de nouveau au personnage principal et j'en reviens à mon peu d'intérêt de départ. Car c’est cette l’histoire avec la fille dont je m’attendais à connaître la suite. Bien sûr, cette fille est lourde mais un personnage lourd peut devenir intéressant, parce que si le héros retourne la voir, on comprend qu’elle a quelque chose qui à la fois attire et révulse et c’est mystérieux, cela touche aux ressorts de l'âme humaine.
Puisqu'on revient à la vie du personnage chez sa mère, je pense qu’à ce stade du récit, j’aurais fait intervenir une scène entre la mère et le fils, quelque chose de naturel et de banal mais qui introduit l’histoire de la mère de façon beaucoup plus vivante. Tandis que ni le père ni la mère ne vont s’avérer bien mis en scène, en tout cas, à mon avis, pas de façon à accrocher le lecteur.
De plus, un moment, avec l’histoire du père, qui donc n’est pas un personnage attachant ou intéressant, je trouve qu’il y a une mauvaise gestion de la ligne du temps : quand il s’encastre dans le mur, on croit qu’on en a fini avec lui, et puis non, il revient pour un bon bout de temps dans le récit.

J’ai relevé plus particulièrement :
- « …des réponses courtoises teintées de faux regrets, évoquant de vains espoirs et me souhaitant bonne chance, les fumiers ! » : à la place de « évoquant de vains espoirs etc.. » j’aurais trouvé plus vivant de mettre un deux points ouvrir les guillemets : « Cher Monsieur (peut-être mettre ici le nom de famille du personnage), Nous sommes au regret… les compétences certaines qui sont les vôtres ne répondant malheureusement pas exactement… vous souhaitons bonne chance etc »
- « …, je passais mes après-midi au parc des Closiers. C’était une brune assez quelconque etc… » Je serais allée à la ligne pour un nouveau paragraphe après « parc des Closiers ».
- « Jocelyne, car il ne fallait pas compter sur moi, avait fini par engager la conversation exprimant à haute voix, qu’« au vu des nuages noirs s’amoncelant, fallait partir fissa avant que ça dégringole ! » J’aurais tourné cela autrement, par exemple : « Elle s’appelait Jocelyne - je le saurai plus tard - et c’est elle qui avait engagé la conversation, parce que, pour ma part… ! « Faudrait partir fissa avant que ça dégringole » me dit-elle. En effet, des nuages noirs s’amoncelaient. »
- Depuis « avait un boulot de réceptionniste chez un concessionnaire » jusqu’à la fin du paragraphe, j’aurais fait un dialogue, encore une fois plus vivant.

   Muscadet   
5/3/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Toujours client des aigris à la dérision analytique. Le style prêche un convaincu et le texte m'a convenablement happé dans le train grâce à Oniris Mobile. Seule la chute suicidaire est de trop, convenue, facile, sensationnaliste. Sinon, on y était.

   andrejalex   
15/4/2017
 a aimé ce texte 
Un peu
Le style est agréable malgré un côté lugubre qui arrive assez vite, éclairci de loin en loin par des pointes d'humour que j'apprécie ( la séduction par amour de la tête de veau en particulier...).
Tous les personnages apparaissent minables, désabusés sinon désespérés. On est dans une misère noire, à laquelle on pense un instant que Jocelyne va apporter un peu de lumière. Le fait de rentrer à la maison est donc une première surprise mais logique, le narrateur (pourquoi l'imparfait) est sans doute aussi mauvais pour la baise que pour le reste. Je ne suis pas convaincu que le suicide était nécessaire, pas plus que le sort de la mère.


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